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N'en jetez plus ! LA biographie de l'année est sise là, entre ces quelques 480 pages qui passent comme à peine 80 ! Cette chronique tragique, relatée presque comme une enquête à suspense par un écrivain de génie, lui aussi autrichien, nous entraîne vers l'inéluctable - même si on ne "spoile" rien en racontant Titanic !
Tout l'art et le talent de Stefan Zweig réside dans l'alliance qu'il tisse (au présent de narration) entre exigence vis-à-vis de la véracité historique de son sujet et vraisemblance psychologique dès que les archives deviennent muettes ou trop partiales. de sorte que ce livre est un bijou qui reste longtemps dans la tête (sans jeu de mots) après qu'on l'a lu.
Ainsi, le parcours de "l'Autrichienne" commence le jour où, pour pacifier le royaume, sa mère Marie-Thérèse d'Autriche la "vend" adolescente au royaume de France, à Louis XV le "bien aimé" en vue d'un mariage (d'une alliance) avec le petit-fils de ce dernier, le Dauphin, le futur Louis XVI ! Zweig montre très bien comment l'histoire ne pouvait être que celle-ci et comment la trop frivole Marie-Antoinette (sans Trianon la face de l'Occident aurait-elle été la même ?) passe d'une vie insouciante de plaisirs et de "rococo" à l'enfer de la fuite et de la Conciergerie où, sur une table trop étroite, elle finira par composer seule, glacée, épuisée, saignante, une dernière lettre, lettre d'adieu et d'amour, lettre d'une épouse à qui la Révolution a confisqué le trône et le mari, d'une mère à qui la Convention a ravi un fils et une fille chéris, d'une femme à qui L Histoire a donné, ironie du sort, dans les derniers instants, toute la profondeur qui manquait à cette femme pour qu'elle devienne enfin elle-même : une reine ! Ah ! si Marie-Antoinette avait rencontré et compris son peuple plus tôt, la Révolution, comme la guerre de Troie, aurait-elle eu lieu ? C'est insoluble.
Glaçant, triste, utile, beau, bien traduit, édifiant, j'aimerais qu'on aime ce livre ! Passionnant !
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Stefan Zweig nous livre ici une biographie de Marie-Antoinette, l'Autrichienne, reine détestée par ses contemporains et dont la mémoire encore aujourd'hui reste très contestée.
Il nous décrit la transformation d'une jeune fille frivole en véritable reine, un statut qu'elle ne saura malheureusement atteindre qu'après les dures épreuves que lui inflige la Révolution. L'auteur s'appuie pour cela sur des écrits et des lettres d'époque. Mais il se fait aussi l'interprète des sentiments de Marie-Antoinette, ce qui rend la biographie vivante et extrêmement touchante.
On devient donc le témoin des transformations de la société du règne de Louis XV, encore monarque absolu, au triomphe de la Terreur. Une époque troublée qu'on vit à travers le destin de Marie-Antoinette, magnifiquement conté par Stefan Zweig.
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Il y a les livres que l'on dévore, et ceux que l'on déguste. Assurément, pour moi, cette biographie de Marie-Antoinette par Stefan Zweig fait partie de cette deuxième catégorie... et je me suis régalée!

Tout au long de ces quelques 500 pages, j'ai eu l'impression que, dans une écriture que j'ai trouvée tellement moderne et actuelle, c'est à mon oreille que cet autrichien (en plus!) venait me raconter l'histoire de cette reine de France, évidemment originaire du même pays que lui...

