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Je continue ma découverte de la bibliographie d'un de mes auteurs favoris : Stefan Zweig, par le biais d'un recueil de quatre nouvelles titré par la première : Brûlant secret.

Avec ces quatre nouvelles, Stefan Zweig fait preuve une fois encore d'inventivité et de précision dans la description des sentiments et des événements.


Retrouvez mon avis complet :
Lien : http://allaroundthecorner.bl..
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La chasse aguerrie d'un jeune baron vise une proie qui se doit de céder rapidement ; le trophée n'en sera que plus beau si la femme élégante cède à son jeu malgré l'enfant qui l'accompagne et lui barre la route. le charme est une arme fatale, et bien ajustée, fait mouche. le processus est en marche et l'esprit focalisé sur l'objectif : gagner au jeu pour l'un, caresser son orgueil pour l'autre.
Le feu brûle et chacun entretient sa certitude de le maîtriser. Au pire, d'en éteindre les effets plus tard, les conséquences de la fumée importe peu face à la beauté des flammes. Jusqu'au bord de l'abîme.
Quand le doute s'installe, on "hausse les épaules ainsi qu'on secoue de soi des scrupules invisibles, offre au miroir un regard limpide, ramasse les plis de sa robe et descend avec la mine résolue d'un joueur qui fait sonner sur la table sa dernière pièce d'or."
Car l'enfant est là, tantôt appât, tantôt obstacle, tantôt juge. Un juge qui chercherait à identifier la loi de ce monde aux contours flous et excitants.
Une nouvelle dessinée avec ce talent par Stefan Zweig, qui masque les trames et vous dépeint des élans du coeur qui vous paraissent être vôtres.
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Magnifique histoire plutôt banale et humaine au premier abord mais qui pose des questions de fond sur les relations entre les adultes et l'enfant, entre les adultes eux-mêmes.
Nos sentiments, nos attitudes, nos travers, ne sont-elles pas révélateurs de notre personnalité ?
Stefan ZWEIG réussit toujours la prouesse d'analyser avec précision l'évolution des comportements, de l'état d'esprit de ses personnages.
Comment se terminera la relation entre les adultes ? Quel impact aura-t-elle sur leur vie et le futur de l'enfant ?
C'est l e grand art de Stefan ZWEIG qui nous le fera découvrir...
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J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui nous plonge dans les réflexions d'un enfant de 12 ans en passe de comprendre ce que ce brûlant secret qui lie hommes et femmes signifie. La candeur avec laquelle l'enfant aborde la question, persuadé qu'on lui cache quelque chose, la naïveté de ses plans pour débusquer sa mère et “le baron” quand ils l'éloignent de lui et surtout la satisfaction que l'enfant tire d'être une gêne pour le couple naissant, gêne qu'il ne saisit pas et que trop bien finalement…
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Brennendes Geheimnis
Traduction : Alzir Hella, revue par Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent pour La Pochothèque

ISBN : inconnu pour la nouvelle, parue pour la première fois en 1910 mais 9782253055136 pour l'Edition de la Pochothèque

Puissance et amour, violence aussi, sont les mots-clefs de cette magnifique nouvelle de Stefan Zweig, lequel parvient ainsi, appuyé par un singulier trio dont les membres sont dominés par la passion, à faire palpiter, puis trembler dans les veines de son lecteur cette course mordante, crépitante, rageuse et désespérée que représente l'Amour dans l'acception complète du terme. N'oublions pas la profonde habileté avec laquelle ce maître de la nouvelle mondiale nous fait sentir - et accepter - en arrière-plan des sentiments aussi complexes et même scabreux que le dernier désir d'une femme qui se voit vieillir pour une aventure qui couronnera sans doute, fût-elle sans lendemain, sa vie intime, et l''amour inconditionnel, à la fois si entier, si intègre, si pur et pourtant non dépourvu d'ombre que ressent toujours un enfant (en particulier un garçon) pour celle qui lui a donné vie.

