Après 10 ans sans avoir lu de Vargas, je me replonge dans toute la série, en reprenant depuis le début. La semaine dernière, j'étais assez émue, mais aussi un peu triste, de me rendre compte que ma candeur adolescente étant bel et bien morte, «
Ceux qui vont mourir te saluent » ne me faisait plus voir la vie à travers les lunettes de Délicatesse et de Beauté propres à l'écriture de Vargas, mais me restait un peu coincé dans l'estomac comme un dessert trop sucré et mal équilibré.
Inutile de dire que j'avais un peu peur de reprendre la série des Évangélistes. Il faut savoir que j'ai vénéré les Évangélistes a 15 ans. Je voulais vivre, voir, tout faire comme eux, aménager dans la Baraque Pourrie, et me marier avec l'un d'eux (de préférence Marc, c'était mon côté gothique émo). On aurait été uniques et étrangers au monde, mais terriblement beaux.
Donc après relecture de «
Debout les morts », je peux dire définitivement que je suis devenue bien trop cynique pour me laisser totalement emporter par cette écriture si particulière. Mais vu que la couche de paillettes adolescentes Vargas-ciennes est beaucoup mieux dosée dans «
Debout les morts », je n'ai pas fait d'indigestion, et presque pas roulé des yeux. Au niveau de l'écriture en elle-même, toujours un sans faute de mon point de vue, je trouve que c'est maitrisé au poil. le rythme est constant, et l'enquête est bien menée, avec des rebondissements réguliers et un dénouement qui (a défaut de me surprendre, puisque je m'en souvenais) m'a plu.
La dynamique entre les Évangélistes fonctionne a merveille, le gag récurrent de leurs anachronies et de leurs TOC respectifs me fait toujours marrer. Je suis un peu frustrée par les personnages féminins : (attention gros spoilers)
Sophia est parfaite mais elle meurt assez vite, Juliette est troublante, mais c'est une tueuse, et Alexandra est surtout (belle) paumée et caractérisée son statut de Mère. A côté de Vandooslers et des 3 saints qui flamboient tous à qui mieux mieux, ça reste un peu terne côté nanas.
(Nom d'un chien, aparté sans intérêt : je viens de me rendre compte en écrivant cette critique que mon soucis, c'est en grande partie que Vargas écrit comme quelqu'un qui aime les gens et mets de la beauté dans leurs laideurs. Alors que moi ils me sortent par les yeux en général, du coup son écriture saccarine ne passe plus, tout simplement).
Pardon, reprenons sur le bouquin. C'est plaisant, donc, ça a un peu vieilli par contre. La société a bien changé depuis les années 90 et ça se voit. Par exemple, personne ne sous-entendrait aujourd'hui qu'on aurait dû se méfier de (re spoilers)
Juliette , parce qu'elle n'a « pas de frémissement au ventre, pour personne, jamais ». On excuse de fait et avec facilité la lâcheté et l'irresponsabilité de Vandoosler, qui a sans complexe abandonné femme et enfants… Il est présenté comme un vieux beau émouvant, à qui il ne faut pas jeter la pierre, le pauvre chouchou a des remords dans son vieil âge , ça le travaille, ces trois petits points, bouhou. Mouai. Ca m'a pas choqué a l'époque, aujourd'hui j'ai moins de tolérance face a ce genre de personnage (et je pense que la société aussi).
En conclusion, le roman souffre un peu de son âge, a mon sens, et me ravit moins qu'il y a quelques années. Il reste cependant bien écrit, agréable a lire, les personnages sont attachants dans l'ensemble, et la relation humaine entre nos 3 historiens fait rêver.