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EAN : 9782070143290
160 pages
Gallimard (29/01/2015)
3.06/5   16 notes
Résumé :
"L'Ecole du Mystère est évidemment le contraire de l'institution scolaire en plein naufrage. La Nature est ici le seul professeur, pas de "bourse", d'habilitation, de passe-droits, de recommandations cléricales. Le coeur répond, ou pas, à la nature universelle, c'est une résonance (ganying en chinois). Je n'ai rien appris, sauf le nécessaire, à l'école, mais l'Ecole du Mystère n'a rien de socialement nécessaire, et il serait impossible de décrire son programme (il n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Les Fanny, au milieu du centre


Après que mon bien aimé Jean d'Ormeson nous a abandonnés, il fallait penser à le remplacer. François Cheng paraissait un candidat sérieux pour le poste de grabataire céleste, prince et gardien de la littérature française, mais c'est finalement Philippe Solers qui s'impose, conforté un peu plus par cette époustouflante école du mystère.

Solers y devise de tout et de rien. Des Fanny, qu'elles soient femmes ou hommes, figure du contemporain majoritaire, par trop occupé et pétrifié dans un lourd présentisme qui ne peut que les situer au milieu du centre. de délires incestueux, que l'on devine fantasmagoriques, avec sa soeur Manon et sa tante Odette. Fanny et Manon sont perpétuellement mises en opposition par la typologie de leur caractère et de leur vision du monde.

Sollers nous parle de Heidegger, de Céline, évoque Rimbaud, le marquis de Sade et revient sans cesse aux mystères qu'ils soient de la foi ou de son école. Et puis il y a cette phrase contenue dans le chapitre intitulé Nervure, petit joyau de transcendance et de vérité, qui statufie l'intellect par sa puissance et échauffe nos globules : « J'aime cette poussière qui me constitue et qui écrit ». L'avidité
à emmagasiner savoir et culture est cette poussière miraculeuse qui s'envole parfois pour retomber comme une pâte, sculptée par le stylo dans une action autoguidée. Nous sommes les instruments de cette épaisse couche de poussière recouvrant les trésors qui nous ont forgés.

Pour conclure, le livre précieux d'un érudit qui n'a pas abdiqué sa part de transgression, incompréhensible pour toutes les Fanny et d'une moquerie réjouissante. Sollers et ses cigarettes anachroniquement exhibitionnistes devrait enchanter avec « L'école du mystère » ce qu'il reste d'esprits libres dans une société déliquescente, un monde où la pruderie et l'hygiènisme voudraient écraser l'infamie d'un art littéraire à ciel ouvert.




Samuel d'Halescourt
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Quand ont connais un peu Philippe Sollers, plus rien ne vous étonnes. Voici un très belle ouvrage, une réussite. Vivement recommandé
Lien : https://www.youtube.com/watc..
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critiques presse (5)
LaPresse
04 mai 2015
L'élégance de l'écriture, rythmée à la syllabe près, est envoûtante.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeFigaro
09 mars 2015
Mesdames et Messieurs, le nouveau roman de Philippe Sollers est sorti, il s'intitule L'Ecole du mystère, il est très triste et très beau. Si la littérature rime encore à quelque chose, c'est grâce à des hommes comme lui.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Telerama
25 février 2015
Philippe Sollers apprend en rêvant, en dormant, en marchant... Et fait de cette soif de savoir la matière de son nouveau roman.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeFigaro
13 février 2015
Dans L'École du mystère, un de ses livres les plus réussis depuis de nombreuses années, Philippe Sollers impose un humour tout à lui en se peignant comme une ombre errante dans une époque en miettes.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Chro
03 février 2015
Ce roman se lit avec plaisir ; on saute du coq à l’âne, d’un sujet intelligent à l’autre, en prenant soin d’effleurer, sans approfondir. Il y a des farces, des gags de vieux potache.
Lire la critique sur le site : Chro
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Martin Heidegger meurt le 26 mai 1976 à Fribourg. Le 28, il est enterré dans son lieu natal de Messkirch. Devant sa tombe ouverte, son fils Hermann lit des extraits de poèmes de Hölderlin choisis par son père [2]. Il est question de la Grèce antique, vaste salle de fêtes, dont la mer forme le sol, et les montagnes les tables. Le temple de Delphes sommeille. Les paroles qui atteignent leur but au loin scintillent peut-être quelque part, là où le grand destin résonne, mais il faudrait qu’un dieu apparaisse pour qu’une clarté renouvelle tout, le ciel, la terre, la mer. Cela dit, ne rêvons pas : le temps n’est pas venu, la puissance de dévastation fait rage, le divin n’atteint pas ceux qui n’en font pas partie, et pourtant, chacun suit son chemin, et parvient jusqu’où il peut aller.

