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sur 1790 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas lu Virginia Woolf, mais comme j'ai eu l'immense privilège d'exemplariser une soixantaine de poches, j'ai remis mon nez dans les classiques et je me suis dit qu'il était temps.
J'ai eu du mal au début à suivre l'auteure dans les méandres de sa pensée, son fameux flux de conscience, et puis tout à coup ça m'a saisi. J'ai retrouvé avec plaisir son écriture, sa clairvoyance et la manière tout en douceur qu'elle a de présenter une argumentation pourtant solide. Les femmes et les roman : voilà le point de départ de cet essai, et à l'arrivée un fourmillement de pensées sur la définition même de l'écrivain, ses forces et ses faiblesses, son rapport au monde et aux contraintes matérielles, les spécificités de son sexe, etc.

A partir du XIXe siècle environ (avant, il n'y a pas assez de littérature féminine pour penser quoi que ce soit !), les femmes se plaignent donc de leur condition de femmes, des difficultés sur lesquelleselles se heurtent sans cesse, et leurs livres en pâtissent. Mais les hommes, voyant les femmes se rebeller, crient haut et fort leur prédominance et leur intelligence, corrompant ainsi leur oeuvre à d'autre fin que l'oeuvre elle-même.Il faudrait donc un peu d'argent, de l'éducation et une chambre à soi pour être un bon écrivain, sinon soit on est dans l'incapacité d'écrire, soit on écrit sur ce qui nous fait défaut, et cette plainte entache l'oeuvre de manière indélébile. On pourrait dès lors se demander ce qu'elle penserait de notre littérature actuelle toute en biographie et en témoignage, plutôt qu'en fiction et en personnages... Et quand je la lis, je sens qu'elle a raison, que le véritable écrivain est celui qui règle ses comptes avec lui même puis transcende son histoire personnelle pour enfin accéder à quelque chose d'universel, ce qui, soyons réalistes !, est bien plus difficile.
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Avant même d'avoir fini de le lire, cet essai si réussi m'a donné envie d'écrire. le contenu me poursuit encore maintenant, un mois après l'avoir lu. La petite soeur fictive de Shakespeare et les paroles de V. Woolf m'habitent encore, pourvu que ça dure !
Je n'ai pourtant pas l'habitude des essais, je lis plus de romans d'habitude.
C'est un concentré de fluidité et d'une logique implacable. L'écriture est pertinente, sans fioritures, très entraînante et révélatrice d'une femme de caractère ! Chaque phrase vaut la peine qu'on s'attarde dessus. A lire lentement donc !
De plus, V. Woolf cite beaucoup de références littéraires féminines pour motiver et illustrer ses propos. J'ai découvert ainsi la romancière Aphra Behn, à qui l'on doit beaucoup apparemment, auteure de "Oroonoko" (1688!), que je compte bien me procurer !
Bref, c'est le meilleur essai féministe à mes yeux.
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Un livre à avoir obligatoirement dans sa bibliothèque et/ou sur sa table de nuit pour amener un peu plus le sujet de la condition des femmes, notamment les écrivaines du 19° siècle absolument pas reconnue comme tel. Cet essai montre bien à quel point au 19° siècle il est un poids d'être une femme lorsqu'on veut être écrivaine et qu'il n'existe qu'une infime reconnaissance masculine pour ce statut. Un livre qui aujourd'hui encore résonne pour la parole des femmes.
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Une claque ce livre. Lu en version originale. C'est une écriture dense. L'autrice écrit comme quelqu'un qui pense et vous fait part de ses réflexions comme si elles lui venaient à l'esprit mais c'est structuré, imagé et documenté.

Sans doute l'un des premiers essais féministe où le mot patriarcat est mentionné.

J'ai d'ailleurs découvert en écrivant cette critique que le mot patriarcat vient de la bible. le saviez-vous?

