La dernière, ou une des toutes dernières oeuvres de
Stefan Zweig, écrite peu avant son suicide, et parue après sa mort, qui relate, sous forme d'une partie d'échecs, une confrontation entre deux êtres que tout oppose.
D'un côté, un être fruste, limite crétin, quasi analphabète, totalement inculte ..... et paradoxalement génial au jeu d'échecs (ce qui peut paraître quelque peu anachronique !) au point de devenir champion du monde
et de l'autre un homme sensible, cultivé, intelligent, pour qui le jeu d'échecs n'est qu'un passe-temps, sans grand intérêt, parmi d'autres,
mais .....
Et c'est là que ce court roman prend tout son suc, car ce parfait honnête homme va se trouver incarcéré du jour au lendemain, en fait au moment où Hitler s'approprie l'Autriche sans autre forme de procès, en tant qu'opposant au régime nazi et va se retrouver enfermé à l'hôtel Métropole, placé sous la férule du sinistre Heydrich, un des monstres les plus infâmes du régime.
Alors qu'est-ce qui est important dans ce texte et qu'a voulu transmettre
Stefan Zweig ?
Le duel entre ce champion du monde, brut de décoffrage, et ce distingué joueur dilettante ?
L'antagonisme entre deux êtres, l'un pour qui le jeu d'échecs est un but en soi alors que pour l'autre il ne représente rien d'autre qu'un dérivatif ?
Ou, beaucoup plus important, l'incarcération de cet homme, qui durant plusieurs mois, va se retrouver totalement coupé du monde dans une chambre d'hôtel, subissant des interrogatoires destinés à lui faire avouer on ne sait trop quoi ?
La machine destructrice nazie, extrêmement douée dans sa capacité à anéantir les humains et qui va montrer son immonde visage ?
Ou les exceptionnelles ressources mentales de cet homme qui, pour échapper à ses bourreaux va forcer son esprit à se concentrer au delà des limites des dispositions humaines, au risque de franchir la frontière entre raison et folie ?
L'utilisation des échecs comme sauvegarde, qui, d'échappatoire à la barbarie, va peu à peu devenir une force destructrice de son cerveau ?
Ou encore la dimension horrible du totalitarisme visant à détruire cette part quasi inaltérable de l'esprit humain ?
... Tout cela et plus encore grâce au talent de
Stefan Zweig, et son aptitude, faite de précision et de concision, à entraîner le lecteur au bout de son jeu.