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EAN : 9782072540301
736 pages
Gallimard (16/01/2014)
3.93/5   21 notes
Résumé :
Milla est clouée sur son lit, paralysée. Seule sa domestique noire prend soin de cette femme abandonnée de tous. Quarante ans plus tôt, Milla régnait pourtant en maîtresse sur cette grande ferme près du Cap, et sa vie était pleine de promesses. Maintenant, la mort est proche, et sa mémoire passe en revue les souvenirs éparpillés d’une vie en morceaux : la décision d’adopter Agaat - une petite fille noire - quand son mariage avec Jak ne lui donne pas les enfants espé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Après 2 semaines de lecture, j'ai enfin terminé ce pavé de plus de 700 pages. le premier mot qui me vient à l'esprit est: wahou!

Il faut un peu de courage (ou beaucoup de temps libre) pour se lancer dans la lecture de ce roman fleuve, mais passé les 100 premières pages un peu ardues, nécessaires pour planter l'intrigue et rendre les personnages attachants, il est difficile de lâcher cet immense huis-clos familial à l'échelle d'une vie.

Difficile de savoir par où commencer pour parler de ce livre comme il le mérite!

Tout d'abord, une écriture magnifique! Les mots de Marlene van Nierkerk virevoltent, explosent, se frottent les uns contre les autres. C'est dur, poignant, sans complaisance mais aussi poétique, doux et triste.

Le mode de narration demande aussi qu'on s'y attarde, ainsi qu'un petit temps d'adaptation pour bien comprendre.
Il n'y a qu'une seule narratrice mais sa voix s'élève sur 4 époques différentes, chacune avec son procédé narratif différent et qui permet de savoir quand l'action se déroule. L'architecture du roman est très recherchée et étudiée, déroulant l'histoire d'une manière assez anarchique chronologiquement au premier abord mais ménageant un certain suspense jusqu'aux dernières pages du livre.

L'histoire en elle-même est très dure. Kamilla, une jeune femme sensible et volontaire, est l'héritière d'un immense domaine fermier en Afrique du Sud, dans les années 1950 (et donc, en plein appartheid). Elle épouse Jak de Wet, un jeune homme charismatique mais qui révélera un coeur froid et une personnalité faible. Leur relation va rapidement et irrémédiablement se détériorer au rythme de leurs disputes de plus en plus violentes. Parallèlement à ça, Kamilla désespère de ne pas tomber enceinte et va finir par adopter une petite fille noire maltraitée, contre l'avis de tous ces proches, qui se nomme Agaat. Seulement, quelques années plus tard naît son fils Jakkie. et Agaat est reléguée au rang de bonne à tout faire.

Le récit dévoile petit à petit tous les rouages de ce drame familial et social, révélant au compte-goutte les scènes clés de la relation très spéciale entre Kamilla et Agaat. Amour, haine, racisme, tendresse, vengeance et regrets jalonnent leur existence commune et qui rend leur lien si difficile à décrire.

