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Critiques de Séra (72)
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L'âme au bord des cheveux

Après plusieurs BD déjà consacrées au Génocide cambodgien perpétré par les Khmers Rouges, Séra, de son vrai nom Phoussera Ing, né d’un père cambodgien et d’une mère française, revient dans L'âme au bord des cheveux sur la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges en avril 1975.



Le récit est fortement lié à l’histoire personnelle de Séra qui a vécu ces événements qui ont précédé le début des massacres et du génocide. On retrouve l’auteur enfant pris au piège par la victoire des communistes de Pol Pot, et devant se réfugier avec ses parents dans l’enceinte de l’ambassade française.

Ces jours d’extrême tension, qui se termineront dramatiquement pour des centaines d’habitants de la capitale, sont brillamment racontés par un Séra qui livre des planches splendides, au nombre de cases réduit, alliant réalisme et émotion dans chacun de ses dessins.



La première partie de l’album revient sur les éléments qui ont conduit à la prise de pouvoir khmère, et le contexte plus large de la décolonisation de l’ex Indochine.



Brillant, indispensable, superbe, la liste des qualificatifs pouvant être utilisée pour L’âme au bord des cheveux peut être poursuivie à l’infini.

Séra réussit le tour de force de raconter et de mettre les images sur l’horreur et l’indicible, faisant œuvre de mémoire mais aussi d’histoire tant l’ouvrage est sourcé et rigoureux.

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L'âme au bord des cheveux

L’âme au bord des cheveux , le titre de cet album graphique signifie être mort de peur .

L’histoire autobiographique de Sera , auteur franco- cambodgien nous donnera la clé de ce titre énigmatique .

Deuxième enfant d’un couple mixte , de père cambodgien et de mère française , il va être aux premières loges de la tragédie de la guerre fratricide des khmers rouges .

L’auteur raconte la guerre , qui montre toujours nos instincts les plus bas , la cruauté des hommes et puis toutes ces vies embarquées dans la tourmente .

Un jour , un seul , et Sera passe de l’enfance à l’âge adulte sans transition comme tous les enfants qui vivent en période de guerre .

Ce livre est aussi un hommage au couple de ses parents , un couple solide , amoureux , sa mère a à peine 18 ans quand elle rencontre son futur mari et part pour le Cambodge pour le meilleur et le pire , heureusement personne ne connaît à l’avance le déroulé de l’Histoire .

C’est aussi un récit très documenté qui explique la situation politique de l’époque , la cruauté des vainqueurs .

Une lecture qui ne laisse pas indifférent , très émue après cette très belle découverte .

Merci à # NetGalley et aux éditions Delcourt .
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L'âme au bord des cheveux

L'âme au bord des cheveux, titre énigmatique auquel on peut trouver une certaine poésie, mais qui, en langue Khmère, signifie "mort de peur".

Tout de suite, la sensation n'est plus la même.

Que sait-on de la peur quand on n'a pas vécu d'événements dramatiques ?

Dans ce magnifique album, Séra, nous décrit celle qui le hante depuis le 17 avril 1975.

Le jour où sa vie, celle de ses parents, de sa famille et de nombreuses autres, basculent.

La chute de Phnom Penh.

Le Cambodge à feu et à sang.

Lui, échappera à la conscription, évitant l'incorporation dans l'armée khmère, grâce un passeport français qu'il doit autant à la nationalité de sa mère qu'à la chance du dernier espoir.

Personne ne sort indemne d'une guerre, qui plus est, fratricide.

Cet album est un cri.

Sorte d'exorcisme, que l'auteur s'impose, par devoir de mémoire ou pour tenter de se soulager de ce poids qui l'opprime depuis son adolescence.

Tout s'est passé si vite, personne n'y croyait, c'était impensable.

Un mauvais rêve qui dure depuis plus de 45 ans pour l'artiste qu'il est devenu.

Serait-il le même homme s'il n'y avait pas eu ce 17 avril ?

Séra nous offre son regard, sur l'événement, ceux qui l'ont fait et sur la géopolitique de l'époque.

Il pointe d'un doigt accusateur, les belligérants et la complicité, drapée d'hypocrisie, de pays comme les États-Unis ou la France.

