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EAN : 9782362292019
80 pages
Editions Bruno Doucey (03/01/2019)
4.42/5   6 notes
Résumé :
En 1972, Pierre Seghers confia à un éditeur belge, André De Rache, "très connu dans son pays mais insuffisamment en France", le soin de publier l'un de ses livres phares, Dis-moi ma vie.
Un demi-siècle plus tard, ce recueil revient en France pour revivre. Pierre Seghers s'y livre à un méticuleux travail d'introspection, s'adressant à sa vie, cette "émigrée » proche et lointaine, cette promise qu'il a « tenu dans [ses] mains d'homme".
Le fleuve de ses... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Tout d'abord je tiens à remercier Babelio et les Éditions Bruno Doucey de m'avoir envoyé ce petit livre adorable. Je n'ai encore jamais reçu de la part d'un éditeur une si sympathique présentation : à côté du souhait "d'un bon voyage en poésie" , d'une superbe citation de la poétesse syrienne, Maram al-Masri, d'un signet avec les dernières publications, il y avait un communiqué de presse de janvier 2019 du livre "Dis-moi, ma vie" de Pierre Seghers.

Si c'est surtout la belle carte avec la citation de l'auteure d'une "Anthologie des femmes poètes du monde arabe" qui m'a fait plaisir, force est de constater que ces soins prouvent que Bruno Doucey aime son métier. Par ailleurs, peu de personnes pourront se vanter d'avoir fait autant pour la propagation de la poésie en France que lui, tout en visant particulièrement nos jeunes amis.
Pas étonnant qu'il soit entre autres l'auteur d'un ouvrage dont le titre en dise long sur son bel enthousiasme : "La poésie au coeur des arts".

Dans sa préface Bruno Doucey, éclaircie le titre de l'opus, qui continue comme suit:
"Dis-moi, ma vie,
t'aurais-je traversée en songe comme un nuage."
(...)
T'ai-je rêvée de temps en temps
t'ai-je tenue dans mes mains d'homme "

Les 81 ans de la vie de Pierre Seghers (1906-1987) ont été imprégnés par et consacrés à la poésie. Comme nul autre il a lu, écrit et édité de la poésie. Il a connu tous les poètes de son époque dont il a promu l'oeuvre par ses publications, mais il a également fait connaître d'illustres inconnus.

Installé à Villeneuve-lès-Avignon, en 1934, où il se lie d'amitié avec Louis Aragon et Elsa Triolet, il essaie d'avoir un recueil de ses poèmes publié. Faute de trouver un éditeur, il créera 4 ans plus tard sa propre maison d'édition, les Éditions de la Tour.
En 1939 à Forcalquier, suivra sa revue "Poètes Casqués" (PC suivi de l'année de parution, le premier étant PC.39), qui connaîtra un énorme succès.

Tout de suite après la Libération, en 1944, à Paris, il lance "Poètes d'aujourd'hui" . Une collection, qui vise à rendre cette forme d'art populaire et comptera 270 numéros : de Paul Éluard en 1944 à Jude Stéfan un demi-siècle plus tard en 1994. le format et le prix sont fixés à en assurer une distribution maximale auprès du grand public. Pari tenu, puisque le numéro un Éluard a atteint 300.000 exemplaires et le format particulier a inspiré la fameuse collection du Livre de Poche.

Pierre Seghers ne s'est pas limité aux poètes français, comme Louis Aragon, Max Jacob, Jean Cocteau ( Les numéros 2, 3 et 4), il y a eu aussi les grands poètes étrangers, tels Federico García Lorca (numéro 7 en 1947), Rainer Maria Rilke (numéro 14 en 1949), etc.
À partir de 1962, notre éditeur "a fait entrer la chanson dans la collection " : Léo Ferré (numéro 93), Georges Brassens (99), Jacques Brel (119), Charles Aznavour (121)...

Vu le succès incroyable de cette collection, notre bonhomme en va créer d'autres, comme par exemple "Écrivains d'hier et d'aujourd'hui", selon la même formule quant au prix et format, dans laquelle l'on trouve Dante, Dickens, Spinoza etc.

En 1975, Pierre Seghers obtient un doctorat à l'université Paris-X sur.... "la poésie en France" et, en 1983, il crée la Maison de la Poésie de la Ville de Paris.

Que Bruno Doucey ait repris en 2019 cet ouvrage, publié initialement à Bruxelles en 1972 et introuvable, a été une excellente idée afin de permettre à un public très nombreux de faire connaissance avec ce créateur de génie et avocat de la poésie qu'a été Pierre Seghers.

