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EAN : 9791091772198
120 pages
Le Monde à l'envers (15/10/2017)
4.21/5   29 notes
Résumé :
Développement personnel, habitats groupés, jardins partagés... : face au désastre capitaliste, l'écologie se présente comme une réponse globale et positive, un changement de rapport au monde appuyé par des gestes au quotidien. Comme dans la fable du colibri, "chacun fait sa part". Mais en considérant la société comme un agrégat d'individus, et le changement social comme une somme de gestes individuels, cette vision de l'écologie ne succombe-t-elle pas à la logique l... >Voir plus
Que lire après Egologie : Ecologie, individualisme et course au bonheurVoir plus
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Retour morbide sur l'individu et abandon de futurs collectifs

« L'une des grandes libertés qu'est censé nous offrir le monde d'aujourd'hui est de pouvoir choisir une partie de nos relations plutôt que de les subir »

Dans son prologue, « Moins de lien, plus de biens ! », Aude Vidal aborde, entre autres, les actions en toute irresponsabilité, l'absence du souci des autres, l'avenir réduit au court terme, les bases de désarroi, Gustave Flaubert et l'individualisme toujours forcené… « Cette « égologie, bien qu'elle prétende lutter contre les travers de ce monde, contribue à sa dureté ».

L'autrice explore successivement, « Les sources paradoxales de l'écologie », « Et vous, qu'est ce que vous proposez ? », « Se changer soi pour changer le monde », « le développement personnel ou l'antipolitique », « La course au bonheur », « le syndrome du bien-être », « Nier les rapports de pouvoir », « Do-it-yourself : la petite bourgeoisie s'amuse », « Concurrence sur les lopins », « Revenu garanti : les sociétés des individus »…

Aude Vidal se place résolument du coté de l'écologie, de la prise en compte de l'environnement au sens le plus large. Elle souligne les limites individualisantes du « bien-être ». Elle discute, entre autres, de la fragmentation des espaces, d'histoire et d'universel, d'accomplissement et de honte de ne pas pouvoir le faire, de refuge dans des valeurs matérielles, de jouissance et de contrôle, d'alternatives comme choix démocratiques entre plusieurs options, des cadres socio-économiques dont le capitalisme, des limites d'une stratégie de changement « qui part de l'individus et de ses choix », de développement personnel, « une injonction à la responsabilité personnelle particulièrement bien intégrée dans les régimes libéraux », du rêve de se dépendre individuellement du monde, d'acceptation sociale et de dépolitisation…

Je souligne les développements sur le consumérisme, « L'écologie étend sa critique du consumérisme matériel au consumérisme humain, quand les objets à prendre, utiliser, accumuler ou jeter sont des personnes, traitées comme des moyens plutôt que comme des fins, produisant le désarroi que nous avons vu », sur le « Si j'veux » et son « dialogue » à sens unique, la compétition généralisée entre intérêts de chacun e – une véritable « conspiration des ego », les formes de coercition subtiles…

Aude Vidal analyse le syndrome du bien-être et l'ethos du développement personnel, les laboratoires du conformisme, l'absence de préoccupations politiques de certaines pratiques et « alternatives », les effets de captivité « ignorés avec ravissement ou cynisme » (pour ma part, j'utilise la notion de fétichisme) ou dit autrement : « Elle nie les effets de captivité face à la machine sociale, renvoie chacun·e à ses choix personnels et constitue ainsi une prise de position du coté de cette machine qui nous broie… »

Rapports sociaux, rapports de pouvoir, conflits entre groupes sociaux, « Refuser de voir que certain es, en fonction de leur position sociale, sont plus ou moins exposé es aux effets de captivité, justifie les inégalités et s'avère un puissant outil de démobilisation. Cela n'est jamais aussi vrai que dans le champ des relations entre femmes et hommes ». L'autrice aborde les valeurs et les clichés, les intérêts « de la classe des hommes à l'exploitation des femmes », la naturalisation des relations entre femmes et hommes, la double journée de travail rémunérée et domestique gratuite, « La recherche de relations sociales apaisées et apaisantes devient un piège qui soumet une moitié de l'humanité à l'autre »…

Revendications égalitaires et de solidarité, tropisme de classe, autoproduction et lien, DIY (do it yourself), suréquipement individuel et absence d'économie d'échelle, « La maximisation de ses plaisirs à travers la multiplication de savoir-faire et le dépérissement de sa dépendance aux autres ressort bien du projet libéral… ».

