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Bruno Doucey (Éditeur scientifique)
EAN : 9782232122422
624 pages
Editions Seghers (15/04/2004)
4.41/5   11 notes
Résumé :
" J'ai hésité longtemps avant d'écrire cette histoire. Trente ans. Avec le recul, je crois aujourd'hui qu'un témoignage vécu au jour le jour peut être utile. A-t-on jusqu'ici entrepris de relever l'itinéraire des poètes de la Résistance, d'en regrouper les auteurs, de fournir à l'Histoire un travail de synthèse ? Dans le labyrinthe des réseaux, le chassé-croisé des pseudonymes, au détour des événements, des prisons au maquis, de Lyon à Alger, des camps de déportatio... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Poèmes arrachés à la mort, à l'emprisonnement, à la déportation,à l'effroi ; poèmes arrachés à l'oubli, à la souffrance, au vide, à la solitude, à l'angoisse ; poèmes arrachés à la survie, à la vie... Jorge Semprun écrivait qu'il se récitait à voix haute ou dans sa tête des poèmes à Buchenwald, il le faisait parfois avec d'autres, pour se sentir vivant, l'esprit encore libre. Primo Levi dans Si c'est un homme raconte qu'il éprouva un sentiment de reconnaissance et de"joie" en essayant de retrouver dans sa mémoire les strophes de la Divine comédie de Dante à l'attention d'un jeune déporté à Auschwitz.
Poèmes clandestins qui réchauffent le coeur et l'esprit, qui n'abdiquent devant rien. Poèmes témoins recueillis par un témoin, Pierre Seghers.
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Quel livre... A la fois étude historique de la Résistance appuyée sur des sources, témoignages de différents écrivains, autobiographie de Peter Seghers lui-même, anthologie et extraits de très nombreux poèmes, tombeau littéraire aux morts et oeuvre de mémoire...
Peter Seghers le dit lui-même vers la fin, les deux termes du titre sont importants ensemble, liés et reliés, avec la conjonction de coordination "et". Peter Seghers ne fait donc pas un recueil de poèmes / poètes de la Résistance, il fait le "récit" de la Résistance, à travers ses poètes et ses poèmes. Il fait donc oeuvre d'historien, en contextualisant, en élargissant son propos, évoquant les grandes batailles sur tous les fronts, les mouvements de la Résistance, Jean Moulin et le CNR, la France Libre de De Gaulle, les otages fusillés, les villes-martyrs...
Dès les premières pages de l'ouvrage, Seghers explique son projet de lier histoire et littérature : "Mais, dira-t-on, la poésie et les poètes dans ce désastre ? Je me répèterai : la poésie de la Résistance, fait historique autant que littéraire, est indissociable des conditions de sa création. Histoire, événements, poésie vont ensemble. Tenter de reconstituer et de faire revivre peut permettre de mieux participer et de mieux comprendre. Sinon, d'où viendraient ces appels, ces appels de colère ?" ; Seghers fait donc un "récit", pour comprendre le surgissement de cette poésie, la réaction de l'écriture face à l'Armistice, à l'Occupation et à la Collaboration. Il y revient à la fin, il ne veut pas "d'une glorification de la poésie patriotique", ce n'est pas de la propagande pour un parti ou un camp, ce n'est pas une écriture cocardière. Il résume son intention par une formule ramassée : "cet ouvrage n'est que l'histoire d'un chant profond".
La France est plongée dans les années noires, et la poésie est une lumière dans la nuit. Poèmes des soldats, des prisonniers, des résistants et des maquisards, des réfugiés... Il y a Aragon, Eluard, Desnos bien sûr, mais aussi des poètes encore inconnus et qui seront reconnus après guerre, des anonymes aussi. Pas de jugement ni de critique littéraire de ces poèmes ici, tous ont une valeur, quelque soit leur qualité d'écriture, car tous dégagent une force, une émotion, car ils sont écrits avec le chagrin, la pitié, la colère, mais l'espoir aussi.
Et puis, la "Résistance et ses poètes", c'est aussi les poètes de la Résistance : ceux qui écrivent sous pseudonyme comme Eluard, ceux qui publient de façon clandestine comme Aragon, voire ceux qui prennent les armes dans la France Libre comme Kessel, ceux qui laissent leur vie dans leurs combats comme Robert Desnos mort en déportation et Missak Manouchian qui était lui aussi un poète.
Un livre dense, très dense, mais nécessaire et émouvant. Un très beau complément à la Diane française, à "Liberté, j'écris ton nom", au "Veilleur du Pont-au-change", au "Chant des partisans", à "l'Affiche rouge"... et à tous ces poèmes et recueils si importants.
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critiques presse (2)
LeMonde
29 juillet 2022
Lorsque Pierre Seghers, poète, éditeur, créateur de la célèbre collection « Poètes d’aujourd’hui », publie La Résistance et ses poètes, en 1974, il écrit en épigraphe : « Jeunes gens qui me lirez peut-être, pensez-y ! Les bûchers ne sont jamais éteints et le feu, pour vous, peut reprendre… » Alors que les éditions Seghers rééditent les deux volumes de cet ouvrage important, le lecteur ne peut que constater l’affreuse actualité d’un tel présage et la nécessité toujours vivace de la résistance.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
26 juillet 2022
Devenu introuvable, ce texte à la portée toujours vivace est aujourd'hui réédité par les éditions Seghers, qui connaissent un renouveau depuis l'automne 2020. Dans la préface qu'il signe pour l'occasion, l'historien Pascal Ory souligne que "ces poètes ne font de la politique que parce qu'ils font de la poésie".
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le veilleur du Pont-au-Change