Je ne peux résister à la tentation de citer, en guise de conclusion, une phrase de lui trouvé dans Wikipédia :
"Si la poésie ne vous aide pas à vivre, faites autre chose. Je la tiens pour essentielle à l'homme, autant que les battements de son coeur » Pierre Seghers dans " Le Temps des merveilles", en 1978.
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La grande joie de recevoir , hier, une fort sympathique enveloppe matelassée renfermant la réédition de ce texte initialement publié en 1972, en Belgique, qui était quasiment passé inaperçu en France, Bruno Doucey s'était fait la promesse de faire revivre ce texte de ce poète -éditeur, Pierre Seghers, hors du commun, "fou, fou, fou de poésie"... et qui doit évoquer à beaucoup d'entre nous l'incroyable collection "Poètes d'aujourd'hui",créée en 1944, au format immédiatement reconnaissable...Pierre Seghers, un homme-phare dans l'histoire de l'édition française !!...

Une réédition d'un recueil d'un éditeur-poète par un autre éditeur- poète, Bruno Doucey : " Interrogation sur le sens de la vie, mais aussi retour sur soi. Sur l'enfance à bout de souffle . Sur l'obscur terreau des origines. Dans "Dis-moi, ma vie" , Seghers se livre comme jamais il ne l'a fait, mais ne se livre qu'à mots couverts, entre les lignes. de la fréquentation des poètes persans-Saadi, Hâfiz, Khayyâm, qu'il a entrepris de traduire-, il a acquis la conviction que la poésie cache plus qu'elle ne dévoile, et qu'elle habille de clarté l'opacité fondamentale de l'humain. (p. 11)

"(...) Ce monde ne te répond pas. Il faut tisonner le matin
Tracer des cercles et des croix, jouer de l'ombre avec des herbes
Interroger et lapider, s'écarteler dans la question
pour aboutir, mais où ? A Sisyphe que tue
son double, si lourd à hisser, à cette ombre
accablante, tonnante, épaisse, impénétrable
dans ce monde, tout de lumière ruisselant." (p. 39)

Ce texte est parcouru de poésie et d'exigence ; la quête d'un sens à toute existence humaine, et l'un des meilleurs chemins: La Poésie !!

Texte suivi de "Qui sommes-nous ?" , paru la première fois, en 1977, à Zagreb....
" Que la vie vous soit belle et heureuse vacance
Un terrain vague sans orties, l'oubli du temps sur un bon lot
Une gare désaffectée abandonnée parmi les roses
et l'univers clos des abeilles dans la frugalité du vent. (...)" (p. 63)

Une pépite... à découvrir !. Merci à l'éditeur, Bruno Doucey pour cette réédition... et je vais terminer cette chronique par une de ses merveilleuses phrases, contenue dans sa préface :" Lisez-le, lecteurs, lectrices qui entrez dans ces pages. Vous en ressortirez avec le sentiment d'avoir désormais un ami de plus sur terre".

Je renouvelle mes remerciements à Masse critique, Babelio ainsi qu'à l'éditeur et à la personne ayant fait l'envoi, accompagné d'une très sympathique carte-poème !

© Soazic Boucard- Janvier 2019
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Tout d'abord je souhaite remercier Babelio et les éditions Bruno Doucey de m'avoir ce petit livre. Cette réception a été très chouette.

Je lis peu de poésie, alors ce livre a été pour moi l'occasion de découvrir Pierre Seghers. Cette réédition d'un recueil d'un éditeur poète est sublime et je conseille à tous de la lire ;)

Je finis cette critique avec une phrase qui m'a particulièrement touchée : "Lisez-le, lecteurs, lectrices qui entrez dans ces pages. Vous en ressortirez avec le sentiment d'avoir désormais un ami de plus sur terre".
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Dis-moi, ma vie, t'aurais-je traversée en songe comme un nuage
survolé de haut, toujours trop pressé pour te voir
Ou bien toi-même aurais-tu dérivé comme ces îles imaginaires
Ces Orénoques arrachées avec leurs arbres pleins d'oiseaux ?

Nous sommes-nous jamais rencontrés ? Dis-moi, ma vie
t'ai-je rêvée de temps en temps, t'ai-je tenue dans mes mains d'homme
à travers les saisons qui nous regardaient passer, toi et moi
T'ai-je blessée, éparpillée, ma propre poussière impalpable
Image au creux d'un miroir, inatteignable, s'effaçant ?

Où en serons-nous, toi et moi dans nos rencontres de mémoires
Sous nos griffures dérisoires qui nous ont mangé notre temps
Sous nos paroles chuchotées au creux d'une coupe qu'un rien renverse
Où tout se boit, où tout se voit, notre univers fut entrevu.

Était-ce une erreur monumentale ? Nous avions pourtant de beaux coffres
où brillaient nos noms. Ils furent remplis d'à peu près
D'insaisissable poursuivi, de feux lointains dans des villages
D'éventaires sur des presqu'îles... N'oubliant rien, oubliant tout...
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(...)
Laisse passer le monde
en d'autres se rêvant
Laisse glisser le temps sur ses miroirs. Sa trace
est celle de l'oiseau dans son vol, du caillou
jeté du haut de la falaise, une transparence absolue
Un oeil de quartz où le temps passe. Ni les idoles ni les vents
ne renverseront ces décors. Dans le désert, c'est un théâtre
où nous jouons, où nous improvisons nos rôles
depuis toujours écrits. Nous inventons depuis Summer
des épaisseurs d'ombres chinoises
pour nous regarder un instant.
La salle est vide
Une répétition sans fin. On croit s'y voir en s'y cherchant
sur le plateau qui roule un grand fleuve de foule
charriant son limon. D'autres viennent
qui entrent, répètent aussi et s'en vont. (p. 31)
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... Celui qui ne s'accepte pas et voudrait sortir de lui-même
vit dans le grès et dans l'obscur, à l'intérieur d'un cube étroit
sans portes, sans issues. Il a le silence pour graine
et pour ensemencer sa nuit, un geste entravé qui flamboie.

