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En une analepse savamment menée, qui donnera tout son intérêt à ce bref, mais ô combien riche récit, Léon Tolstoï, nous décrit en effet, tout d'abord, l'annonce de la mort d'Ivan Illitch, haut fonctionnaire, et les réactions, d'un grand cynisme, de cette annonce, tant sur son entourage personnel que professionnel.

A partir de cette annonce, nous remontons le temps, découvrons la vie du protagoniste, petit bourgeois russe qui veut paraître au mieux, à travers un regard souvent caustique, jusqu'à l'accident qui causera sa perte, en une longue agonie racontée dans les moindres détails, des premiers symptômes de la Douleur, personnifiée en un mal qui le ronge à petit feu, jusqu'aux derniers moments atroces. Agonie qui, comme tout le reste, prend un caractère assez trivial, jusqu'au moment où la compréhension, dans les derniers chapitres, pour l'homme comme pour la famille, que la Douleur l'emportera, et qu'il vaut mieux se laisser porter par Elle plutôt que de continuer à la combattre.

Fatalisme de la Mort, qui survient n'importe quand, magistralement contée, en somme.

Une deuxième rencontre réussie avec l'auteur, il est temps de m'atteler à l'un de ses romans : Anna Karénine ou Guerre et paix ?
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« Au fond de son âme, Ivan llitch savait qu'il mourait, mais non seulement il ne s'était pas fait à cette idée, mais simplement il ne comprenait pas, ne pouvait absolument pas comprendre cela. Il avait appris dans le traité de Logique de Kizeveter cet exemple de syllogisme: « Caïus est un homme; tous les hommes sont mortels; donc Caïus est mortel. » Ce raisonnement lui paraissait tout à fait juste quand il s'agissait de Caïus mais non quand il s'agissait de lui-même. Il était question de Caïus, ou de l'homme en général, et alors c'était naturel, mais lui, il n'était ni Caïus, ni l'homme en général, il était un être à part. Il était Vania, avec maman et papa, avec Mitia et Volodia, avec ses jouets, le cocher, la bonne, puis avec Katenka, avec toutes les joies, tous les chagrins et tous les enthousiasmes de son enfance, de son adolescence et de sa jeunesse. Est-ce que Caïus avait jamais senti l'odeur de la balle en cuir que Vania aimait tant? Caïus avait-il jamais baisé la main de sa maman? Avait-il eu du plaisir à entendre le frou-frou de sa robe de soie? Était-ce lui qui avait fait du tapage pour des petits gâteaux, à l'école? Était-ce Caïus qui avait été amoureux? Était-ce lui qui dirigeait si magistralement les débats du tribunal? Caïus est mortel, c'est certain, et il est naturel qu'il meure; mais moi, Vania, Ivan Ilitch, avec tous mes sentiments, toute mon intelligence, moi, c'est autre chose ».
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J'avais déjà lu ce court roman (ou très longue nouvelle) il y a quelques années, mais je ne m'en souvenais pas. J'avais surtout retenu les comportements de la famille autour du mourant, alors que ce n'est pas du tout ce qui fait le coeur du récit.
C'est une fameuse interrogation qui est posée là : comment savoir si nos vies sont des réussites ? si nous avons bien agis ? si nous avons toujours fait ce qu'il fallait ? Et c'est face à la mort que le personnage s'interroge... certainement comme beaucoup d'autres humains.
Et en quelques pages on partage son angoisse, et aussi sa solitude : qui pourrait comprendre.

Je me demande comment j'ai pu oublier cette lecture.
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Relire des classiques...
Je ne peux que remercier mon amie de lecture, Palamède, pour m'y avoir incitée, car j'y ai pris beaucoup de plaisir. Je pense même que notre éducation littéraire nous les impose trop tôt et nous empêche de les apprécier pleinement, en méconnaissance des expériences personnelles que la vie nous apporte.

Yvan Ilitch ou grandeur, vanité et décadence!

En quelques pages d'une concision radicale et brillante, Tolstoi nous déroule en accéléré la chute inéluctable par maladie d'un homme de la bourgeoise russe, face à l'incurie de la Faculté.
Et par son introspection au seuil de la mort, entre rage, espoir de guérison, fatalisme effrayé, regrets et souvenirs, de multiples réflexions tournent en boucle: vanité de la réussite professionnelle, hypocrisie de la société et de la famille, fragilité et solitude extrême face à la maladie et à la souffrance.
Dans sa haine des vivants et sa frayeur de grand départ, Yvan Ilitch nous renvoie à nos propres questionnements, au dérisoire d'une vie égoïste, régentée par les codes que nous nous donnons pour mieux paraitre aux yeux d'autrui.

