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EAN : 9782070774296
210 pages
Gallimard (07/04/2005)
3.67/5   21 notes
Résumé :

Franz Polzer est un employé de banque ponctuel et méticuleux. Il détestait son père et sa belle-mère ; la vie sexuelle est pour lui une hantise fascinante. Il loge chez Madame Porges, énorme et disgracieuse, qui l'entraîne dans son lit. Honteux devant ses collègues, il se cache. Franz a un ami d'enfance, Carl, juif et riche, atteint d'une sorte de gangrène, et dont la ravissante épouse, Dora, refuse la pr&... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
© le Matricule des Anges et ses rédacteurs
Sophie Deltin

Les Hommes mutilés


Stefan Zweig trouvait ce roman rebutant, Thomas Mann le portait aux nues. Hermann Ungar, écrivain tchèque, nous abîme dans les miasmes d'une humanité tyrannisée par des désirs terrifiants.

Quand Hermann Ungar succombe à une crise d'appendicite aiguë le 29 octobre 1929, à seulement 36 ans, la littérature avait pourtant fini par devenir une nécessité vitale pour ce fils d'une famille d'industriels juifs, grièvement blessé durant la Première Guerre mondiale, et lancé plus tôt dans une carrière diplomatique. Peu considéré par les représentants du milieu littéraire pragois comme Max Brod ou Willy Haas, il vécut à Berlin et y fréquenta Joseph Roth, Alfred Döblin, et Franz Werfel. Auteur principalement de nouvelles, Enfants et meurtriers (1920), et de deux romans, Les Hommes mutilés (1923) traduit en France une première fois chez Gallimard sous le titre Les Sous-hommes (1928) puis aux éditions Ombres sous le titre Les Mutilés et La Classe (1927), cet écrivain, à l'étrangeté prodigieuse et rare, fut malheureusement et de façon incompréhensible méconnu pendant un demi-siècle par la postérité.
Les récits d'Hermann Ungar, blocs d'effroi et de terreur, vous prennent durablement au corps. À quoi ce choc peut-il tenir, sinon au décalage entre un style singulièrement puissant, ramassé, dont les mots simples, les phrases courtes ont le tranchant de l'observation impitoyable, et la répugnance du propos un univers de déchéance dans lequel des figures ravagées se laissent furieusement assujettir, aux autres comme à leur propre chaos ? À moins que ce ne soit surtout cette fascination abjecte que suscite tout regard fixé sur le mal.
Franz Polzer, le héros, est un misérable et frustré employé de bureau un double littéraire de Joseph K. Fétichiste de l'ordre et paranoïaque invétéré, il tombe sous la coupe de sa logeuse, la veuve et vile Clara Porges, qui finit par le contraindre à devenir son amant. de même que plus jeune, il était battu par son père, il ne parvient pas à se défendre de cette relation perverse. Comme si par honte de soi, il " fallait " se venger de lui-même en se mortifiant par des attitudes d'auto-flagellation. Cette disposition masochiste semble remonter au traumatisme d'une scène originelle, où, découvrant les liens incestueux entre son père et sa tante, il retient de celle-ci la vision redoutable de sa raie " entre les cheveux noirs à droite et à gauche ". Depuis lors, le sexe féminin, cette " raie " d'un genre particulier, provoque chez lui non seulement une " répulsion amère " (rien que " la pensée de ce corps nu qui n'était pas fermé, de son affreuse cavité béante comme de la chair ouverte " le tourmente) mais aussi l'idée fixe qu'il répète l'inceste de son père. À cette obsession, mêlée d'avidité, d'une nudité dont Ungar excelle à en distiller çà et là les détails crus et repoussants s'ajoute une homosexualité latente notamment envers son ami d'enfance, le juif et riche Carl Fanta.
Chez Carl précisément, cette image de la haine de soi est poussée à son paroxysme elle lui ronge littéralement la chair. Cul-de-jatte bientôt amputé d'un bras, il s'acharne à exhiber ses atrophies, et à harceler Dora, sa femme, dont l'abnégation de " sainte " le répugne. Car ce qui reste de lui dans la putréfaction (mais " Que lui restera-t-il ? " s'inquiète-t-elle à juste titre), c'est la hargne désespérée de " demeurer en vie, ne fût-ce que par méchanceté ". L'univers ungarien est là, dans la perte définitive de l'intégrité humaine. À l'image du " tronçon ", l'homme n'y est plus entier, mais gangrené. Avec ce paradoxe que ce résidu d'homme ce déchet, on peut l'endurer et l'être encore. " Je suis couché là comme un réservoir de purin et je pue. Mais je ne meurs pas " ricane Carl. Et pour dégoûter Dora autant qu'il se dégoûte, il la force à s'avilir et impose la présence de Sonntag, personnage mystique qui va accélérer la décomposition de ces êtres estropiés. Cet ancien boucher d'abattoir ne s'est-il vraiment reconverti en infirmier que pour se repentir de la mort qu'il donnait aux veaux ? Et si sa volonté de rédemption dissimulait plutôt le désir sadique de punition qui doit transformer en bêtes expiatoires ceux qui sont " coupables " cupidité, prostitution, imposture et chantages en tous genres ? C'est en tout cas l'ambiguïté de ce " découpeur de viande " pénitent qui, en prêchant le châtiment perpétuel, reste pourtant prêt à " toujours recommencer (la faute, le crime), pour souffrir à nouveau cet acte ".
Alors, dans ce cercle infernal où " chacun doit accomplir son destin jusqu'à la fin ", qui de tous fera le mieux " le veau " ? À l'instar de Carl, la " charogne ", ou de Carla, flasque comme une " truie " et vénale comme du " bétail ", tous témoignent de ce processus de dégradation de l'humanité à l'état de bête. D'ailleurs, qu'a-t-on fait des membres amputés de Carl ? se demande Franz, horrifié. Telle est bien la hantise qui suinte de ce roman sanguinaire : finir comme " les entrailles malodorantes des animaux abattus " que " les bouchers jettent dans une fosse ". Au rebut.

