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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un chef d'oeuvre, un de plus à porter au palmarès d'Edith Wharton !
"Au temps de l'innocence" n'a absolument pas usurpé le Pulitzer 1921 et Martin Scorsese lui a légitimement rendu un vibrant hommage avec son adaptation cinématographique, petit bijou d'esthétisme et de sensibilité.

New York, 1870. Newland Archer est un jeune homme de la bonne société traditionnelle et puritaine qui fait la pluie et le beau temps sur cette capitale en devenir. Fraîchement fiancé à May, égérie de ladite société, fidèle à tous les préceptes aujourd'hui surannés, rigides et débiles, image vivante de la pureté, de la vertu, de la soumission, tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles sauf que... une ombre se profile sur le tableau idyllique : la comtesse Ellen Olenska, cousine de May, entre en scène un soir à l'opéra. Plus exactement elle entre dans la loge familiale et fait basculer la vie de Newland sans s'en douter.

Ellen représente tout ce que May n'est pas : mal mariée et séparée de son époux polonais - autant dire marginalisée dans la société new-yorkaise qui ne lui pardonne pas d'avoir fui son mari pour rentrer au bercail -, Helen est une femme d'expérience qui exprime ses goûts et ses envies, qui fait preuve de trop de franchise et qui par là même passe pour une créature sensuelle et dangereuse. Newland Archer, obligé de la soutenir socialement dans sa "réintégration" dans la bonne société, s'éprend irrésistiblement de cette femme passionnée qui relègue May au rang d'une froide statue de marbre dépourvue d'esprit et de personnalité et qui ne peut compter que sur sa beauté et son innocence.

L'étude sociétale que nous livre ici Edith Wharton est d'un esthétisme à couper le souffle, d'une précision délectable et d'un charme ensorcelant. La personnalité du triangle amoureux Newland - Ellen - May est un chef d'oeuvre d'analyse psychologique et émotionnelle. Ces trois êtres, pris dans les rouages bien huilés d'une société qui vit ses dernières heures de gloire avant le grand chamboulement de la finance, des transports et des communications, sont poignants d'humanité et touchants de grâce. Impossible de ne pas compatir à leurs sentiments ni d'être profondément remué par leurs espérances. Le tout servi par une plume en or massif, nous avons là un très grand exemple de Littérature.