Petit roman d'une grande modernité, dont la redécouverte est un plaisir.
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Incontesté, le chef d'oeuvre des chefs d'oeuvre sur le thème de l'homme devant sa propre mort.

(Sa situation)
"Ivan Iliitch était conseiller (en robe) à la cour d'appel de Pétersbourg, fils de fonctionnaire, d'un de ces fonctionnaires qui vont de département en ministère et finissent par faire une carrière qui établit, sans erreur possible, que ces gens-la sont inaptes à occuper un poste de quelque importance".

(Son mariage)
"Une jeune fille aristocratique, plaisante, agréable et parfaitement honnête -pouvait-on souhaiter mieux ?.. Il serait faux de croire qu'Ivan Iliitch se fût marié parce qu'il avait aimé sa fiancée ou découvert en elle une âme-soeur. Mais, d'un autre côté, les gens seraient mal avisés de penser qu'il l'eût épousée pour la seule raison que son milieu voyait cette union d'un oeil favorable..Oh non, Ivan Iliitch était guidé par des considérations rigoureusement personnelles en prenant femme : d'un côté, se disait-il, un nouvel agrément allait s'ajouter aux roses de son existence ; et de l'autre, en agissant de la sorte, il se lançait dans une entreprise hautement approuvée par ses supérieurs.."


L'homme mène donc une vie bien grasse, joueur de surcroît, il occupe toute la scène, d'ailleurs Tolstoï comme le souligne justement Romain Rolland "ouvre avec La Mort d'Ivan Iliitch une série d'oeuvres nouvelles, La Sonate à Kreutzer, La Puissance des ténèbres, Résurrection qui participent de la dérision théâtrale. Ce n'est pas le truculent Falstaff, le bouffon bien repu qui est partout, presqu' immortel, d'ailleurs l'auteur n'aurait pas du tout aimé qu'on comparât le personnage de Shakespeare à Ivan Iliitch. Nous ne sommes plus du tout ici avec ces centaines de personnages flamboyants de l'immense fresque qu'est Guerre et paix, nous sommes à l'heure du bilan de la vie d'un homme socialement bourgeois fauché dans la force de l'âge par la maladie qui semble vouloir rendre responsable le monde de son propre malheur, le prendre à témoin et qui s'étonne que ce monde qui l'entoure le voit à l'inverse de ce qu'il voudrait être comme un miroir déformant, s'il nourrit encore quelques espoirs de vie, mais c'est bien tard.

Rien n'échappe à l'auteur sur les rouages de la société russe des années 1880. On savait déjà que tolstoï n'a cessé de la disséquer, de l'instruire, mais de la vitupérer ainsi avec une acrimonie inégalée, c'est une première. Tout sera passé au crible, le Tsar, l'administration, la société, l'Eglise orthodoxe qui ne lui pardonnera pas 10 ans plus tard son réquisitoire dans Résurrection et l'excommuniera ! Quelques 15 ans plus tard, cette société va connaître des soubresauts qui vont conduire à la révolution de 17. Tolstoï avait prévenu, mais n'a jamais encouragé cette révolution . Il n'a cessé de dénoncer les systèmes, un nouveau système remplaçant l'ancien non seulement n'avait aucune chance mais ne ferait pas l'économie d'une justice et d'un liberté avortées pour les plus pauvres , avait-il écrit. Il voulait que l'homme se réformât de l'intérieur. Il n'y a donc pas que l'homme en question dans cette affaire, le juge Ivan Iliitch qui va mourir, la confession de cet homme est accablante comme un signe annonciateur de la déliquescence de la société qui va à sa perte inéluctable. A cet effet, Tolstoï enfonce le clou plus qu'il ne l'a fait dans Anna karénine. Ivan Iliitch jette un regard sur sa vie de plus en plus féroce au fur et à mesure que la maladie progresse : il passe du mensonge et de l'hypocrisie de sa vie passée à une remise en cause en règle de lui-même, mais c'est trop tard pour s'amender, l'homme n'a renvoyé qu'une mauvaise image autour de lui, il attend indulgence et ne récolte que bassesses humaines plus fortes encore vis-à-vis du malade qu'il est.. le monde lui semble faux et n'est que le miroir de sa conscience tardive, revers de la médaille. C'est toute cette vacuité qui va le faire épouser finalement une cause inattendue qui n'est autre que le spectre de l'agonie : il va faire abstraction de lui-même et parler à cette mort comme dans une farce..

