Citations de Anne Perry (1292)
[...]Porté par une grande cause, on peut devenir un héros. On peut cacher ses faiblesses, et l’intimité ne nous met pas à l’épreuve.
Le jugement et l’art de la diplomatie ne sont jamais superflus dans une famille nombreuse. Ce sont ces qualités-là qui font la différence entre le bonheur et la morosité.
On ne répand pas des accusations à tort et à travers avant d’être certain des faits sur lesquels on se fonde. Il est trop aisé de ruiner une réputation, et trop difficile de revenir en arrière une fois que le mal est fait.
Je préfère les gens pris individuellement : dans une foule, je trouve qu’ils calquent leur attitude sur les qualités les moins glorieuses de leur voisin. L’instinct grégaire, j’imagine… L’odeur de la peur, du sang…
Grâce à Dieu, il était devenu possible depuis peu d’anesthésier les patients pendant toute la durée de l’intervention. Ainsi la rapidité avait-elle cessé d’être la nécessité première. Le chirurgien pouvait s’offrir le luxe de réaliser une opération en plusieurs minutes, et non plus en quelques secondes comme c’était le cas autrefois. Il prenait désormais le temps de respecter l’hygiène, d’envisager différentes possibilités, de réfléchir et de bien examiner le champ opératoire, au lieu de ne songer qu’à la douleur du patient et de se hâter de l’abréger.
— Vous retournerez à St. John ?
La question étonna fortement Joseph. Etait-ce ce que Morel pensait de lui ? Qu'il allait se bâtir un nouveau cocon en retournant vers la même vieille échappatoire, exactement comme s'il ne s'était rien passé ?
— Retourner vers quoi ? dit-il un peu sèchement. Vous ne croyez pas qu'après la guerre on ne se bousculera pas pour étudier les langues bibliques ?
— Ces langues ont leur utilité, répondit Morel, d'un air soucieux. Si on avait étudié le passé d'un peu plus près, peut-être aurions-nous su mieux anticiper l'avenir.
— C'est un travail de dilettante. Je ne crois pas que nous aurons beaucoup de temps libre dans les années d'après-guerre. Les choses ne seront plus pareilles.
— Rien ne sera plus pareil, admit Morel avec force. Les femmes font la moitié des métiers des hommes. Leur vie ne dépend plus de celle de leur mari. On ne reviendra plus en arrière, plus maintenant. Regardez votre sœur.
Il parlait de Judith, mais Hannah elle-même avait changé. A travers toute l'Europe, des femmes avaient appris à se débrouiller seules avec courage et exerçaient des métiers impensables pour elles avant la guerre.
— On ne peut pas remonter le temps.
— Grands dieux, non ! fit Morel, soudain agressif. Et c'est valable dans tous les domaines ! J'ai combattu aux côtés d'hommes qui auparavant me servaient à table et ciraient mes chaussures. Plus jamais ça !
— Nous ne reviendrons pas à ça.
Il n’y a pas de mal à être ridicule, il y en a beaucoup à ridiculiser son prochain.
Si l’honneur obtenait toujours ce qu’il exige, le monde ne serait pas ce qu’il est.
[...] Parfois, même les gens honnêtes cèdent à la tentation quand leurs amis se lancent dans une affaire frauduleuse. La loyauté peut parfois… tromper le jugement, surtout quand on doit sa prospérité à la générosité et à la confiance d’un autre.
Nous sommes égaux devant la loi [...] c’est là l’essence de toute justice. [...] Si nous cessons de l’être, la justice est détruite. Quand nous accusons un homme, nous avons souvent raison, mais pas toujours. La défense existe pour nous protéger tous des moments où nous nous trompons. Il arrive que des erreurs soient commises, des mensonges racontés, des preuves falsifiées ou détournées. La haine et les préjugés, tout comme la peur, les faveurs ou les intérêts personnels peuvent déterminer un témoignage. Chaque dossier doit être mis à l’épreuve. S’il ne résiste pas à la pression, il est imprudent de condamner, et impardonnable de punir.
Mais savoir ce qui ne va pas, c’est déjà avoir parcouru la moitié du chemin pour améliorer les choses.
