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Critiques de Annemarie Schwarzenbach (28)
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La mort en Perse

Le Blue(s) d’Ispahan



“La fièvre n’est pas une chose désagréable.” Schwarzenbach, écrivaine, archéologue, reporter suisse allemande nous offre le journal de son voyage désespéré en Iran. Car il n’y a aucun lieu sur terre pour combler la dépression qui ronge celle qui considère que le bonheur ne lui fut jamais donné.



"Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie."



Riche héritière, la jeune Annemarie est en conflit avec les idées très réactionnaires de sa famille, mais en conflit également avec une époque, celle des tristes années trente qui succèdent aux années folles de la libération de la femme. Son homosexualité lui pèse, elle épouse le diplomate Achille Clarac, lui aussi homosexuel et part (ou prend la fuite) avec lui en Iran.



La Mort en Perse est le récit de ce qu’elle ressent dans cette région de l’Iran, mais un récit sous prozac (sous morphine plus exactement, addiction dont elle souffrira toute sa courte vie). Le lecteur se retrouve, comme le Demavend, témoin muet du brûlant désespoir de la diariste, dont les souvenirs ne seront publiés que de façon posthume, la chaleur l’étouffe à l’extérieur et sa fièvreuse maladie de vivre la consume à l’intérieur. Aucun réenchantement du monde possible à travers son regard, la lassitude qu’elle peut éprouver me rappelle ce vers de la poète polonaise Wislawa Szymborska “dur de surprendre le monde en flagrant délit d’autrement”.



Pourtant son talent littéraire est indéniable, la limpidité de sa phrase, le caractère brut du sentiment qui la traverse, nous parviennent, notamment dans la seconde partie du livre où elle consigne un amour saphique pour une jeune turque, Yalé, emportée par la phtisie. Confession d’autant plus précieuse que l’essentiel de ses écrits amoureux seront détruits par sa puritaine de mère après sa mort.



Ni ses aventures orientales avec Ella Maillart, ni son étourdissement dans les milieux interlopes avec Klaus Mann et sa soeur Erika Mann ne purent cependant redonner le goût de vivre à celle qui, selon le mot de son ami Roger Martin du Gard promenait “sur cette terre son beau visage d’ange inconsolable”. C’est finalement dans sa Suisse natale qu’après une chute de bicyclette Annemarie Schwarzenbach, 34 ans, s’éteint ou plutôt s’envole car comme écrivit la poète autrichienne Ingeborg Bachmann, “toute personne qui tombe a des ailes”.



Qu’en pensez-vous ?
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Où est la terre des promesses ?



6 juin 1939, quelques mois avant le début de la deuxième tuerie mondiale, 2 jeunes femmes partent en bagnole de Genève en Suisse à Kaboul en Afghanistan.

Les voyageuses sont :

- Annemarie Schwarzenbach, 31 ans, écrivaine, photographe, journaliste et aventurière suisse ;

- Ella Maillart, 36 ans, exploratrice, écrivaine et photographe suisse.

La voiture : une Ford Deluxe, modèle 1937, cabriolet, 2 portes, 8 cylindres en V.

J’ai ajouté une photo des 2 dames à bord de leur bolide en route pour l’Afghanistan.



De ce périple surprenant existent 2 témoignages, le présent livre sorti, à titre posthume en version originale en l’an 2000 et d’Ella Maillart "La voie cruelle", initialement publié en 1947 et réédité en 1952.



En hommage à ces 2 découvreuses, les Belges Gaea Schoeters et Trui Hanoulle, sont parties à moto (des Suzukis Dr 650 SE) à Sanaa au Yémen en passant par l’Iran, le Turkménistan, le Tadjikistan et 6 autres pays musulmans en 1999. De cette exploration, 60 ans après les Suissesses, couvrant 30.000 kilomètres, elles ont publié en 2018 un magnifique album "Meisjes, moslims en motoren" (Filles, musulmans et motos, hélas pas traduit en Français).



Avant même de partir Annemarie Schwarzenbach avait noté : "Pourquoi quittons-nous le plus beau pays du monde ? Qu’est-ce qui nous pousse à aller vers l’est sur des routes désertes ?"

En effet, pourquoi ?



Pour les 2, il y a eu avant tout le goût prononcé de l’aventure et le besoin d’exploration.

Ella Maillart (1903-1997) avait déjà traversé l’Asie centrale soviétique et visité le Mandchoukuo, la Chine et différents pays du Moyen-Orient.

Annemarie Schwarzenbach (1908-1942) avait elle aussi déjà voyagé en Iran en 1933, où à Téhéran elle avait épousé en 1935 le diplomate français Achille Clarac (1903-1999). Comme indiqué dans ma critique du 14 mai 2019 de son livre "La mort en Perse", elle ne supportait pas la pression d’une famille richissime et écrasante. En plus, elle ressentait comme lesbienne des difficultés dans son entourage et souffrait d’une addiction à la morphine.



L’ouvrage, qui compte 188 pages, est structuré en chapitres relativement courts, sous forme d’articles parus dans la presse, principalement le "National-Zeitung" de Bâle et le "Luzerner Tagblatt, en 1939-1940, ainsi que des textes manuscrits découverts après sa mort. Ces chapitres vont des frontières des Balkans, jusqu’à la route de Peshawar en passant par l’Ararat, la steppe entre la Perse et l’Afghanistan, Kaboul, la traversée du Canal de Suez, etc.



