MEMNON OU LA SAGESSE HUMAINE (1750)
Avertissement de l’auteur :
Nous tromper dans nos entreprises.
C’est à quoi nous sommes sujets ;
Le matin je fais des projets,
Et le long du jour, des sottises.
Ces petits vers conviennent assez à un grand nombre de raisonneurs ; et c’est une chose assez plaisante de voir un grave directeur d’âmes finir par un procès criminel conjointement avec un banqueroutier. À ce propos, nous réimprimons ici ce petit conte, qui est ailleurs ; car il est bon qu’il soit partout.
« Vous avez lu des choses bien méprisables, lui dit le sage lettré ; mais dans tous les temps, dans tous les pays et dans tous les genres, le mauvais fourmille, et le bon est rare. Vous avez reçu chez vous le rebut de la pédanterie, parce que, dans toutes les professions, ce qu’il y a de plus indigne de paraître est toujours ce qui se présente avec le plus d’impudence. Les véritables sages vivent entre eux retirés et tranquilles ; il y a encore parmi nous des hommes et des livres dignes de votre attention. »
Je vois bien, dit-elle à l’oiseau, que vous êtes le phénix dont on m’avait tant parlé. Je suis prête à mourir d’étonnement et de joie. Je ne croyais point à la résurrection ; mais mon bon-heur m’en a convaincue.
— La résurrection, madame, lui dit le phénix, est la chose du monde la plus simple. Il n’est pas plus surprenant de naître deux fois qu’une. Tout est résurrection dans ce monde ; les chenilles ressuscitent en papillons ; un noyau mis en terre ressuscite en arbre ; tous les animaux ensevelis dans la terre ressuscitent en herbes, en plantes, et nourrissent d’autres animaux dont ils font bientôt une partie de la substance : toutes les particules qui composaient les corps sont changées en différents êtres. Il est vrai que je suis le seul à qui le puissant Orosmade ait fait la grâce de ressusciter dans sa propre nature.
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