Celui qui tourne dans sa cage, et sa cage autour de lui tourne
la tête en haut, la tête en bas, le ciel a t-il ses polypiers
Au fond des mers, les courants vont-ils par rafales
sur des déserts de coquillages, des constellations de coraux ?

Celui qui s'arrête un instant, comme l'axe d'un gyroscope
s'incline et tombe. Il vivait du seul mouvement
Ébahi lui-même, objet de l'instable, inutile
Le jeu du monde l'animait. On l'avait lancé, depuis quand ?

Ce n'est pas facile d'être homme, entre des parois verticales
qui montent indéfiniment et se renversent tout à coup
Ce n'est pas facile de vivre, grain de limaille parmi les autres
De quel métal, tôt dispersé, poussière des flux et des vents.
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… Dis-moi, ma vie, t'étais-tu habillée d'oubli une fois pour toute
La griffe de ton tailleur était-elle ton passeport pour ton destin
Sentais-tu contre toi le doigt de Dieu parce qu'un petit coupeur des Flandres
Juif émigré, s'était servi de ses ciseaux ?

Je sais, nous échangions des paroles obscures
qui venaient d'autres expériences, nous auscultions un au-delà
toujours plus proche qu'il fallait à tâtons connaître
Toi me tendant la main, moi ne te voyant pas.
Il n'y avait ni meilleur ni pire entre nos distances et nos gestes
Mais nous. J'imaginais mes yeux vivants
dans celui qui me précédait, ne révélant mal que moi-même
dans ses laboratoires. Tu bifurquais de mon chemin
de temps en temps déjà. Tu m'engageais dans l'aventure.
Sur tes sentiers rien ne pesait, ton lait sauvage avait bon goût.
« Je ne t'oublierai jamais... » Paroles banales des rengaines
dans le théâtre d'une vie, quand le décor est plus profond
Est-ce vous qui revenez marteler les murs des ruelles
où je te cherche, où je t'entends. Il n'est ni passé ni présent
dans les plombs des vitraux, quand les tavernes de la vieille ville
rutilent de leurs vins secrets. Ce petit homme, où donc est-il ?
Maîtres des rats qui nous taillait de longs manteaux ?
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Dis-moi, ma vie
(...)
Dans le théâtre du dedans, nous aurons préféré ensemble
aux acteurs, le jeu des échos. Nous avons dit des mots bavards
à bouche cousue. Nul ne nous entendait, sinon nous-mêmes
Parfois , un pépiement d'oiseaux. Et souvent aussi , des choucras.

Tout sera bon pour éluder, pour repousser la question vaine
Pour nous escamoter l'un l'autre, dés pipés,
Pour ne rien dire que de banal, il était singulier de vivre
nous côtoyant. Mais avons-nous vécu vraiment ? (p. 35)
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Videos de Pierre Seghers (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Seghers
Avec Pascal Ory, Albert Dichy, Antoine Caro & Virginie Seghers Lecture par Frédéric Almaviva, Emmanuel Dechartre & Paule d'Héria
Éditeur des poètes, Pierre Seghers (1906-1987) est le fondateur de la Maison de la Poésie, dont il fut le premier directeur, de 1983 à sa mort en 1987. Il créa en 1944 la célèbre collection « Poètes d'aujourd'hui » qui rendit la poésie accessible au plus grand nombre. Résistant de la première heure, il eut un rôle actif dans le combat que menèrent poètes et gens de plumes contre l'occupant, avec sa célèbre revue Poètes casqués (P.C.) puis Poésie (40, 41, 42, 43). A l'occasion de la réédition de la Résistance et ses poètes par les éditions Seghers, une soirée-lecture est organisée en présence de Pascal Ory, historien, membre de l'Académie Française et auteur de la préface et nous accueillerons également Albert Dichy, directeur littéraire de L'IMEC qui détient un riche fonds d'archives sur les poètes de la Résistance, Antoine Caro, Directeur des éditions Seghers et Virginie Seghers, fille de l'éditeur.
Une adaptation pour la scène de la Résistance et ses poètes sera proposée par Frédéric Almaviva, en lecture.
« Contre l'occupant, l'avilissement, la mort, la poésie n'est ni refuge, ni résignations, ni sauvegarde : elle crie. » Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes.
À lire – Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, éd. Seghers, 2022.
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