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EAN : 9782290170502
352 pages
J'ai lu (16/01/2019)
3.97/5   110 notes
Résumé :
L'autobiographie romancée du plus grand penseur du monde musulman. Considéré comme subversif tant par l’Église que par les théologiens musulmans, il est traité en paria et contraint de fuir sa ville natale, Cordoue. Après avoir vécu dans la clandestinité et la pauvreté, il meurt à 72 ans, haï de tous, en exil à Marrakech.
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« Averroès incarne indiscutablement un islam éclairé, marqué par la volonté de concilier la foi et la raison, la philosophie et la Révélation, Aristote et Mohammed. Calomnié par les uns, magnifié par les autres, en fait rarement compris : il demeure envers et contre tout, le dernier grand penseur de l'islam des lumières, voir de l'islam tout court. »

Ibn Rochd (Averroès pour les Occidentaux) naît à Cordoue en 1126, alors que la ville espagnole est un lieu d'intense activité intellectuelle. Avec son père, il étudie la jurisprudence musulmane. Il va aussi étudier la philosophie, la théologie, les mathématiques avec Ibn Tufayl et la médecine avec Avenzoar. Par la suite, ses fonctions officielles sont celles d'un juriste et d'un médecin, auxquelles il ajoute la rédaction de nombreux livres, notamment sur l'oeuvre d'Aristote qu'il considère comme le philosophe le plus important. Ses idées sur les croyances religieuses — la négation de l'immortalité et la compatibilité de la foi avec la philosophie (aristotélicienne), entre autres, lui valent d'être respecté par les intellectuels de son temps, mais provoquent aussi la colère de beaucoup de chrétiens et de musulmans, entraînant à plusieurs reprises sa disgrâce.

Gilbert Sinoué, en lui laissant souvent la parole, fait un portrait vivant et accessible de celui qui est considéré comme le principal philosophe musulman de l'Occident. Ainsi Averroes raconte sa vie tournée vers la réflexion et aborde les grandes lignes de sa pensée audacieuse. Lui qui vécut dans des villes magnifiques, passerelles entre entre Orient et Occident — à l'époque d'un Orient lumineux face à l'obscurantisme du Moyen-âge occidental, mais aussi au moment du déclin du monde arabo musulman avec la fin des Almoravides et le début des Almohades — nous pousse à nous questionner sur la vérité de nos croyances. Interrogation essentielle car comme il le dit : « .... ce qui compte, c'est de chercher, puiser, raisonner. Le questionnement mène à la sagesse. L'absence d'interrogation à la décadence de l'esprit. Et s'il arrive que la vérité heurte et bouleverse, ce n'est pas la faute de la vérité. »
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« En vérité, la théologie est une matière bien trop sérieuse pour la laisser aux mains des théologiens (...) Grâce à l'interprétation, que seuls les philosophes maitrisent, il devient possible d'aboutir à des conclusions conformes à celles de la raison. Je ne le répéterai jamais assez : le socle de tout est la rationalité. Eviter la raison lorsque l'on aborde la religion, c'est aller vers des errements irréversibles. »

C'est avec de tels propos qu'Averroès s'est attiré bien des ennemis, à commencer par ses coreligionnaires de l'Islam, et puis sans compter les bien-pensants catholiques !
C'est avec de tels propos qu'Averroès s'est attiré bien des amis, à commencer par Al-Mumin, premier calife de la dynastie des Almohades suivi par Al-Mansour, et puis sans compter Maïmonide, le grand penseur juif et tant d'autres !

Vous l'aurez compris : Averroès suscite bien des réactions opposées parce qu'il s'est fait le chantre de l'objectivité, il décortique sa foi sans la renier et ose proclamer entre autres que
- Il n'y a jamais eu de premier homme, ni de commencement. le monde est « incréé ».
- « Dieu n'est pas concerné par la pluie qui tombe ou la sécheresse, la vigueur ou la mollesse du vent. Il n'est pas responsable des maladies ni des deuils ». Il n'est responsable de rien de ce qui nous concerne.
...
C'est pour cela qu'il m'attire.

Disciple d'Abubacer, médecin et philosophe et d'Avenzoar, très grand médecin également; admirateur du grand géographe Al-Idrisi ; interprète d'Aristote, qu'il vénère...Averroès cite toujours ses influences et n'aura de cesse de faire avancer la médecine et surtout la pensée de son temps et de l'Humanité.

Ce roman de Sinoué est une pseudo-autobiographie d'Averroès, ce qui nous le rend très proche. L'écriture à la première personne nous permet de nous attacher, d'adopter le point de vue du narrateur. Un bémol : il nous narre son premier et grand amour avec une femme de 17 ans plus âgée, mais à part cela, ne s'attarde guère sur sa vie privée et ses sentiments intimes. C'est surtout l'histoire de sa pensée, de ses raisonnements, et la réaction de ses admirateurs et détracteurs qui nous sont contées. le « petit quelque chose de très humain » m'a donc manqué.
Et puis Sinoué intercale ici et là un chapitre montrant les réactions postérieures à la mort d'Averroès : de Frédéric II d'Autriche au 5e Concile de Latran, en passant par Thomas d'Aquin, Dante et Pétrarque... Ces chapitres sont plaisants à lire car ils donnent un recul bienvenu tout en se rendant compte par quelles aberrations l'esprit humain peut passer !

