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Citations de Albertine Sarrazin (188)


A J.-P. Castelnau
La Tanière, 18/6/65

Les quatre livres (Céline, Écrivains en personne et Lettre sur le pouvoir d'écrire) me sont bien parvenus. Je vous en remercie énormément : ça me fait du bien de remettre le nez dans la bibliothèque, j'ai déjà presque avalé le « Voyage » et j'en ai de plus en plus faim. Gigantesque ce Céline, je souhaiterais en fin de carrière, avoir un dixième de son débit... il me déteint, je ne récrirai pas avant d'en avoir lu beaucoup d'autres, différents. Je vais avoir le temps cet été.

2530 – [Le Livre de poche n° 5134, p. 78]
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9/2/65

Je n'ai pas perdu ces 4 mois passés, l'été dernier, à l'ombre : j'ai écrit un second livre. Si vous voulez, je vous l'apporterai, ainsi que le premier. Leurs titres sont « La Cavale » et « Soleils noirs », et sont, bien sûr autobiographiques... Simone de Beauvoir m'avait assuré de faire éditer la Cavale, mais... cela traîne. Une amie va aller la tisonner à Paris, puisque, moi-même, avec l'interdiction de séjour, hum !...

2528 – [Le Livre de poche n° 5134, p. 25]
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... Parce que je retrouve ma cellotte, mon home, ma piaule, ça pue bon : un mélange de savonnette, de fruits mollissant sur le placard, de Gitane dix fois fumée... D'ailleurs je préfère jules-mon seau à la bouche jamais brossée de certaines dames : il faut avoir vécu en taule ou être toubib aux urgences, pour savoir à quel point la majorité des gens est cradingue. En taule comme aux urgences, on arrive souvent par surprise.
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Maintenant que je suis condamnée, la promenade est obligatoire. Sauf avis médical. Mais je me demande si le toubib accepterait de me faire un certificat d'ennui ? Je n'ai encore montré l'enfant d'Esculape que mes engelures (et c'est encore l'été !), je n'ose pas lui dire que j'ai aussi le crâne gercé.
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- On baptise souvent volonté l'entêtement, et patience l'inertie.
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Plus j’y pense, plus la cavale recommence à me courir dans le cigare. Les coups de flingue et les mâchoires des cadors sont loin, l’envie de dehors se rapproche, devient obsédante. Je pense à la pluie qui cire, la nuit, l’arrondi des murs, à l’attirance prometteuse et noire sous les pieds, la tierce de dégoût avant d’ouvrir les doigts… Se tuer, jeu de prince… Non, je déconne : si ‘arrive en haut de ce mur, c’est que j’aurai apporté de quoi descendre sans me casser encore quelques os. Après, je reniflerai l’odeur tiède et comme retrouvée des guimbardes furtives, et recommencera la sarabande-hésitation des bars et des routes, des écroulements au soleil…
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23 août 1959 : Abandonner une bonne fois le désir d'être entendu. C'est une coquetterie vaine que d'essayer de se faire comprendre, car nous ne ferons, jamais nos preuves par le truchement d'autrui. En effet, bous lui demandons moins un jugement juste qu'une espèce de lèche. "Qu'on nous parle de nous, en bonne ou en mauvaise part mais qu'on ne nous oublie pas.", voilà.

808 - [Pocket n° 2138, p. 241]
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Ce soir, pendant que je ferai la vaisselle, cette nuit pendant que je dormirai, (mon manus on ne peut le lire que d’une traite), un homme me découvrira, me dénudera comme une mante ; il fera l’amour avec mon livre, il aura dans les mains, dans les yeux, dans la tête ma vérité toute nue, enfin.

Comme c’est bon, comme ça fait battre le cœur, le premier lecteur, comme c’est meilleur qu’un éditeur ! J’en frissonne de joie et d’appréhension, c’est comme si j’allais perdre mon pucelage…

Comme il fallait s’y attendre, mon lecteur n’en a pas dormi de la nuit…

259 - [Le Livre de Poche n° 2705, p. 302]
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31 décembre 1958 - C'est en connaissance de cause que, chaque fois que possible, je me risque à recommencer un journal, avec l'espoir de sauver quelques miettes du naufrage... Jusqu'à présent, cela n'a pas réussi : tous mes écrits ont été confisqués ou égarés. Pourtant je réitère, car je crois cette fois qu'il n'y aura pas de naufrage. Et j'aime mieux risquer que gribouiller, vingt ans après et les pieds dans les pantoufles, des mémoires aussi mensongers que peu vivants. Ce sera amusant de confronter... Je m'efforce à la clarté, et à bannir les élucubrations, le style télégraphique... mais bien difficile et peu attrayant. Si charmant les phrases mal tournées, brèves puis sans transition contournées et essoufflantes, émaillées de ces formules mi-étranger mi-nègre que je pige seule... Ai-je rêvé de ce mélange de calligraphie et de gribouillis, d'argot et de Marie-Chantal, d'ordure et de poème. Sautiller, mordre et rejeter, faire la biffe dans le grand tas des impressions, et tout à coup, rayonnante et les reins cassés, élever au bout de ses doigts une image toute neuve, qui dormait sous la poussière, et qui à présent étincelle au soleil...

