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sur 2958 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai trouvé ce livre de marche très émouvant et tout en retenue. Après une jeunesse folle et téméraire, à parcourir le monde à pied, à trop boire de vodka dans les plaines russes et à risquer sa peau à escalader les monuments de France à mains nues, il tombe une nuit d'un toit. Coma, paralysie faciale, interdiction absolue de boire de l'alcool et épilepsies: Sylvain Tesson sort de l'hôpital avec la démarche d'un petit vieux, la tête de Quasimodo mais l'énergie intacte de ses jeunes années, maintenant derrière lui par la force de la nature. Il s'était promis de parcourir la France (pourquoi toujours partir i loin alors que son pays est à ses pieds?) s'il sortait un jour de sa chambre d'hôpital vivant: les médecins n'étaient pas pour mais lui interdire l'aurait forcément incité à désobéir. Bon ou mauvais calcul? 9 mois après l'accident, le voici à nouveau sur les routes, avec comme compagnon son corps blessé et le fantôme de sa mère, décédée quelques mois avant l'accident.
Il a choisi, pour cette marche, les chemins reculés qui traversent la France, ceux qu'on n'emprunte plus, ceux qui évitent l'agitation du nouveau millénaire. Deux mois de marche et de nuits à la belle étoile, deux mois face à lui-même, ce nouveau moi qu'il va falloir accepter tel qu'il est, avec qui il devra être indulgent, mais deux mois de rencontres, aussi, avec cette France hyper-rurale qu'on veut absolument moderniser. Nostalgique du passé, inquiet de l'avenir, Tesson reconnaît tenir parfois des propos réactionnaires et le revendique.
On ne peut pas lui jeter la pierre. Autant bien sûr les ruraux veulent avoir les mêmes accès au tout numérique et aux services -ce dont Tesson ne semble pas convaincu - autant voir la nature se dégrader ainsi, grignotée par les autoroutes, les nouveaux lotissements et les zones industrielles est quand même bien déprimant. L'histoire du serpent qui se mord la queue...
Je suis sûre que Tesson est un compagnon de marche agréable, et j'espère le suivre à nouveau très bientôt.
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« Si je m'en sors, je traverse la France à pied » telle est la promesse que Sylvain Tesson se fait à lui-même lorsqu'il émerge du coma a l'hôpital après une chute qui aurait pu être fatale.

Quatre mois plus tard, il en sort « le corps en peine, avec le sang d'un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme ». le corps en vrac, mais l'esprit toujours vif et l'envie de vivre toujours identique même s'il reconnaît que « la vie allait moins swinger ». Et puis marcher serait sa rééducation et peut-être aussi sa rédemption.



Alors marcher d'accord, mais pas n'importe où. Marcher sur les chemins noirs, ceux les plus éloignés de la civilisation, du monde, du bruit. Emprunter les chemins pastoraux, « une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie. » Des chemins pour s'éloigner de la norme imposée, se cacher et panser ses plaies autant physiques qu'intérieures.



C'est dit. C'est prêt. Son parcours, grâce aux cartes IGN au 25 000e, est tracé. Il part le 24 août 2015 du Mercantour, direction la Normandie où il arrivera le 8 novembre.

Deux mois et demi de marche qui permettront à cet écrivain-géographe-voyageur de dresser un bilan sur la France rurale et désertée et de réagir sur les différentes mesures d'aménagement du territoire (qui ne servent qu'à uniformiser le paysage et la pensée), mais surtout de communiquer son amour pour la nature et les paysages, sa passion pour la vie hors des sentiers battus et les nuits à la belle étoile, son plaisir de partager des instants précieux avec ses amis ou sa famille, son goût pour la littérature et les écrivains.



Un voyage à travers la France qu'on surnomme souvent et péjorativement la France profonde, mais surtout un voyage en terre inconnue : soi-même. Un pèlerinage aux confins de la pensée pour se retrouver, se « revivifier ». Une excellente lecture que je vous conseille aussi pour la longue liste des auteurs et des ouvrages cités par ce remarquable écrivain.

Lien : http://mespetitesboites.net
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Immobilisé pendant plusieurs mois sur un lit d'hôpital suite à un accident de toit, une belle chute un soir de beuverie, Sylvain tesson décide de se reconstruire sur les routes. Pas de départ pour la Russie,non, il se contentera des chemins noirs de la France, les chemins de campagne. le coeur meurtri par le décès de sa mère, le corps abîmé, déformé, il part.