Il montre toute la violence de ces jours de folie qui virent le Cambodge sombrer dans le chaos.

On comprend ses blessures.

Séra, enfant de la France et enfant du Cambodge, peut-être plus encore.

Parce que c'est là que sont ses racines, c'est là que repose son père et que ce sont les souvenirs de ce pays qui le hantent.

Un vrai coup de cœur pour cet album, humain, puissant et émouvant.
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L'âme au bord des cheveux

L'âme au bord des cheveux veut dire "Mort de peur", en khmer et là on comprend mieux à quoi se rapporte ce récit bouleversant. C'est celui de Séra, l'auteur et de sa propre la famille, ce jour où, le 17 avril 1975, Phnom Penh est tombée aux mains des Khmers rouges. Avec une mère française et un père cambodgien, il a été élevé avec cette double culture, loin de la politique mais ce jour-là, tout a changé. Il revient sur cette histoire compliquée où les intérêts et les batailles entre les grandes puissances notamment américaines et françaises ont fait beaucoup de dégâts. Même si, lui, évitera l'incorporation dans l'armée khmère, grâce un passeport français qu'il doit autant à la nationalité de sa mère qu'à la chance du dernier espoir, il reste marqué par ce qu'il a vu : cette violence, cette boucherie et cette guerre fratricide entre deux peuples "amis". Cela se ressent dans les dessins et les crayonnés, comme si cette œuvre lui servait d'exutoire afin exorciser ce traumatisme ! #LÂmeauborddescheveux #NetGalleyFrance
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L'âme au bord des cheveux

Auteur franco-cambodgien, Séra est né au Cambodge d'une mère française et d'un jeune étudiant cambodgien en formation à Paris. Enfant, il a traversé les jours les plus sombres de l'histoire cambodgienne.

Après plusieurs ouvrages consacrés au Cambodge, il fait face à l'indicible et concilie aujourd'hui histoire familiale et histoire avec un grand H.



C'est ainsi qu'Aznavour côtoie Henry Kissinger ou que la rencontre de ses parents sur une plage de Nice contrebalance les tragiques Une de Time.



Alternant souvenirs de famille et savoir encyclopédique, "l'âme au bord des cheveux" entretient la mémoire des victimes des khmers rouges.



Le récit est fouillé, étayé d'une solide documentation; le dessin vient le soutenir, tout à la fois réaliste et d'une grande finesse. Séra passe au delà des cases pour de superbes planches.



L'ensemble fait mouche, éveillant curiosité et émotions. Un album sensible et utile.
Lien : https://nahe-lit.blogspot.co..
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L'âme au bord des cheveux

Un jeu mortel et de dupe que Séra, auteur franco-cambodgien a vécu et qu’il restitue dans une remarquable auto-biographie, L’Âme au bord des cheveux, expression de la langue khmère qui signifie être mort de peur.
Lien : https://www.ligneclaire.info..
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L'âme au bord des cheveux

Séra, 13 ans, jeune représentant franco-cambodgien de la jeunesse dorée de Phnom-Penh, se trouve emporté par la vague révolutionnaire Khmer-rouge qui balaie le pays. C’est cette peur extrême, exprimée par l’expression khmer qui donne son titre au livre que relate l’auteur 40 ans plus tard.



17 avril 1975 : les Khmers rouges envahissent la capitale. Français et Américains quittent le pays en abandonnant leurs supplétifs autochtones.



Avril 1975 : Séra se souvient...



Tels de sublimes constructions « Photoshop », Séra dispose les « calques » de sa mémoire sur les planches d’un carnet de souvenirs. À grand renfort de documentations intégrées dans le fil d’un récit chronologique, de divines cases aux couleurs sages et douces que peuvent zébrer ponctuellement quelques tâches vives, captent le réalisme de photographies d’époque. De nombreuses incrustations appliquées en aplat de couleur vive et unie donnent vie à ce kaléidoscope narratif. Tel un album photo familial, documents d’archives, couvertures de revues d’époque illustrent les évènements traversés. La finesse du dessin semble retranscrire une sorte de fragilité des impressions mémorielles.



