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Après « Anna Karénine », je poursuis mon voyage dans l'immense oeuvre d'un des grands maîtres de la littérature russe, Léon Tolstoï.
Tous ses ouvrages sont habités par ses thèmes de prédilection, les fragilités humaines, l'angoisse de la mort et de l'agonie. Cette nouvelle raconte la douloureuse fin de vie d'un homme qui prend conscience tardivement qu'il a gâché sa vie en voulant se conformer aux attendus de la société.

Ce qui est étonnant, c'est l'idée que je me faisais des livres de cet auteur : je les imaginais inaccessible, lourds, pompeux, inintéressants, loin des préoccupations de notre monde, mais j'ai découvert un style simple, élégant, pertinent, et en définitive très moderne. Je l'ai également trouvé impressionnant de clarté et de justesse dans la brièveté du format court qu'est la nouvelle.
Car en effet, s'il n'est pas à démonter que l'auteur est un formidable romancier, il est également un talentueux nouvelliste.

*
C'est par le décès d'Ivan Ilitch que s'ouvre ce récit d'un peu moins de cent de pages. Ce qui d'emblée sidère et déconcerte, c'est le manque d'égard, de compassion, de chagrin ou d'empathie de ceux qui assistent au service religieux. On se dit que cet homme ne devait pas être quelqu'un de très attachant, ni de bien sympathique. Alors qu'elle n'est pas notre surprise lorsque Léon Tolstoï remonte le temps pour nous le présenter de son vivant.
Ivan Ilitch est un homme plutôt ordinaire, ni bon, ni mauvais. Certes, il est égoïste, indifférent aux autres, préoccupé par sa réussite professionnelle, son statut social et sa respectabilité mais il est plutôt honnête et droit. D'un naturel sympathique et agréable, il s'efface dans la sphère privée, ne cherchant pas les conflits avec sa femme pour laquelle il n'a plus d'amour.

*
La vie est un jeu auquel on doit commencer à jouer avant d'en connaître ses règles.
Lorsqu'Ivan Illitch réalise que sa douleur au flanc est en train de le tuer, c'est comme un choc. C'est comme s'il se réveillait brutalement après une vie faite d'illusions, d'inexistence et d'aveuglement. Devenu lucide, il prend conscience de la superficialité, de l'orgueil et de la pauvreté de son existence. Il a vécu dans une sorte de mensonge, ne pensant pas que la mort pourrait un jour s'appliquer à lui.

« Caïus est un homme, tous les hommes sont mortels, donc Caïus est mortel, lui avait paru juste dans sa vie passée seulement par rapport à Caïus, mais jamais par rapport à lui. »

En pensant qu'il lui suffisait d'avoir une vie honnête, une position sociale enviée, des amis influents, une belle femme bien née, des enfants et un travail qui lui apporte prestige et confort financier pour avoir une vie belle et accomplie, il réalise au seuil de la mort qu'il a été terriblement naïf.
Sa vie n'a été que vanité, superficialité.
Il a confondu le bonheur avec l'ambition et le pouvoir.
Il a oublié le véritable sens de la vie et est passé à côté de sa vie.

« … chose étrange, tous ces moments de sa vie agréable lui paraissaient à présent tout autres qu'ils ne lui avaient semblé alors. »

Il ne s'est entouré que de personnes arrivistes, fausses et égoïstes qui ne supportent pas sa maladie, ne le supportent plus, et n'attendent que sa disparition pour retrouver la paix ou gagner des privilèges. Il se sent impuissant, incompris, rejeté, ignoré, affreusement seul. Il les hait.

« La mort. Oui, la mort. Et eux, il n'y en a pas un qui sache, qui veuille savoir, qui ait pitié. Ils jouent. (Il entendait au loin, derrière la porte, des éclats de voix et des refrains.) Ça leur est égal, mais ils mourront aussi. Les imbéciles. Moi, un peu plus tôt, eux un peu plus tard, mais ils y passeront aussi. Et ils s'amusent. Des brutes ! »


*
Les personnages secondaires sont dessinés en seulement quelques mots mais quels mots ! La femme, la fille, les amis et collègues d'Ivan Illitch posent un regard insensible, impitoyable et distant sur les souffrances du moribond. Si eux attendent avec impatience le trépas de l'homme, le malade lui, n'a rien à attendre d'eux, aucune pitié, aucune écoute. Ils sont vils et méprisables.
Heureusement, le jeunes fils d'Ivan Illitch et Guérassime, un serviteur fidèle, amènent un peu de douceur, de sincérité, d'humanité et d'empathie dans ces pages si tristes et éprouvantes.

