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Stefan Zweig - Brulant secret

Cet auteur qu'on ne présente plus vous fait regretter d'être incapable d'explorer avec autant de talent les méandres de l'âme humaine.

Les quatre nouvelles expriment avec une incroyable finesse le désir prêt à naître, à renaître ou à venir qu'il s'agisse d'une mère qui se pensait à l'abri d'un bouleversement amoureux, du « brûlant secret » qui donne son titre à l'ouvrage pressenti par son jeune fils, de malentendus et de passions contrariées dans « Conte crépusculaire ».
Le bel indifférent que rien n'émeut dans « la nuit fantastique » passe de l'insensibilité à la chaleur et à la compréhension des siens.
Le 4e enfin histoire cocasse de la rivalité entre deux soeurs jumelles optant l'une pour la vie religieuse, l'autre pour une vie de courtisanerie dont la fin suit le fil logique de la situation.

Le style dense est prodigieux, la capacité d'évocation exceptionnelle. C'est un délice de tout point de vue.
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Le conte crépusculaire est une nouvelle publiée tout d'abord en revue en 1908, puis dans un recueil en 1911. le récit d'événements qui ont profondément marqués un jeune homme, au point d'être au final le moment central de son existence. La nouvelle fait revivre ces instants si intenses, le souvenir amplifiant encore la force des ressentis.

Un été dans une belle demeure anglaise. Un adolescent y séjourne chez sa soeur ; d'autres invités sont là. Notre héros se sent en décalage, plus un enfant, il n'est pas encore considéré comme un homme par les adultes , il rêve, solitaire. Mais les choses basculent une nuit pendant une promenade : une femme qu'il n'arrive pas à identifier dans l'obscurité, lui fait découvrir la passion. Il voudrait savoir de qui il s'agit. Un indice lui fait penser que c'est sa belle cousine Margot. Il s'attache à ses pas, tente de lui parler, mais elle le rebute. La nuit pourtant, la même femme continue à le rejoindre. L'adolescent se blesse accidentellement, et dans sa maladie, il rêve à Margot, qui de temps en temps vient lui rendre visite. Mais au final, il découvrira que c'est une autre qu'il a aimé dans le noir.

Entre rêve, désir, naissance du sentiment, la manière dont il se construit, et aussi à quel point il échappe à la raison, comment il ne rapproche pas forcément les êtres, qui perçoivent la réalité par le prisme de leurs propres ressentis et aspirations. Même si on se doute assez vite de ce que le personnage principal ne veut surtout pas voir, le charme du récit opère, dans un halo d'une nostalgie douce-amère. L'imaginaire et le souvenir permettent de vivre plus intensément, d'éprouver davantage, que la réalité, toujours décevante.
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Je retrouve avec grand plaisir la plume si particulière de Zweig, j'ai toujours du mal à apprécier ses histoires, bien qu'ici il nous offre quatre nouvelles très singulières.
La première qui donne le titre à l'ensemble m'a plu et met bien en lumière l'incompréhension du monde des adultes par un enfant d'autant que sa propre mère est au coeur du brûlant secret. Mais chut c'est un secret !
La dernière a eu ma préférence car elle est plus un conte qu'une nouvelle, j'ai beaucoup aimé cette histoire des soeurs jumelles. Très courte mais efficace.
La deuxième fut elle aussi intéressante, on se trouve une fois encore dans le coeur des secrets des amours naissantes d'un jeune garçon pour ses trois cousines mais laquelle se cache derrière cette silhouette blanche qui le rejoint le soir tombé dans les bois. Ah mystère !
La troisième n'a pas eu ma préférence hormis la dernière phrase qui résume tout à fait la morale de cette histoire :
Et dès que quelqu'un a compris l'être humain qu'il y a en lui il comprend tous les humains.

Voilà donc une lecture agréable car Zweig n'a pas son pareil pour ce style enchanteur, mais comme toujours je n'adhère que moyennement à ses histoires. Toutefois satisfaite de persévérer avec cet auteur car il me régale de sa plume.
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Je poursuis ma découverte de l'oeuvre de Stefan Zweig et en particulier de ses nouvelles, format que j'affectionne tout particulièrement chez lui, puisqu'il en est devenu maître. Après le Joueur d'échecs, Les deux soeurs, La confusion des sentiments et Lettre d'une inconnue où l'amour tenait souvent une place centrale, place à Brûlant secret où l'auteur change son fusil d'épaule pour mon plus grand plaisir.

