AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782752900661
192 pages
Phébus (18/03/2005)
4/5   6 notes
Résumé :

Le roman vrai d'une obsession et d'une possession : celles que l'écrivain américain Meyer Levin fera siennes jusqu'à la folie après avoir été bouleversé par la lecture du Journal d'Anne Frank... Tereska Torrès, sa compagne, est toute prête à le soutenir quand il s'en prend aux marchands du Temple qui dénaturent le message de la petite Anne à l'occasion d'une adaptation pour la scène du c... >Voir plus
Que lire après Les Maisons hantées de Meyer LevinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
«Je rêve d'elle souvent ».
C'est ainsi que s'ouvre le récit que Tereska Torrès consacre à l'obsession de son mari, le romancier Meyer Levin, une obsession qui finira par l'isoler, le lézarder de l'intérieur et le détruire. Elle, c'est Anne Frank. le jour où Tereska Torrès offre à son époux le Journal qui vient de paraitre, elle ignore qu'elle vient de lui faire, ou plutôt de leur faire à eux deux, à leur famille, à leurs amis, un cadeau empoisonné. Levin ressent immédiatement la qualité du Journal, et surtout sa portée. La jeune fille est devenue la voix de six millions de victimes. Il contacte donc Otto Frank, lui propose d'en tirer une pièce. Malheureusement, l'adaptation déplait à Lillian Hellman, la dramaturge américaine . La productrice le lâche. Lié par contrat, Otto Frank en confie l'adaptation à Frances Goodrich et Albert Hackett. Jouée à Broadway, c'est un triomphe. Elle remporte le Prix Pulitzer de l'oeuvre théâtrale.
Levin crie au plagiat. Mais il estime surtout que cette adaptation dénature le Journal, et ce qu'il symbolise, leur reproche d'avoir gommé son authenticité, d'avoir cédé à un sentimentalisme galvaudé au service d'une culture de masse. Débute alors un combat, éreintant, et inutile, à coups d'articles, de courriers, de pétitions, et de procès, puisque Levin va jusqu'à assigner Otto Frank en justice. Ses amis l'évitent, on le moque, le milieu littéraire lui tourne le dos. Il en vient même aux mains avec son ami Norman Mailer. La seule personne avec laquelle il parvient à en parler sans s'emporter est la reporter de guerre Martha Gellhorn qu'il a connue lors de la guerre d'Espagne. Gellhorn peut le comprendre, elle qui a couvert la libération de Dachau.
De ce combat contre des moulins à vent, Levin tirera un ouvrage, The Obsession, dans lequel il revient sur les déboires de son adaptation théâtrale, artistiques et surtout juridiques.

Les maisons hantées de Meyer Levin est donc l'histoire de trente années d'une descente aux enfers, le conte d'une folie peu ordinaire, narré par une épouse aimante, impuissante, qui l'observe, le soutient avec tout son amour, et qui apprend à vivre à trois, avec le fantôme d'Anne Frank. Pour rendre parfaitement compte de cette vampirisation littérale de Levin qui l'enfermera dans un délire de persécution, Tereska Torrès choisit de nous inviter dans l'intimité de son couple et de sa famille. le lecteur assiste en même temps qu'elle au déclin d'un homme qui est pourtant un chêne, un romancier reconnu, un journaliste qui a vécu la guerre d'Espagne, la libération de l'Europe, la découverte des camps, les voyages clandestins sur des rafiots pourris avec des survivants en partance pour la Palestine, l'Éthiopie, où il filmera les Falashas…
Tereska Torrès est quant à elle une femme de « armas tomar », je ne saurais le dire en français, qui en juin 1940, s'est embarquée pour l'Angleterre où elle s'est engagée dans les Forces françaises libres. Elle a travaillé comme secrétaire au quartier-général du général De Gaulle à Londres, a perdu son premier époux, soldat de la 2ème DB alors qu'elle est enceinte.
Pour saisir le retentissement qu'a la lecture du Journal d'Anne Frank sur Meyer Levin, il faut revenir sur son passé et son parcours. Levin, né au sein d'une famille pauvre de juifs originaires de Lituanie, est l'auteur entre autres du roman Frankie et Johnny, et du remarquable Crime, sur l'Affaire Leopold et Loeb., adapté sous le titre le Génie du mal , qui n'a rien à envier à de sang froid de Truman Capote. Mais c'est surtout lors de la Seconde Guerre mondiale, que sa vie prend un autre tournant. Il sillonne les villes libérées à bord d'une jeep en compagnie du photographe français et correspondant de guerre Eric Schwab. Les deux hommes découvrent les camps, les charniers, les « squelettes vivants». Meyer Levin est traumatisé.

