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EAN : 9782867467646
96 pages
Liana Lévi (05/02/2015)
4.29/5   43 notes
Résumé :
"Le génocide arménien a un siècle. Une page noire de l'histoire turque, toujours controversée, toujours taboue; un drame qui hante les esprits et les cœurs de génération en génération. Pinar Selek interroge son rapport à cet épisode et à la communauté victime. Au fil des souvenirs et des rencontres, elle raconte ce que signifie se construire en récitant des slogans qui proclament la supériorité nationale, en côtoyant des camarades craintifs et silencieux, en sillonn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Il m'a fallu un petit temps de "digestion" avant de rédiger cette critique, tant ce que Pinar Selek raconte est révoltant et totalement hallucinant.

Ce n'est plus un secret, sauf pour les aficionados d'Erdoğan, qu'il y a bel et bien eu un génocide des populations arméniennes d'Anatolie ordonné par le gouvernement des Jeunes Turcs. C'était il y a 100ans mais les farouches défenseurs d'une identité turque basée sur la religion, l'ethnie et la fidélité à la parole du dirigeant refusent toujours cette évidence.
La mort de tout un peuple est une chose difficile à cacher pourtant et le mensonge d'Etat et la propagande négationniste digne d'un Etat ultra-totalitaire et sans remord que décrit l'auteur a de quoi faire frémir.
C'est plus ou moins malgré elle que Pinar Selek analyse les mécanismes du processus négationniste et nous montre comment de "simples" paroles d'illuminés ultra-nationalistes se transforme en violence ; allant du simple dénigrement au mépris puis aux agressions physiques.

L'auteur livre tous ses souvenirs et ressentis comme le ferait une conteuse, mais avec une verve cynique et acerbe. Bien que sociologue de formation, ce livre est à mi-chemin entre la lettre ouverte et le témoignage plus qu'un essai. C'est un témoignage très sensible qui vient du coeur à n'en pas douter, seulement.. à force de déchaînement de passions, ce récit fini par être un peu fouillis lorsqu'elle nous parle de son engagement politique ou de son expérience en prison.

Malgré ce petit bémol, c'est une lecture que je conseillerai à l'approche des commémorations qui auront lieu à Erevan dans 12 jours - auxquelles Erdoğan n'assistera pas s'il campe sur ses positions et on voit mal ce qui pourrait le faire changer d'avis. Si ce n'est pour la question arménienne, il faut lire ce court récit pour l'écriture très poétique que Pinar Selek déploie lorsqu'elle fait une véritable déclaration d'amour à "son Istanbul : un Istanbul "underground" où l'on voit les cicatrices sous le fard du silence. le même Istanbul qu'affectionne Orhan Pamuk : celui où plusieurs communautés culturellement opposées se sont côtoyées et que L Histoire officielle voudrait oublier au profit des seules communautés musulmanes.
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Ce petit livre d'une centaine de pages réussit le tour de force de nous raconter l'histoire de la Turquie contemporaine et la prise de conscience politique d'une petite fille puis d'une jeune femme. PinarSelek, née en 1971 à Istanbul, raconte par petites touches son enfance et son éducation dans une Turquie nationaliste très proche d'une dictature. Très tôt « l'insolente petite fille turque » se pose la question : « pourquoi les petites arméniennes de son écoles sont-elles si discrètes, si silencieuses, si invisibles ? »
Son engagement sera total auprès de cette communauté, auprès des oubliés et jusqu'en 2009, date de son arrivée en France, PinarSelek n'aura de cesse d'interpeller les dirigeants de son pays sur la reconnaissance du peuple arménien de Turquie et de son génocide. Elle fut l'amie de HrantDink, militant arménien rédacteur en chef du journal bilingue turc/arménien Agos, assassiné en 2007 par un nationaliste turc de dix-sept ans.

Emprisonnée, torturée, accusée à tort d'un attentat, elle sera contrainte à l'exil. En 2015 le génocide arménien aura cent ans, cette page noire de l'Histoire turque est toujours taboue.