Brûlant Secret est une nouvelle qui a sa propre histoire. Elle est d'abord parue comme quatrième nouvelle du recueil Erstes Erlebnis (Première expérience en français) en 1911. Puis, elle paraît seule deux ans plus tard et trouve très rapidement son public et reçoit un bon accueil critique ainsi qu'une certaine reconnaissance d'autres auteurs dont Hermann Hesse. Mais le recueil est interdit par les nazis. En France le récit paraît en 1938, traduit par Alzir Hella, aux éditions Grasset dans un recueil portant le même titre et comprenant aussi Conte crépusculaire, La Nuit fantastique et Les Deux jumelles (réédité en 1986) donc dans une version différente que celle d'origine.
La nouvelle a aussi été adaptée au cinéma par Andrew Birkin en 1989 sous le titre de Burning Secret et obtint le prix du jury jeune du festival de Bruxelles la même année et le prix spécial du jury pour David Eberts au Festival de Venise.

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En quoi cette nouvelle est-elle différente de celles que j'ai lu précédemment ? Tout simplement parce qu'au lieu de parler d'amour, elle parle plutôt de séduction mais du point de vue d'un enfant qui assiste à une tentative de séduction et en est indirectement la victime, ce qui change tout.

J'ai encore une fois adoré la simplicité de la plume de Zweig qui m'a permis de me glisser totalement dans la peau de cet enfant de 12 ans (je crois) qui assiste ici aux émois de sa mère sans les comprendre. Partis en vacances tous les deux pendant que son père travaille, il assiste aux tentatives de séduction plus ou moins réussies d'un tombeur de ces dames qui a pris sa mère dans ses filets.

C'est fascinant de voir cela à travers le regard de cet enfant. L'auteur décortique tout le plan de drague de l'homme adulte à travers le regard d'un jeune garçon qui ne saisit pas tout mais trouve cela de plus en plus étrange au fil des pages. D'abord lui-même séduit, il devient rapidement celui qui gêne et donc l'élément jaloux du trio, car se joue ici à la fois le regard qu'un enfant pose sur l'un de ses parents quand il éprouve des sentiments ou du désir, mais aussi le regard qu'il sent retourné sur lui et qui lui offre en miroir celui d'un enfant gênant alors qu'il se voyait à l'aube de l'âge adulte. Fascinant.

J'ai adoré ce double jeu qui s'installe et la façon dont il est raconté crument à hauteur d'enfant avec ses sensations, ses sentiments, ses mots. Si on se rappelle de son enfance, on se reconnait dans la séduction ressentie dans un premier temps quand un adulte s'intéressait à nous, on s'en rappelle le plaisir, puis la déception quand on se voit écarté sous prétexte qu'on est "enfant", alors qu'à l'intérieur de soi, on sent bien que l'on grandit et que nos hormones bouillonnent. le héros est à ce tendre âge charnière que l'auteur croque déjà à merveille à l'époque.

La nouvelle est alors un superbe jeu de dupe et de chausse-trappe parfaitement mis en scène par l'auteur au point qu'on a l'impression de voir une pièce de théâtre se dérouler sous nos yeux. J'ai adoré.

Zweig nous propose ainsi encore une fois une variation sur l'amour mais une variation surprenante où son regard ne se pose pas tant sur le sentiment amoureux lui-même que sur le regard qu'un enfant porte sur lui et sur les conséquences de ce dernier sur les adultes. Fascinant et perturbant.
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Dans une station prisée des alpes autrichiennes un jeune baron, séducteur et mondain, remarque d'un oeil avide une femme mûre et opulente, issue de la riche bourgeoisie israélite, accompagnée de son jeune fils de douze ans, maladif et nerveux. le galant décide alors de gagner les bonne grâces de l'enfant timide et isolé pour parvenir plus sûrement au coeur de la dame.