J'ai lu avec délectation le chapitre sur les lopins. Je souligne l'argumentation contre « le revenu garanti », le détricotage des solidarités, la mise en face-à face de l'individu et de l'Etat dispensateur de revenu, le renvoi de chacun·e « à ses désirs et ses calculs », l'absence de contrôle sur les activités, l'oubli de la question du travail… et « la réduction drastique du temps de travail hebdomadaires pour tou·tes », la définition ensemble des conditions sociales du produire, « Etre présent e au monde, y compris dans sa dureté, dans le travail résonne plus avec l'objet même de l'écologie (les rapports entre humain et milieu) que ne le fait une allocation universelle »…

Dans l'épilogue, c'est bien la question de l'émancipation collective qui est posée.

« Puisque construire un monde nouveau n'est pas l'aménager l'ancien, l'équilibre entre destruction et création s'impose ». Aude Vidal parle de lieux d'expérimentation de formes de vie collective, de différence entre moyens et fins, de refus de se complaire « dans un entre-soi affinitaire », de l'homo economicus comme caricature, « de même que nous ne sommes pas des machines à calculer les profits, il serait également réducteur de nous envisager courant derrière la maximisation de notre bien-être et seulement cela, organismes tout occupés de notre seule jouissance et que ne remplit d'aucun dégoût l'idée de mourir le doigt sur un bouton ayant prodigué à nitres corps des plaisirs jusqu'à l'épuisement », de l'insuffisance d'un environnement simplement « bienveillant », du bonheur égoïste, « le bonheur de pourceaux élevés en plein air et au grain bio, tout occupé·es de leur épanouissement personnel pendant que, plus loin, la guerre fait rage, voilà l'autre image des « joyeuses » alternatives » »…

Il me semble toujours étonnant que certain·es ne prennent pas en compte l'environnement socio-économique, le point de vue situé à partir duquel elle ou il parle, l'impact aujourd'hui de près de quarante ans de (néo)libéralisme (et des autres idéologies à d'autres périodes). Penser que « nous » du coté de l'émancipation, serions indemnes de la prégnance de cette idéologie relève d'une illusion rêveuse – pour ne pas dire cauchemardesque. L'ego est toujours historique, socialement construit par les rapports sociaux et leurs contradictions, les expériences dont les résistances. le bonheur est idée multiforme, elle même historique. « Je » n'existe qu'en relation à d'autres « je ». Les sociétés ne sont pas une simple compilation de « je » mais des organisations systémiques « configurant » ce que peuvent ou pourrait-être les « je ».