Pourtant plutôt longue, cette nouvelle se lit sans que nous voyons le temps passer, même si nous nous doutons plus ou moins à l'avance de certains ressorts que va utiliser l'auteur. Découpée en quinze petits chapitres où l'émotion - on est presque tenté de parler de suspens - monte crescendo, elle met en scène une riche bourgeoise juive de Vienne, venue prendre les eaux dans une petite ville réputée pour ses sources, en compagnie de son fils, Edgar. Celui-ci est doté, on nous l'annonce dès le début, d'une santé fragile que lorgne probablement en se pourléchant une tuberculose qui ne dit pas son nom. Comme pour compenser sa faiblesse physique et se faire ainsi un peu pardonner, la Nature lui a en contrepartie accordé un caractère ferme bien qu'un peut trop nerveux et une intelligence qui oscille entre se tapir à jamais dans les douceurs de l'enfance protégée et s'affirmer telle qu'elle est, c'est-à-dire sensiblement supérieure à la moyenne.

La mère, évidemment, même s'il l'agace parfois - le petit est fils unique, toujours menacé par la maladie et il faut beaucoup s'occuper de lui - aime son enfant. En fille et femme de la haute bourgeoisie, elle ne le montre évidemment pas de manière exagérée en public mais nul ne doute qu'elle ne perde tous ses moyens si elle le sent un jour en danger. Comme tous les enfants sur lesquels nous, les mères, nous devons veiller plus que la moyenne, ces petits, même en grandissant, nous laissent moins de temps que la moyenne pour nous préoccuper de nous-mêmes et de nos propres sentiments. Eux d'abord, nous après. C'est particulièrement pénible lorsque passe à notre portée, à un âge qui commence à nous peser, un homme relativement séduisant, élégant, porté sur la bagatelle mais sachant l'exprimer en termes galants et, qui mieux est, appartenant à la même classe sociale que nous et partageant nos goûts. Ce n'est pas - surtout à l'époque à laquelle se déroule la nouvelle, soit les années 10 du XXème siècle - que la mère d'Edgar songe à quitter son mari, un riche homme d'affaires, mais enfin, comme elle se doute pertinemment que son époux, lui, peut libérer ce que nous appellerions aujourd'hui son stress en donnant de petits coups de canif au contrat qui les unit, elle estimerait assez juste de pouvoir l'imiter (et a dû déjà le faire de temps à autre), en toute discrétion, cela va de soi.

Bien entendu, dès le départ, Zweig a pris grand soin de nous faire faire la connaissance du personnage appelé à séduire la mère d'Edgar, le Baron. Encore jeune certes, séduisant, aimable, sachant y faire avec les femmes, célibataire, aisé et homme du monde, il a pris quelques vacances en espérant ne pas trop s'ennuyer. Verbe qui, pour lui, signifie invariablement ne dénicher aucune femme de son monde à courtiser. Il a tôt fait de repérer Edgar, ou plutôt sa mère et, avec toute l'expérience qu'il a de ce genre de situation, il devine bien que le meilleur moyen de parvenir à l'objet de son désir, c'est de faire ami-ami avec son fils, cet enfant malingre, un peu triste et qui se sent apparemment plus à l'aise avec les grandes personnes qu'avec ses pairs.

Avec un art consommé, le baron déploie donc son plan d'attaque et est presque aussitôt présenté à la mère d'Edgar. Mais celui-ci (qui doit avoir dans les onze-douze ans) croit sincèrement à l'amitié que semble lui témoigner sa nouvelle connaissance. C'est qu'il est bien trop jeune pour imaginer que les adultes puissent mentir - sauf peut-être quand ils vous certifient que le médicament qu'ils vous demandent de prendre a un goût délicieux et que, bien sûr, il n'en est rien. D'accord, c'est un mensonge, mais l'un de ces mensonges auxquels on se résigne parce qu'on sait que Maman ou la gouvernante le fait pour votre bien.

Enfant profondément observateur, une tendance peut-être innée que l'immobilité forcée dans un lit ou sur une chaise longue n'a fait qu'affiner, Edgar entrevoit très vite quelques incohérences dans l'attitude de son "ami le Baron", et ce, pratiquement à partir du moment où lui-même l'a mis en relation avec sa mère. Oh ! certes, il continue à se montrer gentil, à taquiner l'enfant, à "imiter" en quelque sorte le grand frère ou même le père, mais le jeune garçon ne tarde pas à comprendre que, pour le Baron, il est désormais de trop quand ils se réunissent tous trois, lui, le Baron et sa mère.