Challenge ATOUT PRIX 2017
Challenge 1914-1968 2017
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New York 187*. le jeune Newland Archer est fiancé à la jolie May Welland. La jeune femme est l'incarnation de la pureté et porte sur son front serein les promesses d'un mariage heureux. Chacun s'accorde à le dire : les deux promis formeront un couple délicieux. « En dépit des goûts cosmopolites dont il se piquait, Newland remercia le ciel d'être un citoyen de New York, et sur le point de s'allier à une jeune fille de son espèce. » (p. 34) Pas un nuage ne semble pouvoir obscurcir le radieux horizon marital d'Archer, d'autant plus qu' « il était de son devoir, à lui, en galant homme, de cacher son passé à sa fiancée, et à celle-ci de n'en pas avoir. » (p. 47)
Mais voici que revient d'Europe la comtesse Ellen Olenska, cousine de May. Dans son sillage, un parfum de scandale très tenace fait les choux gras de la haute société new-yorkaise : Ellen a quitté son époux et parle de divorce. La belle comtesse Olenska est une femme compromise qui pense trouver réconfort et soutien auprès des siens, mais c'est compter sans leur goût des apparences et leur respect affiché des convenances. Par amour pour sa fiancée, Newland Archer prend fait et cause pour Ellen. « Il serait tenu à défendre, chez la cousine de sa fiancée, une liberté que jamais il n'accorderait à sa femme, si un jour elle venait à la revendiquer. » (p. 47) le temps passant, Archer s'éprend de la belle comtesse, mais il n'est pas question de rompre les fiançailles : le scandale serait trop retentissant.
Dans ce roman, Edith Wharton oppose la femme formée pour être une épouse et l'épouse qui cherche à redevenir une femme. Entre la sage et douce May qui est presque programmée pour vouer son existence à son époux et la rebelle Ellen qui veut être libre dans un monde qui assigne aux femmes des fonctions très précises, Archer choisit la raison, sacrifiant l'amour vrai sur l'autel de l'amour sage. « Quand on la trouve, la femme qu'on attend, elle est toujours différente – et on ne sait pas pourquoi. » (p. 302) Persuadé qu'il pouvait façonner son épouse à son goût et orienter son jeune esprit vers des réflexions brillantes, Newland Archer ouvre les yeux trop tard sur un mariage où il s'est perdu. « Comment la vie pouvait-elle continuer aussi pareille, quand lui-même était devenu si différent ? » (p. 195)
Le scandale et la rumeur sont deux composantes essentielles du roman : la haute société new-yorkaise déteste le premier autant qu'elle raffole secrètement de la seconde. Dans cette hypocrisie ambiante, les drames se nouent d'autant plus vite qu'ils ne peuvent se soustraire à la scène publique. Si certains regardent à la dérobée, d'autres poussent le vice à nier toute forme de scandale et d'agitation. Préserver la sérénité et la probité d'une famille passe alors par de mesquins arrangements et des attitudes de composition. « Rien ne lui était plus agréable chez sa fiancée que la volonté de porter à la dernière limite ce principe fondamental de leur éducation à tous les deux : l'obligation rituelle d'ignorer ce qui est déplaisant. » (p. 27)
Le temps de l'innocence, c'est d'abord celui des fiançailles où l'innocence est physique autant que biblique. May perd cette première innocence avec bonheur et consentement dans le mariage. Mais elle perd une autre innocence, celle de l'ingénuité de l'esprit, quand elle perce à jour le secret du coeur de son époux. Pour Archer, le temps de l'innocence cesse dès qu'il rencontre la comtesse Olenska : dès lors, sa tranquillité et ses sereines certitudes sont ébranlées et ne manqueront pas de s'effondrer.
Encore un roman où Edith Wharton dépeint sans concession et sans aménité l'hypocrisie de la haute société new-yorkaise. Les élans de liberté des femmes sont toujours réprimés, voire étouffés, par un monde riche et bien-pensant qui fonde ses principes sur une tradition pourtant toute récente. Lily Bart s'y était brûlé les ailes et Charity Royall y avait presque perdu son honneur. Ici, la comtesse Olenska est d'abord repoussée parce que ses manières européennes dérangent. Mais on aurait pu les lui pardonner si elle était immédiatement rentrée dans le moule : or la fantaisie n'est tolérée que si elle ne déborde pas du cadre d'une bienséance définie par ceux, et surtout par celles, qui ne rêvent que de la bafouer. À la différence des romans Chez les heureux du mondeet Été, c'est un jeune homme qui fait finalement les frais d'une société corsetée dans des principes étouffants.
Je cherche maintenant l'adaptation cinématographique faite par Martin Scorsese avec Daniel Day-Lewis, Winona Ryder et Michelle Pfeiffer. Si vous avez, faites-moi signe ! Je serai ravie de prolonger la lecture de cet excellent roman par le film du grand Martin !
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Le talent d'Edith Wharton réside dans le fait qu'elle permet au lecteur de vivre une formidable aventure avec des personnages auxquels on peut facilement s'attacher.