*
En survolant la biographie de Léon Tolstoï, on ne peut que trouver des ressemblances entre l'auteur et son personnage. Il paraît ne jamais séparer l'écriture de sa vie personnelle, cherchant à répondre à ses questionnements existentiels et philosophiques sur le sens de la vie et de la mort, l'amour et le couple, la fuite du temps, les regrets, l'espoir et l'angoisse de mourir.

« Je n'existerai plus, mais qu'est-ce qui existera ? Rien n'existera. Et moi, où serai-je, quand je n'existerai plus ? C'est cela, la mort ? Non, je n'en veux pas. »

Ainsi, la mort d'Ivan Illitch permet de développer des réflexions profondes sur la cruauté de la vie, la complexité de la psychologie humaine, sur notre rapport à la société qui nous oblige à un certain conformisme et nous éloigne par conséquent du bonheur.

L'enfance est évoquée, l'auteur semble en avoir une certaine nostalgie. Les seuls souvenirs heureux d'Ivan Illitch remontent à cette période de la vie où l'innocence, l'insouciance, la confiance dans l'avenir, loin des tracas du quotidien des adultes, permettent de savourer l'instant présent et d'éviter les écueils d'une vie superficielle.

*
Le récit commence par la fin et pourtant Léon Tolstoï imprime une tension dramatique stupéfiante en même temps qu'une beauté douloureuse et troublante. Et plus le récit avance, et plus on lit dans le regard de cet homme, la douleur qui étreint son corps et son esprit, sa peur de mourir, son extrême solitude et c'est bouleversant.

« Une goutte d'espérance brille, puis déferle une mer de désespoir, et toujours la douleur, encore la douleur et l'angoisse, et tout est pareil. La solitude rend l'angoisse encore plus terrible, il voudrait appeler quelqu'un, mais il sait d'avance que devant les autres c'est encore pire. »

J'ai aimé l'écriture de Léon Tolstoï : elle est à la fois simple, sobre, sincère mais aussi d'une acuité particulière, d'une grande finesse psychologique, d'une sensibilité et d'une force telle que la mort d'Ivan Illitch nous renvoie à nos propres souvenirs et à l'inévitabilité de notre propre mort.

Des mots reviennent sans cesse et scande le texte : pensée, mort, vie, ELLE, cette douleur. La douleur torturante, intolérable, incurable est sa maîtresse, il ne voit qu'elle, ne pense qu'à elle, ne voit que par elle.

« Il passait dans son cabinet, se couchait, et se retrouvait seul avec ELLE. Les yeux dans les yeux, avec ELLE, sans rien d'autre à faire que de LA regarder, le coeur glacé. »

Ces mots sont comme une houle qui se soulève, s'enfle, s'agite, se creuse et meurt.
Ces mots sont comme un grondement, un bruit de marteau sur une enclume, ils insistent, ils frappent, ils martèlent.
Le lecteur ne peut résister à la force de ces mots qui nous obligent à regarder cette douleur en face, à ne pas lui tourner le dos. Derrière elle, tapie, la mort, inévitable, inéluctable attend son heure.

*
Au final, la mort d'Ivan Illitch m'a touchée par son caractère à la fois intime, intemporel, universel. Je me suis sentie projetée au chevet de cet homme qui agonisait et subissait l'épreuve de la maladie dans son corps et dans sa tête.

"Pourquoi moi ?"

Ce combat, cette souffrance, cette inquiétude ont été éprouvants pour la lectrice que je suis. Car inévitablement, cette lecture renvoie à des souvenirs douloureux qui ne pourront jamais s'effacer. Elle nous oblige aussi à nous confronter à nos propres peurs de la mort et à vivre pleinement en étant conscient qu'un jour, nous serons face à elle.
Mais ce texte est aussi une façon de nous faire réfléchir sur le sens de la vie, à profiter du présent, de plaisirs simples, loin de toute superficialité pour ne rien regretter.

