Il y a deux Olympe extrêmement connu en France : le Mont Olympe demeure des dieux grecs et Olympe de Gouge qui écrivit lors de la Révolution Française les Droits de la Femme. Il en existe pourtant une autre que l'histoire a oubliée, grande voyageuse, conférencière, journaliste, féministe. Mesdames, messieurs j'ai nommé :
Olympe Audouard
Petite fille qui s'habille en garçon, que le père prend soin d'éduquer (avec quelques bizarreries), sans oublier toutefois de l'envoyer au couvent mais de lui interdire d'embrasser la vocation, la petite Olympe évolue dans un milieu original mais aussi classique.
De son enfance un peu particulière, elle forgea son caractère, son goût pour le voyage, sa curiosité, mais elle en notera le début de la fin pour la femme. En effet, pour Olympe – et on ne peut pas lui donner tort – l'absence d'une bonne éducation qui pourrait lui permettre de pratiquer un métier décent plus tard en cas de séparation maritale, fait de la femme une femme soumise au caprice du destin et du besoin.
Mais revenons-en à la vie privée de cette femme qui lui inspira beaucoup de conclusion sur la condition de la femme. En effet, difficile de comprendre son combat pour la femme et contre la misogynie de son époque, sans un détour par son mariage raté avec un lointain cousin, Alexis Audouard, qui fera tout pour ne pas faciliter sa vie une fois la séparation des corps effectuée. (Le divorce a été supprimé par le très misogyne
Napoléon Ier, et ne sera pas rétablit avant la loi Naquet.)
Pour en revenir au mari de notre Olympe, sachez que ce mari indélicat qui sait sa femme toujours sous sa dépendance et son commandement, ne lui donnera pas la pension à laquelle elle a droit pour lui permettre de vivre, les juges évidemment ne diront rien. le mari rejeté, se servira également de la réputation jugée sulfureuse de sa femme pour lui enlever la garde des enfants grâce à des juges persuadés de leur supériorité masculine. Bref, comme on le voit la séparation des corps - qui n'est pas un divorce - est un calvaire pour la femme qui ne récupère pas sa liberté, tant sur le plan conjugal que sur le plan financier. Puisqu'en effet, une fois la séparation des corps en place, Olympe considérée comme une enfant de par la loi devra se battre pour récupérer sa dot, mais aussi parfois contre ses tuteurs imposés pour en disposer.
De cette vie familiale et de son divorce, elle forgera donc son combat d'une vie pour la liberté de la femme, pour le divorce, pour une véritable éducation féminine, pour changer les lois. Pour que les torts de l'homme violent, volage, dispendieux avec la dot de sa femme pour entretenir des cocottes ou mener grand train, soient reconnus.
« Voyez la position d'une femme mal mariée : si elle est mariée sous le régime de la communauté, son mari, quelque fortune qu'elle ait apportée, peut en disposer à son gré, la manger avec la première danseuse venue. » p.358
Elle mènera pareillement un combat pour faire admettre que les torts que l'on peut reprocher ou que l'on fait aux femmes sont souvent dus aux hommes. (Merci de ne pas non plus transposer ce schéma ancien à l'actualité.)
« Par peur, par intérêt pour leur tranquillité personnelle, toutes ces femmes en sont réduites à faire taire leur coeur, à dissimuler leur répulsion, à feindre des sentiments qu'elles n'éprouvent pas. Et vous vous écriez ensuite messieurs : la franchise n'est pas une qualité féminine ! A qui la faute ! » p. 352
«Le Code nous méconnaît ces droits inhérents à chaque être humain, la liberté, la recherche du bonheur, il méconnaît les grands principes égalitaires, il nie l'égalité de l'âme, il nous asservit aux hommes ; que le servage soit plus ou moins rigoureux, qu'importe ! Il y a servage, c'est assez pour que nos revendications soient fondées. C'est assez pour que les fils de la Révolution soient tenus de nous affranchir. » p. 353
Au fur et à mesure du temps son combat féministe évoluera, elle en viendra à revendiquer également les droits politiques, mais aussi s'en pendra à la mode qui emprisonne la femme dans des crinolines.
Pour autant ne croyons pas que cette prisonnière du mariage et de la mode n'eut pas de vie. Olympe est ce qu'on peut appeler une femme libre malgré tout. Entre ses voyages, ses relations avec
Victor Hugo, Dumas, Théophile Gauthier, Mustapha-Pacha, etc. son journal, ses conférences, ses livres, Olympe est une femme occupée et même plus libre que la moyenne - même si elle n'est pas la seule à vivre de manière indépendante.
En effet, ses voyages en Russie, en Amérique, en Algérie, en Égypte, attestent bien d'une certaine liberté et d'une aisance financière. Mais dans ces voyages Olympe l'observatrice n'est jamais loin, et elle n'hésite pas à parler dans ses conférences, ses livres, son journal, de ce qu'elle voit et de ce qu'elle a vécu : le statut homme-femme ; la classe sociale ; la politique... Parfois moderne dans ses idées, mais parfois encore prisonnière de l'opinion qu'elle possède d'elle-même comme du monde, il n'en reste pas moins vrai que son combat ne peut se réduire au féminisme.