Je suis le veilleur de la rue de Flandre,
Je veille tandis que dort Paris.
Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit.
J’entends passer des avions au-dessus de la ville.

Je suis le veilleur du Point-du-Jour.
La Seine se love dans l’ombre, derrière le viaduc d’Auteuil,
Sous vingt-trois ponts à travers Paris.
Vers l’ouest j’entends des explosions.

Je suis le veilleur de la Porte Dorée.
Autour du donjon le bois de Vincennes épaissit ses ténèbres.
J’ai entendu des cris dans la direction de Créteil
Et des trains roulent vers l’est avec un sillage de chants de révolte.
Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers.
Le vent du sud m’apporte une fumée âcre,
Des rumeurs incertaines et des râles
Qui se dissolvent, quelque part, dans Plaisance ou Vaugirard.
Au sud, au nord, à l’est, à l’ouest,
Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Veillant au cœur de Paris, dans la rumeur grandissante
Où je reconnais les cauchemars paniques de l’ennemi,
Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français,
Les cris de souffrance de nos frères torturés par les Allemands d’Hitler.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris,
Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre et sa fatigue,
Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.
Dans l’air froid tous les fracas de la guerre
Cheminent jusqu’à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent les hommes.

Des cris, des chants, des râles, des fracas il en vient de partout,
Victoire, douleur et mort, ciel couleur de vin blanc et de thé,
Des quatre coins de l’horizon à travers les obstacles du globe,
Avec des parfums de vanille, de terre mouillée et de sang,
D’eau salée, de poudre et de bûchers,
De baisers d’une géante inconnue enfonçant à chaque pas dans la terre grasse de chair humaine.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Et je vous salue, au seuil du jour promis
Vous tous camarades de la rue de Flandre à la Poterne des Peupliers,
Du Point-du-Jour à la Porte Dorée.

Je vous salue vous qui dormez
Après le dur travail clandestin,
Imprimeurs, porteurs de bombes, déboulonneurs de rails, incendiaires,
Distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages,
Je vous salue vous tous qui résistez, enfants de vingt ans au sourire de source
Vieillards plus chenus que les ponts, hommes robustes, images des saisons,
Je vous salue au seuil du nouveau matin.