Son voyage se fera du sud-est au nord-ouest. Sylvain nous livre ses pensées profondes, sa sensibilité, ses colères. Finies les envolées littéraires arrosées de vodka, il carbure au viandox, regrettant la belle époque.

Il fera de belles rencontres, d'autres moins sympathiques, des copains le rejoindront pour faire un bout de marche avec lui. Pas si facile de bivouaquer en France et de se faire griller des saucisses sur un feu. La campagne fait du bruit, il y a beaucoup de routes, seuls les habitants ne changent pas malgré la modernité qui arrive sans mal chez eux et leur production qui n'a plus rien à voir avec la bienveillance d'avant envers les animaux et la terre.

J'ai suivi ce parcours avec plaisir connaissant la plupart des régions traversées et j'ai, encore une fois, aimé cette liberté que s'octroie Sylvain Tesson. Il a raison : difficile d'apprécier un palace quand on connaît le délice d'un feu de bois et la joie de s'endormir en regardant les étoiles.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Sylvain Tesson Sur les chemins noirs nrf Gallimard

( 15€ - 143 pages)
Maints auteurs évoquent la diversité des paysages en parcourant la France.
Sa traversée de la France, Axel Kahn l'a relatée dans Pensées en chemins.
Serge Joncour, lui, sillonne notre hexagone en train, à vélo, à pied et cristallise / capture les paysages qui défilent dans ses romans. Ce qui lui fait affirmer «  Où qu'on aille on est d'ailleurs et c'est sans fin que l'on n'est pas d'ici ». Sentiment partagé par Sylvain Tesson : «  Moi, j'avais toujours eu l'air d'un mec d'ailleurs. ».
AVANTI !!

Si Sylvain Tesson a également pris son bâton de pèlerin, ce fut pour une raison bien différente. Dans l'avant-propos il explique son année horribilis : son dramatique accident et la perte d'une mère, «  c'est un monde qui s'écroule », dit Auden , «  c'est en toi seul qu'il te revient de trouver le ressort , la ressource pour avancer ».

En effet si Sylvain Tesson cultive l'art de la chute dans ses nouvelles, il n 'a pas aussi bien négocié celle... d'un toit ! Pendant son hospitalisation, et ses longs mois de soins, puis de rééducation, le miraculé, né sous une bonne étoile, se lance le défi , s'il en réchappe, de parcourir «  les chemins noirs », en clopinant, ersatz aux tapis roulants, itinéraire tracé sur une carte, insérée en début du récit. «  La carte était le laissez-passer de nos rêves ». Un titre inspiré par René Frégni, écrivain provençal.

C'est donc son journal qu'il partage pour notre plus grande curiosité, depuis Tende jusqu'à la pointe du Cotentin. Odyssée pédestre qui dure du 24 août au 8 novembre.
C'est au rythme de la lenteur «  forcée », qu'il va cheminer dans des contrées hyper rurales. Ce retour à la «  slow life », contrastant avec l'allure du TGV, est garant de solitude. L'auteur, remis debout, a besoin de retrouver sa «  liberté de mouvement », de fuir pour « échapper aux conventions », de «  disparaître ». Quête aussi des proximités, conscient d'avoir négligé ce « trésor ».

Vu les difficultés du départ, Sylvain Tesson n'aurait-il pas présumé de ses forces ?
le lecteur est soulagé quand des compagnons de route le rejoignent, rompant sa solitude.Tout d'abord Cédric Gras, connaisseur de la Russie, comme lui.
Puis, à Murat son ami russe Humann. Coup du sort: direction hôpital, «  l'épilepsie étant fatale en terre volcanique ». Sa soeur Daphné qui le retrouve à La Châtre se souviendra de cette nuit hitchcockienne, attaquée par des frelons !

Avec Sylvain Tesson, soutenu par «  ses bâtons de marche » on crapahute, on se fraye des passages, on s'extirpe des ronces, on franchit des ravins, on longe des rivières.On zigzague. On butine, on cueille et se gave de figues, de poires, de mûres. On bivouaque, «  un luxe » ! Ses nuits sont d'un confort variable selon les lieux et la météo :un monastère, une auberge, chez une tante chérie,une grange, petits hôtels, à la belle étoile. Celles «  sous la jupe des arbres étaient des nuits du soleil ».
Parfois on s'égare quand les chemins n'existent plus : «  Moment romanesque ».