Les Hommes mutilés
Hermann Ungar
Traduit de l'allemand
par Guy Fritsch-Estrangin
L'Imaginaire/Gallimard


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Deux hommes désignent du doigt les berges d'un fleuve et le premier dit au second : tu vois ces berges, elles ont été façonnées par le temps et le fleuve puissant qui coule encore entre elles. Étonné, le second lui répond : je vois ces berges mais il n'y a rien au milieu, le lit est à sec, du fleuve qui coulait ici, je ne vois plus que des galets et des mauvaises herbes. Alors le premier homme descend un peu plus bas où, pense-t-il, il pourra toucher l'eau et montrer à l'autre son doigt mouillé, preuve irréfutable de l'existence du fleuve. Mais son doigt est sec, et sa certitude devient une fantaisie aussi fâcheuse que l'existence de ce livre.
La tentation est grande de parler de ce roman en commençant par une rapide biographie de son auteur. Commencer par placer l'oeuvre dans son contexte est une forme d'aveu, j'en ai la faiblesse, c'est dire que l'oeuvre ne se suffit pas à elle-même. On éclaire mieux un objet par le prisme de son histoire, mais l'histoire ne peut, à elle seule, constituer une qualité. Voilà un héros sans épaisseur, dont l'existence oscille entre le rituel et l'effroi, voilà une histoire stupide, qu'on appelle absurde pour tirer au-dessus la couverture de Kafka, et qui, brouillonne, n'a pour seule qualité que de nous faire adorer le sentiment qu'on déteste le plus en nous, la joie de la torture et de la souffrance du plus faible.
Bien, Franz Polzer (le héros) est un enfant mal-aimé, ok, il est un fonctionnaire méticuleux (merci Kafka) bon, c'est un type obsédé par l'ordre et la servitude, pas simple, mais il est en plus extraordinairement con. Et c'est l'attrait principal du livre. C'est le portrait austère d'un con de niveau mondial à qui on finit par souhaiter les pires contrariétés. Et cette vieille odeur de Kafka que l'on renifle au détour des pages ne rend pas hommage à l'immense K, car c'est l'oeuvre d'un copycat moyen, à des années lumière du maitre, et dont le mérite et le mystère se trouve dans cette longévité qui le conduit près d'un siècle après sa première parution à se voir honorer d'une telle édition. Je sens en Ungar la tentation de faire de Franz une sorte de figure Christique à minima (l'image récurrente du Saint) corrompu par le monde moderne (le docteur qui l'habille comme un bourgeois et provoque le plus grand trouble de sa vie, tout en lui expliquant : Je le fais en toute innocence, en passant, et ainsi votre fierté n'a pas à se sentir blessée), un être vil, sans volonté, désespéré par la religion qui ne lui accorde aucun autre refuge que des souvenirs hantés de concupiscence. Voici comment ce roman oppose l'ordre à la bestialité, à la bassesse et qui finit par faire de ce petit être médiocre, une forme de bactérie, un con, qu'il faut éliminer, car il tue la joie, la créativité, et l'essence de la nature (il est le seul à négliger les blessures immondes de son ami d'enfance), que la vie me protège d'un tel homme pour qui l'entropie sert de destin singulier, mais c'est bien le mérite de la littérature de nous faire ressentir des émotions contraires à nos postures morales et c'est sûrement le seul intérêt de ce livre. le seul intérêt hormis ce grand mystère, qu'un aussi grand nombre de gens voit un fleuve ou il n'y en a plus et que la sécheresse d'un livre soit une évidence aussi difficile à défendre.
A conserver précieusement pour caler les meubles. Et lire et relire Kafka pour oublier celui là.