Un témoin digne de foi a vu Heidegger mort :
« Qui a vu Heidegger étendu dans son cercueil sait quelle paix, quelle conscience en paix émanait de son visage. » On aime à le croire, et c’est une mauvaise nouvelle pour les calomniateurs affairés. Le mystère de la foi (mais laquelle ?) est là.

Le dossier politique de Heidegger a été étudié en long, en large, à l’envers, à l’endroit, à l’envers, puis, de nouveau, à l’envers, sans qu’on puisse vraiment expliquer comment Hitler, ce vulgaire possédé hystérique, cette folle tordue, a pu, ne fût-ce que dix secondes, séduire ce penseur avec ses gesticulations, ses appels au meurtre, et ses cris. Pourtant, c’est simple : ce penseur de premier ordre a été un petit catholique humilié, fils d’un tonnelier sacristain de sa paroisse. Cette mauvaise origine en pays protestant a pesé lourdement sur lui, sa carrière philosophique universitaire a toujours été marquée de ce point rouge, mal effacé par son mariage avec une luthérienne bon teint. Il est médiéval, ce garçon, humble, authentique, modeste, dissimulé, mais d’une prétention gigantesque. Comme il a du génie, il découvre que la vérité vient de beaucoup plus loin que ce qu’on a cru jusqu’à lui.
Il se faufile dans le grec, arrive à parler directement avec Parménide, Héraclite ou Anaximandre, radiographie Platon, connaît Aristote par cœur. Comme tous les Allemands, il est bouleversé et encore humilié par la Première Guerre mondiale. Un redressement est-il possible ? Peut-être, et voici un agité du bocal. L’Université va mal, on pourrait s’appuyer sur lui pour la réformer en profondeur. Il est vrai que ce futur criminel est profondément illettré, mais quoi, la situation est désespérante, la force pourrait y remédier. Le penseur est professeur (excellent), il croit à l’enseignement. Il prend ses responsabilités, devient Recteur pendant un an, et déchante vite. Ce n’est pas le renouveau, mais l’enfer.

À vrai dire, le penseur n’aime pas la splendeur catholique. L’Italie lui échappe, il la traverse les yeux fermés, sa femme est de mauvaise humeur. La Renaissance, le Baroque lui semblent des dépenses aristocratiques inutiles, ça ne pense pas, ça va dans tous les sens, l’explosion gratuite des corps le gêne. Il n’est pas allé à Bordeaux comme Hölderlin, Apollon et Dionysos ne lui parlent que par intermittence. Aphrodite ne l’attire pas. Il se sent solidaire d’un peuple imaginaire qui fonce vers sa destruction. Impossible de lui faire goûter Titien, il préfère un mauvais Van Gogh, et, tactique oblige, après la guerre, fait semblant d’aimer Cézanne, Braque, Char, Camus s’il le faut, mais sûrement pas Watteau, Fragonard, Manet, Picasso (Elfriede, devant ces rodomontades et ces fanfaronnades, fait la tronche). Il pense que « les femmes brunes sur le sol de soie » qu’évoque Hölderlin à Bordeaux sont de solides Allemandes blondes. Il se rend compte que Hitler travaille, au fond, pour Staline, donc, plus tard pour l’Amérique. Cela dit, il diagnostique comme personne le règne planétaire de la Technique et l’avènement de l’ersatz.