Des pauses sont indispensables, des siestes ( dans les oyats), c'est alors qu 'il pratique comme Dany Laferrière, «  l'art presque perdu de ne rien faire »( s'abîmant dans la contemplation des nuages) ou qu'il décline une «  caravane de souvenirs » avec son ami photographe Thomas Goisque, venu cheminer avec lui, tous deux ébranlés, fracassés par la perte d'un être cher. Sylvain Tesson croit voir sa mère, omniprésente dans ses pensées, «  dans les plis de la nature ».
Tous nos sens sont en éveil, plus que le narrateur qui a perdu son acuité auditive et olfactive ( «  L'air sentait la mousse », la lavande, les herbes coupées,l'aubépine, les écorces, la champignonnière).On perçoit « la musique du ressac », «  le fracas des vagues », «  le bruissements des roseaux », «  le froissement de feuillages ».

Ses rencontres ? le randonneur vagabond rêve certes de croiser «  une Suèdoise en minishort », mais ce sont des gens du terroir qu'il avise. Parfois une vieille dame aux allures de sorcière. Plus insolite de rencontrer à une fontaine un ermite qui vous lit !
Plus dangereux d 'être à proximité de chasseurs ou de sangliers.Plus inquiétant d'être arrêté par des gendarmes. Il converse avec des vendangeurs, des fermiers.

Comme Jean Chalon, Sylvain Tesson voue une déférence quasi mystique aux arbres, s'interrogeant sur la force qu'ils peuvent transmettre : « L'arbre fait-il percoler un peu de sa force dans l'organisme de celui qui dort à son pied ? ».
Sa communion avec la nature rappelle David Thoreau. Comme Whitman ou le naturaliste Fabre, il sait être attentif à la faune et à la flore. Il célèbre un vol de vautour ou de grèbe, le ballet des limicoles. Il salue la beauté, les petits riens somptueux ( un noisetier), la diversité du paysage hostile/amical ( clairières, plaines, futaies, bocages, causses, burons). Il se laisse hypnotiser par «  les remous de la Loire », l'apparition Du Mont -Saint-Michel.


Sylvain Tesson nous émerveille par sa façon de restituer ce que «  le cristal de son regard » capture, parfois avec l'oeil d'un peintre : Bonnard, Bruguel, Dufy, Cézanne, Otto Dix, Klimt.
Il a aussi recours à la peinture ( Picasso, Bosch) pour mieux accepter «  sa gueule cassée », «  l'ironie du sport ». L'humour lui permet de prendre de la distance.

Marcher, c'est philosopher, méditer sur la vie, la mort qu'il a eue «  aux trousses ».
En géographe, il dresse un état des lieux de la France hyper rurale, anticipe l'avenir de la Terre. Il tacle le gouvernement sans concession, qui «  se pique d'infléchir le climat mondial » alors qu'il n'est pas capable «  de protéger les abeilles ».
Il souligne cette frénésie à avoir le haut débit, lui qui ne cache pas son aversion pour les écrans. Il déplore une «  forêt tourangelle en miettes ».

Ceux qui connaissent Les forêts de Sibérie ou Géographie de l'instant savent que l'auteur dévore les «  bunkers de papiers », que pour lui, «  le livre sacre le lieu ».
Il convoque une pléthore d'auteurs de prédilection. Parmi eux, des russes ( Tostoï), Lamartine, Pessoa, Giono, Hesse, Blixen, Léautaud. Il lit Braudel en «  lapant le bouillon ».

Nul doute que pratiquer «  le pofigisme», «  cette résignation joyeuse face à ce qu'il advient », que l'on rencontre dans S'abandonner à vivre, a dû l'aider dans cette «  reconquête quotidienne». Des émules pour suivre ses traces ne manqueront pas, mais à condition d' avoir le sens de l'orientation.
Sylvain Tesson a prouvé dans ses ouvrages précédents qu'il sait habiter poétiquement le monde,et ici la France : «  Une lumière de pastel meringuait les labours », «  le ciel déployait un lavis couleur perle ».