Je vous salue sur les bords de la Tamise,
Camarades de toutes nations présents au rendez-vous,
Dans la vieille capitale anglaise,
Dans le vieux Londres et la vieille Bretagne,
Américains de toutes races et de tous drapeaux,
Au-delà des espaces atlantiques,
Du Canada au Mexique, du Brésil à Cuba,
Camarades de Rio, de Tehuantepec, de New York et San Francisco.

J’ai donné rendez-vous à toute la terre sur le Pont-au-Change,
Veillant et luttant comme vous. Tout à l’heure,
Prévenu par son pas lourd sur le pavé sonore,
Moi aussi j’ai abattu mon ennemi.

Il est mort dans le ruisseau, l’Allemand d’Hitler anonyme et haï,
La face souillée de boue, la mémoire déjà pourrissante,
Tandis que, déjà, j’écoutais vos voix des quatre saisons,
Amis, amis et frères des nations amies.
J’écoutais vos voix dans le parfum des orangers africains,
Dans les lourds relents de l’océan Pacifique,
Blanches escadres de mains tendues dans l’obscurité,
Hommes d’Alger, Honolulu, Tchoung-King,
Hommes de Fez, de Dakar et d’Ajaccio.

Enivrantes et terribles clameurs, rythmes des poumons et des cœurs,
Du front de Russie flambant dans la neige,
Du lac Ilmen à Kief, du Dniepr au Pripet,
Vous parvenez à moi, nés de millions de poitrines.

Je vous écoute et vous entends. Norvégiens, Danois, Hollandais,
Belges, Tchèques, Polonais, Grecs, Luxembourgeois, Albanais et Yougo-Slaves, camarades de lutte.
J’entends vos voix et je vous appelle,
Je vous appelle dans ma langue connue de tous
Une langue qui n’a qu’un mot :
Liberté !

Et je vous dis que je veille et que j’ai abattu un homme d’Hitler.
Il est mort dans la rue déserte
Au cœur de la ville impassible j’ai vengé mes frères assassinés
Au Fort de Romainville et au Mont Valérien,
Dans les échos fugitifs et renaissants du monde, de la ville et des saisons.

Et d’autres que moi veillent comme moi et tuent,
Comme moi ils guettent les pas sonores dans les rues désertes,
Comme moi ils écoutent les rumeurs et les fracas de la terre.

À la Porte Dorée, au Point-du-Jour,
Rue de Flandre et Poterne des Peupliers,
À travers toute la France, dans les villes et les champs,
Mes camarades guettent les pas dans la nuit
Et bercent leur solitude aux rumeurs et fracas de la terre.

Car la terre est un camp illuminé de milliers de feux.
À la veille de la bataille on bivouaque par toute la terre
Et peut-être aussi, camarades, écoutez-vous les voix,
Les voix qui viennent d’ici quand la nuit tombe,
Qui déchirent des lèvres avides de baisers
Et qui volent longuement à travers les étendues
Comme des oiseaux migrateurs qu’aveugle la lumière des phares
Et qui se brisent contre les fenêtres du feu.

Que ma voix vous parvienne donc
Chaude et joyeuse et résolue,
Sans crainte et sans remords
Que ma voix vous parvienne avec celle de mes camarades,
Voix de l’embuscade et de l’avant-garde française.

Écoutez-nous à votre tour, marins, pilotes, soldats,
Nous vous donnons le bonjour,
Nous ne vous parlons pas de nos souffrances mais de notre espoir,
Au seuil du prochain matin nous vous donnons le bonjour,
À vous qui êtes proches et, aussi, à vous
Qui recevrez notre vœu du matin
Au moment où le crépuscule en bottes de paille entrera dans vos maisons.
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon cœur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
Même si les nuages le cachent il sera là,
Bonjour, bonjour, de tout cœur bonjour !