L’énorme quantité étant devenue qualité, l’ersatz (mot allemand) pullule. Un écrivain existe s’il a vendu 100 000 exemplaires (ou plus), sinon, c’est un marginal paresseux, un rêveur, un assisté, une créature de musée. Être, désormais, c’est être remplaçable, a justement pronostiqué le penseur, et les remplaçants, dans le Spectacle mondial, affluent de toute part, en peinture, en musique, en littérature. Entre deux matches de foot, regardés avec passion à la télévision, chez son voisin (le penseur avait une vive admiration anticipatrice pour l’équipe d’Allemagne), le penseur pouvait encore suivre du doigt une partition de Bach. De toute façon, il pensait, la plume à la main, du matin au soir, et même pendant son sommeil. Cela donne une œuvre considérable, en cours de traduction difficile.

Essayez de vous acclimater, en français, à « aître », « estre », « avenance », « allégie », et autres forgeries sourdes, et vous irez vite boire un verre de Voltaire. Tout se passe comme si les traducteurs n’avaient plus de corps pour penser. Le penseur essentiel devient une machine détraquée et obscure, la proie de descendants déprimés des tranchées de 1914 et de 1940, on dirait une ligne Maginot installée en pleine Forêt-Noire. Une telle contorsion révèle un désir de recouvrement et d’échec.

Et pourtant, vous avez l’impression de le comprendre facilement, le penseur, il vous encourage à toute heure. Vous trouvez, malgré lui, que le français est plus physiquement « grec » que l’allemand, et que Nietzsche avait raison sur ce point. Le « miracle français », dictature d’une minorité aristocratique (et puni comme tel), est supérieur au « miracle grec », mais ce point ne peut pas être saisi par le penseur, à cause de ses préjugés de classe. Tout ce qui est d’origine modeste déteste les miracles à commencer, depuis longtemps, par les Français eux-mêmes. J’aime que Voltaire ait écrit, à la fin d’une de ses lettres : « On a voulu m’enterrer, mais j’ai esquivé. Bonsoir. »

Vous aimez les penseurs, vous n’avez pas besoin de parler grec, latin, hébreu, allemand ou chinois. Vous êtes de l’avis de Spinoza pour qui tout ce qui est beau est difficile autant que rare, difficile pour lui, mais facile pour vous. Le vrai éclate dans la splendeur du beau. Si c’est laid, c’est faux. Vous admirez le courage de Spinoza dans son temps obscur, mais vous ne partagez pas la devise de son sceau « Caute », prudence. Vous n’avez plus besoin aujourd’hui, quand tout va à la dérive, d’être cauteleux*. Au contraire, tout vous sourit, de l’audace, encore de l’audace. En revanche, vous approuvez la proposition suivante : « La fausseté consiste en une privation de connaissance qu’enveloppent des idées inadéquates, autrement dit mutilées et confuses. »

