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Citations de André Soubiran (63)


Si vraiment, comme le prétend la sagesse populaire, la folie est une infortune qui s’ignore, donc une infortune sans souffrance, j’aurais voulu, pour le temps exact de mon internement, cesser d’être un homme raisonnable. Au lieu d’errer seul dans l’enclos en songeant au visage aimé ou à l’inaccessible maison, à mon tour, j’aurais vécu de quelque ahurissante idée fixe à quoi la démence et ses hallucinations eussent enlevé, au moins pour moi, toute apparence de chimère. Oui, tant qu’on ne peut pas sortir d’un asile, la suprême chance serait de devenir temporairement un peu fou !
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Non, pas comme en prison, mais pire. Au lieu d’un gardien faisant les cent pas en s’en foutant, vous aurez deux ou trois infirmiers qui, sans en avoir l’air, ne vous lâcheront pas une minute et, même, viendront se mêler à votre conversation. Et il vous faudra parler assez fort pour qu’ils n’aient aucune raison de suspecter une cachotterie. Sans ça, gare ! Dans leur rapport au médecin-chef, votre a parte deviendra un préparatif d’évasion.
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Quand on impose à un navire une quarantaine parce qu’il se trouve des contagieux à bord, nul n’oserait prétendre que c’est pour les soigner. Alors pourquoi faire entrer l’internement dans les moyens thérapeutiques, s’il s’agit d’incarcérer et de « réduire », non de guérir ?

-Notes-
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Seules les histoires obscènes arrivaient à réconcilier mes compagnons pour quelques instants et, tandis qu’ils écoutaient, tassés autour du narrateur, on pouvait deviner quelles terribles visions brûlaient derrière leurs paupières mi-closes.
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Que peut faire le médecin de campagne, à la fois pédiatre et gynécologue, devant l’organisation de la vie rurale ? A la femme incombe les soins du ménage, des enfants, du petit bétail et d’une bonne partie des travaux des champs, le tout dans des conditions demeurées le plus souvent primitives. Devenue mère, comment allaiterait-elle à des heures fixes, alors qu’elle ne peut abandonner le travail qu’elle est en train d’accomplir au loin ? Aussi, je ne m’étonne plus des infections digestives pour lesquelles on m’appelle. Lait abandonné aux bataillons de mouches pendant des heures, biberons mal dosés, mal nettoyés, suffisent à expliquer les diarrhées graves pour lesquelles les parents, soudain affolés, me réclament avec véhémence « des piqûres » , tout en laissant l’enfant sucer une vieille tétine emmanchée sur un bouchon ou bien un bonbon enveloppé dans un bout de linge, cela afin d’empêcher leur rejeton, croient-ils, de se faire une hernie en criant.
Tout de suite promue gynécologue par la renommée, j’ai examiné chez elles ou j’ai vu venir à ma consultation des femmes qui disaient « avoir une maladie dans le ventre ». Plus encore que pour mes patientes de Gennevilliers, ce sont leurs servitudes de femelles qui les accablent, qui les rongent. Même enceintes, ces femmes ne connaissent aucun repos et ne se couchent qu’aux premières douleurs. Les relevailles sont hâtives, car le travail presse. A quarante ans, ces grandes créatures d’apparence robuste déballent, sur la table d’examen, des ventres effondrés, des décalcifications, des vergetures, des varices, des métrites, des ptoses, et toutes m’expriment le vœu de voir venir la ménopause, qui les délivrera enfin des risques venu d’un mari trop « venimeux », -- comme je ne comprenais pas le mot « venimeux », l’une m’a expliqué : « Ben quoi ! n mari trop faisseu d’nourrice. L’mien, y m’a déjà fabriqué sept enfants ».

289 - [Le Livre de poche n° 371, p. 421]
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A sept heures, la porte du réfectoire s’ouvrait. Quelques minutes plus tard, le petit-déjeuner avalé, tout le monde était là, de nouveau, mais le charme des débuts de la matinée avait été rompu ou peut-être avait-il trop duré pour des cervelles versatiles ? La radio fonctionnait déjà, à plein régime. On eût alors annoncé l’extinction des eux que tous les gens du III seraient repartis se coucher avec conviction. Et pourtant la journée débutait à peine.
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Ah ! Le jour où je quitterais l’asile, on pourrait plaider devant moi la cause des fous ! Je les avais vus vivre de trop près pour ne pas conserver à jamais, envers la folie, un hérissement et un recul. Plus de sensiblerie, plus de compassion pour tous ces monstres si tragiquement satisfaits d’eux-mêmes, si fiers de leur méchanceté, de leur perfidie, de leurs ignominies à la fois infinies et monotones !
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A l’époque de mes études médicales, on pouvait fort bien soutenir la thèse de doctorat sans avoir jamais pénétré dans un service d’aliénés et il suffisait de savoir rédiger un certificat d’internement pour s’estimer en règle avec la science des psychiatres.

