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J'avais trouvé passionnant la biographie de Marie Stuart qu'avait écrit Stefan Zweig. le plaisir est à nouveau au rendez-vous avec celle-ci de Marie-Antoinette.

Il faut dire que Zweig a une plume toujours aussi magnifique pour décrire et interpréter les situations vécues et nous faire vivre les émotions ressenties par le personnage présenté.

Pour écrire cette biographie, Zweig ne s'est appuyé que sur des documents dont il était certain de l'origine car il explique qu'il y a eu, après la mort de Marie-Antoinette, beaucoup de fausses lettres qui lui ont été attribuées à tort (notamment celles produites par le baron Feuillet de Conches).
Zweig s'appuie donc essentiellement sur les lettres conservées par Marie-Thérèse d'Autriche, puis archivées à Vienne, et celles conservées par Fersen, puis ses descendants, retrouvées bien plus tard, même si altérées volontairement à certains passages pour ne pas nuire à la réputation de la dame.
Concernant les nombreux témoignages de l'époque, il a fallu également répertorier, compulser, comparer et écarter aussi car bien souvent ceux-ci étaient réarrangés ou enjolivés sous forme de mémoires (cela m'a fait sourire quand j'ai lu que la couturière, les femmes de chambre, le coiffeur et même le bourreau de Marie-Antoinette avaient « écrit » des mémoires).

« C'est dans le malheur qu'on sent davantage ce qu'on est. »

J'ai trouvé passionnant et instructif de suivre l'histoire de Marie-Antoinette.
Je ne connaissais pas le personnage. Zweig nous présente une femme plutôt simple et frivole dans ses premières années, pleine d'insouciance - trop même - face aux responsabilités de son titre. C'est ce qui lui sera le plus reproché et lui donnera cette mauvaise réputation qui la précipitera dans le malheur quand la situation s'aggravera avec la Révolution. Elle en prendra conscience mais ce sera trop tard…

J'ai également appris pas mal de choses sur cette reine de France. Je pense à ses débuts avec Louis XVI : je ne sais pas si Zweig le charge un peu trop, mais j'en retiens un homme impuissant au début, apathique, un perpétuel indécis… finalement un homme pas fait pour être roi et qui le sera pourtant dans la pire période qu'on pouvait imaginer.
Il y a également l'incroyable histoire de l'affaire du collier, sa relation avec Fersen (Ah ! l'admirable Fersen !), les multiples tentatives d'évasion après l'épisode de Varennes et enfin ce simulacre de procès…
Mais je dois avouer que j'ai surtout été surprise de découvrir à quel point elle et le roi ont été si peu soutenus - je dirais même abandonnés - par les différentes cours européennes lors de la Révolution. Entre son neveu à la cour d'Autriche qui fait le sourd à tous ses appels et les frères du roi qui aggravent sa situation par leurs aboiements hypocrites, le sentiment d'abandon a dû être énorme pour Marie-Antoinette, vécu comme une forme de trahison.

Un drame émouvant en somme que la vie de Marie-Antoinette, une femme commune dans son caractère, mais qui aura à la fois brillé comme personne dans la plus belle cour d'Europe et plongé dans les ténèbres, broyée par le destin. Ce personnage ne m'attirait pas, mais je dois reconnaître que son destin fut incroyable, et Zweig l'a magnifiquement décrit.

Challenge Livre Historique 2020
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J'aime beaucoup Stefan Zweig, du coup j'ai eu envie d'essayer une de ses biographies.
J'ai aimé ce texte, l'ai trouvé très éclairant, mais de parti pris. S'il excuse facilement les actes de la reine qui lui semblent répréhensibles, il ne donne du roi Louis XVI qu'une image de balourd sans nerfs, peu intelligent. On ne peut nier qu'il était souvent indécis mais je trouve le portrait qu'il en donne exagéré. Il fait appel à l'analyse psychologique, et dans ses romans il a prouvé qu'il savait s'y retrouver, pour démêler les choix de cette femme qui eu le malheur d'être coupée des réalités de la vie des habitants de son pays d'adoption, et trop convaincue que tout lui était dû. Mais sa frivolité et son amour des plaisirs se muera en réflexion et capacité d'action tout fait remarquable. Il est vrai que Louis conscient toutefois de ses manques ne sait pas agir.
Il répond aussi à des questions telles les véritables relations entre la reine et Fersen, l'affaire du collier de la reine, les erreurs de la fuite à Varenne, le poids de l'Étiquette qui a souvent joué contre le couple royal.

