Il y a parfois des oeuvres qui nous dépassent, et quand c'est le cas, il est difficile d'en parler et de leur rendre le juste hommage.
le temps de l'innocence fait partie de ces oeuvres-là !
Le temps de l'innocence est le roman du raffinement, un roman tout en subtilité, en sous-entendus et en non–dits, loin des sentiments superficiels et ostentatoires que l'on retrouve souvent dans les romans d'amour. Et pour cause, selon moi, il ne s'agit pas d'un roman d'amour mais d'un roman de moeurs, un roman sociologique et psychologique, qui place au coeur de son intrigue un triangle amoureux et nous donne à lire la plus belle histoire d'amour qu'il m'ait jamais été donné de lire.
Ce roman est un bijou d'émotions, de délicatesse et d'élégance. La plume d'
Edith Wharton est précise et raffinée, ses personnages sont profonds, attachants, loin de tout manichéisme. L'autrice retranscrit parfaitement le déchirement que vit Newland Archer, tiraillé entre le confort rassurant de ce qu'il a toujours connu, de sa caste, avec May Welland et l'attrait de la liberté et de l'originalité que représente la Comtesse Olenska. Il oscille sans cesse entre ses sentiments grandissants pour l'indépendante Ellen et son respect pour la douce May, se heurtant constamment à son incapacité à sortir de son milieu corseté. La machine sociale pèse sur Newland et semble ne jamais laisser à l'individu la place de s'exprimer : « Chez nous, il n'y a ni personnalité, ni caractère, ni variété. Nous sommes ennuyeux à mourir. »
Newland choisira-t-il le coeur, au risque de devoir renoncer à une brillante carrière et à la bienséance, ou choisira-t-il la prudence et son quotidien familier, au risque de se sentir comme un usurpateur dans une vie rongée par le regret ?
En toile de fond, une fresque impitoyable et ironique de la haute bourgeoisie new-yorkaise du XIXème, son hypocrisie, sa morale étriquée, son conservatisme, qu'
Edith Wharton critique, sans non plus en faire un pamphlet vindicatif. Il y a de la nuance dans ce récit, et j'aime la nuance !
Ce roman vaudra à
Edith Wharton d'être la première femme à obtenir le Prix Pulitzer en 1921. Un prix amplement mérité qui vient souligner un immense talent que je ne peux que vous encourager à découvrir.