Tout en magnifiant les souffrances du peuple Cambodgien, le graphisme porte en lui l’élégance et la pureté de l’art Khmer. Les visages graves des personnages de la bd semblent s’extirper des façades des temples d’Angkor. Du chaos nait la beauté.



Aucun dialogue dans ce témoignage historique. Les personnages ne sont que témoins d’une Histoire qui les dépasse. La souffrance décrite n’est pas la leur. C’est la désolation sublimée du Cambodge dans le monstre d’un Kampuchéa proclamé. La vision journalistique de son auteur est déroulée sous les cases en caractères typographiques.



Quel dommage que la couverture de ce recueil soit si insipide au regard de la qualité de son contenu !



Cette bd restera longtemps à ma portée de main.
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L'âme au bord des cheveux

Un livre graphique bouleversant avec un si beau titre. En khmer, avoir « l'âme au bord des cheveux » signifie « être mort de peur ».

Sera est franco cambodgien et va nous narrer avec son crayon, la vie de ses parents lors de la chute de Phnom Penh et l'arrivée des khmers rouges.

J'ai voyagé au Cambodge et cette histoire est encore présente, que ce soit avec des lieux de mémoires, des récits.

Sera va faire une enquête historique (avec des cartes, des dates, des scènes de guerre) mais aussi il rend un hommage à ses parents, ce couple mixte.

Hommage au couple de ses parents , un couple solide , amoureux , sa mère a à peine 18 ans quand elle rencontre son futur mari et part pour le Cambodge pour le meilleur et le pire.

C'est aussi un récit très documenté qui explique la situation politique de l'époque , la cruauté des vainqueurs .

Ce roman graphique est jalonné de cartes précises, de dessins en forme de photographies, des encadrés de journaux, des citations, quelques affiches ou couvertures de romans de l’époque, pour créer un reportage quasiment objectif. Puis des souvenirs plus intimes, avec des souvenirs d'enfance, le portrait de ses parents et leurs choix.

L'histoire avec un grand H et la petite histoire au niveau familial font de ce texte un texte indispensable pour ne pas oublier ces épisodes si cruels de l'histoire du 20eme siècle.

#LÂmeauborddescheveux #NetGalleyFrance
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L'âme au bord des cheveux

Ce récit est sans doute le plus personnel, puisqu’il s’appuie sur l’enfance de Séra, à laquelle la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, en avril 1975, met un terme brutal.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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L'âme au bord des cheveux

Il est toujours difficile de rédiger une critique sur un ouvrage autobiographique, particulièrement pour ce roman graphique.

Son titre renvoie à une expression de la langue Khmère signifiant "Mort de peur". Cette peur que Séra retranscrit magnifiquement à travers ses dessins remplis de réalisme. Pour lui, le monde qu'il connaissait, qui le rassurait a cessé d'exister le 17 avril 1975 derrière la grille de l'Ambassade française au Cambodge.

Malgré le fait que j'ai été souvent perdue dans l'enchaînement des événements historiques, j'ai été happée et je ne suis pas parvenue à me détacher du livre.

L'auteur nous livre un épisode marquant de sa vie et construit sa trame avec beaucoup d'émotion.
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L'Eau et la Terre

Une bande dessinée sombre, tant par le propos, le texte (illustré quand même par quelques espoirs issus de textes poétiques tirés de la tradition khmère ancienne) que les dessins tout en sépia gris, noirs, bleus et brun-rouge. Quelques cartes au fil du texte, avec une longue légende, illustrent le propos et les déportations. Et l’enfant enrôlé qui grandit et répète comme un leitmotiv » et je ne suis toujours pas mort « . Une histoire dans un pays en huis-clos, la communauté internationale n’est pas (ou quasi pas) mentionnée dans l’ouvrage (et dans la réalité a aussi été d’une grande passivité), seul le Viêt Nam voisin finit par intervenir.
Lien : http://vdujardin.com/blog/se..
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L'Eau et la Terre

Au lendemain du 17 avril 1975, alors que les Khmers rouges évacuent toutes les villes du Cambodge, hommes, femmes et enfants se retrouvent sur les routes du pays, symbolisant trois groupes : les paysans, les citadins et les Khmers rouges eux-mêmes.