Vous percevez l’infini partout. Vous savez que « Dieu s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini », et que « la Joie (Laetitia) est le passage de l’homme d’une moindre perfection à une perfection plus grande ». Joie, Tristesse, Amour, Haine, Connaissance, vous avez l’horloge enchantée qu’il faut [3]. La joie agit, la tristesse pâtit. Vous trouvez que Casanova, lecteur de Spinoza, a eu raison d’écrire à l’une de ses maîtresses : « Sois gaie, la tristesse me tue. »
Vous ratifiez la formule suivante, victoire sur vos tendances libidineuses : « La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même. » Vous sentez et vous éprouvez que vous êtes éternel, et c’est comme si vous aviez écrit :
« Quand l’Esprit se contemple lui-même, ainsi que sa puissance d’agir, il est joyeux, et d’autant plus qu’il s’imagine plus distinctement lui-même ainsi que sa puissance d’agir. »
Notez le mot distinctement.
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FANNY
Je la connais depuis trois ans, elle est ma récusation radicale et constante. Mystère de l’amour : je l’aime, et elle aime me contredire à chaque instant. Oh, en douceur, bien sûr, pas, ou peu, de grandes scènes violentes. C’est l’eau, la puissance de l’eau sur la pierre que je suis. Évitez tout de suite les clichés psychanalytiques : je ne me plains pas, j’étudie. Elle se recharge en s’opposant, et c’est moi qui, tout à coup, devient l’eau et elle la pierre. C’est très intéressant et très amusant. L’immémorial problème homme/femme, guerre des sexes, etc., change d’enjeu, de couleur. Il y a du nouveau sous le soleil noir de la matière noire. Je travaille au noir, c’est cher, mais splendidement gratuit.
J’apprends à ne pas être d’un seul côté, mais aussi de l’autre. j’appelle « Fanny » la partenaire de cette liaison expérimentale, mais en réalité elle n’est personne en particulier, c’est un condensé de rencontres. Je ne suis pas de mon temps, je ne fais pas de portraits sociiaux.
Que Fanny soit grande, moyenne, petite, blonde, brune, châtain, que ses yeux soient bleus ou bruns, qu’elle ait 22 ans, 32 ans, 42 ans, 52 ans, qu’elle soit jolie ou non, cultivée ou pas, intelligente ou idiote, qu’elle occupe une situation haut placée ou en bas de l’échelle, peu importe. C’est son opposition génétique à mon égard qui compte. « Fanny » pourrait être aussi un grand nombre de mes amis, leur jalousie spontanée s’en occupe. Ils deviennent vite des femmes à mon contact, Dieu sait pourquoi, ils se renfrognent et se bloquent. Ils n’ont pas la foi.

Fanny, d’une façon ou d’une autre, directe ou indirecte, me fait sans cesse la morale. je l’agace, je l’énerve, je l’exaspère, je la gêne, je suis de trop. Le mystère de ma foi m’échappe, mais elle le perçoit mieux que moi. À l’envers, bien sûr, mais de plein fouet, comme une anomalie insupportable. Je suis trop ceci, trop cela, pas assez ceci, pas assez cela. Je n’aime pas l’humanité, les gens, la vraie vie, les divertissements, le faux temps banal. Je lis un livre devant Fanny, elle me fait la tête. Je sors avec Fanny, et elle se met aussitôt à raconter aux autres certains de mes comportements ridicules ou propos insensés plus ou moins inventés. Pour annuler Fanny, je me mets à boire. Je bois rarement quand elle n’est pas là.

Fanny s’ennuie avec moi. Elle me reproche de ne pas aller au cinéma, de ne pas lire de romans américains, de ne pas avoir envie de visiter des expositions, d’être insensible à la poésie telle qu’elle la ressent, de rester sourd aux animaux, de ne pas suivre la vie sentimentale des stars et de leurs enfants. Elle me trouve arrogant, méprisant, désinvolte. Sa mère prend la parole dans sa voix. Mes amis aussi sont bizarres : ils se crispent soudain, maman est là.