Le Temps de l'Innocence n'échappe pas à la règle : on suit en effet le destin du jeune avocat Newland Archer, issu d'une famille de la bourgeoisie, et qui, à la fin du XIXème siècle, à New York, vient d'annoncer ses fiançailles avec la sage et innocente May Welland. Toutefois, la vie de Newland va basculer lorsque la cousine de May, la comtesse Ellen Olenska, qui vient de quitter son mari violent et infidèle et souhaite le divorce, rentre d'Europe et recherche le soutien de sa famille et de ses proches en Amérique. Newland, ordinairement soucieux des coutumes de son époque, change alors tout à fait de comportement après l'arrivée d'Ellen, celle-ci se montrant obstinée et libre, à la différence des autres femmes de son entourage…

Ce roman, en plus d'être un grand roman d'amour, puisque Newland, en essayant de convaincre Ellen d'annuler son divorce, tombe finalement amoureux d'elle, est aussi une réflexion sur la condition humaine, encore valable aujourd'hui. Ainsi, Edith Wharton dresse également une critique de son époque, à travers l'attitude parfois grotesque de certaines familles, par exemple celles n'acceptant pas encore qu'une femme puisse vivre indépendamment de son mari.

Le personnage d'Ellen Olenska m'a beaucoup plu, ainsi que celui de Newland Archer, car ils remettent en question des faits considérés comme « normaux » à leur époque ; de même, leur amour est un évènement passionnant du récit, et j'ai été à la fois touchée et émue par certaines scènes qui méritent toute notre attention, notamment la scène finale, émouvante et tragique.

Bref, encore une fois, après Chez les heureux du monde, ce roman ne m'a pas du tout déçue, et au contraire, il a dépassé toutes mes espérances. J'ai dévoré ce roman, et je n'attends maintenant qu'une seule chose : continuer de découvrir l'oeuvre si grandiose de la grande Edith Wharton !

A lire !!
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New York, 1870 : la bonne société se confit dans ses moeurs dans un entre soi savamment entretenu, avec d'autant plus de rigidité qu'elle sait sa noblesse construite sur des richesses de parvenus bien peu aristocratique et donc non pérenne, et qu'elle sent dans l'agitation du monde en devenir un mouvement qui pourrait la balayer.

Newland Archer est de ce monde. Son ADN social y est si bien mêlé qu'il s'apprête à le reproduire dans un mariage convenu avec une jeune femme de son milieu, ravissante et délicieusement bornée. Jusqu'à l'arrivée de la comtesse Olenska, européanisée, ouverte d'esprit, libre de pensée, qui va fissurer dans le coeur du jeune homme cette chaîne nucléique, laissant entrevoir à Newland une autre vie possible en dehors du carcan immuable de la vie prédéterminée et organisée pour lui.

A l'âge où l'innocence brûle de ses dernières flammes et fait croire que tout est encore possible, Newland, pris d'amour, va vivre à travers cette rencontre le dilemme le plus crucial de sa vie entre ses obligations de caste et son désir d'épanouissement.

Quelle plume Madame Wharton, quelle plume ! Il me fallait toute l'attractivité de votre talent, qui m'avait déjà subjuguée dans Ethan Frome, pour ouvrir ce roman d'amour qui en fait n'en est pas tant un mais plutôt une peinture ciselée et grinçante d'un monde que vous connaissez bien pour en être (la comtesse vous ressemble fort, dit-on) ainsi qu'un questionnement, juste et dérangeant, sur le poids de la pression sociale et le choix individuel dans une époque où l'individualisme libertaire n'avait pas encore été inventé.
Magnifique !
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Certaines romances en chassent facilement d'autres de l'esprit ! Car si on devait classer ce livre d'Edith Wharton , on aurait du mal à ne pas lui coller l'étiquette romance.

Bien sur c'est beaucoup plus que ça, car à travers cette(ces) histoire(s) d'amour(s) (oui je brouille les pistes) contrariées, c'est surtout un portrait au vitriol de son monde qu'offre Edith Wharton . J'avais déjà lu deux ouvrages de l'auteur Gens de New York et La récompense d'une mère. Je ne faisait pas de critiques Babelio à l'époque mais il me restait une impression générale favorable du ton sarcastique de l'auteur, une certaine liberté bien mise en valeur par un style recherché. Je la positionnais dans mes références aux côtés de ses cousines d'outre-Atlantique (d'outre Manche pour nous) George Eliot et Virginia Woolf.