Là où le bât blesse, c'est qu'elle peut dire beaucoup de choses inexactes voire même revenir sur certains propos, comme sur la famille impériale, comme sur la Russie, etc. «Comme souvent, Olympe passe alors d'un parti à un autre sans grande nuances, faisant maintenant l'éloge du peuple polonais [….] » dit alors l'auteure. Ce qui de nos jours donne un côté amateur à ses propos et la rend difficilement sérieuse, mais peut-être que déjà à l'époque elle éveillait ce sentiment en plus de faire d'Olympe Audouard une girouette.
« Je commençais à aimer beaucoup moins la Russie que je ne l'avais aimée à Pétersbourg. Chaque peuple est bien chez lui mais lorsqu'il veut franchir ses limites, il y perd souvent plus qu'il n'y gagne. Mais la politique ne comprend pas cela ! Les diplomates n'entendent pas de cette oreille […] ! Je quittais Varsovie péniblement impressionnée. » p. 262.
Néanmoins on ne peut douter de son ouverture d'esprit et de sa curiosité, ni même de son fort tempérament. La censure de
Napoléon III afin de ne pas provoquer la haine sociale entre les classes sociales (ça rappelle beaucoup la loi Pleven dans les termes) ou la censure étrangère ne l'intimide qu'à moitié, elle trouve régulièrement une parade pour critiquer indirectement dans son journal Papillon toutes ces choses qui l'agaces. Dans ses livres ou conférences, la critique est par contre plus directe, malgré le fait qu'elle soit là aussi surveillée et incomprise. Olympe a des moeurs trop libres…
Mais au final ce n'est pas ça qui fait qu'elle soit tombée dans les limbes de l'histoire. D'accord son côté fantasque avec le spiritisme par exemple n'a pas joué en sa faveur, pas plus que son côté girouette ni l'écriture de ses romans que
Liesel Schiffer jugent médiocre. Mais sa fin de vie sans un sou vaillant en poche - donc retirée hors du gratin parisien -, et le fait qu'elle ait été dépassée par d'autres femmes plus groupées entre elles explique qu'
Olympe Audouard soit un peu oublié aujourd'hui. Cela dit ce n'est pas la seule non plus, à chacun des échelons de la société il y a des âmes féministes oubliées.
«
Laure Murat rapporte, dans son essai d'histoire politique de la folie, comme une saint-simonienne se retrouve enfermée à l'asile pour s'être habillée en homme. La militante aggrave son cas en refusant de se faire ausculter "tant que le diplôme de médecine ne sera pas ouvert aux femmes" et l'aliéniste qui la fera interner à vie n'hésite pas à établir un lien entre folie et idées démocratiques portées par les révolutions. "Le sentiment de l'orgueil s'était tellement exalté dans toutes les têtes, chacun était si pressé de sortir de sa condition" conclut-il. » pp. 322-323
Vous l'aurez compris ce livre est le portrait d'une femme dans son époque, et une sacrée femme. On en rigole mais elle en impose aussi. On apprend également beaucoup sur son époque et les lieux, la place de l'église dans la vie familiale, la discrimination réelle que subisse les femmes en France ou ailleurs aux États-Unis par exemple, l'ancien esclave a plus de droit que la femme. On lit également tout un chapitre sur la censure et ses méthodes, des passages sur sa déception de la Troisième République, on lit encore plusieurs chapitres sur les voyages d'Olympe. Bref ! L'autrice nous offre un tour complet de sa vie avec les commentaires qui vont avec. Si on peut les partager, je tiens quand même à préciser que personne n'est raciste en critiquant un métier ou un accent.
Je dois avouer que ces commentaires tout fait et stupides étaient agaçants, tu critiques un métier - plutôt les manières de faire - tu es antisémite, tu critiques l'accent arabe t'es raciste, tu critiques l'accent allemand t'es raciste, tu critiques le bruit d'un train… ha non là y a rien. Oui Olympe a parfois un côté bourgeois, hautain, chauvin, colonial… mais non, il ne faut pas voir du racisme partout et exagéré constamment ce que l'autrice a peut-être trop tendance à faire avec les accents ou avec quelques critiques d'Olympe. Dommage que le woke ait fait du dégât dans ce livre. Mais bon c'est du détail, face au reste du bouquin qui est très intéressant.
Cependant, je mets en garde la garde féministe actuelle qui voudrait faire du XIXème siècle un exact miroir du XXIème siècle. L'époque et les mentalités ont changé, et le féminisme sans l'aide des hommes aurait eu du mal à avancer soyons honnêtes. Enfin n'oublions pas que la plus grande intelligence c'est de ne pas faire de l'homme l'ennemi de la femme, mais son égal.
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