C'est magnifiquement écrit, c'est extrêmement intéressant et jamais ennuyeux; la montée à l'échafaud (alors que je connaissais la fin! oui, oui!) m'a prise aux tripes!
C'est la première biographie que je lis de Stefan Zweig: ce n'est assurément pas la dernière!...
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Plaisir d'ajouter cette 90ème critique babélienne de l'essai magistral de Stefan Zweig, "Mausolée" dédié au courage d'une femme, monument aux allures de Temple de l'Amour oublié dans les jardins ensauvagés du Petit-Trianon : une "biographie psychologique" passionnante et au succès public pérenne depuis sa parution en 1932 (après la production de son "fouché" en 1929, crapule arriviste au sens de la survie particulièrement aiguisé...). Nous suivons pas après pas la fille de Marie-Thérèse d'Autriche, mal mariée au futur roi de France : couple dont on connaît le destin tragique "en léger différé" de quelques mois atroces... L'indécis Louis XVI évidemment sera son "poissard" (porteur de la poisse la plus épaisse) de Schönbrunn à Versailles, puis des Tuileries jusqu'à Varennes avec retour aux Tuileries, incarcération au Temple puis régicide et solitude de "La Veuve Capet" à la Conciergerie... "La force du Peuple" (ce gros beauf' de populo déchaîné, bien dopé à la vinasse et kiffant les têtes au bout des piques : rappelle-toi que "Parfois ton Saint-Peuple est TRES con", Mélenchon ! Tiens, au moins la mère le Peine a bien intégré cela, comme son paternel depuis fort longtemps... ), force pulsionnelle bien soumise à tous les démagos haineux et ratés (pléonasme) du moment — tels l'imbécile Hébert, imprécateur recommandant "le rasoir national pour la Grue" dans son torchon de l'époque ("Le Père Duchenne") avec les accents haineux du Bon Docteur Destouches se déchaînant "contre la Juiverie" pendant "notre" dernière guerre mondiale... On se replonge avec horreur dans ce climat et de page en page, on en deviendrait PRESQUE nostalgique de l'Ancien Régime... Oui, les erreurs et l'inconscience de ce couple royal... Tout cela méritait-il la lame ? le "Comité de Salut Public" et sa "Terreur à l'ordre du Jour", les "Patriotes" miliciens armés de piques nous rappellent évidemment les sinistres crétins de "Daëchiens" d'aujourd'hui murés dans la même psychopathie (ce goût du sang des Autres comme nouvelle "Norme" éthique à l'échelon individuel... ), la crainte du Complot (ennemis de l'intérieur comme ennemis de l'extérieur : l'important est d'avoir un ENNEMI à toujours abattre...) , "Le Bien" ("La Révolution") contre le vilain "mal" ("Les Oppresseurs" dont il faut couper toutes les têtes), le même délire absolu, la Sainte-Trouille régnante ("Si on me considère comme contre-révolutionnaire, Ze suis mort..."). Louis XVI, la duchesse de Lamballe et Marie-Antoinette paieront... Les andouilles phraseurs et verbeux du moment (Hébert, Danton, Saint-Just, Robespierre) seront eux-mêmes rattrapés par la même technologie inventée par ce Bon Docteur Guillotin... Les opportunistes sans foi ni Loi s'en tireront (fouché l'infâme, le peintre David, futur "lêche-f..." de "Sa Majesté Buonaparte"). Conclusion ? L'être humain solitaire a bien raison de se méfier au plus haut point des pulsions "de masse" de l'être humain, quand bien même (ou surtout) enveloppées élégamment dans un Bla-Bla vertueux de surface... Zweig était un Maître-Littérateur et son ouvrage (un "Maître-Livre" épais, érudit, dense et agréable et poignant) reste magistral et incontournable, déjà 85 années aprè sa parution.
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Une référence dans les biographies qui existent sur cette reine.
Bien documenté, l'auteur, essayant de faire la part entre le vrai et le faux, tisse un portrait très humains de cette reine à la fois archi connue et pourtant très méconnue.
A lire sans modération.
il s'agit du premier livre que j'ai lu de cet auteur et certainement pas le dernier.
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Avouez-le monsieur Zweig, vous en pinciez pour Marie-Antoinette.

J'affabule légèrement mais lisant, admiration et respect tissent sous la plume de l'auteur un élan affectif évident envers la Reine.

Ce sentiment était-il antérieur à la biographie, l'a-t-il suscitée, s'est-il imposé progressivement en compulsant les sources?

Le texte en tout cas est passionnant car, outre la destinée dramatique de Marie-Antoinette, c'est la révolution qui nous est ici contée.
Avec un aspect qui m'avait jusqu'ici échappé, les responsabilités et les collusions d'une partie de la noblesse et de la famille royale favorable à la chute de Louis XVI.

