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EAN : 9782707149558
239 pages
La Découverte (07/05/2007)
3.31/5   60 notes
Résumé :
Depuis qu'elle existe, l'humanité a su cultiver l'art de raconter des histoires. Un art qui a été récemment investi, aux Etats-Unis puis en Europe, par les logiques de la communication et du capitalisme triomphant, sous l'appellation anodine de "storytelling". Derrière les campagnes publicitaires, les séries télévisées et les livres à succès, mais aussi dans l'ombre des campagnes électorales victorieuses, de Bush à Sarkozy, se cachent les techniciens sophistiqués du... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Christian Salmon, avec brio, nous montre dans ce livre « le pouvoir qu'ont les histoires de constituer une réalité. »

Au commencement, la marchandise.

Et dans les années 80, la marque ou le logo ; aujourd'hui les entreprises produisent « non plus des marques mais des histoires. »

Les produits s'étaient dissous dans les marques mais ces logos ont eux-mêmes été contestés. Exemple emblématique, les mésaventures d'un logo phare Nike. « Les campagnes du mouvement anti-Nike rendaient visibles les trous noirs de la globalisation : elles éclairaient les liens invisibles entre les marques et les ateliers sous-traitants, entre les agences de marketing et les ateliers clandestins, entre les ballons de foot aux pieds des athlètes du Mondial 98 et les mains des enfants qui les fabriquaient.»

Aujourd'hui les communications alternent des « stratégies de narration et de contre-narration.» le fétichisme de la marchandise se pare de nouveaux oripeaux, se maquille au merveilleux de l'histoire contée. L'auteur cite un expert en marketing, Asharf Ramzy : « Les gens n'achètent pas des produits, mais les histoires que ces produits représentent. Pas plus qu'ils n'achètent des marques, mais les mythes et les archétypes que ces marques symbolisent. »

Ces nouvelles méthodes multiplient les messages commerciaux, assurent un pullulement de signes « transforme la consommation en distribution théâtrale. »

Il ne faut sous-estimer la puissance de création de cette nouvelle narration avec son cortège d'oxymores qui « déstabilisent les réflexes d'incrédulité ou de scepticisme et produisent un effet de surprise de nature à intriguer, séduire, captiver. »

Hier, au centre de ces orientation, les consommateurs, aujourd'hui : l'audience.

Christian Salmon enchaine avec l'extension de ces narrations au coeur même de l'activité des entreprises avec le storytelleing management, la mise en récit généralisé de la vie au travail et les tensions engendrées par les exigences contradictoires d'autonomie et d'interdépendance.

Il ne s'agit pas seulement de cacher la réalité dans un « voile de fictions trompeuses, mais de faire partager un ensemble de croyances à même de susciter l'adhésion et d'orienter les flux d'émotions, bref de créer un mythe collectif contraignant. »

Avec humour, l'auteur nous conte une fabuleuse histoire de Wall Street « Enron était devenu un véritable mirage financier, producteur d'illusions non seulement pour ses salariés intéressés à la croyance, mais aussi pour les plus grandes banques du monde, les analystes financiers, les experts comptables et les actionnaires de Wall Street. » L'effondrement du mythe serait comique s'il n'avait pas ruiné les salarié-e-s et réduit à néant leurs fictives retraites en fonds de capitalisation.

Dans cette économie fiction, l'auteur porte un regard attentif sur les call center, centres d'appels téléphoniques délocalisés, qui effacent les frontières. Nul ne sait plus le lieu de l'interlocuteur, proche-lointain.

Mais la fiction narrative ne s'arrête ni à la diffusion des marchandises, ni à la vie des entreprises, elle envahit et dépolitise la politique. Je laisse les lectrices et les lecteurs suivre l'après 11 novembre, les icônes du conservatisme compassionnel de Bush. L'auteur centre son analyse sur « la mise en scène de la démocratie plutôt que son exercice » et ne laisse de coté ni la guerre, ni les « armes de distractions massives » jeux vidéos ou séries de télévisions.