Publié en 1929, il y a moins de 100 ans... A l'époque (pas si lointaine) les femmes n'avaient pas le droit de rentrer dans une bibliothèque non accompagnée. le père avait tous les droits sur une fille... Et beaucoup en abusait.

Bref c'est à la fois prosaïque et très éclairant.

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"Une Chambre à Soi" est un essai étendu, initialement conçu comme une série de conférences sur les femmes et la fiction. Pour ceux qui ont déjà lu Virginia Woolf et sont familiers avec la complexité de son style, il n'est pas surprenant que cet essai évolue vers quelque chose de différent.

En résumé, Woolf avance que pour qu'une femme puisse pleinement exprimer sa créativité, elle a besoin de son propre argent et d'un espace de liberté (une chambre où elle peut être elle-même). Cet essai est profondément féministe, nous rappelant combien il était (et peut-être est toujours) difficile pour une femme de réussir dans un monde patriarcal.

Parmi ses arguments, Woolf imagine Judith, la soeur fictive de Shakespeare, tentant de s'imposer en tant que dramaturge. Elle conclut qu'elle aurait été marginalisée ou même devenue folle. Woolf va plus loin en utilisant l'exemple de Shakespeare : "“Imaginez, par exemple, que les hommes aient toujours été représentés dans la littérature sous leurs aspects d'amants des femmes et jamais sous celui d'amis des hommes, de soldats, de penseurs, de rêveurs. Que peu de rôles, alors, leur seraient destinés dans les pièces de Shakespeare ! Et combien la littérature en souffrirait ! ”

L'essai débute par l'expérience de Woolf, refusée à l'entrée d'une bibliothèque d'Oxbridge parce qu'elle n'était pas accompagnée d'un homme. Elle évoque également d'autres incidents apparemment anodins mais qui privent les femmes de leur liberté créative, ainsi que les préjugés dans les écrits des érudits masculins sur les femmes.

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Quel excellent roman, nulle obligation d'être féministe pour le lire et le savourer ! VW a des arguments pleins de bon sens, de la verve et de l'humour pour décrire le parcours semé d'embûches des femmes qui voulaient juste être elles mêmes... Beau style de ce roman encore assez d'actualité pour nous interroger tous sur les talents perdus de la moitié de l'humanité !
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Ah, femmes, que je vous aime quand vous savez raisonner ! Et que vous écrivez plutôt juste.

« A Room of One's Own », titre original, et fort mal traduit, mais j'y reviendrai, est un court essai. À l'origine, ce texte a été écrit pour alimenter des conférences données par Virginia Woolf dans deux collèges britanniques pour femmes. L'auteur, la conférencière, y dresse un bilan de la littérature féminine, se préoccupe de la place des femmes dans l'histoire de la littérature britannique et plus largement européenne. Constatant que les femmes sont, comme on le sait, peu et sous représentées, Woolf s'interroge sur les facteurs qui les ont empêché d'accéder à la littérature à plusieurs niveaux, et graduellement. L'éducation d'abord, la découverte de la littérature, l'accès aux livres et aux auteurs, la production littéraire ensuite, et enfin, pour celles ayant bravé ces deux premières difficultés, l'accès à l'édition, à la reconnaissance par des pairs, au succès. On peut relever d'ailleurs un quatrième niveau, qui serait la postérité, car si des centaines, des milliers de femmes ont probablement écrit durant les siècles qui on précédé l'essai, l'histoire de la littérature les a effacées, supprimées, oubliées.