Sociologue, militante féministe et pacifiste, PinarSelek nous livre un récit intime et poignant sur ses combats de femme engagée et citoyenne du monde. Ce livre formidable est nécessaire pour comprendre la Turquie d'aujourd'hui, il nous donne, en plus envie, de nous plonger dans « La maison du Bosphore » son premier roman paru en 2013.

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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C'est un livre témoignage que signe ici Pınar Selek, un livre où elle écrit la disparition et l'invisibilité arménienne en Turquie. Où sont les Arméniens? Ils ont été largement supprimés lors d'un génocide, ils ont été poussé à l'exil et ceux qui restent où sont-ils? Eh bien, on ne les voit pas, on ne les entend pas. Ils sont invisibles, sous silence. Dans un pays où il ne fait pas bon d'être arménien, ils s'enterrent, tout seul comme des grands. C'est ce qu'on leur demande: l'effacement, une autre façon de les supprimer.

En lisant ce livre, j'ai interrogé moi aussi. C'est vrai, où sont les arméniens? Dans mon entourage, il y en a, je l'ai appris il y a quelques années. le kirve (parrain chez les alévis) de mon frère que je pensais kurde comme nous est, en fait, un arménien. Sa femme, venue de Turquie, est elle aussi arménienne. Sa mère, que j'ai pu rencontrée, aujourd'hui décédée, était une rescapée du génocide qui portait, sur son corps, les marques de l'horreur. Je l'ai appris tardivement. Pourquoi? Pourquoi ce silence? Pourquoi, quand nous affirmions, nous, avec force, notre identité kurde, notre parrain et sa compagne, amis de la famille, ne disaient rien de la leur? Pourquoi je les prenais pour un kurde et une turque? Pourquoi est-ce au hasard d'une question posée à ma mère (au fait, maman, kirve O... est un kurde nan?) que j'ai découvert la vérité? Ils ne sont pas obligés d'affirmer à tout bout de champs leur identité me diriez-vous, oui bien sûre, mais ce silence pose forcément question quand on sait que chez nous - les gens qui viennent de l'officielle Turquie - on aime porter le drapeau du pays, de la ville, du village, du quartier. C'est ainsi, on crie haut et fort les lieux d'origines. Je savais ainsi les origines géographiques, territoriales de nos deux autres kirve qui sont turcs, alévis, de Yozgat pour l'un, d'Amasya pour l'autre. Ils étaient fiers de préciser. Et notre parrain arménien? le silence. Tout comme le silence se porte sur une "rumeur" qui circule au sein de ma famille. Ma grand-mère maternelle aurait des origines arméniennes. Info ou intox? Je dirais intox mais si c'était info? Je pense alors à ce que m'a dit un jour mon cousin qui vit toujours au Kurdistan quand je discutais avec lui de son rapport à l'identité kurde. "Que sait-on de notre identité dans ce pays? Est-on sûre d'être kurde? On peut être descendant d'arméniens." Que lui répondre?