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Nouvelle lue dans le cadre d'une lecture commune, je remercie tous mes compagnons de lecture dont les regards croisés ont été complémentaires.
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"Dans le grand bâtiment du palais de justice, pendant une suspension d'audience du procès Melvinski, les magistrats du siège et le procureur se réunirent dans le cabinet d'Ivan Iégorovitch Chébek, et la conversation tomba sur la fameuse affaire Krassovski. Fiodor Vassiliévitch soutenait avec fougue l'incompétence ; Ivan Iégorovitch ne démordait pas de son opinion; Piotr Ivanovitch,  qui ne s'était pas mêlé à la discussion au début, s'en tenait à l'écart ; il parcourait la Gazette qu'on venait juste d'apporter.
" Messieurs ! dit-il, Ivan Ilitch est mort."

Ainsi commence la nouvelle de Tolstoï "La mort d'Ivan Ilitch"
Commencent aussi les supputations de ses collègues et amis qui voient avec cette mort la possibilité de faire progresser leur carrière ainsi que celle de leurs proches et le sentiment égoïste qu'eux sont bien vivants. Après ce sentiment de joie d'être vivant, les préoccupations quotidiennes, ici s'acquitter de ses devoirs envers la veuve, reprennent le dessus. Qu'à cela ne tienne, une fois la visite faite, rien n'empêchera les magistrats d'honorer l'ordre du jour : la partie de whist prévue pour le soir même.
Egoïsme, mensonges, hypocrisie, le décor est planté dès les premières pages. La mort d'Ivan Ilitch sera le prétexte pour Tolstoï pour critiquer la bonne société bourgeoise russe soucieuse avant tout des apparences et de se conformer au modèle social qu'elle pense être le seul à lui apporter le bonheur.

Après les obsèques, la veuve d'Ivan Ilitch, préoccupée par la façon d'obtenir de l'argent de l'Etat suite au décès de son mari, raconte les souffrances de ce dernier.

Ce préambule passé, Tolstoï nous présente la vie et la carrière d'Ivan Ilitch, et les pensées de celui-ci pendant sa longue agonie.

Jeune, il était déjà attiré par les gens haut placés auxquels il s'efforçait de ressembler. Avec son mariage avec Praskovia Fiodorovna, jeune personne de bonne noblesse, jolie et avec un peu de bien, il entre dans le monde qu'il rêvait mais qui s'avérera bien superficiel.

Puis vinrent les enfants, la jalousie et la mauvaise humeur de Praskovia. Ivan Ilitch s'investit de plus en plus dans son travail. Ambitieux et conscient "de son pouvoir, d'être en mesure d'anéantir n'importe qui pour peu qu'il le voulût", il pensait avoir la maîtrise de sa vie à ce moment là.

Jusqu'à une mauvaise chute. Alors qu'Ivan Ilitch, voulant tout faire "comme il faut", une obsession chez lui, décore sa nouvelle maison devant couronner son succès d'homme riche, emporté par la joie de son ascension sociale, il tombe en accrochant les rideaux...

C'est le début de ses douleurs, de l'inquiétude, de la conscience de l'hypocrisie du monde auquel il voulait tant ressembler, des désillusions devant sa famille qui ne se préoccupe que de ses toilettes ou du désagrément qu'Ivan Ilitch leur apporte en étant malade.

A l'indifférence et aux mensonges de sa famille, s'ajoute l'incompétence des médecins, qui n'est pas sans rappeler l'incompétence évoquée au début de la nouvelle.

Sans diagnostic précis, le malade oscille entre espoir et désespoir, ne sachant pas s'il va vivre ou mourir, ce n'est plus lui qui tient la vie entre ses mains.

Plus l'agonie d'Ivan Ilitch avance, plus celui-ci réfléchit à sa vie passée et se rend compte qu'il est complètement passé à côté de ce qui était important.