Comme l'affirme Paul de Roux, «  il y a des sentiers, comme certains livres, dont on n'a pas envie de voir le terme ». Car «  la marche est comme une pêche à la ligne », une touche est toujours possible. Battre la campagne sur «  les chemins noirs », au fil des pages avec Sylvain Tesson, «  homme de la lumière », nous éloigne des écrans et nous revigore. Son récit /journal est un concentré de vie, d'odeurs, de bruits, empreint de culture russe.
Il livre un exemple de résilience, qui force l'admiration par sa volonté, son endurance. Une renaissance en sorte, une reconstruction grâce à son courage, sa patience.
Un souhait réalisé : être «  en mouvement », et en se surpassant.
Heureux comme Sylvain Tesson a retrouvé « la grâce de marcher tout son soûl », a dompté ses douleurs, a «  poncé ses échardes intérieures » !
Marcher, c'est «  changer de peau », confie le randonneur dans Géographie de l'instant . Une métamorphose salvatrice pour l'auteur et le lecteur !

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De façon intelligente, passionnante, Sylvain TESSON m'a emmené avec lui sur les « chemins noirs » de la France.

Il part crapahuter sur les chemins répertoriés mais oubliés par la plupart des autochtones, à travers bois et futaies perdus pour se reconstruire, après son accident bête et inconscient comme un adolescent, (il le dit lui-même).

J'ai traversé la France, découvert des paysages magnifiques, des moments de plaisir, mais également de doute où la mort l'a frôlé par moment.

A chaque fois, il a trouvé la force de repartir. Il dit peu sur les souffrances ressenties au cours de son parcours, que l'on devine par moment.

J'ai beaucoup apprécié les échanges avec ses compagnons de route qui le rejoignaient au cours de son périple, pour l'accompagner quelques jours, avant de repartir vers d'autres cieux.
Et également, les échanges avec les gens qu'il rencontrera tout au long de son parcours.

J'y ai retrouvé cette pudeur et cette intelligence qui anime Sylvain TESSON. Ainsi que son écriture qui m'enchante toujours autant.
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Suivre Monsieur Tesson dans ses pérégrinations "randonnesques" c'est comme si vous essayer de suivre le Mistral en Provence ou d'arrêter un caillou dévalant une pente, ou essayer de faire taire une cigale en été...ce récit est vertigineux !!!
Le style est clair , alerte comme le pas de Sylvain Tesson, aussi impressionnant de beauté imagée par ses phrases que Fontaine de Vaucluse! ..
Emue en vous lisant en parcourant quelques chemins et croisant quelques collines en garrigue..de mon enfance.
Bref j ai été dans votre sac à dos Monsieur Tesson..!ça grouille de senteurs, d' images azurées, d' accents dont la France peut se vanter.