Le pire, c'est que, en face, dans le camp de la mère, insidieusement, le même sentiment commence à se faire jour. Les deux adultes n'hésitent même pas à mentir à l'enfant pour avoir un peu de temps rien qu'à eux.

Mais à quoi le passeront-ils, ce temps qu'ils veulent voler à Edgar ? Ne sont-ils pas heureux comme cela, tous les trois ensemble ? ...

L'analyse de la situation est ici essentiellement faite par Edgar, lequel, malgré sa santé, n'en arrive pas moins, doucement mais sûrement, à la puberté. En outre, nous avons déjà souligné qu'il est loin d'être idiot. Quant à sa passion pour sa mère, elle s'explique tout simplement - plus exactement elle peut encore s'expliquer - par les attentions qu'elle a eues dans son enfance et dans sa pré-adolescence pour ce fils unique, perle de ses yeux pourrait-on dire.

Le baron, lui, ne songe tout d'abord qu'à son plan pour entrer dans la place et comme il n'aura pas le temps de remporter la partie, le lecteur n'aura par conséquent pas droit aux projets qu'il aurait sans doute mûris par la suite pour se replier avec les honneurs - et dans la plus grande galanterie, soyez-en sûr - son désir agréablement et naturellement satisfait le temps de ces vacances impromptues.

On en apprend un peu plus sur la mère d'Edgar, véritablement déchirée entre ses besoins de femme et ses obligations de mère.

Le récit est mené à la troisième personne et, en mêlant les pensées des personnages et en nous attachant tout particulièrement à la finesse de raisonnement d'Edgar, on est émerveillé par le talent avec lequel l'auteur transforme une aventure au départ presque vaudevillesque, en tous les cas banale, en un drame, plein de fureur à défaut de bruit (car, dans ce milieu-là, du bruit, il ne faut surtout pas en faire) de la pré-adolescence et de la relation privilégiée qu'entretient la mère avec son enfant. Mieux encore, Zweig - et c'est là le "plus" de "Brûlant Secret" - nous laisse entrevoir la porte ouvrant sur la pénombre de l'avenir pour la mère comme pour son fils, devenu adulte : Edgar se méfiera-t-il des femmes, à commencer par la sienne, s'il en prend une l'âge venu ? les méprisera-t-il ? demeurera-il tout simplement célibataire, courant les aventures un peu comme son ancien "grand ami le Baron" ? le seul point sur lequel Zweig laisse planer un mystère absolu, c'est la préférence sexuelle exacte de ces aventures ...

Une seule chose demeure certaine : pour Edgar, il n'y aura jamais qu'une seule femme qui aura compté : sa mère. ;o)
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(...Suite...)
Quand le je devient jeu.

La philosophie de Nietzsche dans l'oeuvre de Stefan Zweig.

La philosophie a ceci de confondant c'est qu'il suffit d'en lire quelques lignes pour que tout de suite on se dise : « Mon Dieu, mais comme c'est vrai !», et l'on pourrait très bien lire la thèse opposée pour que l'on se dise de la même façon : « Ah ben, il n'a pas tort non plus, celui là ! ». Enfin tout ça pour dire que je ne suis pas un spécialiste de la philosophie, loin de là, en réalité je m'en méfie beaucoup et même j'évite d'en lire car très vite on est troublé et on ne sait plus trop quoi penser quand ça ne nous laisse pas carrément vide… si bien sûr on ne s'est pas endormi avant !!!
Néanmoins, au risque de m'y perdre, je vais quand même m'essayer à en dégager quelques similitudes entre les thèmes décrits dans l'oeuvre de Stefan Zweig et certaines théories développées par Nietzsche, d'une façon non exhaustive et aux raccourcis sûrement un peu approximatifs.
Belle affaire quand même, quand on pense que déjà les plus grands spécialistes se déchirent sur l'oeuvre de ce philosophe… Enfin bref !!!