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Hermann Ungar est un écrivain tchèque de langue allemande né en 1893 qui mourut à 36 ans et dont l'oeuvre (romans, nouvelles, théâtre) sera publiée entre 1920 et 1929. Ce roman, Les Hommes Mutilés paru en 1928 sous le titre originel Les Sous-hommes.
Franz Polzer est un employé de banque ponctuel et méticuleux du plus pur style caricatural et la vie sexuelle est pour lui une hantise fascinante « Dans les musées il ne voulait jamais voir les images et les statues de femmes nues. Il ne voulait jamais toucher leur corps. Il lui semblait qu'il n'y eût là que malpropreté et odeur répugnante. » Il loge chez Mme Porges, femme assez laide qui néanmoins réussit à le mettre dans son lit. Voué à subir, il ne sait résister à cette femme malgré sa honte. Il a un ami d'enfance gravement malade, dont l'épouse ravissante, refuse la présence d'un infirmier. Madame Porges va alors instaurer un climat malsain entre les deux couples en imposant un infirmier inquiétant dans ce marécage où germeront le chantage, la jalousie, le mensonge et le goût immodéré de l'argent. Bien entendu tout cela finira très mal. le roman n'est pas très long et fait souvent penser à Kafka son contemporain, pour son monde d'employés frustrés, êtres tourmentés et persécutés.
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Fichtre quelle Histoire.
Monsieur Polzer travaille avec une rigueur absolue comme petit employé dans une banque. Il est psychorigide et paranoïaque. Il loue une petite chambre. Par peur d'être mis à la porte, il couche avec dégoût, avec sa logeuse, Mme Porges qui telle une araignée, le prend au piège. Il a pour ami, Carl fanta qui est très riche mais aussi très malade. Carl pourrit lentement à cause de nombreux abcès et on lui enlève un membre de temps en temps ! A cause d'eux sa vie lui échappe de partout et cela génère un stress immense.
Ce roman est attirant dans sa démesure, sa sexualité grasse, son homosexualité caché, pus dégoulinant, sueur et de puanteur, complots vrais ou faux, on ne sait jamais trop. L'on y parle de religion, de gens qui sont gouvernés par le qu'en dira-t-on et de ceux qui vivent leurs vies. Un mélange de kafka et d'un Marquis de Sade qui détesterait le sexe. J'ai bien aimé ce roman même si la fin, ubuesque et très théâtralisée, est assez incompréhensible.
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Roman étonnant, perturbant et finalement assez décevant. La quatrième de couverture fait un rapprochement avec Franz Kafka. J'ai trouvé que l'on en était bien éloigné. Une très belle écriture. Tout au long du roman on ne peut s'empêcher de penser à cette Allemagne des années 20. L'Allemagne de Schieler et Kokochka, de Brecht. On suit un homme, Franz Polzer, qui est entrâiné dans une machination infernale à la limite de la folie. Hermann Ungar tenait un sujet extrêmement intéressant en abordant l'histoire de cet homme qui se réfugie dans une vie monotone, répétitive, sans aspérité pour fuir une enfance et une adolescence détestable. Il reste néanmoins désespérément attaché à cette vie qui le détruit à petit feu Isachant que si apparaît la moindre perturbation ce sera le début du chaos, de l'effondrement et de la destruction. Scénario implacable, destin tragique. Mais malgré cette atmosphère pesante je n'ai pas été pris par l'histoire et encore moins par les personnages.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Elle s’approcha très près de lui. Il vit qu’elle était devenue large et grasse. Ses seins pendaient. Sur ses joues il y avait de petits poils bruns. Il sentit son haleine chaude. Ses seins sous sa blouse lâche touchaient déjà son corps. Il leva les mains pour s’en défendre, mais ses doigts s’enfonçaient dans cette lourde masse de chair. Et ce soir il réussit.
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Il voulait tout classer, rattacher chaque effet à sa cause, car à l’heure présente il n’y avait pas d’ordre, chaque instant apportait de l’inattendu. Il n’était pas possible d’être prêt, d’échafauder une règle à laquelle on se serait accroché.
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Il faut se remémorer ses pensées et ses fautes, car elles ne sont jamais disparues et jamais expiées. On ne peut que les supporter jusqu’à la fin.
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