Dans le temps de l'innocence, elle montre combien la société bourgeoise new-yorkaise ne fonctionne que sur des codes préétablis dont personne ne parvient réellement à se rappeler les raisons (voir certains passages sur les règles vestimentaires) mais qui régissent néanmoins l'ensemble des relations entre les individus, y compris au niveau le plus personnel. le bonheur des individus ne semble jamais être non seulement le but final mais même une variable à prendre en compte. le Nouveau Monde cherche à se démarquer de l'Ancien tout en le copiant.

Mais cependant l'aspect romance n'est pas totalement occulté. Il est au contraire bien au premier plan avec une fine analyse des sentiments, des pensées, des renoncements qui traversent les deux personnages principaux, à la fois pris dans ce carcan sociétal et rêvant de s'en affranchir. Et là où on touche au chef d'oeuvre, c'est que tout cela est rendu par petites touches de sous-entendus qui laissent le lecteur en suspens jusqu'au bout, dans un type d'histoire où on est pourtant habitué à deviner très vite le dénouement.

Ajoutez à cela une narration qui, sans bouleverser la chronologie, joue avec les ellipses de temps plus ou moins longues entre les chapitres (de quelques secondes... à 30 ans) et vous comprendrez ce qui a fait du Temps de l'innocence une oeuvre majeure de son époque qui justifie même encore en 2019 une nouvelle traduction plus proche de l'original.

Wharton avait presque 60 ans à la publication du livre, un temps où toute innocence s'était sans doute envolée de sa vie. On sent cependant à travers ses mots qu'à l'image de ses personnages, elle aurait voulu pouvoir la retrouver, le temps d'un baiser.
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Peut-être avez-vous déjà vu cette photographie d'Edith Wharton assise, sa maigre figure dévorée par deux grands yeux sombres. L'une de ces aristocrates nés dans la grandeur, élevés dans des rêves de grandeur, pour qui les parents firent de grands rêves… Et qu'un feu intérieur jeta soudain un jour sur les routes de Mongolie ou dans les bouges misérables où des artistes en loque caressent dans leur tête les idées qui révolutionnent un style. C'est à Paris qu'elle posa ses bagages et fréquenta les plus grands écrivains de son temps, mais c'est à New-York que sa jeunesse fut dorée sur tranche.

Ce New-York qui fut le sien, et que nous découvrons via les yeux de son héros, Newland Archer. Et ce n'est pas le New-York des buildings et de de Time Square des séries. C'est un monde totalement à part, isolé, constitué des quelques dizaines de familles les plus riches et les plus anciennes de New-York – et par extension, de l'Amérique. Leurs vies se déroulent entre leurs magnifiques demeures, l'opéra et les réceptions chez leurs paires. Ceux qui ne font pas partie de leur petit cercle n'existent tout simplement pas à leurs yeux. Cette minuscule société est régie par un nombre absurde de codes. Qui on fréquente, quelles réceptions on snobe ou on honore de sa présence, quels vêtements on met pour le dîner, comment on décore son intérieur, quelle fleur on pique à sa boutonnière… Tout est méticuleusement réglé.

Et ce qui est intéressant c'est que le héros, Newland, ne remet absolument pas tout cela en cause. S'il ne voit pas ce petit codex comme une liste de commandements sacrés et absolus, il les apprécie pour ce qu'ils sont : les liens invisibles qui maintiennent la cohérence d'une minuscule élite, le ciment de la puissante conscience de classe (au sens marxiste du terme) qui leur permet de se considérer comme non seulement supérieur au reste de la société américaine mais surtout à leurs homologues européens dont ils envient tant les particules. Newland aimerait parfois avoir plus de marges de liberté mais au fond, ces codes, c'est sa vie.