Stefan Zweig est né en Autriche en 1881 et est mort en 1942. Friedrich Nietzsche, lui, est né en Allemagne en 1844 et est décédé en 1900. Ainsi Zweig, en homme ayant étudié la philosophie, devait avoir parfaitement connaissance des thèses développées par Nietzsche.

Voici un texte de Nietzsche qui, me semble-t-il, illustre parfaitement les thèmes récurrents développés dans l'oeuvre de Zweig :

Le besoin nous contraint au travail dont le produit apaise le besoin : le réveil toujours nouveau des besoins nous habitue au travail. Mais dans les pauses où les besoins sont apaisés et, pour ainsi dire, endormis, l'ennui vient nous surprendre. Qu'est-ce à dire ? C'est l'habitude du travail en général qui se fait à présent sentir comme un besoin nouveau, adventice ; il sera d'autant plus fort que l'on est plus fort habitué à travailler, peut-être même que l'on a souffert plus fort des besoins. Pour échapper à l'ennui, l'homme travaille au-delà de la mesure de ses autres besoins ou il invente le jeu, c'est-à-dire le travail qui ne doit apaiser aucun autre besoin que celui du travail en général. Celui qui est saoul du jeu et qui n'a point, par de nouveaux besoins, de raison de travailler, celui-là est pris parfois du désir d'un troisième état, qui serait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher, d'un mouvement bienheureux et paisible : c'est la vision du bonheur des artistes et des philosophes.

Extrait d'Humain, trop humain publié en 1878, soit 3 ans avant la naissance de Stefan Zweig.

En lisant ce court extrait, j'ai vraiment l'impression de parcourir le synopsis décrivant la trame d'une des nouvelles de Stefan Zweig.
Pour résumer, ce texte nous explique que l'homme pour vivre doit contenter des besoins physiologiques comme manger, boire, dormir, …, sans lesquels toute vie serait impossible. Pour combler ces besoins il faut travailler pour produire ce dont nous avons besoin, ou, dans nos sociétés contemporaines, pour gagner de l'argent pour acheter ces produits. Mais quand vos besoins primaires sont comblés (vous avez mangé, vous avez bu, vous avez bien dormi, …) et quand le travail à effectuer pour couvrir ces besoins est terminé, vous vous retrouvez inactif et commencez à vous ennuyer. Nietzsche nous explique alors que cet ennui est la résultante d'un nouveau besoin créé par l'acte de travailler lui-même. le travail est ce nouveau besoin, au même titre que les besoins physiologiques, qu'il vous faut désormais satisfaire.
Alors pour combler ce nouveau besoin, deux possibilités s'offrent à vous : soit vous vous remettez à travailler, pour produire encore plus, pour surproduire ; soit vous jouez.
Et c'est là que l'analogie avec les oeuvres de Stefan Zweig est la plus flagrante. Tous ses héros sont rentiers, ils n'ont pas besoin de travailler pour subvenir à leur besoin, alors ils s'ennuient et ça Stefan Zweig le décrit très bien dans l'analyse psychologique qu'il en fait, tous sont plus ou moins désabusés, et c'est pourquoi ils trouvent un nouveau salut en engageant leur vie dans la sphère du jeu. Il en va de même pour les deux soeurs jumelles qui démarrent leur vie dans la misère mais très vite elles sauront se dégager de tous soucis matériels, l'une en courtisant des hommes très riche, l'autre en confiant à Dieu le soin de nourrir son corps à défaut de son âme.
Nietzsche poursuit alors en nous expliquant que quand vous êtes « saoul » du jeu et que tout vos besoins sont comblés vous aspirez alors à un troisième état qui serait une sorte de désir de transcendance ou de transfiguration, une sensation de plénitude, un état de grâce et de sérénité et il nous dit qu'il s'agit là de « la vision du bonheur des artistes et des philosophes ».
Et c'est précisément cette sensation qui est l'enjeu véritable de tous les personnages de Zweig. Tous se jettent à corps perdus dans le jeu, tous recherchent la plénitude et un nouvel éclairage sur leur vie, une lucidité… l'illusion d'un bonheur.

