Dans les années 70, le narrateur 17 ans et son ami Luo, ont le tort d'être fils « d'intellectuels » et ils sont envoyés en rééducation, dans un petit village dans les montagnes.
« En cette année 1971, le fils d'un pneumologue et son copain, le fils d'un grand ennemi du peuple qui avait eu la chance de toucher les dents de Mao, étaient seulement deux « jeunes intellectuels » parmi la centaine de garçons et de filles envoyés dans cette montagne, nommée « le Phénix du Ciel ».
Luo est un bon conteur et a toutes les audaces, le narrateur lui joue du violon et cela donne une première scène de livre cocasse malgré le règne de la répression.
Cela donne le ton du livre entre farce et sérieux.
En effet les protagonistes sont des jeunes gens avec toute la fougue, la ruse , la dérision qui caractérisent ce bel âge.
Même dans la Chine de Mao en marche pour la nouvelle Révolution culturelle, les adolescents grandissent et Luo a besoin de trouver un tailleur pour rallonger son pantalon.
Le tailleur a une fille, jolie mais pas « éduquée », Luo en tombe amoureux et rêve de faire son éducation, pour lui donner finesse et esprit…
« Il referma la valise et, posant une man dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara : – Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »
Pour cela il n'aura de cesse de subtiliser les livres que cache un dissident surnommé le binoclard.
Une vraie traque commence, la découverte
De Balzac une véritable révélation, pour le narrateur c'est
Romain Rolland et son héros
Jean-Christophe qui est la découverte de l'individualité.
C'est un hymne à la littérature, avec une dénonciation de la dictature, je ne dirai pas en douceur, mais subtile car en filigrane du duo narrateur/Luo ce sont
les paysans et les mineurs victimes des rudes conditions de vie, et certains intellectuels à la botte du pouvoir que le lecteur voit évoluer.
La condition de la femme y est particulièrement mise en exergue.
Un roman particulièrement fort par la subtilité de la narration, un humour toujours présent comme autant de bulles d'oxygène nécessaires. Une grande poésie magnifie le sens profond et la beauté d'un livre nécessaire.
A la dernière page on comprend mieux certains combats et le lecteur se dit bien chanceux d'avoir à sa disposition des livres et leurs multiples fonctions et un pincement au coeur que dans nos pays « riches et libres » le livre soit si mal mené.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 8 mai 2019.