En pensant aux joies qui ont été les siennes et qu'il voudrait retrouver et non mourir, il s'aperçoit que ses seuls plaisirs sont liés à son enfance. Que tout ce qu'il a cherché depuis qu'il a commencé la Jurisprudence était vain, faux, et ne lui apportait pas le bonheur. Il prend conscience que plus sa vie passait, plus il se croyait heureux en ayant des postes de plus en plus élevés, alors qu'en fait il s'éloignait des vraies valeurs de simplicité. Plus il croyait réussir et moins il avait de joies. Ses relations professionnelles, amicales et familiales n'étaient que superficielles.

Entouré d'une famille égoïste, de collègues indifférents, Ivan Ilitch se retrouve dans une grande solitude au moment de mourir, à laquelle s'ajoute la colère et un sentiment d'injustice "Pourquoi lui ?"

Dans la famille, seul son fils cadet est touché par la douleur de son père et ressent de la tristesse, peut-être parce que sa jeunesse ne l'a pas encore perverti ? Peut-être que lui trouvera ses valeurs ailleurs, dans plus d'empathie envers ses semblables ?

Un autre personnage est attachant dans cette nouvelle et fait ce qu'il peut pour soulager Ivan Ilitch à la fin de sa vie, c'est son serviteur Guérassime.

Tolstoï était un propriétaire terrien, très proche des moujiks qui travaillaient pour lui, ce qui explique certainement qu'il présente Guérassime comme quelqu'un d'empathique, avec de vraies valeurs, valeurs auxquelles l'auteur est attaché.

Tolstoï, angoissé par la mort qu'il a souvent approchée de près avec le décès de ses parents, sa soeur et plusieurs de ses enfants relate bien cette inquiétude dans cette courte nouvelle.
En peu de pages, l'auteur aborde énormément de notions.

L'écriture fluide rend le texte intime et nous touche de façon réaliste.

La longue agonie, les souffrances physiques et psychologiques et l'extrême solitude du malade sont décrites avec une grande force et j'avoue avoir eu du mal, à la fin, à supporter ces descriptions, accueillant la mort d'Ivan Ilitch comme un soulagement.

Soulagement aussi pour le malade "Il chercha son ancienne peur, sa peur habituelle de la mort et ne la trouva pas. Où était-elle ? Quelle mort ? Il n'y avait pas de peur parce qu'il n'y avait pas de mort.
Au lieu de la mort, il y avait la lumière."

Je remercie Sandrine (HundredDreams) pour avoir proposé cette lecture commune ainsi que les lecteurs qui m'ont accompagnée. Notre ressenti était très proche sur cette lecture et les partages toujours sympathiques et enrichissants furent très agréables.
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Il ne faut pas lire Tolstoï.
Ou alors, rarement, comme la gourmandise raffinée que l'on s'offre dans certains restaurants etoilés.
Son écriture, ses mots, ses constructions, sa galerie de portraits..Tout est délicieux !

Ce magistrat au fond de son lit, attend et refuse la mort.Toute sa vie n'a été que calcul.Il a programmé ses intérêts dans, son mariage, sa carrière, ses relations...Il se retrouve seul, vulnérable, rempli d'espoir de guérison et terrifié par sa fin prochaine. Il fait le bilan comptable de sa vie, qui semble déficitaire malgré toute l'énergie qu'il a déployée pour réussir.

C'est un excellent moment de lecture classé cinq étoiles.
Je vais chercher de bons petits restaurants où on se régale aussi.. en évitant les gargotes
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Le premier récit court de Tolstoï qu'il m'ait été donné de lire, suite à d'excellentes critiques appréciées il y a quelque temps sur Babelio.
J'essaie de mettre par ce bref commentaire sur ce site mon ressenti sur cette extraordinaire expérience..

Un livre que j'ai lu « fiévreusement » en une soirée.
Certes ce récit est bien plus court que Guerre et Paix ou Anna Karenine, mais, malgré sa brièveté, quelle qualité...et quel choc!

Jamais, je trouve, la descente inéluctable vers la mort n'a été décrite avec autant de force et de lucidité.
Le début insidieux des symptômes, la souffrance physique devenue insoutenable, la déchéance du corps, la terrible solitude du malade et du mourant, l'indifférence de la plupart des proches, famille, amis, collègues, la compassion et la sollicitude du domestique, le seul (avec le jeune fils) à porter une attention sincère à Ivan Ilitch, et enfin, l'acceptation résignée de la Mort, tout cela est saisissant.