-Notes-
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De même qu’on suce lentement un bonbon pour en prolonger le plaisir, il eût fallu, pour mieux parvenir à tuer le temps, faire durer la moindre occupation. Mais le cri perpétuel des infirmiers était : « Allons, pressons ! » et l’on se pressait pour n’aboutir jamais nulle part ou pour tous se retrouver, cinq minutes après, autour de la table, désœuvrés, les bras ballants et traînant les pieds, car, par veulerie, épuisement ou bouderie, peu importe, au III, internés et gardiens, tous traînaient les pieds.
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... ma compassion restait théorique. Dès que je me retrouvais dans cette fosse qui sentait l'humidité pourrie et la défaite, devant les querelles, les injures, les visages imbéciles ou haineux, ma pitié était aussitôt barrée par l'horreur.
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Tout raisonnement permettant de conclure que le monde des gens dits normaux va très mal recueille de façon à peu près automatique l’adhésion des fous.
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Le plus beau des triomphes n’était pas dans les titres, le nom sortant de l’ombre, la petite cour du Patron, mais dans la lutte contre la souffrance avec de meilleures armes. Il ne pouvait y avoir de gloire plus pure que de sauver un malade, que de voir la mort et l’angoisse quitter par degré un visage, et l’espoir apparaître avec le pâle sourire du convalescent.
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Pendant dix mois, j’avais été cet homme ; dans l’enlisement progressif du Quartier, j’avais sans cesse dû, pour ne pas sombrer, garder, au prix d’une gymnastique effroyable, mes narines et mes lèvres au-dessus de l’eau trouble. Alors que chaque vie est faite pour s’accrocher à d’autres vies, je n’avais pu que compter sur moi pour me sauver. Et soudain, dans cette lente suffocation où je finissais de mourir loin de Colette, le nouveau venu avait été mon oxygène. Cette trop forte bouffée m’avait soûlé.
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Ici, au Quartier de Sûreté, les irresponsables sont la norme ; comme tout est relatif dans la vie en société, automatiquement, entre nous, nous redevenons en quelque sorte responsables. Et nous punir d'une descente à la paille est peut-être, dans l’esprit du médecin-chef, une espèce de faveur… En nous punissant, il nous traite comme se traitent entre eux les gens normaux… Désagréable, mais flatteur !
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L’énorme table de chêne, prudemment scellée au sol ainsi que les bancs, et qui occupait le grand axe de la salle commune, avait huit mètres de longueur. Au long de ces huit mètres allaient décroissant, chez ses occupants, l’application, l’intelligence, la conscience. On pouvait voir, à un bout, Romano étudier le grec et, à l’autre, Chalimar se coller des décalcomanies sur le front.
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Quand vous aurez envie de prendre l’air, annoncez : « Je vais dans la « cour » ou, mieux : « Je vais dehors ». « La cour », ça fait encore un peu prison, tandis que « dehors » n’est pas trop suspect d’être mal interprété. Chacun sait que dehors », au Quartier, ça veut toujours dire « dedans », mais cet euphémisme fait plaisir à tout le monde.
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Le bureau, l'auto ont fait de la plupart d'entre nous des sédentaires, et l'immobilité, insidieusement, nous gagne avec son pénible cortège : obésité, migraines, insomnies, essoufflement...
Si l'art du tailleur arrive à sauver votre silhouette citadine aux beaux jours, la piscine et la plage sont sans pitié pour ces dos voûtés, ces poitrines creuses, ces ventres en besace, ces cuisses maigres, ces mollets de coq...
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C'était en vain. Je n'arrivais pas à ressentir la détente bienfaisante qui suit, d'habitude, un grand péril conjuré. L'angoisse survivait au cauchemar. Contracté, les yeux clos pour mieux concentrer mes forces, de toute la volonté, je tâchais d'épuiser cette angoisse superflue, cette panique instinctive d'animal qui a flairé, en passant près de l'abattoir, l'odeur du sang.
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... dès que la phobie de l'évasion prend un gardien, rien ne suffirait à le rassurer.
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"Au Quartier, il n'y a qu'une façon d'avoir raison. C'est d'en sortir."
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