Absolument bouleversant autant du point de vue graphique qu'historique, cet album, aux grandes images sombres qui évoquent magnifiquement la boue, la glaise et les charniers, est préfacé par Rithy Panh, le réalisateur de « S-21, la machine de mort khmer rouge ».
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L'Eau et la Terre

Avril 1975, après cinq années de guerre acharnée, au Cambodge, les Khmers rouges prennent le pouvoir sur tout le pays, qui s'appellera dorénavant le Kampuchéa Démocratique. Ils dévastent tout sur leur passage, obligent les gens à quitter leur maison, à venir travailler pour eux, soit dans l'armée soit dans les terres. C'est toute une population qui est prise et manipulée par ces soldats que rien ne semble arrêter. C'est une véritable dictature qui s'impose dans ce pays, et pourtant, rien ni personne n'interviendra pendant de longues années...



Séra nous parle de cette guerre, de ces horreurs, de cette population soumise, de ces paysans forcés à travailler et de ces enfants que l'on n'a pas épargnés. Cet album se démarque essentiellement par ce graphisme incroyable, certaines planches pourraient nous faire penser à des photos prises sur le vif. Un dessin rempli d'émotions, de tristesse et de sensibilité retrace cette parenthèse désenchantée de l'histoire que beaucoup semblent avoir oubliée. Les couleurs sombres collent parfaitement à cette période grave.

Séra nous relate les histoires de ceux qui se sont retrouvés au sein de ce conflit et il est bon de se rappeler que cette guerre a fait des millions de morts et qu'elle a laissée des plaies ouvertes à jamais.



En prime, une superbe préface de Rithy Panh (réalisateur du documentaire S-21, la machine de mort Khmer rouge, primé à cannes en 2002) qui ne peut que nous émouvoir et rendre compte de l'horreur bien des années plus tard.



L'eau et la terre, l'air de rien, brille de mille feux!
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L'Eau et la Terre

J'ai déjà lu "Lendemains de cendres" du même auteur et je trouve les deux BD complémentaires, avec les mêmes réserves que Noirdésir sur celle-ci, plus complexe à aborder sans informations préalable.



Le massacre perpétré par les Khmers rouges dans leur propre pays après une longue guerre fut abominable de bien des façons. Les chiffres sont hallucinants, les actions stupéfiantes par leurs ampleurs et le silence qui accompagna tout ceci est glaçant. Mais progressivement la parole se délie et des informations apparaissent sur ce régime et ses exactions. Cette BD s'inscrit dans le même ordre d'idée : dénoncer, raconter, se souvenir.

Elle apparait moins comme un documentaire ou un pamphlet qu'une errance dans le régime des Khmers, collectionnant des instantanés de vies de la part de personnes contraintes de fuir les villes, de paysans voyant leurs vies bouleversées et de Khmers qui croient fermement dans leurs combats. L'ensemble est plutôt décousu et présente les différentes situations que des gens peuvent avoir vécus, entrecoupés de cartes présentant l'ampleur des déplacements ou de textes historiques Cambodgien, ainsi que des témoignages. C'est un patchwork qui tente de faire ressentir ce qu'il s'est passé.

Accompagné par le dessin de Sera qui donne un mélange de rendu photographique retouché et de scènes plus sauvage dans le traitement, presque floues. C'est un mélange qui fonctionne en grande partie, donnant une atmosphère proche du rêve (ou du cauchemar) au récit, les figures humaines se mélangeant avec un environnement très présent et une horreur graphique qui joue sur ce qu'elle cache.



Une BD sympathique à lire, instructive et qui conviendra aux personnes s'intéressant au Cambodge et son histoire. Moins complet que "Lendemains de cendres", toutefois, elle se limite à un ressenti de l'intérieur et me semble en ce point complémentaire aux autres ouvrages déjà sortis sur le sujet. Pour ma part, j'ai apprécié et je conseille pour la culture générale et la compréhension de cette horreur encore bien récente.
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L'Eau et la Terre

Une publicité récente a attiré mon attention sur la sortie d’un nouveau volume racontant la tragédie cambodgienne d’un auteur Séra dont je n’avais pas encore croisé la route.

« Impasse et rouge » raconte l’histoire du Cambodge entre 1970 et 1975.