Je termine ce long billet par un petit conseil : si vous voulez vous renseigner sur le système de pensée d'Averroès tout en parcourant les rues de Cordoue, là où il a vécu assez bien, n'hésitez plus.
Facile à comprendre, ce livre est accessible et intéressant.

Alors, Averroès est-il le secrétaire du diable ? Lisez et vous le saurez !
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Un lieu, Al-Andalus, une ville, Cordoue, une époque charnière, le XIIème siècle, quand les Almohades succèdent aux Almoravides, une oeuvre, importante, audacieuse, encensée par les uns, frappée d'anathème par les autres, un homme, philosophe, théologien, médecin. Avec Averroès ou le secrétaire du diable, Gilbert Sinoué nous offre la biographie romancée d'Ibn Rochd, qui naquit en Cordoue en 1126 et mourut en paria exilé à Marrakech vers 1198.

J'avais déjà beaucoup aimé Avicenne ou la route d'Ispahan, paru il y a quelques années déjà et adoré Le livre de saphir qui racontait la folle quête d'un manuscrit sacré dans l'Espagne de l'Inquisition à la veille de la chute de Grenade. Averroès ou le secrétaire du diable ne m'a pas déçue, Sinoué est toujours un excellent conteur. Il restitue la vie du philosophe, l'atmosphère d'Al-Andalus, le bouillonnement intellectuel de l'époque, le retentissement que provoque son oeuvre auprès des lettrés et des hommes de pouvoir.

« Nous savions que chaque Cordouan de l'aristocratie, même s'il n'avait qu'une culture relative, se faisait un point d'honneur à se constituer une collection d'ouvrages, n'hésitant jamais à surenchérir, même d'une façon disproportionnée, sur une valeur d'un manuscrit mis à l'encan. »
Ces bibliothèques reprennent vie sous la plume de Gilbert Sinoué qui sait toujours entourer ses personnages des grands poètes et philosophes de l'époque (Maïmonide, Ibn Arabi, Ibn Tufayl …). Il a l'art de vulgariser des textes et des idées qui ne sont pas accessibles aux profanes (je parle pour moi), et a inséré dans cette autobiographie fictive rédigée par Averroès pour son fils Jehad, seul enfant qui lui reste, des chapitres qui se déroulent de 1270 avec Thomas d'Aquin, à 1367 avec Pétrarque. Ils mettent en avant le retentissement qu'eut son oeuvre dans le monde arabe, mais aussi chez les philosophes médiévaux, les poètes, les théologiens européens. Et l'ombre d'Aristote n'est jamais bien loin. Qu'on lui reproche la négation de l'immortalité ou qu'on loue sa pratique des sciences profanes, Averroès, se retrouve toujours au coeur des débats d'idées, des années après sa mort.
C'est donc avec un roman foisonnant très accessible que Sinoué fait revivre avec passion l'une des figures de l'Andalousie musulmane et l'on termine son livre avec une folle envie de revoir le Destin de Youssef Chahine.
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Averroès naît à Cordoue en 1126 dans l'Espagne musulmane.
Sa famille fait partie de l'élite des hommes de lois. Il a la chance de se former auprès des plus grands. Il étudie la médecine auprès d'Abubacer, la théologie, l'astronomie, les mathématiques et la philosophie qui causera sa perte car il vit sous le régime des Almohadès qui exigent une religion musulmane très stricte qui ne tolérera pas la défense du libre arbitre pour un musulman, théorie prônée par Averroès. Ses opinions lui vaudront de devoir se réfugier plus tard à Marakech loin de sa ville natale. Il y mourra en 1196.
C'est une biographie très vivante car Gilbert Sinoué donne la parole en tant que narrateur à Averroès. C'est ainsi qu'on se rend compte que l'art de vivre à Cordoue à cette époque était très raffiné, la culture très riche.
On y découvre Averroès en tant que personnage très sincère qui préfèrera s'exprimer plutôt que se taire.
Son oeuvre est aujourd'hui très reconnue. Il s'appuyait sur Aristote pour sa philosophie , sur les traités de médecine du grand médecin perse Avicenne, sur d'autres philosophes grecs.
Gilbert Sinoué nous fait découvrir un homme passionnant, érudit et en même temps très humain, très vrai. Il n'oublie pas de nous parler de sa vie amoureuse avec Lobna une érudite plus âgée que lui et ensuite la femme de ses enfants, très jeune.
Le livre est entrecoupé de chapitres qui datent d'après la mort d'Averroès où les chrétiens ne lui étaient pas favorables. En même temps, les chrétiens vivaient en plein obscurantisme et on sait que Thomas d'Aquin était tiraillé entre ce qu'il pouvait déclarer et ses propres opinions.
Le livre est tellement riche qu'il m'a fallu deux fiches pour noter les extraits intéressants. Il faut dire que la philosophie était un de mes cours préférés à l'université car nous avions un professeur extraordinaire atteint des mêmes diskynésies qu'Alexandre Jolien mais passionné pour son cours.
La médecine est aussi longuement abordée et c'est un côté très intéressant également.
Gilbert Sinoué s'est passionné pour son livre car il est allé au fond de son étude en nous livrant même des liens avec les oeuvres littéraires du 19ème siècle.
Pour moi, c'est un livre réussi où aucun ennui ne pointe son nez.
J'ai juste eu un peu de mal avec les interchapitres qui concernaient les périodes après la mort d'Averroès car il fallait avoir une connaissance historique assez approfondie. Ces chapitres étaient un peu décousus pour moi.
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Quel formidable conteur que Gilbert Sinoué! Il a cette faculté de nous transporter totalement dans sa période de prédilection, le Moyen Age. Avec Averroès, nous visitons Al-Andalus au XIIème siècle. La péninsule ibérique est sous domination musulmane depuis plusieurs siècle, meme si les dynasties ont changé, depuis les Omeyyades, les Almoravides et enfin les Almohades. On ressent déjà les prémices de ce qui deviendra la Reconquista chrétienne.