Excellente lecture.
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Quelle magnifique réussite d'auteur que cette biographie où la rigueur historique le dispute à l'honnêteté intellectuelle ! le Marie-Antoinette de Stefan Zweig change ma perception de cette Reine de France qui porta bien des surnoms dont celui de veuve Capet dans les ultimes instants de son existence, qui la verront digne, courageuse et souffrant en silence malgré la dureté des épreuves. Au point que ses accusateurs s'inclinèrent devant sa grandeur et son détachement. Que ne les eut-elle affirmés son règne durant ! L'Histoire de France s'en serait trouvée bouleversée. Ma vision se basait sur des lectures où des films, sans doute laissant parfois le romanesque l'emporter sur la vérité. Ce livre dessine aussi le portrait d'un roi, qui tarda à être un homme, mais qui même en le devenant ne portera que les noms et de l'un et de l'autre. Son manque de cran, sa faiblesse et son indécision conduisirent sa reine et une partie de la famille royale à l'échafaud après que cette piètre nature combinée au peu d'intérêt des choses de l'État et à l'absence de sens politique conduisit le royaume de France dans les bras de la Révolution. J'ai passé un grand et bon moment d'histoire et les cinq cents pages se sont révélées légères, moins nombreuses que le compte l'indiquait.
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Lire et apprendre, quel savoureux mélange... Alors, quand c'est la plume et la rigueur de Stefan Zweig qui vous plonge aux côtés de Marie-Antoinette, je ne peux résister. C'est exquis.  

Cette biographie m'a emportée. Et bien que certains passages m'ont parfois semblé un peu lourd et que certaines longueurs aient tenté de se faire sentir, l'auteur, par la tournure de ses phrases et la cadence de son écrit, parvient à nous le faire oublier et insuffle un nouvel élan au récit. On est porté par les anecdotes, les révélations, les rebondissements. Cette biographie très bien documentée et agrémentée n'est pas romancée, mais elle se dévore tel un roman et m'a permis d'en apprendre beaucoup sur cette période tourmentée de l'Histoire. Car c'est une période historique fascinante, et je me suis toujours demandée, sans jamais vraiment m'y pencher, comment le couple royal de l'époque avait pu en arriver à un tel point de non retour ? Comment leur peuple, ainsi que la situation politique du pays, avaient-ils pu leur échapper à tel point qu'ils en aient perdu la tête... 
Je n'ai pas senti de parti pris par Stefan Zweig, les faits sont ce qu'ils sont et parlent tristement d'eux mêmes ; les mauvais, comme les non choix, du Roi et de la Reine ont irrémédiablement menés leurs pas sous la guillotine. Bien qu'ils aient eu les clés afin d'adoucir ce peuple meurtri éclairé par le Siècle des Lumières, bien qu'ils auraient pu entendre et tenter de comprendre ces revendications, le couple royal, légitime dans son règne a préféré ignorer la complainte populaire, insignifiante à leurs yeux, et bien vite, la situation prennant de l'ampleur et les dés étant jetés, leur sort était tout décidé. Symbole d'une monarchie d'un temps révolu, il n'y a finalement d'autres issues que la disparation de Louis XVI, redevenu simplement Louis Capet, et Marie-Antoinette, l'infâme veuve Capet.
Au fond, ils n'étaient ni pire ni meilleurs que les monarques avant eux, mais dans cette conjecture inédite, sans modèle antérieur, le pauvre Roi Louis XVI n'a pas su trouver les mots/maux... Quant à Marie-Antoinette, cette jeune femme qui ne cherchait qu'à se soustraire d'une existence bien morne en se laissant aller à la frivolité, l'argent lui brûlant les doigts, usant et abusant certes de son statut providentiel, a été diabolisée, incarnant à elle seule la bête noire de toute une nation, l'essence même du malheur. Et c'est dans cette tragédie dont elle détenait le rôle principal que sa volonté, son esprit vif et son charisme indéniable se sont révélés, trop tard hélas, mais elle a su, jusqu'au bout, garder la tête haute sans ployer. Si je devais faire une requête, c'est que j'aurais apprécié d'en savoir plus sur l'enfance de Marie-Antoinette

C'est une période historique faste et cet ouvrage très instructif m'a donné envie de me plonger encore davantage sur ce pan de l'Histoire, et notamment en plein coeur de la Terreur. Car la Révolution s'est échappée à elle-même, muant les bourreaux en victimes, et vis et versa. 

