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EAN : 9791095233275
57 pages
Editions Sun-Sun (30/11/2022)
4/5   1 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Dans les collections ethnographiques d'Albert Kahn, une formidable enquête autour de ce que peut signifier la saisie de la foudre sur une plaque photographique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/13/note-de-lecture-foudres-fanny-taillandier/

Fléchette est une collection conçue par Céline Pévrier et Adrien Genoudet aux éditions sun/sun, éditions à qui l'on devait déjà bien des textes étonnants (que l'on songe par exemple aux brefs, denses et flamboyants « Il paraît que nous sommes en guerre » de Pierre Terzian, « Et seuls les chiens répondent à ta voix » de Tarik Noui, et « le noir dedans » de Thomas Vinau, ou bien au plus ample mais tout aussi décapant « le dernier cri », de Pierre Terzian à nouveau).

Fléchette, en étroite association avec les Archives de la Planète, entreprise de documentation visuelle conduite par le mécène passionné Albert Kahn entre 1909 et 1931, propose à une sélection d'autrices et d'auteurs de s'emparer d'une seule parmi les quelque 72 000 images autochromes du fonds conservé à Boulogne-Billancourt, dans la maison même du banquier, devenue musée départemental, et d'imaginer à partir de cette image un texte d'une petite cinquantaine de pages, à leur entière discrétion quant au registre à choisir, essai, document, poème ou nouvelle. Comme Philippe Artières, Hélène Gaudy et Marie-Hélène Lafon, et avant Amélie Lucas-Gary en 2023, Fanny Taillandier s'est vu proposer l'exercice en 2022, pour publication en novembre de la même année.

Là où Amélie Lucas-Gary, un an après, choisira de questionner discrètement la neutralité de la vaste conquête ethnographique par l'image installée au coeur du grand projet d'archivage du monde conduit par Albert Kahn, Fanny Taillandier mène son investigation du côté d'un autre point aveugle possible, double en réalité : l'opérateur derrière l'image et la sidération face au non-dit de l'autochrome.

En résonance précise – mais celée – avec les paralysies induites par l'événement hors normes (son « Par les écrans du monde » de 2018, autour d'un certain 11 septembre 2001) ou simplement gravement incongru (son « Farouches » de 2021, avec ses intrusions de sangliers au coeur faussement paisible d'une Ligurie future), il semblait logique, de plus d'une manière, que le choix de son angle d'entrée dans l'impensable collection d'images se porte sur la foudre – ou plutôt, en effet, sur les foudres (on pourra aussi songer au détour pratiqué par Pierre Demarty du côté de Pline le Jeune et de Pline l'Ancien dans son « Manhattan Volcano » de 2013).

C'est en s'attachant pas à pas à la biographie de Frédéric Gadmer, « le plus prolifique de tous les opérateurs d'Albert Kahn », que Fanny Taillandier, maniant une douce ironie glacée que l'on avait déjà rencontrée dans son « Les États et Empires du lotissement Grand Siècle » de 2016 (et qui tangente ici l'une des marques de fabrique du grand Éric Vuillard) – celle qui sous-tend aussi sa magnifique lecture faussement purement factuelle du « Delta » du Rhône -, nous permet de saisir ce que la foudre, une fois saisie sur la plaque, implique : traquée parmi les paysages redevenus presque bucoliques du théâtre de la grande boucherie de 1914-1918, elle s'échappe – et ne peut trouver la paix, avec son ravisseur argentique, que dans le ciel colonial des collines béninoises, si loin des tranchées, ciel néanmoins habité d'un autre sanglot.

L'exercice proposé par la collection Fléchette, si contraignant et déroutant de prime abord, ouvre ici une formidable piste d'investigation, entre l'intime et le politique, entre l'historique et l'anthropologique, piste que Fanny Taillandier fait magnifiquement fructifier sous nos yeux légèrement ébahis.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Trois jours après, il passe à Wytschaete ; vingt-cinq mille morts rien que la journée du 7 juin 1917, sachant qu’on s’y bat jusqu’au 14. Victoire alliée. Gadmer vient photographier les victoires alliées. Il vient sur le lieu des vingt-cinq mille morts et de ceux des jours suivants. Voici le déroulé de la bataille : elle commença par trois semaines de bombardements quotidiens, de l’aube au crépuscule. Les soldats allemands avaient l’ordre d’aller se cacher dans les cahutes du no man’s land la journée, avant de rentrer le soir dans leurs fortifications, tant qu’elles étaient debout. Quand elles ne le furent plus, ils restèrent dans le no man’s land. Puis, lors de l’assaut, on alluma des mines sous leurs positions. Elles tuèrent presque tous les Allemands.

Orage sur le village, s’appelle l’image. On voit quelques maisons dans le lointain, et le ciel noir.