"Et il lui vint encore une idée : si toutes ses aspirations imprécises - oh ! terriblement imprécises et fugitives ! - si toutes ses aspirations et ses tentatives de s'opposer à ce que ses supérieurs considéraient comme la chose la meilleure et la plus raisonnable aient été la seule vérité de sa vie, tout le reste n'était que mensonge ?.. Car son travail, l'organisation de son existence, sa famille, ses intérêts - tout cela pouvait "n'être que ça".
Il essaya de plaider sa propre cause et s'aperçut aussitôt combien elle était indéfendable .. du reste il n'y avait pratiquement rien à défendre !
" Admettons qu'il en soit ainsi, songea-t-il, que je quitte la vie avec la conscience d'avoir gâché tout ce qui m'a été donné .. irréparablement gâché .. et alors ?.."

Contrairement à son habitude vis-à-vis de ses oeuvres une fois publiées, Tolstoï ne contestera pas ce court roman d'une centaine de pages qu'est La Mort d'Ivan Iliitch. Comme il ne contestera pas non plus la Sonate à Kreutzer qui suivra puisque un an après sa parution il jugera bon y apporter une post-face qui sera un complément pour la bonne compréhension du lecteur. Et pas plus non plus pour Résurrection, son dernier grand roman qui sera à ses yeux son plus grand roman, son crédo littéraire. La Mort d'Ivan Iliitch est une oeuvre épurée, l'auteur maîtrise totalement son art, cela relève du génie. Je ne saurais ici ne pas relever la formule de Pietro Citati à propos de Tolstoï artiste "Sa prodigieuse capacité d'interprétation a toujours été une forme de jalousie sublimée par la réalité". Son accueil sera considérable. Stassov le grand critique écrira ceci à Tolstoï après lecture : "Aucun peuple nulle part au monde ne possède une oeuvre aussi géniale. Tout est petit, mesquin, faible en comparaison de cette oeuvre. Et je me suis dit : "Voilà enfin l'art véritable, la vérité et la vie vraie".
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Tolstoï, dans cette longue nouvelle, parle de la souffrance, mais aussi, ironiquement, au premier chapitre, de toutes les spéculations des collègues magistrats d'Ivan Ilitch, puisque sa mort va libérer une place et entraîner des promotions en cascade. Là est l'essentiel. Une visite à la veuve, mais pas trop longtemps, car ce soir, on ne va quand même pas rater le whist. On est loin de la façon toute philosophique dont Tourgueniev parle de la mort, le plus souvent par allégorie, dans un rêve, sans souffrance ni réalisme, et sans se préoccuper des répercussions chez les autres. Une jolie citation à propos des querelles entre Ivan et son épouse: "Ces querelles étaient prêtes à se ranimer à tout instant. Seules subsistaient de rares périodes où l'amour rapprochait les deux époux, mais pour peu de temps. C'étaient des ilots où ils accostaient un moment, mais ensuite, ils retrouvaient la mer de leur haine latente".
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C'est d'abord une satire de la bourgeoisie russe de l'époque. Tolstoï met en évidence la futilité de leurs préoccupations quotidiennes. Il met en scène Ivan Ilitch, un juge haut placé dans la société Russe, qui travaille très dur pour obtenir tout ce dont il a envie pour combler sa vie et celle de sa petite famille. de l'extérieur, et selon les standards de l'époque la famille est irréprochable.

C'est ensuite et surtout un roman sur la fin de vie. Un jour Ivan Ilitch tombe malade et aucun des nombreux médecins qui viennent l'ausculter n'arrive à le soigner. Il passe son temps à prendre divers médicaments tous aussi inefficaces les uns que les autres. Très vite sa santé se dégrade et Ivan Ilitch commence à perdre tous ses repères. Incapable de continuer à travailler il constate que de la convoitise de la part de ses collègues au lieu de la compassion attendue. Sa propre famille le considère comme un poids et les médecins incompétents rejettent la faute sur le malade "qui ne fait visiblement aucun effort sérieux pour se soigner". Ivan Ilitch se rend compte qu'il n'est pas malade mais mourant et commence son propre examen. Lorsque la mort approche chacun est forcé d'analyser sa vie et d'en faire la critique, bonne ou mauvaise.