Les présentations et les analyses ne sont cependant jamais unilatérales, l'auteur essayant de faire ressortir les éléments contradictoires, les contre-tendances, les espaces d'inversion de ces nouvelles propagandes, des transformations médiatiques, du nouvel ordre narratif, de cette réalité « désormais enveloppée d'un filet narratif qui filtre les perceptions et stimule les émotions utiles. »

Dans une postface à la réédition, Christian Salmon décrypte le Storytelling, la « redistribution qui ébranle la place respective et le statut de vérité des discours politiques, économiques, scientifiques, religieux, le partage du vrai et du faux, du sacré et du profane, les frontières de la réalité et de la fiction. »

Une lecture jubilatoire, un livre indispensable pour démasquer « cet incroyable hold-up sur l'imagination. »

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Le problème dans les essais dont le titre porte le programme, c'est que le reste de l'ouvrage est réduit à en être la démonstration. le propos devient univoque, dans une tentative désespérée de justifier par tous les moyens que l'affirmation de couverture est, plus qu'une réalité, un danger, urgent, imminent, vital, en réalité déjà là, et qu'il est, horreur supplémentaire, mondial, planétaire, et même, universel.

En réalité, si l'on a tourné la couverture, c'est que l'on est déjà un peu sensibilisé par le sujet, ou disons "à l'écoute" : on s'attend à un peu de considération de l'auteur dans ses explications. A l'inverse, l'essai est en lui-même une gigantesque histoire, qui puise à des sources aussi innombrables que disparates, articulées les unes aux autres sous le simple prétexte que les citations soutiennent la thèse de l'auteur. L'impression est celle qu'on nous "raconte une histoire". L'essai est donc assez pénible à lire. On ne peut soupçonner par cette méthode d'introduction à chaque chapitre sous la forme d'une "histoire" ("les trois histoires" de Steve Jobs, celle d'un réalisateur indien ou encore le "cas" Renault, par exemple) une volonté de l'auteur de nous convaincre par l'exemple, par le récit, ce que, justement, il dénonce. Mais c'est aussi pénible à lire par la foison des références et l'aspect "fragmenté" du propos (fragmentation dénoncée par l'auteur chez les partisans du storytelling), le mélange des dates et des époques (on passe du XXIème siècle au XIXème puis on revient au XXème, on recommence au chapitre suivant) qui donne l'impression d'un éternel présent, un problème qui aurait toujours eu lieu.

Enfin, il faut noter que la très grande majorité du livre se concentre sur les Etats-Unis : George Bush père et fils, Reagan, le Pentagone, Nike, Apple, etc. Malgré un dernier chapitre sur la campagne présidentielle de 2007 en France, il n'est pas fait mention d'autres pays que les Etats-Unis. Comme argument de ce biais, un sous-titre (p. 126) porte le nom de l'ancien président de la République française mais... seules onze lignes le concernent sur deux pages de texte. le propos se résume à "c'est exactement ce qu'a fait...".