Tolstoï nous décrit au préalable la vie pas très heureuse d'Ivan Ilitch, enfin, il faut bien le dire, de ce qu'est bien souvent une vie d'être humain. Et alors que sa condition matérielle et sa vie maritale s'améliorent un peu, le voilà confronté, d'abord sans y croire, à la survenue traîtresse de la maladie.
Chez cet homme de loi, conseiller à la cour d'appel, et habitué à rendre des jugements au tribunal, c'est vécu comme une sentence, une sanction pénale : qu'ai-je fait pour mériter ça?pourquoi moi?

Le récit est construit de façon très originale puisqu'il débute par la description des obsèques et des réflexions sans compassion, mais c'est souvent ainsi, d'un de ses collègues de travail.

Une merveille à lire et relire....et à méditer.
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Ivan Illitch mène une vie bien rangée . Sa vie suit le cours des plaisirs et des convenances, en conformité avec la bonne société russe de son époque.
" Une existence uniforme et régulière,dans le meilleur des mondes possibles."

Sa vie professionnelle est un succès, sa vie familiale et affective beaucoup moins, mais ça ne l'affecte pas beaucoup, cela n'est pas sa priorité.

Alors qu'il vient de recevoir une nouvelle mutation, avec le confort matériel qu'elle implique , et donc la paix revenue dans le ménage, la maladie va s'immiscer dans sa vie.

Il va se retrouver seul face à sa douleur, à l'angoisse de la mort. Personne n'est là pour le consoler, apaiser sa peine. Sa femme va se montrer odieuse et détestable. Elle va souhaiter sa mort et le haïr en même temps , car elle sait que cette mort ne la sauvera pas, car alors elle ne bénéficierait plus de son traitement. Tout ce qui l'importe c'est son confort matériel.

La seule consolation qu'il trouvera ce sera dans les bons soins prodigués par son serviteur, Guérassime. Celui-ci, homme du peuple, n'ayant pas la même éducation, et peut-être aussi obéissant à son maitre, va se montrer compatissant. Il sera le seul à reconnaitre la maladie d'Ivan et sa gravité. Tous les autres sont dans le déni, le mensonge, ils ne lui accordent même pas cette vérité, car alors il faudrait le consoler.

Pour ses collègues et "amis", ce changement sera aussi pour eux une gêne.
Ils ont tous hâte qu'il débarrasse le plancher. Ils ne verront d'ailleurs dans sa mort que l'opportunité de nouvelles mutations et aussi la chance qu'ils ont que ce ne soit pas leur tour.

Sa vie est donc empoisonnée et elle empoisonne celle des autres. Il ne lui reste qu'à mourir pour échapper à cette douleur qui ne le quitte pas , qui s'est accaparée de sa vie. Il se voit mourir mais il ne se fait pas à cette idée, pour lui aussi la mort c'est pour les autres.

Devant l'inéluctable, il va faire un bilan de sa vie. Il se rendra compte alors que les seules vraies joies dont il se souvient sont celles de sa prime enfance.Tout le reste est factice, de la pacotille.Il pensera alors:
"Au fur et à mesure que pour l'opinion publique je semblais gravir la pente, la vie s'échappait de moi..."
" Comme si je descendais régulièrement la pente tout en m'imaginant que je la gravissais."

C'est donc un portrait sans complaisance que nous dresse là l'auteur, de la société russe de son époque. La vie d'Ivan ne vaut finalement rien , face à l'indifférence effroyable de son entourage vis à vie de sa souffrance et de son agonie. Qu'est-ce-que la vie d'un homme si elle n'est même pas regrettée et pire encore si elle est souhaitée. Sans doute Ivan aurait- il agit de la même façon si cela était arrivé à un autre que lui, il vit dans le même monde, celui de l'égoïsme . Il est aussi antipathique que les autres .
Texte sombre et sans espoir, dans laquelle on reconnait bien la plume de l'auteur, brutale et sans complaisance.


