Bien caché à l'ombre de ses romans mastodontes, «
Au dieu inconnu » n'est sans doute pas le titre de Steinbeck le plus connu alors qu'il mériterait amplement de prendre sa part de lumière.
L'histoire apparaît à première vue comme une fable steinbeckienne standard. Un père du Vermont donne sa bénédiction à l'un de ses quatre fils, Joseph, pour qu'il parte en Californie. Joseph s'installe dans une vallée, près d'un grand arbre, un endroit idéal pour construire une ferme. Il a de grands projets pour la terre qu'il a choisi et refuse d'écouter les anciens qui le mettent en garde contre les années sèches qui pourraient se reproduire. Et en effet, à force de travail et de passion, la ferme devient florissante, si florissante qu'il invite ses trois frères à le rejoindre. Sauf que la sécheresse va revenir…
C'est là que l'auteur nous surprend. Il n'est plus simplement question de la dure vie des fermiers, de la misère des petites gens. «
Au dieu inconnu » est un conte païen et mystique. Steinbeck tisse le christianisme, les mythes indiens, grecs, les rituels profanes et la simple superstition. Un panthéisme inhabituel chez l'auteur vient recouvrir cette histoire qui semblait si simple.
Joseph Wayne se sent intimement lié à la terre, à la nature. Pour lui l'acte de cultiver est un acte d'adoration, il faut montrer du respect, de l'humilité pour pouvoir prospérer.
On assiste aux tentatives d'un homme pour entrer en communion avec les forces de la nature, pour en apaiser la fureur et le personnage de Joseph devient l'incarnation du sacrifice de tous les hommes qui ont cultivés la terre.
Un roman d'une richesse symbolique incroyable et d'une effroyable beauté, car une fois de plus, Maitre Steinbeck ponctue son histoire par un final bouleversant. J'ai tourné la dernière page quasiment dans le même état que
Les raisins de la colère ou que
Des souris et des hommes. Joseph Wayne rejoint mon mémorial personnel des plus beaux personnages croisés en littérature.
Traduit par par
Jeanne Witta-Montrobert