En conclusion, une profusion de citations et de sources qui donnent l'illusion de la maîtrise de son sujet par l'auteur mais en vérité : aucun cas n'est approfondi, beaucoup d'affirmations, peu de mesures, de preuves, d'observations, des liens de causalité absents, une réflexion qui repose surtout sur celle des autres (beaucoup de références indirectes, par l'intermédiaire de textes citant eux-même, beaucoup de citations non référencées), une réflexion fragmentée et non suivie. En bref, une intuition initiale que "le storytelling, c'est pas bien", et une course éperdue pour dessiner rapidement un croquis qui le dise. Mais que peut un storyboard contre le storytelling ?
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S'appuyant sur des expériences et un corpus de travaux apparus aux États-Unis à la fin des années 80, et qui sévissent aujourd'hui dans les domaines du marketing, du management et de la communication politique, Storytelling s'applique à décrire et à dégager les effets d'une nouvelle doctrine de propagande, basée sur un art de raconter des histoires. le problème du livre, c'est qu'il méconnaît assez largement l'histoire qu'il prétend écrire et, déjà, passe sous silence la longue tradition de cet "art de raconter des histoires" dans l'Amérique de l'esclavage puis de la ségrégation, dans la communauté noire notamment.
En effet, le « storytelling » est apparu dans les années 90 aux Etats-Unis (bien qu'à d'autres moments du livre, il situe leur naissance sous Reagan en 1984). A cette période, « le tournant narratif des sciences sociales coïncide avec l'explosion d'Internet et les avancées des nouvelles techniques d'information et de communication ». Une nouvelle fois, la communication entre les individus mutait. On allait passer du capitalisme de capitaine d'industrie à un libéralisme sans visage devenu nomade et indolore. Beaucoup de firmes commencent à se saisir de la publicité pour raconter l'histoire de leur entreprise au monde, et les études de marché utilisent l'outil « storytelling »pour recueillir les récits des usagers sur la manière dont ils consomment les produits et services d'une entreprise.
La seconde partie de l'ouvrage de Salmon se tourne vers les domaines politiques et médiatiques où l'art du récit est devenu le mode de manipulation des foules, orchestré par les spin doctors de la politique. Raconter est devenu un moyen de séduire et de convaincre, d'influencer un public, des électeurs, des clients.

Une note d'espoir cependant apparaît dans l'analyse de Salmon. Paradoxalement, elle vient de la littérature et du cinéma ! Les écrivains et les cinéastes n'ont pas renoncé à l'éthique qui commande leur activité et sont en réalité aux avant postes pour dénoncer ces manipulations. Et Salmon de conclure en en appelant à la mise en forme (artistiques, politiques, culturelles) de « pratiques symboliques visant à enrayer la machine à fabriquer des histoires, défocalisant, en désynchronisant ses récits ».
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Au lieu de débattre sur des idées, on nous raconte des histoires pour toucher notre émotivité. le storytelling toucherait la politique, le management, le marketing, la communication et même la guerre.
Conséquence "Une démocratie moins délibérative, des citoyens inondés par le spectacle symbolique de la politique, mais incapables de juger ses leaders et le bien-fondé de leurs politiques" - John Anthony Maltèse.

La bataille des histoires pour toucher le coeur des gens au lieu d'échanger de manière rationnelle sur ce qu'il faut faire.

Le livre se lit bien, on en ressort un peu remonté quand même parce qu'on nous prend pour des c**s. le côté positif, c'est que la prochaine fois qu'on nous racontera des salades au lieu de communiquer (pour de vrai), on ira prendre un café et on cherchera une réponse ailleurs que dans la bouche d'un conteur d'histoire.
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Les grands récits qui jalonnent l'histoire humaine d'Homère à Tolstoï et de Sophocle à Shakespeare racontaient des mythes universels et transmettaient les leçons des générations passées.

Le storytelling parcourt le chemin en sens inverse : il plaque sur la réalité des récits artificiels qui visent à manipuler les individus.

Inspirée par les analyses de Roland Barthes ou Paul Ricoeur, cette technique narrative, cette façon très particulière de raconter la réalité sous forme d'histoires a pris son essor au Etats-Unis où elle s'est immiscée dans l'économie, la publicité et la politique.