[...] Parfois des êtres qui paraissent proches cachent une solitude douloureuse qu’un étranger ne peut percevoir; d’autres, qui semblent poursuivre leur chemin sans tenir compte de l’existence de leur conjoint, vivent en parfaite harmonie; leurs silences tiennent au fait qu’ils n’ont pas besoin de parler pour se comprendre; leurs petites disputes cachent parfois une tendre chaleur et une grande loyauté.
Sous la tente, les infirmiers regardaient les nouveaux arrivants. Ils essayaient de faire le tri entre les cas urgents, ceux qui pouvaient attendre et ceux, enfin, pour lesquels il était trop tard. Les éclopés, moitié assis, moitié allongés, le teint terreux, affichaient la terrible patience désespérée de ceux qui ont si souvent vu l'horreur qu'ils ne peuvent plus lutter contre elle. Ils essayaient de prendre conscience qu'il leur manquait un bras ou une jambe ou que c'était bien leurs intestins qu'ils tenaient entre leurs mains sanguinolentes.
[...] la réputation d’un homme peut-elle jamais sortir intacte d’une enquête approfondie, quand il n’est plus là pour se défendre et s’expliquer ? Les faits bruts d’une vie, examinés et disséqués par les autres, peuvent-ils dévoiler les chagrins et les espoirs qui ont marqué et peut-être trompé celui qui l’a vécue ?
— Vraiment ? fit-il, dubitatif. Quoi qu’il en soit, je ne vous laisserai pas vous lancer dans cette aventure avant que vous m’ayez fait le serment que vous vous contenterez d’observer. Regardez et écoutez, c’est tout ! Vous m’avez bien compris ?
— Évidemment que je vous ai bien compris ! rétorqua-t-elle, cinglante. Le vocabulaire que vous utilisez n’est pas très complexe, que je sache ! Seulement, je ne suis pas d’accord ! Et qu’est-ce qui vous fait croire que vous pouvez me donner des ordres, je me le demande ! Je ferai ce que j’estime adéquat. Si cela vous convient, tant mieux. Sinon, en ce qui me concerne, cela ne changera rien !
— Dans ce cas, ne venez pas pleurer si l’on vous agresse ! Et si on vous retrouve étranglée dans un coin de l’hôpital, je serai très triste, mais certainement pas surpris !
— Au moins, vous aurez la satisfaction de pouvoir dire à mon enterrement que vous m’aviez prévenue, répliqua-t-elle en le fixant de son regard dur.
— Une bien piètre satisfaction si vous n’êtes pas là pour m’entendre…
Une demoiselle qui ne laissait pas une impression favorable à sa première saison se retrouvait dans une posture périlleuse. Celle qui n’avait pas trouvé un époux durant la seconde pouvait s’estimer frappée de désastre.
Il est étrange de constater comme tout un pan de la vie des gens nous demeure voilé, même si on les rencontre quotidiennement, qu’on aborde toutes sortes de sujets avec eux, qu’on fréquente la même demeure et la même famille, jusqu’à suivre la même destinée. Et pourtant, tout ce qui relève de leurs pensées, de leurs sentiments et de leurs croyances les plus intimes a pris corps dans des endroits où vous n’avez jamais mis les pieds et correspond à des événements qui vous demeurent étrangers.
Toute enquête criminelle policière met au jour davantage que le simple crime: multitude de petits péchés, de secrets douloureux, de peccadilles honteuses qui, une fois découverts, peuvent détruire l’amour ou l’amitié et anéantir une confiance mutuelle qui, en d’autres circonstances, aurait pu supporter toutes sortes d’épreuves.
La guerre peut déposséder les hommes de leur humanité. Des individus dont vous auriez juré qu’ils étaient intègres, et ils l’étaient avant que la peur, la douleur, la famine, et la propagande de haine les dépouillent de cette intégrité en leur laissant uniquement la volonté animale de survivre.
[...] chacun a une limite à son endurance, à sa patience, un seuil à sa douleur. On ne sait jamais quel chagrin, quelle perte ou quelle indignation pousse quelqu’un dans le précipice. Cela prend parfois par surprise, lorsque le désespoir l’emporte. Personne n’est immunisé [...]