Ce livre témoignage doit donc être lu pour la question qu'il pose. Pınar Selek a raison de rappeler. Où sont donc les arméniens s'il n'y avait pas eu génocide? Pourquoi se rendent-ils tous aussi invisibles si ce n'est pour cacher une identité qui leur a valu une mort assurée? Il faut interroger pour que la Turquie sorte de ses mensonges répétées, de ses négations éhontées. Seulement, j'aurais aimé que la question se pose avec plus de profondeurs. J'aurais aimé, en effet, que Pınar Selek aille au bout de son écriture, qu'elle aille fouiller davantage le sujet, qu'elle ne se contente pas d'un texte court, simple qui frise, parfois, le raccourci. Ainsi, lorsqu'elle critique à très forte raison la gauche révolutionnaire turque longtemps restée aveugle au sort des Kurdes et des Arméniens, est-il intellectuellement juste de crier au "déni de génocide" à quelques "élucubrations" (c'est son mot) qu'elle entend: "Ce sont des gens méfiants, ils ne se mêlent pas trop aux autres. Ils ne parlent même pas leur propre langue. le nationalisme est le plus grand obstacle à la science!" (p.55). Pourtant, c'est un constat, celui qu'elle fait en partie; un constat bien triste qui est la conséquence même du processus génocidaire et qui n'exprime pas, à mon sens en tout cas, un "déni de génocide". Ou alors, faut-il qu'elle nous l'explique. Plutôt qu'un déni de génocide, j'y vois moi, sur la fin de la phrase, une pure connerie; la connerie de toutes celles et ceux qui, dit de gauche, crient au nationalisme ou l'ultranationalisme quand ils entendent un kurde se dire "kurde" et un arménien se dire "arménien". On a envie de leur dire à ces génies qu'au nom de leur internationalisme mal gobé ils devaient, eux non plus, ne plus se présenter comme "turcs" au risque d'être présenté(e)s comme des nationalistes. Mais leur cul posé sur un siège dominant - en tant que Turc, ils n'ont pas le souci de la souffrance endurée en raison de l'identité - ils n'ont pas vu, ces gens de l'extrême gauche, qu'ils étaient eux-aussi atteint du nationalisme qu'ils dénonçaient tant. Ils n'ont pas vu qu'en criant au nationalisme kurde ou arménien lorsqu'il s'agissait simplement, pour eux, d'énoncer un droit à l'existence et la fin des injustes souffrances ils ont perdu un peu beaucoup, à nos yeux, de leur fameuse crédibilité. Voilà ce qu'aurait dû expliquer Pınar Selek. Voilà ce qu'elle aurait dû davantage explorer. J'aurais préféré, quitte à ne pas être d'accord, une analyse détaillée à un versement de bons sentiments même si, je le conçois, ils sont nécessaires pour le bien qu'ils nous font. J'aurai aimé que Pınar Selek aborde parfaitement son propos sans se perdre dans le malheur de sa vie qui est un tout autre sujet et qui mérite, à lui seul, un autre essai. J'aurais aimé ... mais j'ai aimé quand même pour le regard et la tendresse qu'elle porte à toutes les identités opprimées. Merci Pınar Selek.
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J'ai lu ce livre parce que née en France, je suis arménienne néanmoins. Comme tous les arméniens nous attendons que la Turquie reconnaisse le génocide et que ce million cinq cent mille morts sur les routes de la déportation repose enfin en paix. Mais ce n'est pas le cas. En lisant le témoignage de Pinar, on découvre non seulement une femme faite de courage et de convictions mais aussi une turque qui refuse le déni et l'injustice. Née dans une famille d'intellectuels de gauche, elle développe très tôt un esprit critique et une témérité qui lui vaudra prison, torture et humiliation.Féministe, militante, elle va rencontrer des hommes et des femmes qui vont au fil de sa vie faire évoluer sa vision des arméniens. En effet, comme tous les turcs, elle est dès l'école gavée de préjugés et de fausses informations à l'égard des arméniens (violeurs, voleurs, assassins, traites à la nation, sournois etc...) elle va néanmoins essayer de percer la bulle de désinformation qui les entoure. Ce qu'elle dit sur les arméniens de Turquie est à la fois encourageant car la solution viendra des turcs eux-même mais aussi déprimant car les arméniens de Turquie vivent dans le silence, une discrétion frisant la peur, changeant de prénom, ne discutant de rien, ne participant à presque rien de la vie politique pour ne pas se faire repérer. Stigmatisés par les pouvoirs place ils érigent en principe de vie "se faire oublier". Pour Pinar c'est inacceptable et indigne d'une nation. Son cheminement politique et humain va la conduire à connaitre plus intimement des arméniens, elle va devenir l'amie d'Hrant Dink, journaliste assassiné, patron du journal bilingue - turc/arménien - Agos, et malgré sa volonté de changer la Turquie de l'intérieur, accusée et condamnée à des peines à perpétuité pour des délits imaginaires, elle va fuir vers l'Europe. Ce témoignage montre que le chemin est encore long pour espérer une reconnaissance du génocide mais il reste un message d'espoir et c'est suffisamment rare pour être apprécié à sa juste valeur.