Agaat est un roman résolument féminin je pense, où les hommes sont là mais sont presque des figurants malgré l'importance de leurs rôles. le coeur de l'histoire est cette relation de femme à femme, de l'aube de la vie au lit de mort.
L'Afrique du Sud est un décor magnifique pour ce roman grandiose, on peine à croire qu'il puisse y avoir des endroits aussi beaux sur une terre aussi aride et désolée!
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Elle est longue l'agonie de Milla. Très longue. Elle a le temps de revivre ses souvenirs, la maîtresse de Grootmodersdrift , et de nous faire entrer dans sa ferme en compagnie d'Agaat la servante qui s'occupe d'elle.
Agaat c'est d'abord un magnifique roman, puissant, lyrique ou la terre et la nature sont des personnages importants. Mais c'est avant tout l'histoire d'un couple mal assorti, l'histoire d'une mère qui ne parviendra jamais à creer des liens avec son enfant, l'histoire de Milla idéaliste, attachée viscéralement à sa terre, l'histoire d'une femme mariée à un homme violent et froid, l'histoire d'un questionnement sur l'apartheid qui vit ses derniers moments.
En mal d'enfant elle va, un jour, contre l'avis de tous, arracher à la misère et aux mauvais traitements une petite "sauvageonne" mutique et manchote et noire.
En apprivoisant Agaat pour en faire son enfant, Milla remet en cause tout le fonctionnement de l'apartheid et se heurte à cette bonne société sûre de ses prérogatives et de sa supériorité. S'il naît un amour puissant entre ces deux solitudes, la déception et la colère seront d'autant plus grandes lorsque Milla, enfin, après sept ans d'attente, donne naissance à Jakkie.
Agaat, déchue de son rang de fille adoptive à celui de bonne d'enfant devra se composer une autre vie ou l'amour et la haine seront intimement mêlées. Elle sera sûrement sauvé d'une haine pure par l'amour indéfectible qu'elle porte à ce bébé qu'elle fait naître seule au bord d'une route de montagne.
Lorsque Milla se retrouve seule et dépendante de la maladie qui la cloue immobile et sans voix dans un lit de la grande ferme, Agaat trouve sa revanche, et soignant avec dévouement sa "maîtresse", peaufine de micro vengeances.
Construit de manière magistrale ce roman nous fait entendre les voix plurielles de Milla. Celle des carnets qu'elle écrit à partir du jour ou elle sauve Agaat, sa voix de vieille femme sans parole où les mots se résument à des clignements de paupières, la voix de ses rêves, poétique, désordonnée, et celle du trio qu'elle forme avec son fils et Agaat.
Je peux dire que j'ai adoré ces voix-là, même si, parfois, j'ai pensé que l'auteur aurait pu faire des coupes dans le texte. Mais je comprends aussi le parti pris de cette construction. Elle est longue cette agonie, elle permet à Milla de clore une relation de 40 ans et d'en extraire toutes les saveurs, les odeurs, les secrets.
Elle permet aussi de comprendre que la maîtresse des lieux, celle qui règne, qui ordonne, qui décide c'est Agaat.

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Afrique du Sud. Mila, dame blanche âgée, est cloué dans son lit et elle ne peut plus parler. Son existence dépend d'Agaat, une femme noire qui veille sur elle. Bonne ? Amie ? Parente ? Qui est véritablement Agaat ? Nous en serons plus, beaucoup plus, sur le lien qui unit ces deux femmes. A travers une fresque qui remonte dans le temps, nous découvrons toute la profondeur de cette relation et de ce qu'elle génère: de l'amour, de la haine, de la vengeance, des trahisons, des regrets,…
Ces 700 pages nous entraînent dans la vie d'une grande ferme africaine rythmée par la nature et le destin tragique de ses habitants. J'ai été happée par cette histoire, par les personnages qui la composent. L'auteur ne nous épargne rien, ni la bassesse de l'être humain, ni la déchéance des esprits et des corps. L'auteur analyse à la perfection les caractères des uns et des autres dans toute leur complexité. Agaat est un roman dense, puissant et bouleversant. Magistral.
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On pourrait résumer à l'extrême et dire que c'est une femme sur son lit de mort qui voit sa vie défiler sous ses yeux. Mais il y a beaucoup, beaucoup plus à y trouver.

D'abord parce que cela se passe en Afrique du Sud dans les années 1950-90, et si le contexte historique n'est pas réellement présent, l'apartheid est un des éléments clés épiçant cette histoire somme toute banale d'une jeune femme qui croit le paradis à sa porte, et n'en a pas fini de devoir se battre.

