« Seuls, peut-être, des gens absolument étrangers à la passion connaissent, en des moments tout à fait exceptionnels, ces explosions soudaines d'une passion semblable à une avalanche ou à un ouragan : alors des années entières de forces non utilisées se précipitent et roulent dans les profondeurs d'une poitrine humaine. Jamais auparavant (et jamais par la suite) je n'éprouvai une telle surprise et une telle fureur d'impuissance qu'en cette seconde où, prête à toutes les extravagances (prête à jeter d'un seul coup dans l'abîme toutes les réserves d'une vie bien administrée, toutes les énergies contenues et accumulées jusqu'alors), je rencontrai soudain devant moi un mur d'absurdité, contre lequel ma passion venait inutilement buter. »
Ainsi s'exprime notre narratrice aux cheveux blancs, elle est en villégiature sur la riviera dans un lieu fréquenté par la haute bourgeoisie de l'époque. Un évènement va venir troubler l'atmosphère de la petite pension. Et c'est de la narration de cet incident que naîtra cette deuxième narration intime qui emporte le lecteur à Monte-Carlo, en 1904, du temps où cette dame était une jeune femme de quarante ans, veuve, et dont les enfants avaient pris leur envol.
J'étais sortie « vidée » émotionnellement de la lecture «
La confusion des sentiments » Dans «
vingt-quatre heures de la vie d'une femme», je me suis retrouvée vingt ans, trente ans plutôt, à ces périodes de la vie où flirter avec la transgression s'apparente à vivre intensément même si cela doit faire mal.
C'est bien la force de
Stefan Zweig, non seulement, son écriture est des plus élégantes et agréables à lire, mais il est un fin observateur des passions humaines qu'il n'a pu qu'expérimenter lui-même pour avoir cette capacité à disséquer avec autant d'acuité toutes ces palettes de sentiments intimes, ces sensations vertigineuses qui nous font oublier nos limites, qui nous entraînent dans des aventures déraisonnables mais qui nous rendent plus humbles et plus tolérants. J'imagine aisément ses échanges avec son ami
Freud discutant d'exemples pour mieux approfondir la connaissance de la psychologie humaine.
Dans cette nouvelle, Zweig aborde la passion amoureuse et la passion du jeu. Il nous fait découvrir dans un temps très court, vingt quatre heures, comment ces deux passions vont venir se télescoper au travers de la destinée d'un homme et d'une femme, la narratrice, et modifier à jamais la vie de cette dernière.
Ce qui est saisissant, outre la description au scalpel de tous les états d'âme que confère la passion amoureuse, les joies comme la souffrance du vide "un seul être vous manque et tout est dépeuplé" c'est l'étude du langage du corps et tout particulièrement celui des mains du joueur autour du tapis vert qui subjugue.
Comment celles-ci (les mains) révèlent l'exaltation voire l'addiction et comment la narratrice, cette jeune femme, va se laisser émouvoir par la détresse de ces mains qui sont en train de perdre.
Elle s'ennuie, elle chercher à donner un sens à sa vie, elle pense pouvoir sauver ce jeune homme mais elle a encore des choses à apprendre de la vie….. Je n'en dirai pas plus.
Stefan Zweig nous offre une jolie nouvelle où outre l'esthétisme de son écriture, il nous offre une nouvelle fois une image des passions humaines.