Commençons par le titre, très mal traduit. Comment « a room » peut-il, quand on a lu l'essai, devenir « une chambre »? Remercions Marie Darrieussecq d'avoir proposé une traduction plus récente de l'ouvrage, traduction que je n'ai pas lue, mais qui, dès le titre « Un Lieu à soi », est prometteur en ce qu'il efface cette sorte de mépris qu'ont eu les les traducteurs précédents pour Woolf, pour l'essai, et pour la femme en général, réduisant son espace de travail à une chambre, lieu frivole, quand Woolf parlait d'une pièce de travail, c'est à dire plus logiquement d'un bureau ou d'une bibliothèque. le thème principale de l'essai, mentionné en partie dans le titre, est le suivant : pour écrire, une femme a besoin de 500 livres et rente et d'un lieu à elle, c'est à dire de suffisamment d'argent et d'un bureau, d'un isolement, d'une solitude. Cette idée est intemporelle et d'ailleurs ne concerne pas que les femmes, à présent. Que manque-t-il, aujourd'hui, à un individu qui le souhaite, pour faire son oeuvre, sinon l'argent ? Combien de temps perdu à une activité professionnelle, par obligation, pourrait-il consacrer à l'écriture s'il n'avait pas besoin de gagner sa vie ? Là où Virginia Woolf ne nuance pas, c'est que les hommes aussi, probablement, avaient besoin, même à l'époque, d'un peu d'argent pour subvenir à leurs besoins quand il désiraient épouser la carrière d'écrivain. Cependant, elle explicite la différence : quand l'homme disposait d'un héritage ou de la dote de sa femme, cette dernière, elle, justement, n'en n'était pas propriétaire, et ce au profit de son mari. C'est juste. Si l'argent est nécessaire a tout écrivain, du moins au départ, avant qu'il n'en gagne, la femme n'aura jamais la possibilité, à l'époque, d'en posséder rien qu'à elle. À moins d'être héritière et de refuser le mariage, à peu près. Dès le départ, donc, si un homme et une femme possèdent la même somme d'argent, ils ne sont pas pour autant égaux, l'un pouvant fonder une famille et écrire quand l'autre doit choisir. Cependant, aujourd'hui, il me semble bien que ce choix s'applique aux deux sexes. L'homme ne doit-il pas être un bon père de famille, présent et domestique ? Et ne pas gaspiller son temps à des « futilités » ou à ce que la société considère comme un « hobby » ou même une lubie ? L'argent qu'il possède ne doit-il pas être tout entier consacré au foyer? Il serait certes très égoïste d'en conserver rien qu'un quart pour son oeuvre ou encore de renoncer à travailler quelques mois par an pour écrire un roman. Non, sa femme d'abord, son entourage ensuite puis la société entière le jugeraient irresponsable. Aujourd'hui, tout individu qui veut écrire, je veux dire véritablement écrire, doit à peu près renoncer au mariage, au minimum. de même qu'il doit avoir de l'argent. Comment écrire quand on doit consacrer autant de temps à une activité professionnelle, souvent alimentaire, et de toute façon peu compatible avec le statut d'écrivain qui devrait être considéré comme un emploi à plein temps et non comme une oisiveté ?