Ensuite parce que Milla meurt de la maladie de Charcot, a perdu l'usage de tous ses muscles l'un après l'autre , n'ayant plus que des clignements de paupières pour s'exprimer. C'est un sacré courage, et une sacrée réussite, de décrire cet état de l'intérieur, cette façon de capter les bruits, les atmosphères, les pas autour d'elle, cette façon qu'a Agaat, la servante noire, d'être à la fois aimante et rejetante. Car cette communion curieuse entre les deux femmes n'est que le reflet de la période où Milla a sorti Agaat enfant de la misère, et l'a sauvée d'une mort certaine, les résonances entre les deux époques sont fort puissantes.

Enfin le mode narratif est très particulier avec quatre modes d'écriture : Milla sur son lit d'agonie observant ce qui se passe, un récit de ses jeunes années à la deuxième personne du singulier, doublé des carnets de notes qu'elle tenait à cette époque - avec ce que cela implique d'abréviations, d'absence de ponctuation, d'absence de construction - et de petits textes en italique mi-oniriques, mi-poétique, que j'ai eu un certain mal à suivre, pensée flottante de la malade. Une fois l'habitude prise, c'est une construction magnifique, d'autant que la prose de Marlène van Niekerk est riche, imagée, poétique, très proche de la nature, à la hauteur de cette histoire qui entremêle les époques, aux personnages complexes, tourmentés, insatisfaits, déchirés par leurs petites passions . C'est une écriture savante qui sait rester envoûtante et constitue l'un des charmes du livre.

Cela dit , à cette lecture, je me pose des questions : est il judicieux, pour faire comprendre combien c'est long d'attendre la mort, de faire un livre où le lecteur pense que c'est vraiment long d'attendre la fin? L'ennui du lecteur devient il alors une qualité du livre?
L'art de l'ellipse n'autorise-t'il pas l'auteur à réduire ses récits détaillés et triviaux, à supprimer quelques lignes, voire quelques pages, voire beaucoup de pages, dans les scènes d'affrontements récurrents du couple et surtout dans celles des lavages de dents, passages de bassin, lavement intestinal y compris la mise en place du suppositoire. On me dira qu'il faut ressentir jusqu'au bout ce que ressent la malade, que c'est beau, de partager sa souffrance... On me parlera peut-être d'audace littéraire...Et bien là, l'audace littéraire me lasse prodigieusement.
Ciel, que c'était long!