Robert Desnos, Le Veilleur du Pont-au-Change, 1942
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Ceux qui se pencheront sur la poésie de la Résistance trouveront ici le rappel d'un temps de misères et de sang, de férocité et de colère, de contestation et d'espoir. Au-delà de mon expérience personnelle, et pour reprendre un titre de Pablo Neruda, j'essayereai de faire entendre le "Chant général" qui fut celui de cette époque, l'écho d'une opposition viscérale, celle du chagrin et de la parole, de la mort vaincue par la volonté de survivre.
Alors que les nazis donnaient à leur entreprise une allure de croisade - en vérité, ils voulaient dominer et exterminer afin de s'approprier tout, être les maîtres -, le destin de l'homme, son avenir, se trouvaient mis en jeu par l'occupation étrangère. C'est de ce destin que les poètes prirent conscience. Sauver l'homme de l'humiliation, de l'avilissement et de l'écrasement devint action, réaction spontanée, écriture. Au-delà des difficultés et des interdits, les poètes français ne furent pas sans voix. A l'opposé des clairons, leurs chants étaient profonds et graves.
Extrait de l'Avant-propos.
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Pierre Genty
Sachsenhausen, kommando de Lichterfelde, hiver 44-45

Dans la dure et froide écorce des nuits
J'ai creusé ton image
Filins de feu
Les phares sur Berlin
Tendaient la toile du Grand Cirque
La Mort caracolait. La neige
Mordait au cœur
Avec tes bon yeux d'épouvante
Tes lèvres sans sourire
Patiemment j'ai gravé
L'âpre visage de l'Espoir
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EMMANUEL D'ASTIER DE LA VIGERIE

LA COMPLAINTE DU PARTISAN

Les Allemands étaient chez moi
On m'a dit : « Résigne toi »
Mais je n'ai pas pu
Et j'ai repris mon arme

Personne ne m'a demandé
D'où je viens et où je vais
Vous qui le savez
Effacez mon passage

J'ai changé cent fois de nom
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis
Et j'ai la France entière.

Un vieil homme dans un grenier
Pour un jour nous a cachés
Les Allemands l'ont pris
Il est mort sans surprise

Hier encore nous étions trois
Il ne reste plus que moi
Et je tourne en rond
Dans la prison des frontières

Le vent souffle sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l'ombre.

Éditions Raoul Breton.
p.435

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C'est à vous que je parle, hommes des antipodes,
je parle d'homme à homme
avec le peu en moi qui demeure de l'homme,
avec le peu de voix qui me reste au gosier ;
mon sang est sur les routes, puisse-t-il, puisse-t-il
ne pas crier vengeance..

Benjamin Fondane
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Vidéo de Pierre Seghers
Avec Pascal Ory, Albert Dichy, Antoine Caro & Virginie Seghers Lecture par Frédéric Almaviva, Emmanuel Dechartre & Paule d'Héria
Éditeur des poètes, Pierre Seghers (1906-1987) est le fondateur de la Maison de la Poésie, dont il fut le premier directeur, de 1983 à sa mort en 1987. Il créa en 1944 la célèbre collection « Poètes d'aujourd'hui » qui rendit la poésie accessible au plus grand nombre. Résistant de la première heure, il eut un rôle actif dans le combat que menèrent poètes et gens de plumes contre l'occupant, avec sa célèbre revue Poètes casqués (P.C.) puis Poésie (40, 41, 42, 43). A l'occasion de la réédition de la Résistance et ses poètes par les éditions Seghers, une soirée-lecture est organisée en présence de Pascal Ory, historien, membre de l'Académie Française et auteur de la préface et nous accueillerons également Albert Dichy, directeur littéraire de L'IMEC qui détient un riche fonds d'archives sur les poètes de la Résistance, Antoine Caro, Directeur des éditions Seghers et Virginie Seghers, fille de l'éditeur.
Une adaptation pour la scène de la Résistance et ses poètes sera proposée par Frédéric Almaviva, en lecture.
« Contre l'occupant, l'avilissement, la mort, la poésie n'est ni refuge, ni résignations, ni sauvegarde : elle crie. » Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes.
À lire – Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, éd. Seghers, 2022.
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