Un texte parfaitement écrit et agréable à lire, ou à écouter dans mon cas.



Challenge ABC 2019-2020


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Marie-Antoinette est une reine de France que, finalement outre sa mort par décapitation, je ne connais pas du tout ou alors très peu. J'ai pu appréhender sa personnalité et une toute petite partie de son histoire tout récemment grâce au dernier manga de Fuyumi Soryo : Marie-Antoinette, la jeunesse d'une reine. Ce manga, grâce à son graphisme sublime et ses décors exceptionnels, m'a permis de découvrir cette femme. En se concentrant essentiellement sur son arrivée à Versailles, Fuyumi Soryo a titillé ma curiosité et j'ai voulu connaître totalement l'histoire de cette femme et comprendre comment elle a pu se terminer de cette façon. Et pour cela, quoi de mieux que la biographie de Stefan Zweig ?

N'étant pas du tout habitué aux biographies, j'avoue avoir dû prendre sur moi pour me lancer dans cette aventure, d'autant plus que celle-ci fait pas loin des 500 pages. Ayant clairement peur de m'ennuyer, ma surprise fut d'autant plus grande quand, une fois les premiers chapitres entamés, il était impossible pour moi de lâcher le roman.

Tout le long de ma lecture, que ce soit l'arrivée à Versailles, son règne, la Révolution ou le procès, j'ai été complètement subjuguée (et encore le mot est faible) par le destin de cette femme et par la façon dont elle est contée par le grand Stefan Zweig. le récit est sublimement construit, en tant que lecteur, il est impossible de s'y perdre tant tous nous parait clair et cela même si on ne maîtrise pas les événements de cette période. Stefan Zweig nous dépeint les événements historiques de façon précise, mais tout en restant très immersif. On a réellement l'impression de faire partie du quotidien de Marie-Antoinette, et cela jusque dans ses moindres pensées. On comprend donc aisément son évolution : de jeune femme frivole qui ne pense qu'à sa toilette et ses amusements personnels et qui ne cherche nullement à connaître la situation de son peuple mais qui finira sa vie en tant que femme pleine de dignité qui impose un respect fou au moment d'affronter sa mort.

L'écriture de Stefan Zweig (que je découvre avec cette biographie) est exceptionnelle et sublime. J'ai été totalement touchée par son texte et sa façon très personnelle de décrire l'histoire de Marie-Antoinette. Très loin des récits biographie plutôt fade, l'auteur n'a pas cherché à s'effacer en racontant l'histoire de Marie-Antoinette, on le sent derrière chaque phrase et il ne se retient pas d'éclaircir certains points ou encore d'évoquer (toujours de façon discrète) des éléments de ses recherches et j'ai trouvé cela extrêmement intéressant.