Challenge ABC 2020-2021
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Stefan Zweig avait ce talent rare d'insuffler l'élan romanesque à ses biographies, sans les pervertir autrement qu'en y disséminant ses remarques, ce qui est commun à tous les historiens qui se respectent.
Certes, Zweig était autrichien, certes son goût pour la culture germanique le disposait à aimer d'emblée cette frivole compatriote, inconsciente du rang qui lui échut dès sa naissance en tant que fille de l'impératrice Marie-Thérèse. Plus tard, par le jeu des alliances entre têtes couronnées, elle deviendrait reine de France. Sans doute, ceci était trop lourd à supporter pour ses épaules.
Zweig postule donc que si Marie-Antoinette est devenue une figure majeure – héroïne de tragédie condamnée par les dieux de l'Histoire –, ce sont les événements qui lui ont fait tutoyer les sommets de la mémoire collective, pas elle-même. Il a raison. Napoléon, De Gaulle se taillèrent eux-mêmes un destin, aidés bien sûr par leurs époques tumultueuses. Marie-Antoinette, elle, subit l'Histoire jusqu'à l'accepter comme une fatalité. Là est toute la différence. Ajoutez à cela le martyre de ses dernières années, elle devenait une victime « idéale ».
Et Zweig de nous conter, avec la finesse psychologique qui le caractérise, cette vie transpercée par le plus grand cataclysme de l'histoire moderne française : la Révolution.
Puis, comme un effet miroir, d'autres événements auront eux aussi raison de cet écrivain si raffiné, un certain jour de février 1942. Laissant une lettre d'adieu, il se suicidera avec sa compagne, vaincu par ses malheurs intimes, mêlés à ceux du monde d'alors. L'Histoire l'aura, lui aussi, emporté…vers de meilleurs cieux, je veux le croire.
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Marie-Antoinette
Traduction : Alzir Hella

ISBN : 9782253146698

Avec celle de "Marie Stuart", certainement la biographie la plus connue de Zweig, celle dont le lecteur le moins averti en la matière vous citera le titre sans hésiter. La figure, il faut bien le dire, est emblématique : archiduchesse d'Autriche, puis reine de France, et enfin "veuve Capet" et martyre sacrifiée à la Révolution française, Marie-Antoinette reste même, selon moult témoignages, le fantôme le plus célèbre de Trianon où, si l'on a bien de la chance - par exemple au mois d'août, par une journée très, très orageuse - elle vient au-devant du visiteur ébahi, s'avançant avec une grâce et une majesté sans pareilles à travers quelque invisible faille temporelle. Chez le biographe, on est tout aussi emblématique : grand nouvelliste et romancier, Zweig a, peut-être à un plus haut degré encore si possible, le don d'investir un destin historique et de le raconter à un lecteur fasciné pour qui, brusquement, L Histoire majuscule s'anime d'un seul coup, le temps de cinq cents pages détaillées, haletantes ... et incontestablement littéraires.

Cette qualité de l'écriture, je l'ai particulièrement ressentie avec la biographie de Marie-Antoinette. Pourquoi ? Eh ! bien, si l'on percevait bien l'admiration que portait Zweig à Marie Ière d'Ecosse, avec Marie-Antoinette, c'est la passion amoureuse - quoique platonique Wink- qui s'affiche sans complexe. L'auteur en eut-il conscience, du temps où il travaillait sur son manuscrit ? Qui pourra le dire avec certitude ? Mais le fait est là : Zweig est bel et bien amoureux de Marie-Antoinette. Pourtant, véritable tour de force pour un biographe, il va se garder avec panache de tous les pièges tendus par l'hagiographie et nous restituer l'un des portraits les plus prenants, les plus justes et aussi les plus modernes de l'épouse de Louis XVI.

Le seul petit bémol, c'est justement la manière dont Zweig traite le malheureux monarque. On ne peut pas dire qu'il lui fasse beaucoup de cadeaux, reproduisant peut-être sans le savoir ce mépris universel qui veut qu'un roi, un vrai, doive faire preuve d'un appétit sexuel qui, aux yeux de ses sujets, va de pair avec la poigne, juste mais ferme, avec laquelle on se doit de tenir un royaume. Louis XVI, on le sait, souffrait d'un phimosis qui l'empêcha pendant trop longtemps d'entretenir avec sa jeune et jolie épouse une relation maritale équilibrée. Se sentant sans nul doute en état d'infériorité même s'il ne l'avouait pas et reconnaissant inconsciemment à sa femme le droit de lui en vouloir et de le mépriser, le petit-fils du trop galant Louis XV eut pour elle de telles faiblesses qu'il lui passa pratiquement tout, tant ses manières de tête-de-linotte insolente et capricieuse que sa soif de toilettes et de joyaux. Dans une lettre demeurée célèbre et adressée à sa mère, Marie-Thérèse, impératrice d'Autriche, à qui elle écrivait régulièrement, Marie-Antoinette ne parle-t-elle pas de son époux comme du "pauvre homme" ? Marie-Thérèse et son ambassadeur en France, Mercy d'Argenteau, auront beau faire et refaire la leçon à la petite archiduchesse devenue reine de France, rien n'y fera et, quand Marie-Antoinette comprendra ses erreurs, il sera beaucoup trop tard - pour elle comme pour la monarchie française.

