Ce roman, troisième d'
Emile Zola paraît en 1867. Abandonnant ses premiers essais poétiques, et le romantisme qui marquait encore quelque peu
La confession de Claude,
Thérèse Raquin est une forme de manifeste naturaliste. Dans la Préface,
Zola évoque un « groupe d'écrivains naturalistes auquel j'ai l'honneur d'appartenir », en réalité ce groupe n'existait pas vraiment au moment de la parution du roman, qui sera en quelque sorte un point de départ. L'approche naturaliste en littérature est influencée part les sciences, les sciences naturelles, la médecine, la psychiatrie et s'oppose à la tradition académique du Beau idéal.
Dans la préface de
Thérèse Raquin Zola écrit « ...mon point de départ , l'étude du tempérament et des modifications profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances ». le futur programme des Rougon-Macquart est déjà là, mais sans l'ambition de dresser un tableau complet de la société dans un vaste ensemble de romans.
Zola balaie les critiques « morales » de l'oeuvre : « Le reproche d'immoralité en matière de science, ne prouve absolument rien. Je ne sais si mon roman est immoral, j'avoue que je ne me suis jamais inquiété de le rendre plus ou moins chaste. Ce que je sais, c'est que je n'ai pas songé un instant à y mettre les saletés qu'y découvrent les gens moraux, c'est que j'en ai écrit chaque scène, même la plus fiévreuse, avec la seule curiosité du savant ;.. ». Donc la vérité avant tout, même si elle choque, non pas par vice ou l'envie de satisfaire des penchants malsains des lecteurs, mais pour dire le vrai, pour débusquer, démasquer, comprendre.
Le roman débute à
Paris dans un passage obscur, dont la description n'est pas sans évoquer
Balzac. Un trio vit dans une petite maison la mère, Mme Raquin, son fils, Camille, petit fonctionnaire chétif et maladif, et la nièce de Mme Raquin, qui a épousé Camille, Thérèse. Les deux femmes tiennent une petite mercerie dans une boutique au rez-de-chaussée de la maison. Les personnages, venus récemment de province, coulent des jours somnolents et identiques les uns aux autres, la seule distraction étant les soirées de jeudi, où quelques relations viennent jouer aux dominos. Camille retrouve par hasard, un ancien camarade, Laurent, petit fonctionnaire également. Entre lui et Thérèse, naît immédiatement une sorte d'attirance animale. Une liaison va se nouer très vite. Mais il leur devient impossible de se voir, et n'en pouvant plus, Laurent noie Camille lors d'une sortie en bateau, faisant croire que le canot s'est retourné par accident. le crime est parfait, les deux amants n'ont plus qu'à attendre quelques temps pour envisager le mariage. Mais la culpabilité commence très vite à les ronger, et cela devient pire après le mariage projeté. le bonheur qu'ils s'étaient promis tourne très vite à l'enfer, sous les yeux de la vieille Mme Raquin, devenue paralysée.
L'univers des Rougon-Macquart est déjà là. L'étude d'un milieu, et de quelques personnages, qui vont suivre d'une manière infaillible leurs penchants, leur tempérament, qui ne peuvent échapper à ce qu'ils sont. Egoïste, brutal, jouisseur, Laurent exécute le crime sans états d'âme, parce qu'il en escompte un profit sans risque. Thérèse, mal mariée à un homme maladif, attirée par Laurent, ne voit Camille que comme un obstacle à son bonheur, que l'on peut écarter comme on écrase une mouche. le roman est composé de deux parties distinctes, avant et après le crime. La première après un bref exposé, est centré sur les deux amants et l'histoire de leur adultère. La deuxième, plus longue, fait le récit des événements après le meurtre, la culpabilités, les angoisses, les hallucinations, les peurs, la détestation de l'autre qui s'installe, l'impossible oubli. Avec quelques morceaux d'anthologie, comme ces visites de la morgue effectuées par Laurent.
Ce qui frappe, au-delà du programme de
Zola, de son désir d'observer et de dire le vrai, c'est son art de conteur, sa façon de construire un récit très prenant, d'une incroyable efficacité. On peut considérer que cette foi dans la science, dans la possibilité de réduire un être humain à quelques schémas de base, est simplificatrice et sans doute au final naïve, mais
Zola échappe à ses propres théories, et écrit un roman qui continue à fasciner le lecteur, même si ce dernier n'est pas convaincu par la théorie littéraire. Au final peu importe l'approche théorique, l'école, le mouvement auquel appartient un artiste : c'est son talent, sa capacité à en faire quelque chose de personnel et d'unique qui est essentiel. Grâce aux mots, au style, à une musique, qui sont déjà complètement présents dans
Thérèse Raquin.