Mais son monde est chamboulé par le retour impromptu d'une des membres de cette petite société, la comtesse Olenska, qui n'est autre que la cousine de la fiancée de Newland. Que fuit - elle ? Pourquoi a-t-elle abandonné son mari et veut même – scandale !!! – en divorcer ? Personne ne sait. Personne ne demande. Sa famille resserre les rangs autours d'elle, mais doit bientôt se rendre à l'évidence : pour elle, les codes de la société new-yorkaise sont transparents. Choisit-elle délibérément de les ignorer en étant consciente de l'opprobre qui en retombera sur ses parents, ou est-elle simplement inconsciente de ces règles non écrites ? On ne le saura jamais.

Mais ce que sait Newman, c'est ce que représente pour lui ce beau visage un peu triste. Brusquement, quelque chose a fait irruption dans sa vie. Quelque chose qu'il ne trouvera jamais auprès de la beauté parfaite et du tempérament marmoréen de sa fiancée. Quelque chose qui remet en cause tous les codes de son monde, toutes les règles auxquelles il s'est conformé, tous les choix de vie qu'il a pu faire jusqu'à présent…

L'écriture, magnifique, sait souligner avec ironie le côté absurde de ce monde ultra-codifié que s'est construit une minuscule classe d'ultra-privilégiés, et où les sentiments humains peuvent brutalement – et pour peu de temps – reprendre la place qui leur a purement et simplement été refusée. Et pour autant, quelque chose transparait clairement dans la totalité du récit : aussi consciente qu'elle puisse l'être de ses travers c'est SON monde à elle, Edith Wharton, et elle l'assume.
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Edith Wharton (1862-1937) est une romancière américaine née à New-York. Elle vivra en France à partir de 1907 et va côtoyer les écrivains français de son époque tel qu'André Gide. Lors de la première guerre mondiale, elle est décorée de la Légion d'honneur pour son dévouement à visiter les hôpitaux du front et à organiser des collectes de dons.
Son roman « le temps de l'innocence » parait en 1920 et lui permet d'obtenir le prestigieux Prix Pulitzer en 1921, elle est la première femme à le recevoir.
C'est à New-York que vit Newland Acher au sein de la société bourgeoise engoncée dans de multiples principes et règles implicites. L'opéra est l'endroit où l'on se montre et où l'on fait preuve d'appartenance au rang des « meilleurs » de ce monde. May est la fiancée de Acher et leur intention de mariage est annoncée officiellement au sein du cercle des privilégiés.Tout semble paisible et couler dans le lit de la rivière des conventions lorsqu'apparaît la belle Ellen Olenska qui n'est autre que la cousine de May. C'est avec une extrême finesse que les personnalités sont décrites au fil des pages. Chacune des deux femmes représente réciproquement candeur, sagesse pour l'une et liberté, frivolité, esprit aventureux pour l'autre.
Les amours contrariées d'Acher nous mènent tout au long de ces pages sur des sentiers divers, ceux du respect, de la retenue, du questionnement, des convenances.
J'ai adoré l'écriture d'Edith Wharton, jusqu'à la fin, cette lecture m'a enchantée.
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Attention, chef d'oeuvre !

J'avais eu une période de lecture de livres d'Edith Wharton, mais je m'étais refusée à lire le temps de l'innocence alors que le film de Martin Scorsese venait de sortir sur les écrans. Ecrit en 1920, il nous parle du New York des années 187.., où du moins des quelques familles dont la richesse "ancienne" en fait une sorte d'aristocratie du nouveau monde, avec ses codes et ses conventions, aussi contraignantes que les corsets des dames.