Par les exemples et la méthode d'exposition, ce petit livre me semble bien nécessaire en ces temps de négation des rapports sociaux et des rapports de pouvoir, de valorisation de l'interpersonnel dans l'oubli des contraintes subies, de l'individu e entrepreneur/entrepreneuse de soi, des récupérations libérales des aspirations à changer le monde et de leur transformation en armes de concurrence de toustes contre toustes…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Un tout petit livre par la taille mais qui remet pas mal d'idées en place. Aude Vidal y fait notamment la critique des gestes écolo individuels qui, s'ils partaient d'une attention louable, à partir du moment où ils ont été récupérés politiquement, sont devenus une manière de se rassurer et de se dédouaner à moindres frais de ce qui nous pend au nez.
Pas seulement ça, mais la tendance au DIY est en elle-même un piège à bobos, dans le sens où non seulement on (je m'inclus dans ce "on") cumule les machines à coudre, yaourtières et machines à pain pour les abandonner au bout de quelques semaines / mois / années dans nos placards, ce qui est complètement contre-productif en matière d'écologie mais retire également du travail aux personnes qui en vivent. Au final, si on se met à tout faire nous-mêmes, ne resteront plus beaucoup de petits artisans autour de nous.
Voici en somme le propos d'Aude Vidal, résumé en quelques arguments et exemples mais que j'ai trouvés très intéressants et qui donnent matière à réfléchir quant à nos supposées bonnes volontés "égologiques". Oui, l'écologie n'est pas un choix qui doit rester individuel mais au contraire doit s'élargir à la société et passe par de multiples chemins; et c'est aussi une combinaison d'actes qui doivent se réfléchir.
A méditer.
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Partant du paradoxe souligné par Diderot dès le XVIIIe siècle, selon lequel en satisfaisant nos désirs sans souci pour les autres on trouve, certes, du bonheur à court terme, mais en construisant un monde social peu propice au bonheur à long terme, Aude Vidal critique une partie des idées écolo-alternatives, notamment celles relevant du développement personnel, qu'elle qualifie d'« égologiques », les accusant de renforcer les individualismes et de rejoindre ainsi la doctrine libérale en contribuant à la dureté du monde, contre laquelle elles prétendent pourtant lutter.
(...)
Sa description des joyeuses « alternatives » comme d'un « bonheur de pourceaux élevés en plein air et au grain bio, tout occupé.es de leur épanouissement personnel pendant que, plus loin, la guerre fait rage » en irritera plus d'un. Mais n'est-il pas nécessaire de remettre sans cesse en cause nos confortables certitudes ?

Article complet en suivant le lien.
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Je dois la découverte d'Aude Vidal et de son livre " Écologie. Écologie, individualisme et course au bonheur " à Nicolas Casaux et je l'en remercie!

C'est un petit livre d'à peine une centaine de pages, qui de par le débat qu'il propose à tout des plus grands essais sur le sujet!

A l'heure où l'écologie est devenue un sujet central dans nos sociétés, avec des enjeux de taille, il a toujours été pour moi questionnant que le cadre de fonctionnement qui a mené à cet état de fait n'ait jamais été questionné... Pire les réponses apportées par ce même cadre pour y remédier sont saluées sans aucune critique sur leurs réels apports!

Avec Aude Vidal, c'est la première fois que je vois le cadre remis en question et sur base de cette analyse les réponses aux enjeux écologiques remis en perspectives... Une remise en perspective cruciale et plus que nécessaire quand on voit combien certaines réponses en réalité nourrissent le toxique du cadre, voir même le renforce, au lieu d'apporter de réelles solutions aux enjeux écologiques!

Comment une société où règne la tyrannie du Je dans ses diverses dimensions, peut-elle se réinscrire dans la biodiversité?

Ne signe-t-on pas au contraire dans toutes les politiques et décisions prises pour l'Ecologie le renforcement de la logique libérale dominante et mondialisée, avec le triomphe de l'individualisme?

Je dois avouer que là où il y a peu je n'aurais pas remis certaines choses en question alors que déjà sensibilisée à certaines questions et déjà loin dans ma réflexion, le pas de côté que cet essai nous force à faire m'a complètement bousculé dans mes idées et croyances... Ce fut salutaire! Je peux même avouer qu'il y a un avant et un après... Par contre, il m'a confirmé que l'Ecologie est bien plus qu'une question de nature... et que de réels actes vertueux pour la biodiversité commencent par la récréation du bon équilibre entre le Je et le Nous, ce qui suppose de redéfinir un Je équilibré et un Nous équilibré. de là en découleront des actes qui redéfiniront notre rapport au monde... Sans cela, nous ne serons que dans une chaîne d'actes isolés aussi fragiles qu'inefficaces sauf pour continuer à nourrir le toxique qui nous a mené à cet état de fait!
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Lire c'est parfois avoir des regrets. Ici, et dans mon cas, c'est celui de ne pas avoir lu ce livre plus tôt alors qu'il m'attend depuis deux ans sur une étagère !
C'est formidable, bien écrit, piquant au possible, référencé. C'est un tour de force.