Quant à la pièce à soi, critère qui peut paraître anecdotique au premier abord, j'en ai moi-même fait l'expérience. Ne disposant pas d'un bureau à la maison, j'écrivais depuis plusieurs années au salon, depuis l'ordinateur familial. Quand il était pris, je me retranchais derrière mon téléphone, depuis la table de la salle à manger. Cela n'avait jamais constitué une contrainte réelle pour moi jusqu'au premier confinement. Disons plutôt que, faute de mieux, je m'étais fait une raison. Les enfants passant leurs semaines à l'école, j'écrivais sur ce temps généralement, seule chez moi. Quand ils étaient là, je migrais parfois dans ma chambre mais dans de mauvaises conditions, sur mon lit et pianotant le minuscule écran de mon téléphone portable. L'été, j'écrivais plutôt dehors. Je m'en suis accommodée... jusqu'au premier confinement. Avant cela, leurs absences me permettaient de rattraper le temps perdu, de corriger et de développer mes notes prises sur le téléphone. C'est quand je les ai eus tout le temps, tous les six à la maison et à temps complet, que c'est devenu invivable. le bruit, les dérangements incessants, le manque d'intimité et de concentration. Non, ce ne fut plus possible. J'ai dû prendre des mesures. J'ai acheté un ordinateur portable et demandé à mon mari de me fabriquer un bureau, que j'ai mis dans notre chambre. C'est, pour le coup, réellement une chambre, mais j'ai tout de même un lieu à moi, un poste de travail personnel et surtout une clé de cette chambre. À présent je me demande bien comment j'ai pu me passer aussi longtemps d'un réel espace de travail, personnel, attitré et quasiment sacré : en journée, personne n'y entre. du temps de Virginia Woolf, si l'homme avait un bureau ou une bibliothèque, la femme était cantonnée au salon ou à la chambre, lieux du dérangement par excellence, le premier étant lieu de réception et de frivolité quand le second est le lieu non seulement conjugal mais également celui où les enfants venaient trouver leur mère. Aucun répit donc, aucun moyen pour une femme, et également pour un homme aujourd'hui, d'écrire sans posséder une pièce à soi, si possible inaccessible à tout autre, car je le remarque : même de micro-intrusions m'agacent, me dérangent, me déconcentrent. Bien sûr, la concentration est un entraînement, et à force le cerveau s'accoutume et reprend le travail bien vite, mais doit-on toujours s'adapter ? Pourquoi ne pas exiger que l'autre s'adapte, plutôt, si les contraintes pour lui ne sont pas si grandes, n'excèdent pas celles de ne point déranger ? Est-ce réellement trop demander ?

Virginia Woolf mêle, dans l'essai, des faits concrets et prosaïques tels que l'argent, la pièce, l'alimentation même, à des questionnement plus profonds, le tout avec une belle ironie et le recul froid nécessaires à ne pas faire de cet essai le procès hystérique d'une société patriarcale. Elle s'attarde sur l'éducation donnée aux jeunes filles, différente de celles des garçons. Et même quand elles ont accès à l'université, il s'agit d'autres universités -pour femmes- ou de contenus différents. Elle dresse également le bilan de ce qu'une femme ne peut décemment pas faire et qui cependant nourrirait son oeuvre : voyager seule, notamment, vivre des expériences sans chaperon. Elle s'attarde sur les contraintes du mariage, déplorant que la femme seule ait la charge du foyer, de l'éducation des enfants, ce qui l'empêche évidemment de s'accomplir. Elle a bien conscience qu'il suffirait de ne point se marier ni fonder de famille, évidemment. D'ailleurs, elle n'aura pas d'enfants. Cependant pourquoi, là encore, seule la femme devrait faire un choix quand l'homme peut cumuler les deux ? Enfin, c'était le cas il y a un siècle, car là encore et je l'ai déjà dit, aujourd'hui cet argument est valable pour les deux sexes : qui néglige son foyer, père ou mère, pour écrire ou crée, est un indigne, un ingrat, un égoïste. de sorte qu'à présent, aucun des deux sexes ne peut réellement se consacrer à l'écriture, enchaîné qu'il est à des conventions, à cette idée mièvre de bon père ou bonne mère de famille. Moi, je pense pourtant le contraire. Suis-je une mauvaise mère si je travaille trois ou quatre heures par jour ? Je n'en crois rien. Je l'ai écrit il y a peu : on se fait un point d'honneur à sur-occuper l'enfant, à le sociabiliser, à jouer avec lui et on se croit un bon parent, parce que c'est l'image que renvoie la société du parent qui « s'investit ». Cependant, pour devenir un individu, un homme qui pense, un enfant a besoin de solitude et d'ennui, et j'ajouterai : il a besoin de bons exemples, de parents qu'il voit travailler, s'instruire, se consacrer à des tâches un peu supérieures et de longue haleine plutôt qu'à des jeux d'enfants et à des devoirs domestiques un peu inventés ( J'ignore si le nettoyage quotidien des sols constitue une tâche primordiale pour le bien commun ainsi que pour l'épanouissement suprême d'un individu). Comment élever un peu la société sans montrer l'exemple à ses enfants ? Évidemment que si l'on joue toujours, ils n'auront que ce modèle et consacreront eux aussi leur vie entière à des futilités ! Non, on n'est pas un mauvais parent quand on refuse de jouer au ballon ou de regarder un Disney parce qu'on a du travail. On est un exemple, voilà. Et l'enfant trouvera bien de quoi s'occuper seul, ou il ne trouvera pas et ce sera encore mieux, car on oublie que le jeune esprit a besoin d'ennui. Et de solitude. Et ce n'est pas cruel. C'est un cadeau, au contraire.