176 - [Presses-pocket n° 2138, p. 161]
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Je tourne une page, et, l'air détaché, je me mets à fredonner: «Va t'faire enculer, va t'faire enculer. Avec la balayè-è-è-te».
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Extrait Chap.IX (** " La Traversière")

...Et demain, pas plus qu'hier pas plus qu'autrefois, aucun de nous n'abordera le sujet. Et moi non plus, même à mon ombre je ne raconterai jamais rien, faut pas qu'on y compte : le vol c'est comme l'amour, c'est des gestes et parfois l'éblouissement au bout, ça se fait en silence, la nuit au chaud des maisons ou sous la bienveillance des étoiles, c'est Noël et le Père Noël n'a jamais écrit ses mémoires. Le vol c'est aussi la tête coupée ou trouée, la vie tout à coup vidée comme des étriers, ou lentement comme du sang, si l'on rate la montée en l'air, si l'on confond avec la nuit l'oeil noir du révolver ; c'est les yeux au bout des gants, les yeux à chaque porte, les yeux et les ailes délicates sous chaque pas.

( p.270)
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Montpellier, le 18 /10/66

Ma bien chère marraine,
(...)

Je dédie ce livre, qui s'appellera je pense " Les Traversières", à mon ex- père le médecin- colonel R...Tout ce qui devait être raconté l'a été, et cruellement je vous assure, tant pis pour les réactions, tout ça je l'avais dans les tripes depuis longtemps. C'est, en même temps, l'histoire d'un manuscrit. Enfin, ne parlons pas de la peau de l'ours, tuons- le d'abord...Je m'y emploie de mon mieux.


( p.274)
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Noël 1965

Dans Paris qui autrefois m'avait happée et digérée, je revenais sans autre souci que d'être à l'heure pour son invite, Paris avait remis des papiers propres à mon nom et se demandait ce que j'allais en faire.Après avoir appris, désappris et réadapté pour les besoins de la vie en cellule les gestes élémentaires, après avoir mangé des années sans couteau ni fourchette avec les belles dents de l'état sauvage, après le mutisme et le grognement, le manque, le palliatif et le truc, j'étais invitée...Il fallait me servir la première, connaître ceux dont parler et écrire constitue le plus clair de la vie, user d'objets dociles...


( p.177)
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Albertine Sarrazin
Ilya des mois que j'écoute
Les nuits et les minuits tomber
Et les camions dérober
La grande vitesse à la route
Et grogner l'heureuse dormeuse
Et manger la prison les vers
Printemps étés automnes hivers
Pour moi n'ont aucune berceuse
Car je suis inutile et belle
En ce lit où l'on est plus qu'un
Lasse de ma peau sans parfum
Que pâlit cette ombre cruelle
La nuit crisse et froisse des choses
Par le carreau que j'ai cassé
Où s'engouffre l'air du passé
Tourbillonnant en mille poses
C'est le drap frais le dessin mièvre
Léchant aux murs le reposoir
C'est la voix maternelle un soir
Où l'on criait parmi la fièvre
Le grand jeu d'amant et maîtresse
Fut bien pire que celui-là
C'est lui pourtant qui reste là
Car je suis nue et sans caresse
Mais veux dormir ceci annule
Les précédents Ah m'évader
Dans les pavots ne plus compter
Les pas de cellule en cellule

(Fresnes, 1954-1955)
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Des gens de la prison et de la ville l'ont aperçue, gisant sous les ponts du fleuve, demi-nue sous la froidure, et ils ont pressé un pas frileux vers leurs radiateurs.
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Vivons des virages, des carambolages et des paysages...
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L'essence, c'est cela, je crois : avoir conscience qu'on est autre et ne pas s'y résigner. C'est pourquoi jamais, jamais ne finira la recherche. Recherche qui est angoisse et manque, et en même temps passion et joie.
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Qu'est ce qu'un verre d'eau en tempête, à côté du moindre lac dans la montagne? Une heure de belle pluie ne suffit-elle pas à effacer mille piétinements? Écouter la pluie, la calme leçon. Je ne prêche pas ici la bonté : en eussè-je même l'idée, la timidité me clouerait le bec tout de suite.
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Nous sommes peu adaptés aux secousses, nous les carcasses raisonnables.
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C'est très beau de ne pas pécher contre l'espérance , mais ne pas pécher contre le règlement, quel délice nouveau pour moi ! Je sais ainsi que des convocations au bureau ne peuvent résulter que des agréments, et j'y marchais tantôt, ' calme comme l'eau morte d'un lac.
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