Ma bibliothèque proposait la seconde partie « l’eau et la terre » couvrant la période 1975-1979.

Le roman graphique nous balance dans ce qui s’appelait encore le Cambodge qui allait devenir d'un coup le "Kampuchea démocratique" sous le régime de l'Angkar.

Nous serons au fil des pages des observateurs de la longue errance imposée à un peuple qui n’avait pas d’autre choix que d’attendre la mort comme une délivrance !

Des personnages qui se retrouvent toujours très étonnés d’être encore en vie et capables de faire ce qu’on leur ordonne de faire … c’est le prix de la survie !

Pas de scènes gores, tout est suggéré et éclairé par un texte illustrant les slogans répétés encore et encore, vidés de leur sens.

Le dessin est remarquable, l’authenticité des portraits est saisissante, l’utilisation de photos appuie s’il en était encore besoin pour nous faire ressentir l’atmosphère empoissonnée des scènes décrites.

Les couleurs choisies bien loin d’exprimer la terreur mais plutôt la dissolution dans un cadre majestueux, l’individu disparaissant pour se fondre dans le paysage et disparaître comme si il n’existait déjà plus.

Un vrai travail de mémoire pour que la terre du Cambodge n’oublie pas ce qui s’est passé ainsi que la communauté internationale qui a laissé faire !
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L'Eau et la Terre

C'est la première bande dessinée sur le Cambodge que j'ai découverte grâce à Sera dont les dessins évoquent bien l'atmosphère sombre, les émotions des personnages, leurs malheurs, leur chagrin. Ce livre apporte une autre approche du Cambodge des Khmers rouges et des souffrances qu'ils ont causées avec leur ordre suprême l'Angkar. Les livres, les témoignages et les films nous permettent d'avoir une connaissance de cette période. La bande dessinée de Sera offre quelque chose de différent, de stylisé qui nous marque. Les paysages sombres flamboyants, les regards des personnages, les détails essentiels, la silhouette des palmiers à sucre, les maisons de bois sur pilotis, le chien, les squelettes des arbres nus, le personnage de la couverture avec ses lunettes, son sac dans une main, sa valise dans l'autre, la théière abandonnée sur la route... se gravent en notre mémoire . Le texte illustre le dessin, le souligne.
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L'Eau et la Terre

L'eau et la terre propose des récits croisés. Un soldat Khmer, une jeune fille orpheline, des citadins déplacés, des paysans. Tous jetés sur les routes sur l'autel de la "plus pure" des révolutions. Des récits qui se croisent, qui semblent parfois avancer en parallèle, et qui comptent, par le détails, la folie khmère, les massacres et le désespoir. Les lunettes comme signature au bas d'un arrêt de mort. Et la survivance comme malédiction. Car tous ces personnages disent "je ne suis pas mort". Quand tous leurs proches ont disparus, eux restent là, errant, incertains.



Séra propose ici un récit très intéressant, à la fois lucide et pudique, qui sait dire l'horreur sans vulgarité, mais avec une certaine poésie. Ce qui m'a attirée, c'est le dessin. Fouillant parmi les BD de la médiathèque, je suis tombée tout à fait par hasard sur cette oeuvre, et le dessin si beau m'a tout de suite plu. C'est un dessin sublime, dans des tons de sépias ou de verts, qui réussi a être tout ensemble flou, précis, fantômatique, poétique aussi. Je regrette cependant que les personnages m'aient été si peu reconnaissables. De plus, on passe d'un récit à un autre sans transition, et je me suis un peu perdue parfois. Si bien qu'au bout d'un moment, j'ai cessé de chercher qui était qui.



J'ai trouvé très intéressant le procédé d'insérer des cartes illustrant les mouvements de population ainsi que des pages où sont inscrits des proverbes ou slogans Khmers.
Lien : http://ya-dla-joie.over-blog..
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L'Eau et la Terre

Un carnet de voyage dans le temps de l'horreur, de la colère.



" Pendant trois ans, huit mois et vingt jours, ils [ les Khmers rouges ] firent régner un régime de terreur, provoquant près de deux millions de morts, dans un pays de sept millions et demi d'habitants. " - extrait de l'introduction par Rithy Panh, réalisateur ( son documentaire S-21, la machine de mort Khmer rouge a été primé au festival de Cannes 2002 ).



