Paul Valéry a publié l'
Introduction à la méthode de Léonard de Vinci en 1894. Il est revenu dessus en 1919 pour ajouter quelques approfondissements. Enfin, ce livre contient également une préface écrite en 1929, sous la forme d'une lettre intitulée Léonard et les philosophes. Ultime révision, il a corrigé et précisé l'ensemble de ces trois parties par des commentaires, écrits apparemment en 1930, que l'on retrouve dans les marges du livre.
L'essai originel n'a rien à voir avec une biographie et il n'est même fait mention qu'évasivement des oeuvres du maître florentin. Cet essai a plutôt un intérêt philosophique, celui d'une étude sur le fonctionnement de la conscience humaine. Comment l'homme perçoit les formes et les mouvements, quels rôles jouent le temps et l'espace, à quoi servent les analogies et les métaphores dans le langage, à quel moment l'imagination succède à la perception, la production à la compréhension et finalement qu'est-ce que la création ? Mais
Paul Valéry préfère employer le terme de construire plutôt que de créer. Construire, trouver de nouvelles possibilités, de nouvelles combinaisons, faire des liens, pousser l'intelligence au-delà de ses limites jusqu'à l'imagination.
Quinze ans s'étaient écoulés lorsqu'en 1919 Valéry rajouta Note et digression. Il y précise ce qu'il a tenté de faire dans cet essai et à quel point sa situation personnelle, sa stérilité poétique et ses aspirations, étaient liées aux réflexions qu'il avait menées à cette époque sur la conscience humaine. Cet addendum est moins aride que l'
Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, même s'il est toujours beaucoup question de philosophie, notamment de la vision naturaliste qu'avait Léonard de la vie, de la mort et de l'amour. Tout cela aboutissant à une pensée de Valéry sur le Moi très épurée. Des réflexions passionnantes sur l'identité, la personnalité, la conscience de soi et l'universalité.
Dans Léonard et les philosophes, il est plus étroitement question de l'esthétique, de son évolution à travers les temps, de son impossibilité. Mais il aborde également l'éthique ou la métaphysique et le travail des philosophes en général. Sans porter de jugement, il analyse la situation de la pensée au début du vingtième siècle, les insuffisances du langage verbal et, finalement, assimile les philosophes à des artistes. C'est d'ailleurs une constante de ce livre, rechercher ce qui relie le scientifique et l'artiste, le savant et le créateur, les connaissances et les possibilités, l'universel et le personnel, leur complétude. Ce que
Léonard de Vinci - architecte, peintre, ingénieur, anatomiste - représente parfaitement.
Paul Valéry est un écrivain extrêmement précis. Il y a dans son écriture une aisance crispée, une subtilité qui ne se trouve jamais assez subtile, qui rend chaque mot écrit par lui précieux. Cette conscience exacerbée le pousse dans une dialectique dont la résolution ne peut que demander un certain consentement du lecteur. L'
Introduction à la méthode de Léonard de Vinci baigne donc dans une vague philosophie pourtant complexe. On n'y trouve aucune anecdote biographique. Même les oeuvres sont à peine évoquées, c'est seulement le processus créatif de Léonard qui a intéressé
Paul Valéry, en ce qu'il reflétait son propre questionnement.