Les bases sont posées pour une passionnante nouvelle d'une profonde finesse psychologique. Zweig illustre parfaitement la psychologie de l'enfant, son bonheur d'être reconnu comme une grande personne, sa mortification quand lui est rappelé, par des ordres impérieux venant de sa mère, sa condition d'enfant. L'intérêt inespéré d'un adulte pour lui le soulève d'un sentiment d'amitié absolue et naïve, faite de fascination et d'adulation. Parallèlement le contact établi entre les deux adultes, il se fait jour chez la mère un trouble dont le cheminement et la progression impérieuse répondent à un souhait longtemps inconscient d'aventure et à un dilemme de femme d'âge mûr : basculer définitivement du côté de la mère ou rester encore un peu femme et profiter des derniers feux du soleil couchant de sa beauté. S'ensuit une jalousie naissante du fils devant le rapprochement des grandes personnes et en parallèle un malaise et un agacement grandissant de l'homme face aux sollicitations intempestives d'affection de l'enfant. Les différentes phases de l'évolution du garçon, son bel aveuglement initial dans le drame qui se joue au dessus de lui, sa confiance absolue et naïve en la parole des adultes et la découverte de leur duplicité sont fort bien décrits. Un autre aspect plus troublant de la psychologie enfantine est finement exprimé : la déception faisant place à une haine déclarée, à l'éveil d'une certaine perversité, à la calme cruauté issue de la conscience de la gène qu'il provoque de par son regard scrutateur et obstiné, de les tenir à merci comme une chaîne dont ils chercheraient à se secouer, se fait jour chez lui un caractère de voyeur, d'espion.

C'est l'enfance dans son balancement perpétuel entre la volonté d'être considéré en alter ego adulte et le besoin d'être encore protégé devant l'immensité hostile d'un monde incompréhensible qu'illustre remarquablement cette nouvelle. le brûlant secret c'est aussi le phénomène progressif de dessillement sur le monde, accompagné d'une méfiance grandissante, prélude à l'entrée dans l'âge adulte. Magistral
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Résumé :

La première nouvelle qui ouvre ce recueil est Brûlant secret. Elle raconte l'histoire d'une mère et de son fils à la santé fragile âgé d'environ une douzaine d'année partis en vacances au grand air dans un hôtel luxueux. Un jeune dandy, oisif, baron de sa condition, aimant les femmes se trouve dans ce même hôtel. le baron est un chasseur cherchant aventures et trophées. Il trouvera en la mère d'Edgar comme un défi ou un challenge à relever. C'est sûr avant la fin de son séjour celle-ci sera sienne et succombera dans ses bras, car tel était son bon vouloir et tel sera son plaisir. Pour arriver à ses fins et conquérir une mère ne daignant pas répondre à ses avances, le fourbe Baron s'arrangera pour gagner l'amitié d'Edgar qui jouera bien malgré lui le rôle d'entremetteur.
Mais c'était sans compter sur la perspicacité du jeune Edgar. Et dés lors qu'il aura compris qu'il n'était aux yeux de son ami que le vulgaire instrument de sa fourberie, Edgar mettra tout en oeuvre pour contrecarrer les projets du Baron et se livrera à une surveillance étroite pour tenter de percer le mystère, ce brûlant secret dont l'innocence de son âge ne lui en avait pas encore révéler la teneur.

La seconde nouvelle, Conte Crépusculaire, nous parle de jeunes gens oisifs occupant leurs journées estivales en de longues promenades à cheval. Parmi eux un jeune homme, ou plutôt un adolescent. Alors que les autres occupent leurs soirées en fumant et jouant aux cartes, ce dernier se promène dans l'allée du parc qui entoure l'imposante demeure où il séjourne.
C'est alors qu'une jeune femme sortant de nulle part, tel un fantôme, se jettera sur lui effrontément et l'embrassera fougueusement. Elle s'en ira tout aussi mystérieusement sans qu'il ait eu le temps de voir qui elle était.
Hanté par la fulgurance de cet instant qui lui laissa entrevoir les délices d'une sensualité insoupçonnée jusqu'alors, il lui faudra trouver coûte que coûte qui parmi les convives pourrait être cette mystérieuse jeune femme.

La troisième nouvelle, La Nuit Fantastique, raconte l'histoire d'un homme dégagé de tout souci matériel et dont la vie, sans grand intérêt, s'écoule paisiblement. Il occupe son temps en distractions diverses et en relations mondaines. Désabusé, le confort de sa situation lui permettant d'obtenir ce qu'il veut quand il veut, la vie lui apparaît à la longue insipide. Il s'ennuie.
C'est alors qu'un dimanche après-midi enjoué par la chaleur estivale, ravi par l'allégresse des promeneurs, se laissant aller à ses humeurs printanières, il décide brusquement de se rendre à la campagne. Mais c'était sans savoir que là où il se rendait, se déroulait un Derby à l'hippodrome où toute la bonne société de Vienne avait rendez-vous. D'abord distant, ne semblant guère concerné, la vision d'une femme débordante d'opulence et d'extravagance, le conduira à jouer un jeu où les provocations s'enchaîneront et finiront par établir les circonstances qui changeront à jamais sa vie et sa vision du monde.