Des chapitres courts pour raconter l'innommable à la façon de chroniques sur l'exode des citadins réduits en esclavage, pris en otage dans ce pays totalement fermé par et sur la dictature révolutionnaire. Un récit documentaire qui présente des cartes, des illustrations aux légendes informatives. Quelques histoires, dans lesquelles les personnages se croisent, qui disent tout du génocide; kaleidoscope dément. Des instantanés qui cognent, vertige et nausée qui précipitent dans cette fosse historique.



Les dessins sont incroyables, de véritables photographies ( inspirées de photographies comme j'ai pu le lire en dernière page ) aux tons sépias, passés, qui n'atténuent en rien l'intensité, la profondeur de la douleur exprimée, le désespoir, l'effroi et la folie.



Des pages éprouvantes qui mériteraient pourtant relecture tant la violence du récit aveugle parfois; les limites de ce que l'on peut lire et admettre, comme les récits de ce soldat khmer de 14 ans - " L'Angkar est juste. Il ne doute pas. Il fait seulement quelque taches de sang qui seront vite absorbées par la terre et le noir du tissus en coton. " -



Une lecture à poursuivre avec Lendemains de cendres 1979 - 1993




Lien : http://www.lire-et-merveille..
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L'Eau et la Terre

Les vacances d'été approchant , une légitime envie d'ailleurs devrait dès lors vous titiller le passeport . Séra , de son vrai nom Phousséra Ing , vous propose ici le Cambodge . Un autre regard , bien loin de celui des cartes postales estivales fleurant bon l'exotisme et la sérénité bouddhiste .

Cambodgien de naissance ( 24 juin 1961- ) et expatrié en 1975 dès l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir , à défaut de se raconter , il retrace douloureusement les brutales exactions de ces nouveaux dirigeants sanguinaires qui auront irrémédiablement plongé ce pays devenu autarcique aux yeux du monde dans un chaos indescriptible .



Ni juge ni partie , Séra se pose en témoin privilégié pour délivrer cette incroyable BD document .

Un récit fort , poignant et triste , à l'image de cette éprouvante parenthèse historique génitrice de près de deux millions de morts en un peu moins de quatre ans .

Quatre longues années de terreur à plier sous le joug de ces despotes toujours plus enclin à une barbarie journalière semblant ne posséder aucune limite .

Citadins , paysans , soldats , trois castes bien distinctes , trois trajectoires désormais diamétralement opposées , trois regards forcément différents sur ce qu'il convient désormais d'appeler un génocide .

Des rapports oppresseurs / oppressés finement évoqués si tant est qu'un tel drame puisse être de quelque finesse que ce soit...

Séra se fait le porte-parole d'un peuple meurtri dans sa chair et dans son âme sans manichéisme aucun mais avec le pressent désir de rendre hommage à un peuple , à son peuple .



Un graphisme monochrome proprement hallucinant d'authenticité .

Une mise en image ingénieuse laissant la part belle à une voix off judicieuse .

Des textes d'une justesse éblouissante .

Séra est toujours sur le fil , tel un funambule , en sous-tendant plutôt qu'en démontrant . Ni gore , ni ketchup au menu mais la puissance explosive du suggestif , beaucoup plus efficace .

Un superbe et douloureux album au final...



L'Eau et la Terre : l'air de rien , du feu de dieu !

http://www.youtube.com/watch?v=1-SI8RF6wDE
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L'Eau et la Terre

Avril 1975. Les Khmers rouges ont pris le pouvoir au Cambodge. Le régime de l’Angkar s’arroge désormais le pouvoir de décider de la vie et de la mort de millions de Cambodgiens.



De 1975 à 1979, les Khmers rouges vont faire régner la terreur. Des déportations massives de populations vers les camps de travail ou les Centres de sécurité ont lieu, les marches forcées font vivre l’enfer aux civils. La liberté est bannie, les écoles sont fermées, les familles sont décimées, il est interdit de rire !