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La mort d'Ivan Ilitch raconte sa progression de la vie à la mort. Fils de fonctionnaire devenu à son tour fonctionnaire puis juge, vivant dans une relative opulence, marié à une femme de moins en moins agréable, ayant deux enfants vivants, Ivan Ilitch va tomber malade, avec des maux diffus de l'appareil digestif, sans doute en lien avec une chute, et finira par en mourir.

J'ai lu cette nouvelle en même temps qu'un essai intitulé Croire sur les pouvoirs de la littérature de Justine Augier, qui a sans doute influer sur ma manière d'appréhender le texte de Léon Tolstoï. J'ai notamment retenu de l'essai que les livres naissent au point de frottement entre l'intime, l'autre et l'universel et je trouve que La mort d'Ivan Ilitch illustre parfaitement cette analyse.

A l'aube de la mort, Ivan Ilitch se pose la question universelle du sens de sa vie et fait le constat désespérant que « C'est toute ma vie, ma vie consciente, qui n'était pas ce qu'elle aurait dû être ». Il est rejeté de ses proches, les autres, qui continuent leur vie « Elle voulait cacher ce que tous éprouvaient, mais ses paroles la trahirent – Alors, si on veut y aller, il est temps ». Et, dans son intimité, « Il pleurait sur son impuissance, sur son affreuse solitude, sur la cruauté des gens, sur la cruauté de Dieu, sur l'absence de Dieu ».

Ce court texte, en moins de cent pages, développe parfaitement les trois aspects. A mon sens, comme souvent dans les « classiques », peu de mots suffisent pour exprimer beaucoup. Sur la réflexion sur le sens de la vie qui aurait dû être plus intensément et différemment vécue, je continuerai à préférer le désert des Tartares de Dino Buzzati (qui reste sur mon île déserte). Sur le détachement face au malade, allant progressivement au dédain, je conserverai en première place la métaphore de la métamorphose de Franz Kafka. En revanche, sur la description du poison de la maladie, du mensonge connu mais nécessaire, des souffrances physiques et morales, de la solitude de fin de vie, cette première lecture de Léon Tolstoï m'a donné envie d'aller plus loin. Il transmet un texte intemporel qui décortique cette phase dans ses moindres détails.

Ce texte est poignant, mais peut aussi être très éprouvant pour ceux qui seraient en phase de deuil.

Cette découverte a été faite dans le cadre d'une lecture commune. Un grand merci aux participants (avec une mention spéciale pour Sandrine qui avait proposé cette nouvelle) !