Est-ce à dire alors que tous les héros de Stefan Zweig seraient des artistes ou des philosophes ?
Stefan Zweig était le fils de Moritz Zweig, riche juif fabricant de tissu, et d'Ida (Brettauer) Zweig, fille d'un banquier italien. Il étudia la philosophie et l'histoire de la littérature. Autant dire alors qu'il était de par sa naissance dégagé du besoin, et il en profita d'ailleurs pour voyager beaucoup.
Je crois donc que tous les héros de Stefan Zweig sont Stefan Zweig. Et l'histoire qu'il nous raconte est l'histoire de sa propre vie.

Stefan Zweig en jeu sur l'échiquier… Echec et mat !

Stefan Zweig donc est un artiste sincère et authentique qui au travers de ces écrits nous livre sa conception de la vie, sa philosophie (probablement inspirée des théories de Nietzsche… entre autres !!!). Mais au-delà de cela il me semble, et ce que je m'en vais vous raconter n'est qu'une intuition personnelle, que Zweig ne s'est pas contenté de nous transmettre une théorie illustrée par de belles histoires. En effet je crois qu'il a appliqué sur lui-même les propres principes de vie qu'il a développés dans ses livres. Je crois que Stefan Zweig a joué et a misé sa propre vie.
A la différence des héros de ses histoires qui en sortent grandis, lui a perdu la partie. Et, le 23 février 1942, Stefan Zweig se donne la mort en ingérant des médicaments (sa femme le suivra elle aussi dans la mort) après avoir écrit la lettre suivante :

« Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. de jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde. »

L'errance de Stefan Zweig est due, à l'exception de ses voyages de jeunesse, au contexte politique de l'époque. La fin du 19ème siècle et le début du 20ème est marqué par un antisémitisme grandissant nourrit par le nationalisme qui conduira dans les années 1930 à la montée du nazisme et à la seconde guerre mondiale. Comme nombre d'artistes et d'intellectuels juifs l'exil sera leur seule chance de salut. Les écrits et les livres du « juif » Stefan Zweig étaient brûlés en autodafé si bien qu'il résolut de partir en 1934 pour l'Angleterre. Ce départ prématuré suscite nombre de polémiques chez ses biographes, certains affirment qu'il est parti en exil devant l'imminence de la guerre et la montée de l'antisémitisme, d'autres pensent qu'il est simplement parti approfondir sa recherche sur Marie Stuart dont il écrivait la biographie. Il est à noter aussi que certaines thèses de Nietzsche ont été récupérées et détournées frauduleusement de leur sens initial par les nazis. Personnellement, selon mon intuition, intuition qui n'est étayée par aucune thèse, je pense, et pour rester en cohérence avec tout ce qui a été énoncé précédemment, et tant pis si c'est un peu simpliste et réducteur, je pense donc que Stefan Zweig s'est laissé porter par le hasard. le hasard, ce hasard qui est partie intégrante de tout jeu quel qu'il soit. Son errance était en accord avec ses principes philosophiques, l'errance conduit à la transcendance par le jeu sublimé. Tous les héros de Stefan Zweig finissent un moment ou un autre par errer, remettant ainsi leur vie entre les mains du hasard.

Fuite, lâcheté, manque de courage, refus de l'engagement politique, désintérêt pour la cause des siens ? Oui ? Non ? Peut-être ? On s'en fout… Il me semble que la portée de son message philosophique outrepasse de beaucoup un simple engagement politique et une lutte militante. En même temps aujourd'hui il nous est facile de juger, mais n'oublions pas que nous n'y étions pas et que la vision que nous en retirons aujourd'hui est une vision « romantique ». Voir la mort en face et appréhender physiquement la finitude de ses congénères est autrement plus réalistes et justifie, me semble-t-il, toutes les lâchetés et tous les exils. Et même si ça ne les justifie pas, ça ne nous donne pour autant pas le droit de juger et encore moins de condamner.