Très belle ballade poétique et symbolique d'un homme en reconstruction et questionnement perpétuel.
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La gueule cassée. Il s'en retourne. Il n'en revient pas. Quand on tombe il faut se relever. Ce n'est pas une loi à deux roues ni une promesse à deux balles, quand on tombe, quand on se retrouve à plat, quand rouvre un oeil et qu'on entend d'une oreille le bruit orgueilleux et mutique des machines « à empêcher de souffrir qui font tout pour ne pas vous voir partir » …. quand on a passé des années d'aventures, des années à embraser tous les ports par tous les bords de sa vie, et que c'est un rebord qui a tenté d'avoir raison de votre vie... Alors….on a qu'une envie : se faire la belle, fuir, marcher, courir peut être.
Quand on est fracassé, percé, fendu, brisé, lézardé, amoché, défoncé, cabossé… une seule et belle envie ! se tirer, s'échapper, s'arracher, s'arracher des perfs et du plancher.
Alors qu'en cela arrive à Sylvain Tesson, au petit prince sibérien, à ce diable de globe trotter ...cela produit un bruit …..celui d'un arrachage de gomme, ou plutôt de levée d'encre , un bruit de papier froissé, de cartes dépliées, d'itinéraires retrouvés, de passages presque secrets, de chemins noirs, de pistes, de sentes, de contre escarpes, un chant de liberté.
Il marchera . Il n'a pas le choix. Il ne se laissera pas le choix.
Alors il marchera. Il sait le faire. Il l'a toujours fait. Non merci pas de centre de réeducation. A l'air libre ! Sous les étoiles, à travers mailles, sur les chemins de travers.Ces chemins qui lui vont comme au ciel. Il ira jusqu'au bout. Il ne s'en laisse pas le choix.
« Sur les chemins noirs » , c'est le journal d'une marche. Une marche formidable, peut être la plus grande que l'auteur ait parcouru de toute sa vie.
La marche, cette métronomie incroyable de l'esprit et du corps. Cette harmonie parfaite entre la poussée de la pensée et le soulèvement de nos pas .
On marche pour reprendre le rythme, trouver un souffle, faire le point, mener large, estimer, sous peser, considérer, recevoir, voir, revoir, arpenter, mesurer, profiter, embrasser de la langue et du regard. Retrouver, rejoindre, fuir, s'éloigner, découvrir, apprendre, oublier. Marcher comme voyager.
Une marche est toujours personnelle, essentielle. A deux, et plus … ? cela devient une promenade, une balade, cela peut être un échange, une conversation, presque des vacances, presqu'un loisirs..…
Mais marcher seul , marcher c'est une expérience. Marcher longtemps, loin, à en oublier que l'on marche , marcher bien, dans le sens qui nous convient, pour aller là où on a décidé d'aller. Une marche, pas une errance, marcher comme on ouvre sa route. Comme on trace une voie. Marche comme on respire, comme une priorité, une nécessité.
Inutile de rappeler la qualité de l'écriture de Sylvain Tesson. Certains passages valent leur pesant de kilomètres ! C'est un art, écrire.
Écrire c'est comme marcher, ce n'est pas faire n'importe quoi.
Sylvain Tesson est grand écrivain, et grand marcheur.
Mais souligner, oui souligner, l'extraordinaire justesse du regard qu'il porte sur les terres qu'il arpente. Sur ces terres de la campagne française, de ces terres de l'hyper ruralité , leur beauté, et leur raréfaction, cette « campagne du silence , du sorbier et de la chouette effraie » mais également sur toutes nos « autres » campagnes , sur leur désaffectation, leur démembrement, remembrement, démantèlement, délabrement, aménagement, déménagement, ...enterrement. Un paysage comme le corps d'un pays. Un corps, une âme, un esprit. de ces ruralités sur un fil ballottées...
Mais pas de pessimisme !! C'est un journal d'espoir. Naturellement optimiste.
Là nous aussi nous n'avons pas le choix. Quitter l'autoroute toute tracée de l'hyper productivité . Allez vite, trop vite, pour finir où ? Tourner à vide dans nos non sens illusoires ?
Alors... retrouver les chemins noirs comme on redonne souffle et vie à un tissu naturel.
Marcher et se remettre en route. Donner un sens, choisir son but. Écrire son chemin
Sylvain Tesson a écrit son journal de marche : départ le 24 août – sud est , arrivée le 08 novembre – nord ouest .
Il signe ici une très belle diagonale.
En route Tesson ! …prochaine destination ?

Astrid Shriqui Garain
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Très court roman écrit sur le voyage que Sylvain Tesson a entrepris à pieds dans la France de "l'ultra ruralité" où même la 3G peine à se frayer un chemin. Une idée qui peut sembler étrange pour un bourgeois parisien qui a passé davantage de temps dans les avions pour explorer des contrées sauvages orientales surtout. Et pourtant,... Cette décision fut mûrement réfléchie lors de sa convalescence à l'hôpital après une chute de 8 mètres - la faute à une soirée trop arrosée pour oublier un deuil.

Ce n'est pas un roman que j'aurais pensé à lire spontanément, et pourtant, le génial booktubeur, le Hussard littéraire en a parlé en termes tellement élogieux que cela a piqué ma curiosité. Et quelle jolie pépite !
Ce roman n'est pas simplement bien écrit et efficace, c'est l'occasion pour l'auteur de réflexions poussées sur la société moderne et ses paradoxes, amenés par l'agriculture de masse et la mondialisation, mais pas seulement. Qu'une introspection et un voyage sur des chemins locaux mène à un tel ouvrage , franchement : chapeau bas !
C'est érudit, c'est fin, c'est truculent et drôle aussi.