4 euros seulement, pour se délecter, notamment, d'une ribambelle de tacles aux billevesées du développement personnel et de la "course au bonheur", mais aussi au sujet de la percée de celles-ci dans le domaine de l'écologie. Que c'est doux !

Les chimères d'histoire de colibris ou la dégueulasse idée que nous sommes responsables de nos conditions - le néolibéralisme applaudit et trinque à notre développement personnel - et donc de nos malheurs n'est certainement pas une issue aux problèmes structurels auxquels nous faisons face.
Aude Vidal taille en pièce les mirages, écrans de fumées et autres diversions dépolitisantes qui pullulent et gangrènent les milieux alter-écolos.
Attention est aussi prêtée aux alternatives qui peuvent vite se retrouver phagocytées par des populations aisées y voyant du divertissement ou une manière de se brosser l'ego quand dans le même temps il s'agit pour d'autres de tout simplement subvenir à des besoins essentiels.

Le titre est incroyablement bien trouvé. La plume est vive, battante et sans concessions. Sans galvauder le sens, voilà une lecture inspirante intellectuellement et qui fait du bien, non pas béatement mais par la lucidité qui émerge une fois crevés les abcès.
À lire, à faire lire.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Placer au centre l'individu et sa capacité à se déprendre d'un monde social perçu comme indigne n'est en effet pas spécialement subversif, c'est le régime d'explication qui est le plus courant aujourd'hui. Loin de pensées de l'émancipation qui ont des caractères collectifs plus marqués, qui envisagent des classes en lutte contre des dominations structurelles, cette écologie est un outil d'acceptation sociale d'autant plus efficace qu'elle se présente comme une "alternative" atteignable et individuellement gratifiante.
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À la recherche d’un dépassement des valeurs les plus courantes dans la société occidentale contemporaine, l’écologie explore des chemins perçus comme différents : moins matérialistes, teintés de spiritualité orientale. Tout alternatifs qu’ils soient, ces chemins en rejoignent souvent un autre qui, lui, est culturellement dominant en ce début de XXIᵉ siècle, une version exacerbée de l’individualisme libéral. Placer au centre l’individu et sa capacité à se déprendre d’un monde social perçu comme indigne n’est en effet pas spécialement subversif, c’est le régime d’explication du monde qui est le plus courant aujourd’hui. Loin de pensées de l’émancipation qui ont des caractères collectifs plus marqués, qui envisagent des classes en lutte contre des dominations structurelles, cette écologie dépolitisée est un outil d’acceptation sociale d’autant plus efficace qu’elle se présente comme une « alternative » atteignable et individuellement gratifiante.
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Agir sans attendre que les choses bougent, c’est provoquer des « révolutions » mais joyeuses, « douces », des « vélorutions » ludiques qui actent la disparition des révolutions politiques. De la Commune aux communs, en somme.
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Un DIY centré sur la prise d’autonomie individuelle et la montée en compétences sur toutes sortes de savoir-faire étend encore l’aisance et la domination sociale exercée par ces classes qui y trouvent la satisfaction de faire avec leurs mains […]. En refusant les échanges, elles colonisent les métiers des autres, auxquels elles n’accordent pas ou peu de reconnaissance. Quand la réussite d’un pain maison fait oublier que la boulangère ne fait pas qu’un pain, mais toute une gamme, tous les jours, ainsi que des viennoiseries, la violence de classe apparaît. Derrière la lutte contre la déculturation, derrière l’objectif de sobriété matérielle, le DIY cache une volonté de toute-puissance individuelle, réclamée plus fortement par des groupes sociaux qui ont déjà une prise matérielle et symbolique plus forte sur leur environnement.
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La prévalence de petites et grandes maladies mentales n'est pas un fait universel et anhistorique : la dépression, une maladie liée à l'usage de soi, est répandue dans des contextes où l'individu est jugé (ou craint de l'être) à la mesure de la liberté dont il jouit et des échecs qui ne tiennent, croit-il, qu'à lui. Au revers de la liberté de s'accomplir, se trouve la honte de ne pas pouvoir le faire.
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