Marie-Antoinette est une biographie sans défaut et qui m'a complètement captivé de la première à la dernière page. C'est le genre de livre qui nous enrichit, nous touche, nous émeut et qui, je le pense, reste en tête un très long moment.
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Je sors de Marie-Antoinette comme j'y suis entrée : toujours aussi éblouie par Stefan Zweig, et avec une opinion toujours aussi négative de la « veuve Capet ». Ce qui ne m'a pas empêchée d'osciller vigoureusement du sensibilomètre entre la première et la 500èmepage de cette dense biographie.
Cela tient à l'auteur bien sûr, dont je continue à affirmer qu'il saurait me fasciner si l'envie l'avait pris de raconter l'histoire de la sexualité des mouches en mer du Nord au XIIème siècle. Quand il ne se passe rien en apparence, en l'occurrence à la cour figée et décadente du débonnaire Louis XVI, il se passe toujours quelque chose sous la plume de Zweig : des intrigues de palais, des manoeuvres diplomatiques, le vrombissement sous-jacent d'un séisme social à venir.
Cela tient aussi à ce personnage honni de l'histoire française, et pour cause : frivole, égotiste au dernier degré, toute abimée de plaisirs et refusant le moindre effort, cette Nabila couronnée n'aura rigoureusement rien fait de ces jeunes années de luxe inouï pour grandir sa personne ou redorer son blason. Zweig a beau tenter d'en rejeter la faute sur l'impuissance de son terne et flasque mari, c'est bien elle qui toujours restera ivre d'elle-même et de son plaisir au-delà de toute décence. Quand le séisme de la Révolution explose, Zweig défend la thèse que la noblesse du caractère se révèle en elle, mais là-dessus il ne m'aura pas convaincue : tout le long de sa chute, des Tuileries à Varennes, de la Conciergerie à l'échafaud, toujours ce même mépris, ce même auto apitoiement egocentré, cette même incapacité totale à comprendre le mouvement du monde en dehors du minuscule cercle de pouvoir absolu dans lequel elle est née et dont elle n'a jamais su concevoir un ailleurs.
Cela tient enfin au contexte de ce règne condamné : quelle époque tout de même ! que Zweig fait plus que d'autres l'effort de teindre de subtilité, révélant les intrigues des princes, les intérêts bien compris de la bourgeoisie, les résistances acharnées de la noblesse, les manipulations du peuple.
Par ce récit très vivant, incarné et nourri de la vie de Marie-Antoinette, Zweig nous donne à regarder l'Histoire depuis la tête des puissants, laissant au lecteur l'étrange impression que c'est un peu la sienne qui roule dans le panier de la guillotine. Un angle de vue sur la Révolution original, pour le moins !



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Extraordinaire. Exceptionnel. Prodigieux.

Stefan Sweig, autrichien, homme du XXème siècle propose aux Français contemporains une biographie d'une qualité proche du génie. Ce monument doit être lu par tout Français amoureux de l'histoire et de la culture européenne et au-delà des hommes.

La psychologie créatrice : "La loi suprême de toute psychologie créatrice n'est pas de diviniser, mais de rendre humainement compréhensible ; la tâche qui lui incombe n'est pas d'excuser avec des arguties, mais d'expliquer".

Cette belle écriture sublimée comme d'habitude par son traducteur, que dis-je, son interprète Alzir Hella.

La capacité de distanciation par rapport aux évènements furent-ils violents, comme dans son Conscience contre violence, “Toujours aux époques de fanatismes l'homme resté humain est complètement seul et impuissant au milieu des zélotes en lutte les uns contre les autres.”

Un travail d'historien rigoureux écartant toutes les sources litigieuses écrites par ceux qui survécurent à la tourmente et par là-même n'en furent pas. Un usage mesuré des écrits d'Alex de Fersen éclairant la scène d'une lumière intime. Cette révolution française sera de nouveau sous le regard de Stefan Sweig lorsqu'il rendra les honneurs à Hölderlin (1770-1843) dans son Combat contre le démon.

Lien : http://quidhodieagisti.kazeo..
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J'ai passé une semaine en compagnie de Marie-Antoinette, au travers d'une lecture souvent étonnante, parfois drôle, finalement émouvante.


Stefan Zweig a écrit sa biographie en écartant les sources et témoignages partisans, soit à charge, soit enjolivés, parfois inventés, pour ne retenir que les informations avérées.


Il a ensuite recréé un portrait psychologique d'une grande crédibilité et particulièrement vivant. J'ai littéralement dévoré ce livre qui se lit de façon aussi fluide et agréable qu'un excellent roman, découvrant de multiples aspects totalement méconnus, tant j'avais en tête auparavant une image d'Epinal pleine de clichés.


Je ne m'attendais absolument pas à rire, et pourtant, les décalages entre la perception des personnages et la réalité, tout comme les enchaînements d'évènements et les concours de circonstances, sont tellement stupéfiants, et en même temps si bien expliqués par Zweig, qu'on ne peut que rire d'étonnement. Avant la fin tragique bien sûr, qui n'empêche pas un certain suspense quand on se surprend à espérer ou désespérer de la même manière que Marie-Antoinette.