La dernière nouvelle, Les Deux Jumelles, est un conte drolatique, il nous emmène en des temps reculés et incertains. Là-bas deux soeurs jumelles, Hélène et Sophie, filles d'un chef de cavalerie de l'armée du Roi et d'une boutiquière, vivent dans la précarité et sont élevées par leur seule mère. Leur père, à l'âme guerrière et peu scrupuleuse, trahit son Roi par ambition et pour l'appât du gain. Démasqué, il sera rapidement désavoué et exécuté le jour de la naissance de ses filles.
Les deux soeurs si elles avaient héritées de la beauté de leur mère n'en étaient pas moins les dignes représentantes de la folie ambitieuse de leur père si bien que sans cesse elles étaient en concurrence l'une envers l'autre.
Quelques années plus tard alors qu'Hélène s'était jetée dans la luxure pour ravir aux hommes jeunes ou vieux leur fortune et vivre ainsi une vie de facilités et de débauches, Sophie en proie à une profonde jalousie se devait de faire plus qu'elle. C'est alors que l'idée de rentrer dans les ordres s'imposa d'elle-même. Elle restera pure quand sa soeur sera souillée par le vice, elle sera vertueuse quand sa soeur se livrera à la débauche et à la luxure.
Mais Hélène n'avait pas encore dit son dernier mot…

Mon appréciation :

En commençant la lecture de ces nouvelles, j'ai d'abord été enthousiasmé et j'ai franchement bien accroché au premier récit où l'action est pleine de rebondissements et où le personnage du jeune garçon est très attachant. C'est à la fois une quête initiatique vers la maturité, la fin d'un âge, la découverte de l'amour, l'apprentissage d'un nouveau monde, le passage vers l'âge adulte où les choses vous apparaissent tout à coup en une sorte de révélation extralucide. L'étude psychologique des personnages est d'une grande maîtrise, les sentiments et les émotions sont expliqués, justifiées, disséquées et tout cela est d'une parfaite cohérence.
Fort de ces constats, la lecture de la seconde nouvelle m'est apparue déjà comme moins palpitante. le portrait psychologique des personnages est toujours aussi pointu mais bien que les apparitions surnaturelles de l'être aimé soient d'une grande beauté, l'intrigue plus simple m'a laissé un peu sur ma faim.
Quant à la troisième nouvelle, l'analyse psychologique du personnage poussée dans ses extrêmes a fini par carrément m'ennuyer. Je lisais glissant sur ses longues phrases, perdu dans mes rêveries. Bref, j'étais blasé…

… Jusqu'au moment où, dans un éclair de lucidité, m'est apparue une thématique récurrente à nombres d'écrits de Stefan Zweig. Ca m'a d'abord interpellé, interrogé, puis intéressé avant de carrément me passionner et de redonner un éclairage nouveau et palpitant sur ce que je venais de lire. J'aurais presque pu en relire toutes les pages sous la lumière de cette découverte, si le courage ne m'avait pas fait défaut.
Tout en lisant cette histoire du jeune dandy, oisif et à l'abri du besoin, qui s'en va passer son dimanche après-midi au champ de courses, je me disais : « Mais bon sang, le Joueur d'Echecs, (que j'avais lu il y a très longtemps), m'avait laissé un souvenir enthousiaste et pourquoi donc ici, je ne retrouvais plus cette sensation ? »…
« le joueur d'échecs…, les échecs…, les courses…, le jeu…, le hasard…, l'argent…, les jeux d'argent et de hasard… »
« Mais c'est bien sûr !!! le jeu !!! »
Ici se cache l'essence même des écrits et de la personnalité de Stefan Zweig qui en font toute l'originalité. Tous les écrits qu'il m'avait été donné de lire parlaient de la même chose et le « Jeu » y joue un rôle capital.