Mais Stefan Zweig ne cherchait-il pas encore à étayer jusqu'au bout les principes qui nourrissaient sa philosophie de vie ?
En tout cas l'issue tragique qu'il donna à sa vie le 23 février 1942 montre une chose : c'est qu'il n'avait pas peur de la mort.
Tentait-il par cet acte de se racheter une conduite et ainsi démentir toute supposée lâcheté ou souhaitait-il simplement rester en cohérence avec lui-même et ses principes de vie ?



Et vous ? Avez-vous le courage de miser, sans sourciller, votre vie pleine et entière?
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Très intéressant point de vue de l'enfant, on pourrait y reconnaître nos propres pensées à son âges. Edgar restera un garçon touchant brulant d'amour pour sa mère et qui fera tout pour la protéger malgré les humiliations qu'elle lui fait subir. La trahison du baron est vraiment réaliste. Cette nouvelle nous rappelle notre comportement d'enfance. Une courte lecture très peu chere mais ma foi sympathique.
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L'histoire se déroule au Semmering, un hôtel perché au fin fond des Alpes autrichiennes, accueillant son comptant de touristes aisés.
Un baron, dont l'auteur nous taira le nom, est venu passer une semaine de vacances. Il y fait la rencontre d'une femme accompagnée de son fils d'une dizaine d'années, qui se trouve là pour "reprendre des forces", des suites d'une maladie.
Le jeune homme, habitué aux mondanités, n'a aucune envie de passer son séjour seul avec lui-même. Pour tromper son ennui, il s'adonne alors à son activité favorite : la séduction.
Après avoir jeté son dévolu sur l'élégante jeune femme ayant attisé ses regards, il décide de l'aborder par le biais de son fils, dont il s'attire les grâces facilement. Edgar, âgé de douze ans seulement, se sent immédiatement sous le charme de cet homme distingué qui, entre tous, a décidé de se lier d'amitié avec lui. Il s'en ennorgueillit et se flatte de ne bientôt plus appartenir à l'enfance, ce costume beaucoup trop étriqué pour un esprit aussi vif que le sien. C'est pourtant en toute innocence qu'il présente le baron à sa mère, remplissant pleinement le rôle qui devait lui échoir. En fait d'un ami, le baron a trouvé un parfait instrument pour réaliser son projet... mais celui-ci s'avère bien vite gênant. L'enfant se rend compte de la supercherie dont il a été victime et tente par tous les moyens de découvrir le #brûlantsecret qui couve entre sa mère et cet étranger impertinent.
Stefan Zweig est un conteur hors pair : il a une capacité à décrire des personnages et à les faire s'incarner sous les yeux du lecteur qui m'éblouira toujours. le point de vue omniscient se déploit avec une incroyable justesse, que ce soit pour dépeindre les lieux — de la tonalité du jour jusqu'au moindre détail servant à mettre en relief la scène qui se joue — ou les pensées virevoltantes des différents acteurs — passant de l'un à l'autre avec la virtuosité d'un chef d'orchestre aguerri.
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Brûlant Secret/Conte crépusculaire/La nuit fantastique/Les deux jumelles/STEFAN ZWEIG.
« Elle était en proie à la crainte brûlante que l'homme qui était derrière elle ne l'empoignât dans ses bras, mais en même temps, au moment même où elle lui échappait, elle éprouvait déjà un regret. À ce moment là aurait pu se produire ce qu'elle désirait inconsciemment depuis des années, l'aventure dont elle aimait voluptueusement le souffle proche, bien que jusqu'à présent elle se fût toujours dérobée au dernier moment, la grande et périlleuse aventure et non le flirt fugitif et simplement émoustillant. »
Cette femme, la mère d'Edgar, un jeune garçon de douze ans très sensible, est courtisée par un bel homme, le baron X. haut fonctionnaire en villégiature qui s'ennuie de Vienne et de ses plaisirs et qui pour parvenir à ses fins va se servir du jeune Edgar. Connaissant son pouvoir de séduction, il use d'un manège astucieux pour retenir l'attention du jeune garçon et à travers lui conquérir la jolie femme.