C'est ma lecture préférée de Stefan Zweig, un très grand coup de coeur.
Lien : https://leslecturesdecanneti..
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J'ai été conquise par la biographie de Marie-Antoinette de Stefan Zweig. L'analyse est prodigieusement moderne pour l'époque (publication de l'ouvrage en 1932) et soigneusement documentée. Il y a deux raisons principales à cela. D'une part l'oeuvre littéraire de Zweig est fondée sur la psychanalyse et il connaît très bien Freud à qui il adresse ses textes pour étude et appréciation. D'autre part il s'assure que les documents dont il dispose pour cette biographie soient parfaitement authentiques et non falsifiés, de nombreuses lettres attribuées à la Reine par la postérité ayant été tronquées ou tout bonnement inventées. Cette rigueur remarquable couplée à une écriture fluide et sensible est toujours un bonheur de lecture.
Ai-je pour autant été séduite par la personnalité de Marie-Antoinette ? Non. le portrait est certainement proche de la vérité, Zweig ayant comblé les documents manquants ou douteux par l'analyse psychologique des personnages et cela dans la perspective des faits historiques prouvés, des mentalités de l'époque (notamment le concept encore balbutiant de "Nation" qui s'oppose à celui encore prégnant de monarchie absolutiste "le Droit se trouve là où se trouve le Roi") et surtout, par une analyse fine de la mosaïque d'évènements (des familles royales antagonistes, un pays au bord de la banqueroute, de mauvaises récoltes, un tiers-état composite et insatisfait) et de leur gestion désastreuse, soit un enchaînement inexorable qui va aboutir à la chute du couple royal de France.
A l'époque de Louis XVI – dont Stefan Zweig fait par ailleurs un portrait peu flatteur et injuste – le contexte, c'est une France aux frontières encore mouvantes, avec des territoires inégalement riches, dotée d'une monarchie absolue contestée par les monarchistes, des idées nouvelles, une société d'ordres en crise, un endettement prodigieux (la moitié des dépenses de l'État sert à payer les dettes anciennes), une impossible réforme de cet État, due à un manque d'anticipation (pas de budget prévisionnel) mais aussi à l'esprit égoïste des ordres privilégiés qui s'évertuent à ne pas payer l'impôt, lequel retombe fatalement sur les plus défavorisés. La désacralisation du Roi (et donc de la Reine) est actée. Leur fils sera la dernière victime de la famille.
Alors certes, Marie-Antoinette a connu une fin de vie misérable, a subi un châtiment atroce et ignominieux. Qui oserait dire le contraire ? Qui oserait penser que c'était justice ? En revanche on peu penser que, dans un pays prospère, bien gouverné, la vie frivole et très dispendieuse de la Reine serait passée inaperçue. Elle aurait eu droit à quelques pages dans des manuels d'histoire et n'aurait pas eu un "Destin". Or, sa biographie présentée par Zweig démontre à quel point chacun est "responsable" de sa vie en toutes circonstances. Cette notion de responsabilité implique que si personne ne peut rien sur les évènements extérieurs, il est possible en revanche d'agir sur soi et sur la façon dont on les reçoit et dont on y répond. On voit de quel prix Marie-Antoinette paya hélas sa frivolité, sa légèreté, son insouciance, son inconscience, ses dépenses faramineuses, son inculture, son orgueil. Une prise de conscience plus rapide, une attitude plus réaliste, plus diplomate, aurait-elle pu lui éviter le pire ? C'est l'éternelle question du retour dans le temps.
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Tout un chacun sait que Stefan Zweig est un écrivain de génie, et j'ai eu l'occasion de le manifester au sujet de ses extraordinaires nouvelles.
Mais si ses romans, ses nouvelles sont hors du commun, ses biographies ne le sont pas moins, et celle-ci, dont j'ai lu tant de belles critiques enthousiastes sur Babelio, est un chef-d'oeuvre absolu.

La vie de Marie-Antoinette y est racontée avec une volonté de vérité, dont Zweig s'explique si bien dans une Postface, une finesse psychologique confondante, et une clarté extraordinaire. Quand je compare cette biographie à celles qu'il m'a été données de lire, qui nous encombrent de détails sans intérêt et qui sont incapables de cerner ce qu'est la personnalité de celui ou celle dont ils parlent, j'ai envie de dire aux autrices et auteurs: « Lisez Zweig, voilà comment on doit écrire une biographie ».