Dans Brûlant secret, l'homme, le Baron parti en chasse de la mère d'Edgar est encore là aussi un jeune dandy, plein d'argent, issu de la noblesse cherchant à courtiser les femmes comme il miserait sur un numéro au casino. C'est un chasseur, un joueur, rien ne lui est plus plaisant que le jeu par lui-même et la femme qu'il convoite n'est rien d'autre que le lot à gagner. Il en va de même d'Edgar, qui une fois qu'il aura compris les intentions du Baron, entrera délibérément dans la partie, d'enfant immature, le voilà subitement transposé dans le rôle de joueur et d'adversaire. Les deux protagonistes jouent donc une partie serrée dont le lot ou la récompense est pour l'un les charmes sensuels de l'amour et pour l'autre la douceur et la sécurité maternelle : l'amante contre la mère.
De même dans le Conte Crépusculaire, là encore nous est décrite une société de jeunes inactifs, pour qui l'argent n'est assurément pas un problème et qui passent leur temps à jouer et à se promener. Quand il arrivera cette chose hallucinante au héros (se faire littéralement violer – nous sommes dans les années 30 !!! – par une inconnue dans les allées d'un parc d'une demeure bourgeoise), il ne cherchera plus qu'à découvrir qui pourrait bien être cette jeune fille. Il partira ainsi dans une sorte d'enquête policière, d'énigme à résoudre, comme un joueur qui chercherait des indices pour savoir sur quel numéro parier.
Dans La Nuit Fantastique, l'allusion au jeu est pour le coup flagrante en situant délibérément le début de l'intrigue dans un hippodrome au milieu des parieurs. Mais en réalité, comme dans les autres nouvelles mais d'une façon encore plus tragique ici, c'est précisément la vie du héros qui est mise en jeu. Ici le personnage ne se contente pas de jouer aux courses, il joue à la roulette russe et l'issue du jeu peut signifier une défaite c'est-à-dire la mort. Mais notre personnage en a parfaitement conscience et il en accepte l'issue de bonne grâce comme une éventualité probable. Quand on joue on accepte les règles du jeu et jouer inclus aussi le fait de perdre et même si perdre équivaut à mourir !
Et il en va ainsi dans la dernière nouvelle Les Deux Jumelles, les deux soeurs ont passé leur enfance à être en concurrence l'une envers l'autre, sans cesse elles se sont mises au défi. Leur choix de vie respectifs, luxure ou religion, luxe ou pauvreté, exubérance ou pudeur, n'a pas été déterminé par vocation mais en opposition l'une par rapport à l'autre. Elles jouent à la roulette : Hélène a misé ses jetons sur les rouges, alors que Sophie choisit de miser sur les noirs.

Alors évidemment bien que ces analogies et ces thèmes soient intéressants, ce qui en constitue la principale valeur c'est le message que Stefan Zweig tente de nous véhiculer à travers tout cela. Stefan Zweig est un poète et comme tout poète il semble habité par un certain idéalisme et une confiance en la nature humaine. Les personnages de Stefan Zweig sont en majorité désabusés et ils n'attendent plus grand-chose de la vie, ils mettent leur destin en jeu et ils s'en remettent délibérément au hasard en tentant de gagner la partie tout en sachant parfaitement qu'ils peuvent aussi bien la perdre. En réalité c'est Stefan Zweig qui tire les ficelles de tout cela et c'est lui qui décide de l'issue de cette partie. En tant qu'humaniste convaincu il nous propose toujours, et désolé si en disant cela je dévoile un peu trop de ces histoires, une issue qui vient en quelque sorte transcender le récit. Il en sort de cette errance de départ quelque chose de magnifier, quelque chose de grand, comme un espoir ou une révélation. Les personnages en sortent grandis, ils gagnent en lucidité comme si le sens de la vie venait de leur apparaître, comme s'ils venaient subitement d'accéder à la Connaissance Universelle.

Alors fort de ces constats, il me fallait désormais découvrir d'où pouvait venir cette intime conviction qui semblait être pour Stefan Zweig une véritable philosophie de vie. Quand on peut à ce point trouver des concordances, des similitudes, des thèmes directeurs dans les oeuvres d'un auteur ou d'un artiste, alors c'est sûr on est en passe de découvrir ce qui constitue l'essence même de toute une oeuvre.

Et c'est dans les travaux et la philosophie de Friedrich Nietzsche qu'on trouve, me semble-t-il, toute l'origine de l'oeuvre de Stefan Zweig.
(... suite dans autre message).
Lien : http://www.michel-danzo.com
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Je commence la nouvelle "Brulant secret" avec quelques préjugés blasés et je la termine avec émerveillement. C'est magnifique.