Un petit roman que je relirai volontiers d'ici quelques années et qui m'encourage à relire Sylvain Tesson.
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Remis d'un très grave accident, Sylvain Tesson se bat pour retrouver la sérénité.
Pour ce faire, en 2015, il part à pied pour traverser la France pendant plusieurs mois.
Sur des chemins de traverse, loin du tumulte des grandes villes, il découvre des lieux préservés loin de la technologie et de la civilisation hyper-connecté.
Dans cette longue marche solitaire, l'auteur tente de remettre de l'ordre dans sa vie et dans ses pensées en nous donnant à lire le journal de sa résurrection.
Il y a malgré tout beaucoup de souffrance tout au long de ce périples où souvent le corps peine à suivre, les jambes à avancer, mais le mental est là plus fort que tout.
L'écriture est sensible et délicate, le style imprégné d'enchantement, un peu comme dans un conte de fées.
Une voyage qui guérit, une fenêtre entr'ouverte. Et puis le ciel, encore plus bleu…
Et une lecture qui fait du bien à l'intérieur.

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Cette fascinante, époustouflante, et miraculeuse virée à travers la France par des chemins de traverse, des replis aux milles secrets, ces chemins noirs à peine visibles sur la carte aux 1/25000, est l'essentiel de ce récit sublime distillé par la plume de Sylvain Tesson.

Je suis sans voix pour exprimer la beauté de la langue de Sylvain Tesson, son rythme, ses envolées fougueuses, ses images végétales ou alpestres pour nous confier les pas de sa renaissance.


Le livre "les Chemins Noirs" est empreint de ce qui fait tout l'art de Sylvain Tesson une sensibilité de comique ainsi qu'un regard d'une lucidité tour à tour, crue, tendre sur la fragilité humaine, une analyse corrosive de notre société numérisée. Il ajoutera page 34 : "certains hommes espèrent entrer dans l'histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie."


Il n'y a jamais dans sa voix de plaintes, ni de rancoeurs ineffaçables pour ses souffrances, ni de désaveux pour ses erreurs. C'est le récit d'un homme en marche, poussant ses bâtons, toujours au-delà de son horizon. Il nous propose de partager son appétit de vie, avec un brin d'ironie à la Tesson, page 21, "vivre comme un de ces chiens, ils goûtent la paix langue pendante, donnant l'impression qu'ils vont avaler le ciel, la forêt ou la mer et même le soir qui tombe."


Après son accident nous étions tous impressionnés par l'importance des séquelles qu'il présentait. Quelques mois après, à Vannes, au salon du livre il était déjà proche de la voie normale. A Quiberon en présentant le film dans les Forêts de Sibérie, sa voix était limpide et sa verve intacte.


Quelle magnifique rééducation, et quel partage ! Je revivais mes propres nuits à la belle étoile, et je sentais mon dos se frayer un passage entre deux monticules pour apaiser des douleurs imaginaires, les rêves ont cette vertu de nous faire revivre des instants oubliés, ravivés par une lecture ou une rencontre.


Comment comprendre Sylvain Tesson et son regard ironique, sur l'agitation et l'obésité de nos sociétés, par exemple sur les 30 glorieuses, page 39, qui "avaient aspiré le paysan en bas de sa pente, vers la plaine."


Quel est le bon commentaire face à l'histoire, quand notre société perd le nord, comme "emportée dans un train fantôme sans espoir d'en freiner ni d'en modifier la course".


Pour ceux qui ont lu "Chien-Loup" et suivi la quête de Serge Joncour, on retrouve le même appel au silence, la même envie de trouver un espace préservé pour jouir du calme de la nature. Se confier aux chemins, frôler les aspirations de Tesson, c'est donner du sens à cette longue traversée, "dans les replis des chemins ouverts sur les mystères, baignés de purs silences".


Le texte final est une ode aux chemins creux, aux forêts profondes, aux métiers oubliés, aux nuits étoilées, ce retrait n'est pas celui d'un solitaire, mais celui d'un solidaire de la vie des campagnes reculées ou isolées, où l'on peut se ressourcer, se guérir de ses faux pas. "Alors on rentre chez soi débarrassé de l'insecte qui vous mordait le coeur, lavé de toute peine, remis debout. Page 141"

Un pur bonheur de lecture.

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Sur les chemins noirs (Sylvain Tesson)

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