Virginia Woolf répond également longuement à un évêque qui prétendait qu'il était impossible qu'une seule femme, dans toute l'histoire de l'humanité, puisse avoir eu le génie de Shakespeare. Si Virginia Woolf admet qu'il n'y en n'a pas eu effectivement, elle tente de s'en figurer les raisons, qui ne sont pas biologiques, évidemment. Elle crée pour cela un personnage : la soeur fictive de Shakespeare. Cette jeune fille aurait-elle été envoyée dans le même pensionnat et aurait-elle reçu la même éducation et le même traitement de la part de ses parents ? Assurément non. On l'aurait préparée à un bon mariage, à bien se tenir, à apprendre un peu de piano et de broderie, quand on a préparé son frère à devenir, au minimum, un gentleman, qu'on l'a instruit et à qui on a donné accès aux oeuvres littéraires. Sans doute que sa famille a cherché à dissuader Shakespeare d'écrire, tout en pardonnant les lubies que l'on pardonne aux jeunes hommes, mais s'il avait été une fille, on l'aurait mariée tôt pour contrarier ce penchant malsain. Il n'y a pas eu de brillants écrivains femmes parce qu'on a étouffé les talents dans l'oeuf, voilà, les empêchant de grandir, de se développer, de faire leurs expériences. Et si la soeur de Shakespeare avait insisté au-delà du raisonnable, elle aurait dû s'enfuir avant l'autel, et mener une vie de misère à Londres, sans argent et sans soutien. Et même si elle avait réussi à écrire, elle aurait dû utiliser un pseudonyme parce qu'elle n'aurait jamais eu, en femme et d'autant plus célibataire, c'est à dire de mauvaise vie, accès à l'édition. Elle serait devenue prostituée ou serait morte. Quel autre sort pour une jeune rebelle sans argent, dans une société hostile? Alors, oui, c'est vrai, dans ces conditions, Shakespeare ne pouvait être qu'un homme. La seule femme qui peut écrire est célibataire et riche, à l'instar de Jane Austin, quand n'importe quel homme bien né, ou à peine, le pouvait.

Pourquoi les femmes n'ont-elles pas davantage créé ? Elle n'ont pas pu disposer d'argent à elles, pas plus qu'elles n'avaient l'autorisation de travailler pour en gagner, à moins de travaux éprouvants, éreintants, dégradants - et à condition que le mari autorise et ne réquisitionne pas le salaire. Elles ne disposaient pas d'une pièce à elles (même Austin écrivait le soir après dîner dans la pièce commune), d'un lieu où s'isoler sans être dérangées. Mais, surtout, les femmes étaient réduites à leurs foyers, étaient taxées d'instables, voire d'hystériques, et c'est là que Woolf règle un peu ses comptes. Elle ne fait pas de cadeaux aux hommes, et pense que ce n'est que justice. Cependant, elle s'abstient fort justement de leur donner raison, et donc de se montrer hystérique, de cracher du venin, et préfère user d'ironie. C'est avec un regard amusé qu'elle évoque « l'infériorité mentale, morale et physique du sexe féminin », supposée par l'imminent professeur « von X » dans ce qui constitue probablement « l'oeuvre de sa vie ».