Zweig résume magistralement son projet en ces mots:
« nous ne croyons plus…… que pour s'intéresser à un personnage historique il soit nécessaire de l'idéaliser à tout prix, d'en faire un héros sentimental ou autre, d'estomper des traits essentiels de son caractère et d'en exalter d'autres jusqu'au tragique. La loi suprême de toute psychologie créatrice n'est pas de diviniser, mais de rendre humainement compréhensible ; la tâche qui lui incombe n'est pas d'excuser avec des arguties, mais d'expliquer. Cette tâche a été tentée ici sur un être moyen qui ne doit son rayonnement en dehors du temps qu'à une destinée incomparable, sa grandeur intérieure qu'à l'excès de son malheur, et qui, je l'espère du moins, sans qu'il soit besoin de l'exalter, peut mériter, en raison même de son caractère terrestre, l'intérêt et la compréhension du présent. »

Et c'est le sentiment qui prime chez le lecteur.
Marie-Antoinette, comme son époux, Louis XVI sont des êtres ordinaires qui ont été plongés dans un destin qui n'était pas fait pour eux, ou plus précisément des êtres qui n'étaient pas armés pour leur destinée.
Marie-Antoinette, l'une des filles de la prestigieuse Marie-Thérèse d'Autriche, va se trouver en 1770, pour des raisons politiques d'alliance franco-autrichienne, mariée à 14 ans à un adolescent timide et maladroit d'un an de plus qu'elle, le dauphin Louis.
Elle, c'est une enfant écervelée, qui ne lit pas, n'écrit que très peu, qui n'a pas de culture en aucun domaine. Et qui du fait de son caractère frivole, et d'un époux incapable de « l'honorer » pendant sept ans, va se jeter dans le tourbillon des fêtes jusqu'à une heure très avancée de la nuit, des jeux d'argent où elle dépense des sommes folles, et s'isoler dans son monde à elle au sein du Château du Trianon, qui devient sa demeure privée, où elle s'entoure de parasites qui l'étourdissent, lui font passer tous ses caprices, en échange d'obtenir charges et domaines rémunérateurs. Et au grand désespoir et courroux de sa mère Marie-Thérèse dont Zweig nous cite abondamment les courriers de conseils et reproches qu'elle adresse à sa fille.
Lui, c'est un grand benêt, plus intéressé par la serrurerie, la chasse, la bonne chère, que par les affaires de l'Etat, timide, d'une indécision quasi-pathologique, qui le desservira toute sa vie.

Zweig nous décrit, de son style alerte et précis, ces premières années de vie jusqu'à l'accession au Trône en 1774, puis la volonté de réformes du Roi, mais sa difficulté à les concrétiser, du fait notamment de l'opposition des nobles et du clergé.
Aussi, l'isolement volontaire de la Cour versaillaise dans lequel se met Marie-Antoinette, qui va entraîner son discrédit, et lui valoir beaucoup d'ennemi.e.s. Et un climat délétère s'installe , comme chaque fois qu'un personnage en haut de l'Etat ne s'efforce pas de parler « au peuple », rien n'a changé depuis. Et tout cela relayé par des campagnes de mensonges et de dénigrements (qui préfigurent celles qui fleurissent à notre époque sur les réseaux sociaux), des pamphlets qui viennent, dit-on, d'Angleterre, mais écrits en France, parfois par des nobles de la Cour, et même, a-on découvert, par la propre frère du Roi, l'ambitieux et sournois Comte de Provence, le futur Louis XVIII!.

Marie-Antoinette vivant dans son monde de frivolité et de folles dépenses, Louis, faible devant elle et devant ses conseillers et ministres, tous les ingrédients sont réunis pour que les malheurs arrivent. Ce sera notamment cette incroyable escroquerie du Collier de la Reine, montée de toutes pièces en 1784 par Madame de la Motte, une fausse noble, et son mari, avec la complicité passive de bijoutiers en difficulté financière, un piège dans lequel tombera à « pieds joints » le Cardinal de Rohan, qui croira acheter pour la Reine un collier de diamants que cette dernière désire, sauf qu'il n'en est rien et qu'il ne verra jamais ce collier. La Reine sera la victime collatérale de cette affaire, qui confortera dans l'opinion, son image de dépensière effrénée.