La psychologie des personnages est très travaillée et décrite, ciselée même. L'écriture de Zweig, excellent narrateur, est une prose bien poétique.

En commençant, je m'attendais à une énième histoire de séduction et d'adultère, vestige désuet des siècles passés. le personnage décrit en premier, que j'ai pris pour le héros du récit, compare sa séduction à de la chasse, et les femmes au gibier, et c'est une métaphore filée : allons bon, l'histoire d'un séducteur sexiste.

Il regarde la mère et dédaigne son enfant. Or, c'est ce dernier qui nous intéresse, précisément parce que le monde des adultes ne s'intéresse pas à lui. La société dédaigne l'enfance et l'enfant le sait bien. Alors, l'enfant réagit, parfois vivement, parfois de manière réfléchie, . Enfant, Edgar a tout de même douze ans. Ignorant, mais pas naïf, il "met le doigt" sur le monde des adultes.

Le trio (enfant, femme, homme) passe de dispute à paix et de paix à dispute. Dans le huis-clos de l'hôtel du Semmering (ville des Alpes autrichiennes), , l'histoire évolue et rebondit plusieurs fois, sans jamais tomber dans le sensationnel ni omettre les descriptions psychologiques. Car ce texte, c'est aussi un art de la description, lors de la sortie de l'enfance.

J'ai adoré, mais je me demande comment j'aurais réagi si je l'avais lu à l'âge d'Edgar, à douze ans. Certes, les enfants d'aujourd'hui sont mieux informés, mais je trouve l'auteur compréhensif mais un peu cruel envers cet âge.




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Avec ces quatre nouvelles, Stefan Zweig nous entraîne une nouvelle fois dans son univers si particulier. L'écriture est toujours aussi poétique et tout est prétexte à poésie ; les phrases longues alternent harmonieusement avec des phrases plus courtes. Ce qui est remarquable chez cet auteur, c'est les descriptions et les analyses très précises de l'âme, de la psychologie et des passions humaines.
Les nouvelles sont variées sur le plan de la forme : dans Brûlant Secret, on suit tour à tour les pensées des personnages, tandis que dans La Nuit fantastique nous sommes en plein coeur d'un travail minutieux d'introspection de la part du personnage principal. Mais toutes ces nouvelles sont d'inégale qualité, il y a en de vraiment bonnes (Brûlant Secret et La Nuit fantastique) alors que les deux autres (Conte crépusculaire et Les deux jumelles) sont, à mon avis, moins intéressantes.
Lien : http://metamorphoses-de-psyc..
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Un dimanche après-midi en bonne compagnie ! Et oui pour le challenge de @ava__fitzgerald #uneanneeaveczweig j'ai lu la longue nouvelle "brûlant secret".
Une centaine de pages suffisent à Stefan Zweig pour faire une analyse psychologique très fine de chaque personnage : le Baron séducteur qui a peur de s'ennuyer pendant ses vacances, la femme installée qui s'ennuit dans son mariage sans passion et l'enfant qui se languit de grandir . Car oui tous les trois s'ennuient dans cet établissement de montagne et c'est le point de départ, le facteur déclenchant de toute l'histoire .
Zweig décrit finement le passage de l'enfance à l'adolescence : la volonté d'être considéré par les adultes comme un adulte, la peur qui submerge tout lorsque l'on doit finalement se débrouiller seul, la confrontation aux réalités sociales, la découverte des relations entre un homme et une femme, et malgré tout le besoin d'être rassuré, cajolé par ses proches , d'être l'être le plus important pour sa mère.
Un très beau texte .
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Encore une fois, dans cette nouvelle d'une centaine de pages, Zweig sait décrire avec finesse et force le désarroi, cette fois-ci, celui d'un enfant de douze ans devant la trahison d'un adulte qui s'est lié d'amitié avec lui seulement pour conquérir sa mère. Mais l'enfant ne sait rien des jeux de séduction des adultes et c'est avec une certaine innocence qu'il tente de découvrir le lourd secret qui se cache sous les attitudes de sa mère et du baron. Ce n'est pas la meilleure oeuvre de Zweig, mais elle a le mérite de mettre au jour, comme toujours, les émotions emprisonnées dans l'être et de montrer ici la lente sortie de l'enfance avec ses questions, ses tourments, ses ambivalences.
Sur ce plan, c'est une belle réussite. Zweig, sans aucun doute, nous fait avancer dans l'exploration de la psychologie des profondeurs.
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