« En vérité, la théologie est une matière bien trop sérieuse pour la laisser aux mains des théologiens (...) Grâce à l'interprétation, que seuls les philosophes maitrisent, il devient possible d'aboutir à des conclusions conformes à celles de la raison. Je ne le répéterai jamais assez : le socle de tout est la rationalité. Eviter la raison lorsque l'on aborde la religion, c'est aller vers des errements irréversibles. »
C'est avec de tels propos qu'Averroès s'est attiré bien des ennemis, à commencer par ses coreligionnaires de l'Islam, et puis sans compter les bien-pensants catholiques !
C'est avec de tels propos qu'Averroès s'est attiré bien des amis, à commencer par Al-Mumin, premier calife de la dynastie des Almohades suivi par Al-Mansour, et puis sans compter
Maïmonide, le grand penseur juif et tant d'autres !
Vous l'aurez compris : Averroès suscite bien des réactions opposées parce qu'il s'est fait le chantre de l'objectivité, il décortique sa foi sans la renier et ose proclamer entre autres que
- Il n'y a jamais eu de premier homme, ni de commencement. le monde est « incréé ».
- « Dieu n'est pas concerné par la pluie qui tombe ou la sécheresse, la vigueur ou la mollesse du vent. Il n'est pas responsable des maladies ni des deuils ». Il n'est responsable de rien de ce qui nous concerne.
...
C'est pour cela qu'il m'attire.
Disciple d'Abubacer, médecin et philosophe et d'Avenzoar, très grand médecin également; admirateur du grand géographe Al-Idrisi ; interprète d'
Aristote, qu'il vénère...Averroès cite toujours ses influences et n'aura de cesse de faire avancer la médecine et surtout la pensée de son temps et de l'Humanité.
Ce roman de
Sinoué est une pseudo-autobiographie d'Averroès, ce qui nous le rend très proche. L'écriture à la première personne nous permet de nous attacher, d'adopter le point de vue du narrateur. Un bémol : il nous narre son premier et grand amour avec une femme de 17 ans plus âgée, mais à part cela, ne s'attarde guère sur sa vie privée et ses sentiments intimes. C'est surtout l'histoire de sa pensée, de ses raisonnements, et la réaction de ses admirateurs et détracteurs qui nous sont contées. le « petit quelque chose de très humain » m'a donc manqué.
Et puis
Sinoué intercale ici et là un chapitre montrant les réactions postérieures à la mort d'Averroès : de Frédéric II d'Autriche au 5e Concile de Latran, en passant par
Thomas d'Aquin,
Dante et
Pétrarque... Ces chapitres sont plaisants à lire car ils donnent un recul bienvenu tout en se rendant compte par quelles aberrations l'esprit humain peut passer !
Je termine ce long billet par un petit conseil : si vous voulez vous renseigner sur le système de pensée d'Averroès tout en parcourant les rues de Cordoue, là où il a vécu assez bien, n'hésitez plus.
Facile à comprendre, ce livre est accessible et intéressant.
Alors, Averroès est-il le secrétaire du diable ? Lisez et vous le saurez !