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J'ai découvert cette auteure par hasard avec triomf, peu traduite en français, peu commentée sur Babelio.
J'avais beaucoup apprécié cette lecture et j'ai recherché Agaat, son oeuvre plus connue.
Le pavé est conséquent, plus de 700 pages, le texte est aéré mais plutôt fourni ... il faut du temps et de la motivation pour se lancer.
Des chapitres qui s'enchaînent sur le même schéma ... la vie actuelle, ce long apprentissage de ce qu'est la dépendance, comment la vivre, comment l'accepter ... la lecture des carnets qui racontent des épisodes de la vie d'hier, figés dans leur époque reprenant les faits divers notés au jour le jour ... des digressions sans ponctuation qui révèlent des sentiments ou des hallucinations ... la narration de ce que fut la vie, avant, avant que tout se termine.
Peu de personnages, Milla et Agaat, les autres sont les fantômes des êtres qui ont habités aussi dans cette ferme près du Cap, Grootmoedersdrift, une ferme crée par une femme, reprise en mains par une autre femme. L'oeuvre d'une vie avec en arrière plan la situation politique de l'Afrique du Sud et ses contradictions entre une religion qui prône la bonté et l'amour du prochain et une ségrégation qui rejète l'autre, celui qui est différent.
Une oeuvre ardue car très dense qui joue sur beaucoup de ressenti.
L'oeuvre de Marlene est remarquable car elle aborde les deux visages des blancs dans son pays, les petits blancs confrontés à la violence de leur milieu dans "Triompf", et dans "Agaat", les descendants des colonisateurs confrontés aux règles d'une vie d'un autre temps et d'une autre Afrique du Sud.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
C'est en examinant ses intestins qu'on voit si un mouton est en bonne santé ou non. Vérifier qu'il n'y a pas de vers dans l'intestin & pas de parasites dans les poumons ils doivent être bien spongieux & bien rouges & le foie mou et sombre & le cœur juste de la taille de ta main valide. Je lui ai appris qu'un muscle durci ou gorgé d'eau est le signe qu'il y a un problème avec le cœur et probablement avec le mouton tout entier le cœur c'est comme qui dirait le moulin du sang s'il ne fonctionne pas bien l'animal s'étiole et se dessèche.
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La barrière qui se lève, un coude rouge. Je tiens le disque de stationnement dans la paume de ma main, froid et lisse, obole chargée de plomb. Au revoir et bon vent ! Départs internationaux.
Cette chanson fantaisiste, était-ce au nom de Maman, ou bien la lui avais-je dédiée en secret afin d'avoir une réponse de rechange à donner à mes interlocuteurs trop curieux ?
Regarde, Maman, je n'ai rien oublié. Je vais chanter pour toi. Je chanterai les collines empilées l'une sur l'autre devant la grande maison, les dégradés de jaunes et de verts du maquis, les taches roses et violettes, les plantes grasses, la bruyère. Ou bien je chanterai les montagnes, mais dans un registre plus léger, une perspective plus large, les créneaux bleu ardoise qui retiennent l'œil du voyageur longeant la route de la côte.
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Pleurer est la dernière faculté qui me reste dans le domaine de plus en plus rétréci qui est le mien. Les larmes sont l'une des dernières choses qui puissent encore sortir de moi, qui ne soit ni du pipi, ni du caca, ni de la transpiration. Ah, ces trois-là ! Si ça ne tenait qu'à elle, elle les pèserait, les mesurerait, prélèverait ma sueur sur une serviette et l'enfermerait dans une chambre froide. Il n'y a qu'à voir l'expression de son visage lorsqu'elle emporte mes excréments. Le fait que j'évacue quelque chose de concret l'émeut au plus haut point. Pourquoi, dans ces conditions, mes larmes la laissent-elle aussi indifférente ? Elle pourrait leur consacrer un chapitre spécial. Taux de salinité, cause, densité du chagrin. Elle pourrait faire des dégustations en connaisseuse : le goût de la culpabilité, l'essence des amandes dans mes larmes, la stupeur et le désir, les arômes d'eucalyptus, le soupçon de fenouil.
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Pour commencer, il me faut un préambule. Le préambule est aussi important que l'action elle-même.
Tout, dans cette ferme, doit être soigneusement préparé, tout doit être prévu, anticipé, de sorte qu'aucun événement fortuit ne vienne te distraire de ton objectif final. C'était le premier commandement, et il est toujours valable. C'est ce que j'ai enseigné à Agaat.
On ne se lance pas tête baissée, on passe d'abord en revue tous les aspects et ce n'est qu'ensuite, en connaissance de cause, que l'on prend une décision et que l'on échafaude un plan en plusieurs parties, toujours en tenant compte des saisons. On procède ensuite par étapes, une après l'autre, sans jamais perdre de vue l'ensemble du projet, les rythmes, les mouvements, comme lorsque l'on répète un morceau de musique.
C'est comme cela que l'on garde le contrôle, que l'on évite les contretemps ultérieurs.
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C'est ma technique ces temps-ci. Progresser grâce aux malentendus. Il faut d'abord arriver à susciter les malentendus. Le premier en entraîne un deuxième, et ainsi de suite jusqu'à ce que je parvienne à mon but. C'est une sorte de logique à retardement, une décomposition point par point de chacune de mes intentions. Fini le temps où la ligne droite était le chemin le plus court de A à B. Maintenant, Agaat et moi, on prend les chemins de traverse. À force de rouler les yeux en direction de la pile de journaux, je suis arrivée à l'amener jusqu'à la boîte noire. Toujours commencer par attirer son attention sur la surface des choses. C'est un début. Ensuite, je dois la convaincre de creuser.
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