Les voiles du ciel
Si j'avais les voiles brodés du ciel
Ouvrés d'or et d'argent par la lumière,
Les voiles bleus, les voiles gris et les voiles sombres
De la nuit, du jour et du demi-jour,
J'étendrais ces voiles sous vos pieds :
Mais étant pauvres, je n'ai que mes rêves;
Que vos pas soient légers, car vous marchez sur mes rêves.
He wishes for the cloths of heaven
Had I the heavens' embroised cloths,
Enwrought with golden and silver light,
The blue and the dim and the dark cloths
Of night and light and half light,
I would sprad the cloths under your feet :
But I, being poor, have only my dreams;
I have spread my dreams under your feets ;
Tread softly because you tread on my dreams.
Un poète à sa bien-aimée
Je t'apporte de mes mains déférentes
Les pages de mes rêves sans nombre.
Dame blanche usée par la passion
Comme les sables tourterelle par la vague
Et au cœur plus vieilli que la corne
Qui déborde du feu pâle du temps :
Dame blanche aux rêves sans nombre
Je t'apporte mes vers et leur passion.
Composé en 1895
Publié en 1896
p.73
Découragement
Quand ai-je regardé la dernière fois
Les yeux ronds et verts et les longs corps sinueux
Des sombres léopards de la lune ?
Toutes les sorcières déchaînées, ces très nobles dames,
Malgré leurs manches à balai et leurs larmes,
Leurs larmes de dépits, sont parties.
Les centaures sacrés qui hantaient les collines ont disparu;
Il ne me reste que le soleil et son amertume;
Bannie est notre héroïque mère la lune, effacée du ciel,
Et maintenant que j'ai atteint ma cinquantième année
Il me faut endurer le pâle soleil.
Lines written in dejection
When have I looked on
The round green eyes and the long wavering bodies
Of the dark leopards of the moon ?
All the wild witches, those more noble ladies,
For all their broom-sticks and their tears,
Their angry tears, are gone.
The holy centaurs of the hills are vanished;
I have nothing but embittered sun;
Banished heroic mother moon and vanished,
And now that I have come to fifty years
I must endure the timid sun.
Le pays du bonheur
Le petit renard, lui, murmura :
« O, si c’était la malédiction du monde ? »
Le soleil était riant et doux,
La lune tirait sur mes rênes ;
Mais le petit renard rouge murmurait,
« O, ne tire pas sur ses rênes,
Il s’en va en chevauchant vers le pays
Qui est la malédiction du monde. »
The happy townland
The little fox he murmured,
« O what of the world's bane ? »
The sun was laughing sweetly,
The moon plucked at my rein;
But the little red fox murmured,
« O do not pluck at his rein,
He is riding to the townland
That is the world's bane. »
L’aube
Je voudrais avoir l'ignorance de l’aube
Qui de là-haut a vu
Cette vieille reine mesurer une ville
Avec l’épingle d’une broche,
Ou ces vieillards flétris regarder
De leur pédante Babylone
La course insouciante des planètes,
Le déclin des étoiles et l'éveil de la lune,
Et saisir leurs tablettes pour y faire des calculs ;
Je voudrais avoir l'ignorance de l’aube,
Et comme elle tout simplement,
Balancer sur les épaules embrumées des chevaux
Les paillettes de son char ;
Je voudrais (car tout savoir ne vaut pas un liard)
Avoir la folle ignorance de l'aube.
20 Juin 1914 - Février 1916
p.121
Rendez-vous ce mercredi 4 octobre : deuxième épisode de notre série Dans les pages, où des écrivains se promènent dans la librairie pour nous parler de leurs livres préférés. Au programme : G. Simenon, F. Aubenas, J. Vallès, Antigone d'Anouilh (on ne peut pas oublier "Le quatrième mur" ) et le grand poète irlandais W.B. Yeats.
Merci Sorj et @editionsgrasset7893
Arthur Scanu à la réalisation au montage et à la prise de son et Antoine Daviaud au mastering
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