Et puis, viendra la Révolution française, dans laquelle Zweig nous décrit de façon très claire la part prise par Marie-Antoinette, l'enchaînement inexorable des événements, dans lesquels la faiblesse et l'indécision de son mari le Roi seront des accélérateurs de la chute de la Maison Royale.
Et toutes les manipulations, les trahisons, les duplicités, les mensonges qui vont se produire alors.
L'attitude de Marie-Antoinette va changer, et sa capacité de résistance va s'affirmer, d'abord par son refus de céder devant le « peuple », aussi par sa volonté d'impliquer les puissances étrangères, en apprenant les langages codés destinés à être utilisés pour ses courriers envoyés en Autriche, en Angleterre, notamment.

Zweig nous fait vivre de façon intense le cours fatal des événements.
La dernière partie est bouleversante. Marie-Antoinette n'est plus la jeune femme un peu « fofolle » de sa jeunesse. Sa dignité, sa noblesse de caractère se manifestent durant cette ultime épreuve qui la séparera de ses enfants, qui la livrera à un procès inique. Au point qu'elle émeut toutes celles et ceux qui sont chargés de la garder.
Son dernier courrier à sa soeur, juste avant de partir pour l'échafaud est reproduit in extenso par Zweig. Les mots sont incroyablement justes et émouvants.

Dans tous ces malheurs, la Reine connaîtra quand même à partir de 1784,le bonheur d'aimer et d'être aimé par Axel de Fersen, un gentilhomme suédois, un homme généreux et attentif, qui lui sera entièrement dévoué et qui cherchera désespérément à la sauver lors de la Révolution.

Cette biographie est extraordinaire.
Car, je savais que venant d'un auteur comme Zweig cette biographie ne pourrait être que bien faite.
Mais, là, tout d'abord, je dois dire que, comme je suis un peu connaisseur de la période révolutionnaire, j'ai été bluffé par la clarté dont Zweig est capable de décrire les événements et d'y mêler la vie de Marie-Antoinette.
Mais surtout, l'analyse psychologique de tous les protagonistes est d'une parfaite pertinence, d'une grande lucidité.
Zweig ne fait aucune concession, ni pour enjoliver, ni pour dénigrer une Reine prise dans un tourbillon d'événements qui la dépassent, mais, malgré cela ou plutôt à cause de son effort pour approcher la vérité psychologique, il nous bouleverse en nous faisant entrevoir un peu de la vraie vie humaine, et nous aide aussi, comme il l'écrit, « à la compréhension du présent ».
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Texte magnifique, d'une fluidité incomparable. Stefan Zweig nous raconte la grande Histoire par la lorgnette de la petite, défaisant l'écheveau des intérêts politiques, de l'impuissance du Roi et de l'insouciance de la Reine, en passant par le respect de l'Etiquette et les opportunistes.
Extrêmement bienveillant envers Marie-Antoinette, l'auteur n'en est pas moins réaliste sur ses défauts, imputant néanmoins l'image forgée par l'inconscience d'avoir marié cette enfant autrichienne à un enfant français, dont toute l'éducation n'avait pas encore suffit à les préparer à leur rôle de souverains.
Un ton ironique et cynique qui n'enlève rien au sérieux de la trame historique.
Formidable
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Avec quel art,quelle ingéniosité L Histoire construit son drame,avec quelle science l'auteur fait naître les contrastes autour de ce personnage.
Avec une ruse diabolique,l'Histoire commence par la combler;elle donne à l'enfant un palais pour demeure,à l'adolescente une couronne;à la jeune fille,elle prodigue généreusement tous les dons de la beauté et de la richesse,et lui accorde un coeur insouciant de la valeur de ces présents.
Pendant des années,elle cajole,dorlote cet être léger jusquà ce qu'il devienne toujours plus inconscient et en perde la raison.
Mais si le destin a porté cette femme aux plus hauts sommets du bonheur avec rapidité et aisance,il ne l'en laisse ensuite retomber qu'avec plus de hauteur et une cruauté plus raffinée.Avec un réalisme mélodramatique,cette tragédie met en présence les oppositions les plus violentes,elle pousse Marie-Antoinette d'un palais impérial aux cent salons dans une misérable geôle,du carosse doré sur la charrette du bourreau,du trône sur l'échafaud;elle jette du luxe à l'indigence;d'une femme jouissant de la faveur générale et partout acclamée;elle l(entraîne toujours plus bas,sans pitié,jusqu'au suprême abîme.
A lire pour comprendre le destin d'une reine qui s'est révélée être unefemme forte et courageuse;à lire pour ne ps rester sur des idées préconçues.
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