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Dans sa vie , Tolstoi est une personne obsédée par la mort . IL voit la mort partout . le néant de la vie . Pour lui , rien n 'est pire que la mort . Si elle est la fin de tout
dit-il , rien n 'est pire que la vie . Nicolas , le frère préféré , quelques minutes avant de mourir , sommeille . IL se réveille et crie " Qu 'est-ce que c ' est que celà ? " .
IL a vu sa disparution dans le néant , dit Tolstoi qui ajoute : " S ' il n ' a rien trouvé à quoi se retenir , que trouverai-je , moi ? "
Tolstoi est terrorisé par la mort , par le néant : chez-lui la peur de la mort est effrénée. IL tâchera de s 'en défaire dans ses personnages de roman IL sera le meilleur peintre de la mort , le plus vrai , le plus minutieux .
En 1884 , il écrit son chef-d 'oeuvre , comme , exutoire , pour éloigner la mort de lui- même puis qu ' elle concerne un autre : in personnage de son livre c est à dire : Ivan Ilitch ! Durant sa maladie , dont le progrès est très bien décrit , Ilitch est assisté par le paysan Guérassime , qui est tel que la nature l ' a fait , simple et bon , personnage toujours présent , dans un roman de Tolstoi et qui figure la simplicité et la bonté ; pour ceux-la , vie et mort ne sont pas un problème . Enfin Ilitch verra se dissoudre son épouvante . IL apprendra dans une demie tranquillité que lorsque la vie s 'éteint , c 'est aussi la mort qui disparaît .
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Après Anna Karenine que j'ai découvert récemment, je viens de terminer : La mort d'Ivan Illitch de Léon Tolstoï, court roman de 70 pages.
Le livre démarre sur la mort du dénommé Ivan Illitch, homme dans la force de l'âge, conseiller à la cour d'appel. Cet homme serait mort d'une maladie fulgurante et dans d'horribles souffrances. C'est à travers les dialogues de ses soi-disant amis, confrères que l'on apprend la nouvelle. Beaucoup d'indifférence et surtout d'intérêts personnels sont en jeu… Qui aura la place de qui suite à ce décès.
Puis l'auteur nous faire vivre à travers Ivan Illitch, sa vie, son ascension, ses déboires conjugaux pour en arriver à l'accident qui va tout déclencher.
Léon Tolstoï nous décrit les sentiments, les incertitudes, les certitudes du dit Ivan Illitch. Il se sent bien sous tout rapport aussi bien intellectuel que physique, il est certain d'avoir fait ce qu'il fallait pour être un homme comme il faut, mais sa maladie et la souffrance va tout remettre en question. En particulier ce qu'il a fait de sa vie.
C'est à une longue agonie que l'on assiste avec une remise en question du pourquoi, du comment de la vie, de ce que l'on devrait en faire et que l'on n'a pas fait. Je dirais une désillusion totale de ce qui a été. On sent là les questionnements de Tolstoï sur la vie et la mort. Des rapports humains proches et moins proches. du but d'une vie à travers la mort qui nous attend tous.
Court roman bien dans l'écriture et la vision de Tolstoï ? Déjà dans Anna Karenine on sentait ce genre de positionnement. J'ai bien aimé l'écriture de l'auteur toujours aussi prenante et envoûtante, le sujet bien sûr est universel, nous en sommes tous plus ou moins à nous poser ce genre de question.
Merci à toi Fifrildi pour ce choix lors de notre petit défi littéraire, un pas de plus dans l'oeuvre de TolstoÏ.. Je continuerai cela est sûr à le découvrir...
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Que ce que certaine douleur vous immerge dans une solitude extrême quand bien même vous pouvez avoir toute la famille à votre côté, vous êtes seul, et seul! C'est de cette solitude que nous relate, avec brio, Léon Toltoi dans ce beau texte! Une fois de plus j'ai été conquise par son écriture, par la finesse avec laquelle il façonne ses personnages. Ivan Illitch souffre d'un mal qui ne dit pas son nom mais peu à peu il sent, lui-même, qu'il s'éloigne de tout, que tout lui échappe, son travail, sa femme, sa belle maison, ses enfants, ses amis. Il n'est plus au contrôle de quoi que ce soi. De quoi souffre t il, des reins, des intestins, de la nervosité, même la médecine n'arrive pas à éradiquer cette fadeur qu'il sent désormais pour la vie. Il se fait un bilan de sa vie...se convainc qu'il est positif mais au fond tout lui paraît comme un tas de mensonge...
Un petit bijoux!
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Wahou ! Quelle histoire ! Ou comment faire de l'unique avec de l'ordinaire.

Comment tout dire en 100 pages, et se dire qu'il n'y a plus besoin de lire quoi que ce soit d'autre car tout y est ?
(quoi que, pour moi ce sera imporssible, ma curiosité et mon besoin de lire et découvrir de nouveaux auteurs est trop grande !)

Le livre s'ouvre sur l'annonce de la mort d'Ivan Ilitch. Ivan Ilitch, était un homme ordinaire de la bourgeoisie moscovite du 19ème. Ni saint ni damné, un homme comme les autres de son milieu qui a voué sa vie à travailler pour gravir les échellons jusqu'à devenir juge.
Mais s'il est un homme avec un pouvoir sur ses semblables, il n'en reste pas moins humain. Et donc, pour lui aussi la vie est une chose bien fragile... Et à l'heure où il comprend qu'il ne lui reste plus longtemps à vivre, lui non plus n'échappe pas au bilan après le déni.
Alors, peut-il se dire qu'il a réussi sa vie ? Qu'elle l'a rendue heureux ? Ou alors s'est-il laissé aveuglé par le mirage des convenances sociales ?
Le tout narré avec des jeux de regards fabuleux qui donnent à mettre notre propre vie en perspective.

Une novella percutante qui m'a profondément bouleversée.
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