Dernier week-end de Janvier, le dernier titre personnel de l'excellent
Bastien Vives fait aussi et sans doute partie de ces titres les plus doux, un album qui peut prouver sans devoir de rédemption que
Bastien Vivés n'est pas seulement un dessinateur du sulfureux et de la provocation.
Cela n'empêche ce dernier week-end de jouer doucement avec la flamme de la relation adultère , la passion amoureuse, voilà un thème qui semble tout de même récurrent dans l'oeuvre de Vivès . Ce dernier album peut ainsi se fondre dans une trilogie débutée par le provocant
Une Soeur et le troublant
le Chemisier. le
Dernier Week-end de Janvier ajoute un nouvel âge à cette passion amoureuse, à ce flirt qui libère, cette fois entre deux adultes : l'un est un dessinateur de bd invité à Angoulème, blasé dans ses séances de dédicaces qui s'enchainent et l'autre est une femme, docteur orl assez classe ne s'intéressant pas forcément au monde de la bd mais dont le mari est un passionné.
A Angoulême, par l'entremet du mari aveugle, ces deux personnes se croisent, se rencontre, se donnez rendez-vous puis s'aiment en secret... Une histoire d'amour bref et intense au dehors du fameux festival de bd.
Le scénario de ce nouvel album de
Bastien Vivès manque de trouble et de nuances comparés à ces autres titres. L'intrigue se simplifie à cette piste qu'est l'adultère traitée toujours avec une certaine douceur et cette liberté chère au dessinateur qui prend ici surtout plaisir à mettre en scène le neuvième art à travers son personnage de Denis Choupin, un dessinateur reconnu et expérimenté mais aussi un peu figé dans ce festival sans surprises où les artistes sont un peu assaillis par leurs fans venu réclamer leurs petits dessins.
Le personnage du mari trompé est un bel exemple ironique de fan frustré qui envie l'autre côté mais se contente de récolter telles des médailles les nombreuses signatures dessinés de ses auteurs favoris comme un chasseur. Derrière ce personnage de grand naïf obsédé par la bd , Vivès dresse un portrait sans concession du fan aveugle même si l'intrigue se recentre surtout sur ces deux êtres qui se rencontrent à Angoulème. Il continue d'allonger un petit regard critique, notamment sur le manque de dessinatrices à Angoulême par le biais d'une case très significative (" Ah oui, mais il me faut un badge fille...") ou encore des portraits tirés comme l'accompagnatrice aux yeux cernées ou le vieux collectionneur riche avides de planches originales ... En somme,
Bastien Vivès porte un regard amusé mais aussi gentiment critique sur le milieu de la bande dessinée avec une vision plus vraie que nature.
Par contre, il n'y a pas grand chose à dire sur cette histoire d'amour, sur ce coup de foudre. Les personnages sont très classiques, voir même clichés entre le quarantenaire aux portes de la cinquantaine qui retrouve une petite jeunesse et la femme classe, sensuelle, à la
Catherine Deneuve. le trait minimaliste et les moments de silence de Vivès qui ne noient jamais ses personnages dans un flot de répliques significatives vient ici conforter l'album dans un trop grand classicisme.
En somme, le
Dernier Week-end de Janvier demeure surtout intéressant pour son cadre et le portrait légèrement au vitriol que Vivès fait du monde de la bande dessinée. Mais derrière cela, on sent que l'auteur a voulu trop adoucir son ton. Il en résulte une nouvelle peinture de la relation adultère, un peu sulfureuse mais moins provocante que dans ses derniers albums. Une bd assez classique qui surprend moins, ce qui est un peu regrettable pour un titre de
Bastien Vivès qui, je l'espère, ne va pas perdre de sa liberté face aux démagogues de la morale.