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A cause de cette phrase entendue dans sa jeunesse, l'autrice découvre peu à peu les victimes d'un génocide occulté en Turquie, où elle habite alors.
A la faveur de rencontres et de promenades dans Istanbul Pinar Selek, elle-même descendante d'une minorité, prend peu à peu conscience de tout ce qu'on lui a caché durant sa scolarité au sujet de l'histoire de son pays.
Elle, qui sa vie durant s'est sentie une révoltée, parvient à comprendre ( et à nous faire comprendre) pourquoi les Arméniens de Turquie ne le sont pas et s'efforcent au contraire de rester extrêmement discrets.
Nous découvrons aussi l'existence de l'autrice faite de rébellions contre l'absurdité, d'emprisonnements et pour finir d'exil.
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critiques presse (2)
LeMonde
12 février 2015
Conjurant l’irréparable, menaçant quand « l’horreur peut rendre la poésie impossible », elle témoigne de façon crue, nue, sans pathos, ni grandiloquence, de sa prise de conscience d’un drame qu’elle a appris à faire sien. Avec sensibilité et sans esquiver l’autocritique sur sa longue cécité.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
06 février 2015
Dans ce récit très personnel, ponctué de souvenirs d'enfance, [Pinar Selek] se remémore les livres d'histoire mensongers, les enseignants qui prônent la supériorité nationale, et l'"invisibilité" des Arméniens dans la société stambouliote. Elle raconte leur constante discrétion, leur façon de faire la sourde oreille aux insultes. Mais aussi ce qui se dit à huis clos, quand les langues se délient.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Les Turcs avaient beaucoup d'ennemis ! Les terroristes, les communistes, les Arméniens... Les mots étaient interchangeables. Depuis le coup d'Etat, tous les démocrates avaient été déclarés communistes, tous les communistes, arméniens, tous les Arméniens, terroristes. D'après les livres que nous devions apprendre par cœur, ligne après ligne, le diable nommé "Arménien" était l'éternel ennemi du Turc. Arménien signifiait comploteur, collaborateur, traître, ennemi de l'intérieur, assassin. C'étaient eux la force occulte dissimulée derrière les communistes. L'injure "bâtard d'Arménien!" tenait le haut du pavé parmi les insultes les plus populaires.
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Etre arménien en Turquie, c'était déambuler sans révolte sur des avenues baptisées des noms des gouvernants responsables du génocide. C'était prononcer le nom de l'assassin de son grand-père ou de sa grand-mère en échangeant une adresse. C'était hésiter à parler à haute vois dans les rues. Faire la sourde oreille aux insultes. Se dissimuler pour exister.
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Dans ma famille, l’allégeance à la gauche interdisait la moindre allusion aux appartenances ethniques. Le refus de la stigmatisation raciale et l’internationalisation peuvent rendre insensible à la hiérarchisation ethnique dans le pays où l’on vit. On ne parlait jamais des contrées d’où nos grands-parents étaient venus, ni des mélanges opérés. Être stambouliote, c’était de toute façon porter en soi un peu des Balkans, un peu de Caucase et un peu d’Anatolie. Aussi, en tant que famille stambouliote de gauche, nous avions adopté l’identité turque dominante.

Et si, à travers les mille variantes des slogans, on te rappelle chaque jour que tu es le maître des lieux, une cuirasse d’assurance enveloppe ton âme. L’armure du maître de maison. Je ne peux mentir, j’ai porté cette armure.
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Ignorer l'histoire dans laquelle on vit, la lutte désespérée de ses voisins, vous rend superficiel. Et cette indifférence laisse la porte grande ouverte à la brutalité. Pire encore, elle devient brutalité.
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Comment peut-on raconter que l'on est seul au monde ? Parfois en partageant le silence. Parfois en plongeant ensemble dans le passé, les récits de mort, étouffés par quelques minutes de tristesse.
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Pinar Selek menacée d'une condamnation à perpétuité en Turquie
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