Le surlendemain, il est dans la forêt d’Houthulst. Ça ne dit rien à personne de nos jours, mais ici, fin septembre 1918, mille huit cents hommes sont morts en une journée du seul côté allié. Certes, ce ne fut pas le pire moment de la campagne alliée qui fit reculer le front d’Amiens à Mons, et qui tua plus d’un million d’hommes en trois mois, de chaque côté de ce trait sur la carte que l’on gommait chaque jour pour le redessiner. Ni le pire ni le meilleur moment. Ce jour-là, il fallait reprendre ce petit bois où les Allemands avaient leur camp, truffé de mitrailleuses, ceint de barbelés et de mines. Alors on pilonna en pleine nuit durant trois heures, pour assouplir le Boche ; puis, à cinq heures du matin, sous la pluie, l’assaut fut donné. On s’entretua jusqu’au soir. Ce qu’on appelle une victoire. On voit du bois mort, debout, c’est tout. On dirait que la foudre est tombée là, mais non, ce sont les hommes qui ont fait ça. On dirait un de ces cimetières militaires qui vont fleurir ici dans les années à venir mais non, c’est la forêt. On ne dirait pas une forêt. Un orage. Frédéric dit : orage. Il photographie car c’est son travail.

Orage. Qu’est-ce que tu veux dire d’autre ? Qu’est-ce que tu veux montrer ? La photographie est peut-être une impuissance.

Ensuite, Passchendaele. Sur les photos aériennes de l’armée, le village lui-même est gommé, avant, après, par les impacts d’obus. Les bombardements intensifs ayant détruit les systèmes de drainage, l’immense champ de bataille se transforma en un bourbier encore augmenté par des pluies continuelles. Entre deux et quatre cent mille morts de chaque côté, en trois mois. Bon. Les photos aériennes ont montré la guerre ; lui, venu sur place, il montre le ciel. Orage. 9 juillet 1922. Carency. Rien à voir. Un champ d’avoine, un orage. Pourtant Gadmer est là pour photographier la reconstruction. Carency a été tout bonnement rayée de la carte dès 1915 : rien n’est resté debout. On ne voit rien, à part un champ d’avoine. Et puis l’orage.

Pourquoi il fait ça ? Les Archives de la Planète, c’est aussi la météo ? Ou alors c’est à cause du temps de pose des autochromes, tiens, voilà qu’il se passe quelque chose là-haut tandis que lui, tout seul le plus souvent, attend l’impression sur la plaque, debout devant le désastre, la terre dégorgeant de morts en charpie, d’obus encore vifs, et lui qui voulait voir la beauté de la création, les infinies variétés de la civilisation humaine, il se retrouve à consigner des tas de ruines.
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Parmi les dizaines de milliers d’images des Archives de la Planète, il en existe moins de dix qui capturent l’orage. Toutes sont signées Frédéric Gadmer, le plus prolifique de tous les opérateurs d’Albert Kahn, et le seul à avoir légendé, parmi des milliers d’autochromes aux quatre coins du monde, les ciels d’orages.

Sous l’effet des rayons du soleil qui chauffent l’air, un nuage se forme, monte en puissance et en altitude ; les gouttes d’eau qu’il contient s’agitent, mues par les vents célestes ; l’électricité s’accumule et d’un coup s’échappe, attaque la terre. Ce sont les foudres des orages. Dans la pénombre de la tempête les flashes des éclairs font ressortir le monde comme en plein jour, avant de parfois l’anéantir. (…)

Le flash est un procédé photographique mis au point en 1887. On enflamme de la poudre de magnésium, qui donne une lumière blanche très aveuglante – et qui ensuite peut se propager aux rideaux ou aux cheveux. C’est dangereux, mais cela permet de prendre des photographies dans la pénombre. Capturer l’instant. Dépasser la course du soleil. Être aussi puissant que l’orage.
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Videos de Fanny Taillandier (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fanny Taillandier
Avec Bertrand Belin, Jeanne Cherhal, Marianne Denicourt, Patrick Deville, Diaty Diallo, Marielle Macé, Yves Pagès, Lucie Rico, Jean Rolin, Anne Serre & Fanny Taillandier Musique : Joël Grare
Pour célébrer la Fête de la librairie qui se tiendra samedi 15 avril, nous dévoilons en avant-première, en lecture et en musique, l'ouvrage réalisé pour l'occasion, Plumes : des portraits d'oiseaux imaginés par vingt-cinq écrivains, des illustrations flamboyantes par l'artiste Michaël Cailloux et une anthologie de textes, expressions et poèmes sur les oiseaux réalisée par Marielle Macé.
Jeanne Cherhal fera le lever de rideau. Bertrand Belin, Patrick Deville, Diaty Diallo, Marielle Macé, Yves Pagès, Lucie Rico, Jean Rolin, Anne Serre & Fanny Taillandier dévoileront le portrait de leur oiseau favori… accompagnés du percussionniste et compositeur Joël Grare.
Ce dernier, en compagnie de la comédienne Marianne Denicourt, nous offrira ensuite un florilège de textes qui ont célébré de tous temps les volatiles, en espérant que le chant de ces horlogers du ciel vous extirpera de la cacophonie du monde…
À faire – 25e Fête de la librairie indépendante, samedi 15 avril dans plus de 500 librairies en France.
Lumière : Patrick Clitus Son : William Lopez
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