L'enfant subissant l'hypocrisie des adultes, va ressentir les tourments d'une jalousie irrépressible et être prêt à tout pour d'une part retenir l'attention du baron et d'autre part l'amour de sa mère qui est sur le point de succomber au charme du baron. Et puis, Edgar essaie de comprendre quel est ce secret brûlant qui fait que deux êtres se rapprochent à des fins qui lui échappent. Edgar est un enfant curieux et observateur sinon voyeur :
« Je sais que les grandes personnes sont imprévoyantes. Elles croient que toute notre vie nous restons de petits enfants et que, le soir, nous dormons toujours ; elles oublient qu'on peut aussi faire semblant de dormir et être aux aguets… »
Comme toujours, Stefan Zweig s'avère un peintre minutieux et magistral des drames de l'être intime et un analyste subtil des consciences.
La technique de narration traditionnelle de Zweig consistant à faire un récit enchâssé dans un autre est ici utilisée. Ainsi sont recréés un cadre et une atmosphère qui aident le lecteur à se sentir en empathie avec le narrateur.
Bob, jeune homme de quinze ans, aime une jeune femme et est aimé d'une autre.
C'est à la suite d'une nuit romantique sous la feuillée dans le parc d'un château en Écosse que Bob connaît ses premiers émois et sa première expérience. Ses trois cousines déjà femmes l'intimident et la belle inconnue de cette nuit inoubliable serait-elle une des trois ? Laquelle ?
Tourments et doutes vont assaillir Bob jusqu'à la découverte de l'amante.
Le talent de Zweig est au rendez-vous pour nous décrire dans une atmosphère mélancolique et merveilleuse les élans de la passion.
Dans « La nuit fantastique », Zweig nous conte la dérive nocturne d'un jeune homme de la bonne société, distingué et froid aristocrate, qui découvre une part inconnue de lui-même au contact de voyous et de prostituées dans les bas-fonds de Vienne. À la nuit tombée, il ressent une sorte d'ivresse de la chute et de l'aventure dégradante pour aboutir à une sorte de compassion à l'égard des malfrats et des péripatéticiennes.
« C'étaient quelques-unes de ces prostituées les plus pauvres et les plus malheureuses qui n'ont pas de lit à elles, qui, le jour, dorment sur un matelas et la nuit rôdent sans repos, donnant à quiconque ici, n'importe où, dans l'obscurité, leur corps maigre, souillé et usé pour une piécette d'argent, guettées par la police, harcelées par la faim ou quelque drôle, à la fois chassées et chassant elles-mêmes. »
Sera-ce l'avènement d'un nouvel homme ?
La rivalité entre deux soeurs, l'une religieuse et l'autre courtisane, fait l'objet de la dernière nouvelle de ce recueil. Dans « Les deux jumelles », Zweig revient au récit enchâssé pour nous narrer l'histoire de Hérilunt le Lombard et de ses deux filles jumelles qui partagent le péché d'orgueil.
« le Créateur a doué les hommes d'un naturel contrariant : ils demandent toujours aux femmes le contraire de ce qu'elles leur offrent. Si elles se donnent facilement ils leur en savent peu gré et affectent de ne priser que la vertu. Par contre, ils brûlent de ravir son innocence à celle qui l'a conservée. L'éternel conflit humain qui oppose la chair et l'esprit ne s'apaise jamais. Cette fois un démon facétieux avait encore compliqué les choses. Car Hélène et Sophie, la courtisane et la sainte, se ressemblaient si fort que personne ne savait plus au juste pour laquelle des deux il brûlait. »
Un conte merveilleux sous la plume magique de Zweig.
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C'est une fois de plus, avec un réel plaisir que je découvre une autre nouvelle de S. Zweig.
Je suis admirative sur sa façon de "décortiquer" les sentiments humains, presque comme de la micro chirurgie de haute précision: en l'occurrence, l'apprentissage sentimental d'un jeune adolescent y est finement analysé.
Il y a peu de dialogue dans les oeuvres de Zweig, mais il sait captiver son lecteur par un mariage de sublimes descriptions et la trame d'une histoire qui tient en haleine....
" C'est un délice de lecture, tel un met amoureusement élaboré" : " Je me régale".......!
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