Je suis assez attirée par la découverte des classiques pour le moment mais pas assez téméraire que pour me lancer dans les gros pavés. Ce petit livre est une bonne introduction à Tolstoï dont j'ai trouvé le style étonnamment fluide. Certains passages m'ont fait rire comme quand il sort de chez le médecin avec plus de questions que quand il est entré ou quand sa femme s'exaspère de son état. 130 ans plus tard, ces situations sont encore courantes.
Lien : http://biblinua.blogspot.com..
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Pour une première découverte de l'oeuvre de Léon Tolstoï, je suis conquise.
Et malgré le thème très noir de ce récit, je me suis trouvée happée et captivée.

Dans la Russie du 19ème siècle, on assiste à la lente agonie du haut fonctionnaire Ivan Ilitch, homme respectable à la vie rangée qui pourtant au moment de mourir sent qu'il n'a pas vécu sa vie comme il l'aurait voulu.
Autres temps, autre pays, autres moeurs, mais pourtant l'histoire de cet homme semble universelle tant au moment de sentir la fin arriver nous serons tous égaux, humbles et impuissants devant l'éternel.

De plus les circonstances de la mort d'Ivan Ilitch sont particulièrement énigmatiques et ô combien douloureuses. Mais ce qui m'a touchée par dessus tout, c'est la manière froide et réaliste de l'entourage du défunt de se réjouir de ne pas subir le même sort, et de reprendre le cours de la vie comme si de rien n'était.
Nous sommes bien peu de choses.

La construction de l'oeuvre est admirable, car même en connaissant la fin, énoncée dès le début, je n'ai pu lâcher ce livre avant d'en avoir parcouru les dernières lignes.
La plume de Tolstoï n'y est certainement pas étrangère et je pense que cette première lecture ne sera pas la dernière.
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~ Carpe Diem ~

“Nous sommes ici pour rire du destin & pour vivre une belle vie que la mort tremble en nous voyant arriver”

J'ai lu la nouvelle de Tolstoï en caressant la citation de Bukowski, pour garder un semblant de positivité !

Ivan Ilitch, bourgeois de bonne famille, magistrat, époux & père exemplaire, bref un homme banal, qui va de manière anodine se faire mal en tombant d'une chaise en installant des rideaux, et par la suite en souffrir !

En une centaine de pages, Tolstoï décrit minutieusement la maladie, la dégradation, cette décente aux enfers, il aborde ce long cheminement vers la mort de façon nue & épurée, libérée de tout artifice romanesque. La longue agonie est incroyablement narrée, non seulement le personnage subit la douleur, mais cette dernière est accompagnée de l'effondrement de toute ses convictions, et sa solitude absolue face à la faucheuse.

“C'est toute ma vie, ma vie consciente, qui n'était pas ce qu'elle aurait dû être” ou encore : “Tout ce qui te faisait vivre et dont tu vis, - c'est mensonge, tromperie, qui te cachent la vie et la mort”

Un chef d'oeuvre qui fait envisager à chacun sa propre fin, où comment la mort hante la vie, la creuse, la mine & finit par l'envahir. C'est noir, macabre, douloureux. Saisissant & fascinant, à croire que Tolstoï en a déjà fait l'expérience, mais peut être qu'il nous demande juste de vivre amplement & d'en profiter au final !

" [...] son agonie avait duré deux heures. Dans sa poitrine quelque chose clapotait, et son corps épuisé avait des soubresauts. Ensuite le clapotement et les râles devinrent plus rares”

J'ai eu l'impression que ça prenait une éternité ! le livre renferme plusieurs nouvelles, mais je me suis arrêtée à celle-ci, histoire de m'en remette, j'ai appris à ne pas me forcer en matière de lecture, mais ça c'est un autre sujet.

Si cette nouvelle été un tableau, ça serait pour moi, "Saturne dévorant un de ses fils" de Goya !
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Ce court récit est remarquablement dense, traitant de nombreux thèmes, alternant les émotions, et réussissant à partir d'un cas général, ancré dans un cadre historique précis, à atteindre l'universel. En effet, on peut le lire comme un récit historique, c'est la Russie de la seconde moitié du XIXème siècle qui se modernise (les trains, les photographies...), mais aussi ses archaïsmes (les différences de classe, la bureaucratie arriviste et corrompue).
Ce texte arrive aussi à être émouvant et pathétique - notamment les passages sur le paysan, seul capable de bonté pour son maître par une forme de naïveté naturelle, mais aussi cruel avec les amis du mourant qui ne pensent qu'à son héritage, et sa femme qu'à sa toilette.
Et quand Ivan Ilitch évoque ses souffrances, ses remords et ses regrets, c'est chaque lecteur qui se reconnaît.
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