J’aimerais assez que toutes mes Fanny écrivent, à mon sujet, leurs Mémoires. Mais, j’en suis sûr, aucune d’elles, aucun d’eux, n’en aura ni la capacité ni l’envie. Encore lui ? Ça suffit ! Rien à dire. Un souvenir quand même, une anecdote significative ? Ah non, j’ai oublié, aucun intérêt. Tout est mieux comme ça : je m’efface. J’ai pris l’habitude, depuis longtemps, d’exister comme si je n’existais pas. Même pas besoin de mourir, c’est commode.
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MANON
Bref, ici comme ailleurs, vous suivez l’École du Mystère, commencée dès votre enfance. Vous devez beaucoup, davantage que vous ne l’avez jamais dit, à votre sœur, Manon, cette petite salope sublime. Vos jeux avec elle avaient lieu au fond du grand jardin, en début d’aprèsmidi, dans la petite baraque en bois des jardiniers, sous les arbres. C’est là qu’ils rangeaient leur matériel, brouettes, bêches, pelles, râteaux, arrosoirs, seaux, bassines, tourniquets (ah, les tourniquets sur l’herbe du soir !). Sombre endroit plein d’odeurs, noir mystère. Le code entre nous était strict : M., Ma, devait arriver la première, et m’attendre dans l’obscurité vibrante. Après quoi, d’emblée, une bonne demi-heure de caresses, toujours sur le même thème : elle me débarrasse, pour mon bien, de cet organe parasitaire et gênant. C’est affreux, dégoûtant, excitant, infernal, paradisiaque, contre-poison futur pour tous les poisons Fanny.
On a continué, ma sœur et moi, à Paris. Elle a 2 ans de plus que moi, elle s’est mariée, a eu 2 enfants et on s’est retrouvés comme si de rien n’était. On a repris, en secret, nos fêtes. Quoi, vous croyez que j’invente, que notre liaison sans « pénétration » est restée en surface ? Laissez-moi rire, vous n’avez jamais connu un corps-sœur. Manon ! Ma ! Manou ! Mana ! Mano ! Mani ! Manée ! Musique ! Personne n’est au courant, on invente une pureté nouvelle dans l’obscénité, le moindre mot est important, son inflexion, son accent, « ce sera délicieux », dit-elle, et le désir immédiat est là. Il est clair que tous les personnages du dehors ne se sont jamais rien dit. On se venge des tribus, des clans, des familles, et de toute la société avec eux. Elle venge les femmes, je venge les hommes.

[…]
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Plus de mystère ? D’accord. Mais c’est justement cette situation qui multiplie le mystère. J’avance, je tombe, je m’enfonce, je me redresse,je n’y comprends rien. Il n’y a, d’ailleurs, peut-être rien à comprendre, sauf que l’Univers, ou plutôt le Multivers, a toujours lieu, comme rayonnement, 380 000 ans après le Big Bang. Je sais que la matière ordinaire (mes atomes) n’occupe que 4,8 % de ce tourbillon, que 25,8 % sont constitués de « matière noire » encore inconnue, et que « l’énergie noire », poussant le tout à grossir, prend 68,4 % de l’ensemble. Je n’en ai pas l’air, mais je suis bel et bien un boson gravitationnel, un neutrino qui peut franchir des montagnes. Je me souviens surtout, et ça me ravit, que les galaxies s’éloignent les unes des autres à 66 kilomètres par seconde. Un, deux, trois : 198 kilomètres. Pas mal. »
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J’attends Manon, ma sœur extraterrestre, elle va venir dans une heure. Il neige beaucoup, les rues sont boueuses, les trottoirs verglacés et glissants. Manon, c’est le beau temps en plein hiver, le soleil sous la pluie, la chaleur sous le froid coupant, la gaieté fanatique quoi qu’il arrive. On est des professionnels de la désintégration de l’actualité, comme du crépitement médiatique. Ça s’entasse, ça passe, ça disparaît, le néant est sans cesse là en direct. Manon sonne, elle entre, on s’embrasse comme si on ne s’était jamais embrassés, la journée est gagnée.
C’est chaque fois la première fois, c’est la répétition qui invente. La vie est un mauvais roman qu’il faut transformer en roman, scansion, rythmes, rimes intimes. Vivre « par cœur », c’est réciter ce roman, monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau, Votre partenaire vous suit ou vous précède dans un délire parallèle. Mes romans, je m’en rends compte, sont vocalisés. Je les oublie, bien sûr, mais il suffit que j’en ouvre un, au hasard, n’importe lequel, pour me retrouver en train de l’écrire. Je l’écoute, comme je l’entendais en silence, tout près, très loin. Manon et moi, on est loin.

Il arrive à Picasso de dire des choses comme ça (il exagère) :
« Pour moi tout est important. Je ne fais pas de différence entre occupations importantes et sans importance. Ce qui en sort est souvent un hasard. Parfois je pars d’une allumette, et ça donne une sculpture monumentale. »
Une photo, prise par lui à Barcelone, prouve que sœur andalouse, Lola, était une beauté.

[…]
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Vidéo de Philippe Sollers
Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023). Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/ 00:04:45 Début
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