J'ai déjà, je crois, parlé de féminisme. Si Virginia Woolf était légitime, à l'époque, à dénoncer une profonde injustice, une grande inégalité, celles-ci se sont plus que réduites à présent. Cependant, il me semble que plutôt qu'une avancée, c'est un recul en matière de littérature. Oui, un recul. J'entends par là que l'égalité homme/femme en matière de littérature n'a pas été obtenue sans soustraire à l'homme quelques droits, qui semblent pourtant bien fondamentaux. Pas légalement, mais moralement - et souvent la morale est plus cruelle que la loi en ces domaines. Je l'ai écrit : aujourd'hui, l'homme qui veut crée est confronté aux strictes mêmes difficultés. S'il est marié, il se doit d'être responsable, de consacrer son temps libre et ses revenus au foyer, de sorte que plus personne ne peut écrire, la morale aliénant à présent chacun des deux époux, les retenant à la maison en stricte égalité. Si, il y a un siècle, la femme était empêchée de faire son oeuvre par une société patriarcale, aujourd'hui chaque individu en est empêché par une société dominée par la mièvrerie du couple idéal, du don de soi au profit de sa famille, de l'abnégation inutile mais forcée. Belle évolution, n'est-ce pas ? Virginia Woolf voulait-elle, à l'époque, contraindre et aliéner l'homme comme elle-même était contrainte ? Je ne le pense pas. Son désir était à l'inverse : une liberté de créer offerte à tous. Raté.
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J'ai beaucoup aimé 'Une chambre à soi', tant du point de vue du fond que de la forme. le style est sinueux et nous entraîne à travers les réflexions de l'autrice, réflexions toujours pleine de finesse et jamais péremptoire, même si mon avis peu diverger de Virginia Woolf sur certains sujets (à voir sur mon blog).
Je pense que l'on peut trouver beaucoup de ressources dans cet essai, et même si la situation des femmes écrivaines continue de demeurer, disons peu idéale, j'ai tiré au final pas mal de positivité de cete ouvrage et je le recommande particulièrement aux autrices
Lien : https://mytraveltothemoon.wo..
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Passionnant essai de Virginia Woolf, "Une chambre à soi". Elle commence en se basant sur son quotidien par mettre en lumière les inégalités de son siècle. Elle entame ensuite un laborieux travail de recherche qui la mènera au British museum sur la place de la femme dans l'histoire et en particulier dans la littérature.
Elle nous conte ensuite la vie de quelques autrices comme Jane Austen et explique les stratégies employées par celles-ci pour réaliser leur dessein d'écrivaine dans une société qui faisait tout pour les décourager.

C'est un essai riche qui ne se résume pas à prôner l'indépendance de la femme. Il est riche de références littéraires et réflexions. Ce qui m'a particulièrement frappée c'est l'aspect novateur de ce texte. Virginia Woolf avait un siècle de réflexion d'avance sur son temps.
Aujourd'hui, les avancées dans le domaine de l'égalité sont considérables, nous sommes loin de la société dans laquelle évolue Virginia Woolf. Pour autant ce texte a le mérite de nous rappeler comment et pourquoi la femme n'a pris sa place que tardivement dans L Histoire et la littérature

C'est une lecture que j'ai beaucoup appréciée d'autant plus qu'elle est très abordable et se lit comme un roman.
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Il est impossible de critiquer négativement une oeuvre qui encore aujourd'hui fait écho ! Cette nouvelle traduction du livre de Viriginia Woolf, basé sur différentes conférences, explique l'importance d'avoir "un lieu à soi" dans le processus de création artistique. La femme que l'on a relayée à la sphère privée durant des siècles a totalement été absente du domaine de l'artistique (le livre pointe le doigt sur cet aspect). Une oeuvre essentielle, qui, au delà de son aspect féministe, laisse à réfléchir sur l'importance du lieu à soi pour n'importe qui. La promiscuité est une barrière à l'intimité et à la réflexion personnelle.
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