Voici pourquoi peut-être le journal d'Anne Frank trouve un écho aussi retentissant chez le romancier. Mais le basculement est tel que Tereska Torrès évoquera aussi le dibbouk, l'esprit d'Anne Frank. Son âme flottant au-dessus de Bergen-Belsen a peut-être pénétré dans Meyer Levin et l'a rendu fou. Au-delà d'une lecture du Journal d'Anne Frank, Les Maisons hantées de Meyer Levin est aussi, et surtout, un très beau roman d'amour dans lequel la romancière dit son refus du temps qui passe, et le souvenir des jours heureux, avant: « Il a tant vieilli. Je ne veux pas, je refuse qu'il vieillisse. Autrefois je me promenais sur la plage, je refusais de croire que cela pourrait jamais arriver. J'imaginais mes enfants grandissant, devenant adultes, mais Meyer et moi demeurions les mêmes dans un corps intact. Meyer n'est pas le genre d'homme qui peut devenir un vieillard. »
Commenter  J’apprécie          5311
Tout commence par l'achat par l'auteure du journal d'Anne Frank qu'elle offre à son mari (elle ne cessera de regretter le jour où elle est rentrée dans cette librairie), écrivain adulé par ses lecteurs et son entourage.
Il décide d'en monter au théatre une adaptation et du refus qu'on lui oppose découlera le début de sa déchéance. Il ira même jusqu'à intenter un procès au père d'Anne Frank, Otto, pour ne pas avoir donné son aval pour sa version alors qu'il lui avait donné sa parole.
Meyer est obsédé par le fait d'être vivant alors que tant d'autres sont morts dans les camps et en a honte, étant juif lui-même "je te hais , pauvre Anne Frank dont pourtant ce n'est pas la faute".
De désillusion en désillusion, cette véritable obsession maladive ne le quittera pas jusqu'à sa mort.
Pendant toutes ces années, sa femme assiste impuissante à cette descente aux enfers, allant même jusqu'à se demander si Meyer n'est pas possédé par l'esprit d'Anne Frank. Elle ne cessera jamais néanmoins de l'épauler de façon admirable.
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Cela aurait-il vraiment commencé à Bergen-Belsen? Dans ces lieux, royaume du mal, règne des démons? Je sais ce que Meyer a pensé: je suis vivant, épargné. Honte d'être vivant, épargné, entrant en vainqueur dans les camps. Je sais qu'il a vu les cheveux, les masses de cheveux morts, les cheveux des petites filles mortes, toutes les petites filles, et les souliers des enfants morts et les châles de prière et les gamelles cabossées, les châlits de bois et la paille pourrie sur laquelle Anne Franck a fermé les yeux, laissant échapper son âme.
Est-ce à ce moment qu'elle se serait détachée comme dans cette légende juive, qu'elle aurait pris son essor, traversant des gouffres noirs, ton âme oiseau des rivages de l'au-delà à la recherche d'un corps où se trouver enfin un abri?
As-tu alors plané au-dessus de Meyer, en as-tu forcé l'entrée, l'as-tu alors pénétré, violeuse, dibbouk?
Est-cela la raison? La clé de ce qui arrivera? Le commencement? Je te hais, pauvre Anne Franck, dont pourtant ce n'est pas la faute.
Commenter  J’apprécie          210
Les invitations à dîner, à danser, à aller au cinéma, pleuvaient sur nous, les quelques centaines de volontaires françaises de l'armée du général de Gaulle. Nous n'étions pas nombreuses et tant d'hommes en uniforme, jeunes, beaux, braves, vivaient chaque nuit comme si elle était la dernière. Nous étions donc très recherchées, nous les Françaises. Quelques milliers de Français libres avaient toujours la priorité. Le bar de notre caserne était chaque soir plein à craquer. Ceux qui arrivaient de France, ceux qui allaient y être parachutés, étaient entourés d'une cour d'admiratrices.
Commenter  J’apprécie          200
"Est-il possible q'un homme aussi brillant, autrefois entouré de tant d'amis qui aujourd'hui le fuient, ait pu s'enliser dans une telle aberration ? Par étapes, par périodes, comme les fièvres de la malaria qui durent quelques semaines, puis se calment, puis s'élèvent. Un écrivain si doué, tellement honnête, tellement fort et qui peut être si drôle lorsqu'il va bien, lorsqu'il écrit un nouveau livre ou joue avec ses enfants... Jusqu'à la prochaine poussée de fièvre".
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Tereska Torrès (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tereska Torrès
Tereska Torrès et Léon Blum .Tereska Torrès, interrogé pour Mediapart par Antoine Perraud, évoque Léon Blum, qu'avait épousé la mère du jeune homme dont elle était veuve, Georges Torrès (1924-1944).
autres livres classés : biographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (13) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1721 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}