Dans ce court essai à l'écriture fluide (bravo au traducteur en tout cas) l'auteur compare occident et Japon, en ce qui concerne l'amour de l'ombre et celui de la lumière, s'attristant de la baisse des traditions japonaises et l'envahissement des lumières trop vives.
Dans tous les domaines. le chauffage, les toilettes, le papier, la vaisselle, la cuisine, le théâtre no et le kabuki, la couleur de la peau, le maquillage des femmes... Pour moi ce fut l'occasion de faire connaissance avec l'art de vivre à la japonaise (en tout cas dans les années 1930) et rien que pour cela je recommande cette lecture qui devrait ravir les friands de Japon. C'est subtil, non dénué d'humour.
Quelques passages (mais il faudrait citer in extenso tellement c'est agréable et intéressant!)
Où je découvre qu'il existe déjà un beau florilège de passages... J'en propose quand même :
"En fait on peut dire que l'obscurité est la condition indispensable pour apprécier la beauté d'un laque.
De nos jours on en est venu à fabriquer aussi des 'laques blancs', mais de tout temps la surface des laques avait été noire, brune ou rouge, autant de couleurs qui constituaient une stratification de je ne sais combien de 'couches d'obscurité', qui faisaient penser à quelque matérialisation des ténèbres environnantes. Un coffret, un plateau de table basse, une étagère de laque brillante à dessin de poudre d'or, peuvent paraître tapageurs, criards, voire vulgaires; mais faites une expérience : plongez l'espace qui les entoure dans une noire obscurité, puis substituez à la lumière solaire ou électrique la lueur d'une unique lampe à huile ou d'une chandelle, et vous verrez aussitôt ces objets tapageurs prendre de la profondeur, de la sobriété et de la densité.
Lorsque les artisans d'autrefois enduisaient de laque ces objets, lorsqu'ils y traçaient des dessins à la poudre d'or, ils avaient nécessairement en tête l'image de quelque chambre ténébreuse et visaient donc sans nul doute l'effet à obtenir dans une lumière indigente; s'ils usaient de dorures à profusion, on peut présumer qu'ils tenaient compte de la manière dont elles se détacheraient sur l'obscurité ambiante, et de la mesure dans laquelle elles réfléchiraient la lumière des lampes. car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lumière diffuse qui par instants en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances inexprimables."
"La cuisine japonaise en tout cas, si elle est servie dans un endroit trop bien éclairé, dans de la vaisselle à dominante blanche, en perd la moitié de son attrait. La soupe au miso rouge, par exemple, que nous consommons tous les matins, voyez un peu sa couleur et vous comprendrez aisément qu'on l'ait inventée dans les sombres maisons d'autrefois. Il m'est arrivé un jour, convié ç une réunion de thé, de m'y voir présenter du miso, et cette soupe bourbeuse, couleur d'argile, que n'avais toujours consommée sans y prêter attention, je lui découvris soudain, en la voyant, à la lueur diffuse des chandelles, qui stagnait au fond du bol de laque noir, une réelle profondeur et une teinte des plus appétissantes."
"Et le riz tout le premier, sa seule vue, lorsqu'il est présenté dans une boîte de laque noire et brillante déposée dans un coin obscur, satisfait notre sens esthétique et du même coup stimule notre appétit."
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