Ce livre retrace cette évolution et donne des clés pour en comprendre les effets ainsi que les enjeux économiques et sociaux.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Le roman de Don DeLillo identifiait avec une remarquable lucidité l'idéal-type de l'entreprise postindustrielle, flexible et agile, organisés en réseaux et orientée vers la satisfaction de besoins immatériels, culturels et humains... Grief Management nous permet ainsi d'identifier les trois éléments qui vont structurer la rhétorique du nouveau capitalisme à partir des années 1990 :
- le premier de ces éléments (son ethos, si l'on veut) va se manifester sous la forme d'une injonction constante au changement ;
- le deuxième (son pathos) concerne le management des émotions, inscrit dans un processus général de manipulation et de marchandisation qui accompagne la constitution d'un nouveau "sujet" du capitalisme (consommateur, salarié ou manager) en tant qu'ego émotionnel ;
- le troisième (logos) souligne le rôle du langage et en particulier de l'utilisation des histoires dans la gestion de ce moi émotionnel.
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La chute du mur de Berlin, l'essor du capitalisme financier rendu possible par les révolutions conservatrices de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, la globalisation des marchés et l'apparition de nouveaux producteurs au Japon et en Asie du Sud-Est, l'explosion d'Internet et des nouvelles technologies de l'information : tout cela a bouleversé en profondeur les conditions de production et d'optimisation des bénéfices des entreprises. Après un cycle de croissance rapide (les Trentes Glorieuses) reposant sur des formes d'organisation relativement stables (l'entreprise fordiste), le capitalisme entre au début des années 1980 dans une zone de turbulences. Le management se cherche alors un nouveau paradigme susceptible d'orienter les dirigeants dans une période de profonds réajustements qui concernent à la fois les techniques de gestion et d'administration, la gestion du personnel, les pratiques productives, le périmètre des entreprises, mais aussi les discours et les constructions symboliques qu'elles inspirent...
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De fait, la globalisation des marchés et les délocalisations ont créé chez les individus des tensions insupportables entre l'exigence d'adaptation à un environnement changeant et l'affirmation de leur identité, entre la flexibilité et l'individualisme. Du coup, le néomanagement doit faire face à des exigences contradictoires d'autonomie et d'interdépendance. Il doit favoriser chez des acteurs dispersés des attitudes apparemment incompatibles : l'individualisme et le fonctionnement en réseaux, l'esprit d'initiative et une extrême adaptabilité. Cela suppose moins de hiérarchie, mais plus de contrôle. Une forme de conduite des conduites qui laisse aux agents une part d'autonomie suffisante pour s'ajuster à des situations complexes et imprévisibles dans le cadre d'un scénario qui les contraint.
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La puissance souvent incomprise du néocaptilaisme (et sa violence symbolique) ne tient plus, comme c'était le cas depuis la révolution industrielle, à la seule synchronisation du capital et du travail : elle consiste à créer des fictions mobilisatrices, à engager tous les "partenaires" (ou "parties prenantes"), salariés et clients, managers et actionnaires, dans des scénarios prémédités. A la place des chaînes de montage, des engrenages narratifs. Plutôt que le contrôle et la discipline, le prétendu partage d'une histoire collective. Le storytelling management peut donc être défini comme l'ensemble des techniques organisant cette nouvelle "prolixité" productive, qui remplace le silence des ateliers et des usines : le néocapitalisme ne vise plus seulement à accumuler des richesses matérielles, mais à saturer, à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise, les champs de production et d'échange symboliques. Une fois adopté par un service de l'entreprise, le storytelling gagne les autres : marketing, communication interne, gestion des "ressources humaines", formation au leadership, stratégie, gestion de projets et, plus surprenant encore, le management financier.
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La multiplication des médias, la croissance du nombre des journalistes accrédités et l'internationalisation de la couverture médiatique ont érodé la relation intime entre le pouvoir et la presse, qui permettait de cogérer les flux d'information à travers quelques canaux d'informations. La télévision ouvre un accès direct au public, le développement des satellites rend possible son extension à tout le territoire et même à l'étranger. Le pouvoir politique étant de plus en plus soumis à l'opinion publique, il va s'adresser directement elle ; la communication tend alors à se réorienter de la simple information de la presse à l'action sur l'opinion, ce que Nixon appelait le going public.
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Vidéo de Christian Salmon
“Ni communiste, ni dissident, ni de gauche, ni de droite”, l'auteur tchèque Milan Kundera a toujours refusé d'être assigné à une seule identité. Il se dit avant tout “romancier”. Comment alors écrire l'histoire de celui qui a toujours souhaité préserver son oeuvre de regards biographiques ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : - Florence Noiville, journaliste, critique littéraire, écrivain - Christian Salmon, écrivain et chercheur au CNRS
#litterature #biographie #kundera
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>Rethorique>Expression orale>Récitation :technique du conteur (6)
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