Quoi que l'on pense d'elle, on ne peut cependant nier que ses problèmes conjugaux ont dû gravement peser sur son destin. D'ailleurs, à la naissance de son premier enfant, la reine commence à s'apaiser. Insensiblement, elle mûrit, elle songe à l'avenir du Dauphin mais, là encore, Zweig y tient, elle ne dispose pas du soutien conjugal qu'il lui eût fallu. Dans la vie politique aussi, Louis XVI demeure "un pauvre homme." Ici, on peut tomber d'accord ou non avec le biographe mais force est de reconnaître, même si la bonté du roi, sa bonne volonté et son courage devant la Mort ne sauraient être mis en doute, que Louis XVI n'était pas fait pour gouverner et moins encore pour mener à bien la gigantesque réforme politique et économique - notamment fiscale - qu'exigeait à l'époque la situation du royaume. de là à dire que, si Louis XVI n'eût pas été l'aîné, un de ses frères aurait été à même de faire mieux et de tuer dans l'oeuf une Révolution qui grondait depuis déjà tant d'années, c'est un autre débat.

Mais revenons à Marie-Antoinette et à l'audace avec laquelle Stefan Zweig envisage ses relations avec Fersen. On peut dire que, jusqu'à lui, aucun biographe mémorable n'avait osé prétendre que la relation entretenue par la reine avec l'officier suédois était tout, sauf platonique. Les Goncourt eux-mêmes, pourtant si misogynes par nature, écartent avec horreur toute hypothèse graveleuse dans l'(excellent) ouvrage qu'ils consacrent à Marie-Antoinette. Zweig, lui, est l'un des tout premiers à s'affirmer certain de la réalité charnelle de cette liaison qui fit couler tant d'encre. Il ne jette pas la pierre à son héroïne, pas plus qu'à son chevalier servant et laisse même à Louis XVI le bénéfice d'une certaine "compréhension" dans l'affaire. A ce trio au destin si tragique - deux d'entre eux périrent sur l'échafaud et le troisième mourut lynché - il confère une dignité et une humanité qui forcent le respect. "Qu'eussions-nous fait à leur place ?" s'interrogent les lecteurs honnêtes. Bonne question qui, grâce au génie de Zweig - car cet homme est un biographe de génie, on ne peut en douter un seul instant - nous rend toute l'affaire beaucoup plus délicate et prétexte à questions complexes.

De sa naissance heureuse à Vienne, au palais impérial, jusqu'à la planche ensanglantée de la guillotine, toute la vie de Marie-Antoinette défile sous nos yeux avec ses enfantillages, ses caprices, ses erreurs, ses coups de coeur et cette prise de conscience si brutale qui, un jour, va lui permettre de mourir avec vaillance, en digne fille de Marie-Thérèse. le mystère de Marie-Antoinette réside d'ailleurs avant tout en cet instant où, de reine de parade trop préoccupée de toilettes et de cheveux poudrés, elle se transforme en reine véritable, s'intéressant enfin mais trop tard à la politique, se défendant pied à pied et défendant ses enfants contre les excès des extrémistes révolutionnaires, veuve-symbole dépouillée même de ses enfants et rongée par un cancer qu'on ignore et enfin, reine encore et à jamais, et grande, et majestueuse, mais aussi simple femme lassée d'une existence qui lui offrit autant de cadeaux qu'elle lui fit subir d'avanies, seule avec Samson et son aide sous les montants de la guillotine.

Si vous avez le moindre atome de sympathie pour Marie-Antoinette, vous aimerez la biographie de Stefan Zweig. C'est l'une des meilleures - et c'est aussi l'une des plus modernes. ;o)
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