Ibn Roshd, dit Averroès par les Chrétiens, est né en 1126 dans la belle ville de Cordoue, dans un milieu aisé et intellectuel de cadis (juges conformes à la charia). Narrateur de sa propre existence, au soir de celle-ci en 1198, Averroès raconte sa soif de connaissances, de compréhension et de réflexion. Véritable humaniste, il prône la raison contre l'ignorance et les certitudes obscurantistes qui conduisent à l'intolérance et à la haine. A la fois médecin, juriste et philosophe, adepte du grand Aristote qu'il permit à l'Occident de redécouvrir, c'est justement la philosophie qui ameute contre lui vindicte et répression. Difficile d'être un esprit libre au milieu de fondamentalistes étroits d'esprit et incapables de raisonnement.
D'ailleurs, certains chapitres conduisent après la mort de Averroès afin de montrer la réception - négative - par la chrétienté, de Thomas d'Aquin à Pétrarque. Frédéric II empereur germanique fait exception par sa passion des lumières de l'esprit, mais il n'est plus à une excommunication près...

Mais c'est aussi cette même philosophie qui lui amène la joie de discourir avec d'autres grands penseurs de son époque, tél Maïmonide, le médecin juif de Saladin, ou encore Abubacer, également médecin et théoricien.

Roman biographique, roman historique,  Et aussi roman des idées contre l'obscurité crasse des rigoristes religieux sans nuance. Un récit terriblement d'actualité qui démontre l'importance du questionnement face au dénuement de l'esprit. C'est vrai pour tout extrémisme religieux mais également idéologique, politique et même social. Averroès précurseur d'Alain quand celui-ci dit que "rien n'est plus dangereux qu'une idée quand on a qu'une idée".

J'ai beaucoup apprécié ce livre et le style si vivant de Gilbert Sinoué. Il fait revivre en pensée un Al-Andalus où les trois religions du Livre purent un temps vivre de façon harmonieuse, avant que les Almohades adeptes d'un islam pur et revenu à ses origines (voilà qui rappelle certains courants actuels sources de nombreux problèmes) n'imposent la conversion ou l'exil aux Juifs. A lire pour découvrir ce grand penseur de l'islam que fut Averroès mais aussi comme piqûre de rappel sur la nécessité d'un raisonnement éclairé.
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Qui suis-je?
Les Latins me nomment Averroès. Les Juifs, Ben Rochd. Pour les Arabes, je suis Abou al-Walid Mohammad Ibn Ahmadn Ibn Rochd.
J'ai vu le jour il y a soixante-douze ans à Cordoue, entre les contreforts de la Sierra Morena et les riches plaines du Campiña. Nous vivions alors une époque de grand savoir, mais aussi de grands tumultes.
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... reconnaître des fondements à l’astrologie, c’est admettre que notre existence serait déterminée par le cosmos et que le sort d’un être engloberait le sort de tous les hommes. Ce qui est complètement ridicule.

(Averroès)
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Es-tu marié?
Je bus une gorgée d'hibiscus et fis non de la tête.
- Pourtant tu es en âge.
- Je n'ai que vingt-cinq ans.
J'ai presque chuchoté :
- Et toi ?
- Je n'ai que quarante-deux ans. Et je n'aime pas les hommes. Du moins, je n'aime pas la trop longue promiscuité. Je n'aime pas être possédée. Et les hommes ne se voient qu'en conquérants.
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... que sont les dogmes, sinon la volonté d’autrui de nous imposer sa pensée ?

(Averroès)
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Seule la montagne, impassible comme le temps, sait la vérité. Elle a connu les vainqueurs et les vaincus ; les sultans et les miséreux ; les palais et les masures ; le couchant des Almoravides et le triomphe des Almohades. Deux dynasties, deux aigles qui, tour à tour, se sont disputé le droit de creuser les reins de la terre pour y déverser leur semence.
Tant de sang. Tant de morts. Tant de ruines, mais aussi tant de grandeur.
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