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Le Temps de l'Innocence ...Je ne comprends pas le titre...Innocence de qui, de quoi ? Innocence, en latin, c'est ce qui ne peut pas faire mal (nocere)...Mais dans ce livre tout fait mal ! Il n' y a pas d'innocents. May ? la jeune fiancée ? Mais elle est nuisible, c'est une machine de guerre aux grands yeux bleus et vides, toute dévouée à son clan de patriciens new-yorkais, sans l'ombre d'une idée personnelle. Newland ? D'abord machine,puis être humain par l'expérience du doute, il a déjà trahi May avant même le début du roman, en lui mentant sur sa vie de jeune homme, puis en tombant amoureux de sa cousine Ellen, double inversé de May. Ellen ? Scandaleuse (enfin, pour eux...), mais ayant connu la violence et la perversité d'un comte polonais qu'on lui a fait épouser, elle en sait bien plus sur la vie que sa famille américaine. Quant à tous les autres c'est masques et hypocrisie à tous les niveaux. Alors expliquez-moi le titre. C'est peut-être un rêve d'innocence, celle que les jeunes générations que l'on trouve à la fin du livre attribue à leurs parents et grands-parents, comme si le silence assourdissant où leurs aînés ont souffert n'était pour eux qu'un silence paisible...
Bref, en tout cas, un roman archétypal d'Edith Wharton, à la perfection triangulaire, où la société broie les êtres, tous, les forts et les faibles. Où l'on est condamné à rater sa vie. Où nulle fuite n'est possible. D'une tristesse infinie. Avec le vrai visage de l'amour dans les yeux d'Ellen. Avec Newland qui s'approche de la liberté jusqu'à en sentir le souffle ...Avec May qui le retient, ses deux bras frêles gonflés de la force surhumaine que lui procure le soutien de toute une culture...Ce ne sont pas les hommes qui dominent le monde, leur corset est aussi serré que celui des femmes...C'est un principe de soumission à un ordre supérieur qui ne supporte aucune forme de chaos, qui se construit et se reconstruit à chaque génération, dans le sang de ses victimes sacrificielles, et qui change toujours de visage, pour que jamais les contemporains ne le reconnaissent. Quel est le nôtre, madame Wharton ? -Lis donc les grands auteurs de ta génération, Agathe, et tu apercevras le visage de la bête...
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Après avoir vu le film de Martin Scorsese, m'est venu le désir de faire connaissance avec le livre d'Edith Wharton dont il a été tiré.

Le film est conforme à l'original. Scorsese a été très respectueux de l'oeuvre de l'auteure.

La maîtrise et la délicatesse du roman sont prodigieux, ainsi que la peinture de la société new-yorkaise de la seconde moitié du 19 ème siècle : celle-ci a rigidifié encore, s'il est possible, les codes et conventions européennes, et plus particulièrement britanniques, jusqu'à en faire un étroit corset au service de la haute bourgeoisie du nouveau monde. Les élans individuels y sont passés au tamis des intérêts des puissants, composés de quelques clans unis par les alliances matrimoniales, les intérêts d'affaires et un code de convenances rigoureusement respecté.

La sanction de l'indépendance et de la liberté individuelles ne sont pas la mise à mort immédiate par lapidation, comme dans certaines contrées, mais la mise à mort légèrement différée, par exclusion du groupe et tarissement des moyens d'existence pour ces femmes sans autre métier que celui d'épouse et de mère, et ces hommes ficelés par tout un réseau d'influences extrêmement puissant.

Comment vivre un amour qui n'a pas l'agrément de l'ensemble de la société new-yorkaise ? Quand on est avisé, on se garde bien de le vivre, car le tenter, c'est en détruire jusqu'au rêve.
S'enfuir ensemble, loin des regards et des conventions mortifères, au pays de l'amour choisi ?
Laissons parler madame Olenska :
"J'en connais tant qui ont essayé de le trouver ; et, croyez-moi, ils sont tous descendus par erreur aux stations d'à côté, à Boulogne, à Pise, à Monte-Carlo, et ils y retrouvaient toujours le même vieux monde qu'ils voulaient abandonner, seulement plus petit, plus mesquin, plus laid."


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