« Sur le chemin de l’exode, les citadins vont découvrir l’autobiographie. Ils allaient devoir raconter leur vie dans les moindres détails… Leurs maigres bien emportés à la hâte seront peu à peu confisqués. Tous devaient gagner les rizières et travailler dur pour remettre le pays sur pieds. Dans le même temps, les Khmers rouges se retirèrent de la Communauté internationale. Il n’y eut plus aucune liaison avec le monde extérieur. Le pays se refermait sur lui-même volontairement. Cet isolement, les Cambodgiens allaient devoir le subir aussi au quotidien. Tout était devenu interdit : l’argent, la religion, les fêtes, le rire, la musique… Tous les jours devaient être consacrés au travail et à rien d’autre » (L’eau et la terre, avril 1975).



-



Séra rend hommage à ces hommes, femmes et enfants qui ont été meurtris dans leurs corps et dans leurs âmes. L’album s’ouvre sur une magnifique illustration qui dépeint des palmiers à sucre. Une voix-off s’installe, « Nous sommes en pays khmer, il y a cinq mille ans, ces terres n’existaient pas. Elles étaient entièrement recouvertes par la mer. Selon la légende, les premiers habitants étaient des Nâgas, des serpents mythiques. Pour le reste du monde, le Cambodge était le Pays du Sourire ». De sourire, nous n’en verrons pas dans cet ouvrage… exceptés ceux que les êtres qui peuplent ce récit ont vécus par procuration grâce à quelques billets de Riels (ancienne monnaie cambodgienne) que l’on cache comme des trésors.



Les couleurs de l’album nous y préparent avant même que la lecture ne commence. Les gris et les sépias sont les porte-paroles des deux principaux protagonistes de ce travail de mémoire : la Peur et la Mort. Ces entités invisibles s’imposent avant même que quelques civils cambodgiens se démarquent dans le récit. Des individus semblables à des fantômes tant ils sont dépossédés d’eux-mêmes, tétanisés par la violence quotidienne qui les enserre. Contraints d’accepter cette loi du plus fort, ils s’effacent pour survivre.



Il est peu fait référence au positionnement de la Communauté internationale face à ce génocide. Tout au plus, un ou deux passages y font référence mais sans aucun jugement de valeur. Il n’en reste pas moins que le silence des autres nations face à ce drame fait réfléchir. L’Occident a laissé la population cambodgienne aux mains de ses bourreaux pendant quatre années…



Phoussera Ing (son nom complet) est né au Cambodge en juin 1961. Il quitte son pays natal en 1975 pour la France et réside encore aujourd’hui à Paris (…). En 2005, il revient avec un récit réel et poignant sur le pays de son enfance peut-on lire sur Bedetheque.



On perçoit rapidement le positionnement de l’auteur pour les cambodgiens mais ce parti pris ne s’impose pas au lecteur ; sa motivation semble n’être nourrie que par la volonté de rendre hommage à son peuple sans avoir à dénigrer quiconque.



Aucun pathos dans le traitement du sujet, l’auteur ne semble pas rechercher des réactions extrêmes (pitié, indignation) chez le lecteur. Il refuse de juger ouvertement les actes qui ont été commis durant le régime de l’Angkar. Il est passeur de témoignages et sa neutralité est assez déroutante. En effet, les propos contenus dans cet album nous permettent d’accéder aux témoignages et au quotidien des civils comme à ceux des soldats Khmers rouges. Il me semble que Séra a su trouver un équilibre narratif percutant.



Ce serait une grave erreur de ne pas parler de la qualité du travail d’illustration de l’auteur. Les propos n’hésitent d’ailleurs pas à s’effacer à de nombreuses reprises, laissant le lecteur seul face à des visuels d’une grande force. A ce sujet, l’auteur explique dans une interview « Là, c’est ma fibre cambodgienne qui parle. Le silence est parfois plus parlant que les bavardages longs et inutiles. L’Eau et la Terre est un ensemble de fragments de vie » (source : Auracan). Tout est en retenue, tout est silencieux. Le dessin réaliste de Séra nous saisit. L’utilisation de photographies retouchées vient régulièrement compléter les dessins. Il n’y a pas d’étalage de violence, pas de scènes chocs, les choses sont abordées avec pudeur.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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