Il y a derrière chaque fenêtre, chaque vitrine, chaque rideau, chaque pot de fleurs, deux yeux qui vous épient ; tout à votre bonheur, vous flânez par les rues, solitaire et sans vous croire surveillé, et vous êtes environné d’espions bénévoles. La curiosité tend tout autour de notre existence un réseau aux mille mailles fines et sans cesse renouvelé.
Brusquement elle mesurait l'immense richesse de la vie et elle sut que plus une seule heure de son existence ne pourrait être pauvre ; et maintenant que tout allait vers sa fin, elle pressentait un commencement.
La peur est pire que le châtiment, parce qu'il est toujours déterminé, quelle que soit sa gravité, et préférable à l'affreuse attente indéterminée qui se prolonge à l'infini, horriblement
Maintenant que, pour la première fois, elle était confrontée au danger et qu'elle allait devoir payer le véritable prix de l'aventure, elle se mit à en calculer mesquinement la valeur. Gâtée par le sort, choyée par sa famille, presque sans désirs du fait de sa fortune, il lui sembla que ce premier désagrément était excessif pour sa nature délicate. D'emblée, elle se refusait à renoncer aussi peu que ce fût à sa tranquillité d'esprit, et en fait elle était prête à sacrifier sans hésitation son amant à son confort personnel.
La peur frappait maintenant comme un heurtoir hésitant contre chaque petit souvenir, pour trouver l’entrée des chambres secrètes de son cœur.
Comme pour la plupart des femmes, un artiste devait être à ses yeux très romantique de loin, mais avoir de bonnes manières en privé : un fauve magnifique, maintenu derrière les barreaux du savoir-vivre.
Comme il n'est pas rare, même parmi les libertines et les courtisanes, elle était de ces femmes si profondément bourgeoises qu'elles mettent de l'ordre jusque dans l'adultère, introduisent une sorte de confort domestique dans l'inconduite, et s'efforcent patiemment, mine de rien, d'entremêler les sentiments même les plus singuliers et la banalité quotidienne. (Traduction originale de 1920)
Elle avait presque envie de joindre les mains et de prier un Dieu oublié depuis longtemps.
Tout en moi était avide de fraîcheur et d'isolement, cette proximité des hommes m'écrasait. Il y avait une fenêtre à ma portée. Je l'ouvris toute grande. Tout là-bas était encore mystérieux, la violente inquiétude de mon sang était répandue dans l'immensité du ciel nocturne. La lune jaunâtre vacillait comme un oeil enflammé dans un halo de brouillard rouge et des vapeurs blafardes glissaient pareilles à des fantômes sur la campagne. Les grillons chantaient fiévreusement ; l'air paraissait tendu de cordes métalliques aux vibrations aigües et stridentes. De temps en temps on entendait le coassement léger et stupide d'une grenouille, des chiens aboyaient plaintivement et très fort ; quelque part dans le lointain des bêtes mugissaient, et je me souvins qu'en des nuits semblables la fièvre empoisonnait le lait des vaches. Comme moi la nature était malade, comme moi elle éprouvait un violent dépit, une sourde rage et il me semblait regarder dans un miroir qui eût reflété mes sentiments. Tout mon être se penchait dehors, ma fièvre et celle du paysage se confondaient en une muette et moite étreinte.
Sa mémoire prodigieuse n'avait pu se former et s'affermir que grâce au secret éternel de toute perfection: La concentration