En fin de volume figure une charmante postface de 22 pages par Roger Perret, auteur d’une anthologie de la poésie suisse moderne, écrit en l’an 2000 et qui fait le point de cette expédition extraordinaire.



Une carte géographique sur 2 pages, tout au début de l’ouvrage, permet aux lectrices et lecteurs de suivre pas à pas l’exploit remarquable de ces vagabondes courageuses.



Quant au style et écriture, Annemarie Schwarzenbach, qui a obtenu à 23 ans un doctorat en histoire et littérature à l’université de Zurich, savait manier la plume de façon agréable à lire.

Comme dépaysement l’on peut difficilement imaginer mieux que ce récit palpitant.

Dommage que l’auteure soit décédée si jeune, à l’âge de 34 ans.

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La mort en Perse



Tout de suite après la préface instructive par Dominique Laure Miermont, suit un "Avertissement" de l'auteure elle-même, qui commence par ces mots : "Ce livre donnera peu de joie à ses lecteurs.... Car c'est d'égarements qu'il s'agit dans ce livre, et son sujet est le désespoir". On peut difficilement prétendre qu'Annemarie Schwarzenbach pousse à la consommation. Mais rassurez-vous car après une visite-éclaire à Téhéran, l'auteure vous emmène dans la Vallée heureuse de Perse.



Détrompez-vous, je ne veux certainement pas manquer de respect à une auteure que j'admire. Ce que cette écrivaine nous a laissé durant son bref passage sur terre, à peine 34 ans, compte tenu du fait de tout ce que son "adorable" mère a pu brûler le jour même du décès tragique de sa fille, est incontestablement impressionnant. Parmi les trésors brûlés, il y avait entre autres des nouvelles et toute sa correspondance avec la célèbre Erika Mann (1905-1969) et Carson McCullers (1917-1967), l'écrivaine américaine qui lui avait dédié son roman à succès "Reflets dans un oeil d'or" en 1941.

Sur Babelio, j'ai rajouté une photo-document sur laquelle on voit Annemarie Schwarzenbach flanquée de la soeur et du frère Mann, Erika à gauche et Klaus à droite. Par contre, je n'ai pas réussi à rajouter une photo de Carson et Annemarie à cause d'une bête raison de pixels.



Écrire a toujours été exceptionnellement important pour elle. Dans son projet de livre "Journal afghan" n'a-t-elle pas noté, le 30 août 1939 à Kaboul : "Je ne vis vraiment que lorsque j'écrive" ?



Selon moi, Annemarie Schwarzenbach (1908-1942) était en avance sur son temps. Lorsqu'en 1934, elle voulait publier son recueil de nouvelles orientales, aucun éditeur ne voulait le publier, malgré les interventions de ... Thomas Mann et Stefan Zweig. Les grands maîtres eux avaient déjà compris le talent de la jeune Suissesse.



La vie de ce talent littéraire n'a pas été particulièrement simple. Née dans une famille richissime de Zurich, conservatrice et plutôt très à droite, qui avait de la sympathie pour un certain caporal autrichien prénommé Adolf, dont l'adolescente avait horreur et éduquée par une mère despote, elle aspirait au grand large. D'où ses longs voyages en voiture à travers l'Europe, avec des pointes jusqu'en Russie, Iran et Afghanistan. Et un crayon ou plume éternellement à portée de la main.



À en juger par le grand nombre de photos (beaucoup prises par l'artiste photographe allemande, Marianne Breslauer (1909-2001), qui existent de l'intrépide voyageuse, elle avait un goût certain et original de se maquiller et de s'habiller à la garçonne. Certains critiques professionnels ont même tourné en dérision son allure artistique-androgyne. Ce qui explique probablement la colère de sa mère Renée Schwarzenbach-Wille, son isolement, et sa nécessité de rédiger et de s'évader. Bien qu'elle ait fait des études à l'université de Zurich et à la Sorbonne, un diplôme avait à ses yeux manifestement moins d'importance que de découvrir le vaste monde.



Au cours d'un séjour à Berlin en 1930, notre Annemarie a malencontreusement commencé à expérimenter avec de la morphine ce qui lui a valu une addiction à des drogues dures pendant le restant de sa vie. Sa consommation de drogues a d'ailleurs fort irrité Erika Mann de qui elle a été cependant si proche.



Ce qui m'a personnellement particulièrement séduit parmi les maintes initiatives dont elle est à l'origine, c'est sa création - et financement partiel - du magazine littéraire "Die Sammlung" (la collection), dans les années 1933-1935, et ouvert à tous les auteurs interdits par les nazis. La rédaction en était confiée à Klaus Mann et de très illustres auteurs ont contribué à ce magazine, publié à Amsterdam chez l'éditeur Querido, tels Stefan Zweig, Joseph Roth, Alfred Döblin, Bertolt Brecht etc. Le comité de consultation de la revue comprenait outre Klaus Mann, son oncle Heinrich Mann, Aldous Huxley et André Gide.



Notre Annemarie fut aussi participante au premier congrès des écrivains de l'URSS, à Moscou en août 1934, et où elle fit la connaissance de Maxime Gorki, Louis Aragon et André Malraux. Ce dernier s'étonnait un peu de son engouement pour la Perse, où elle s'est rendue 4 fois en 6 ans.

Il est vrai qu'elle s'est mariée en mai 1935 à Téhéran à l'ambassade de France avec le 2e secrétaire d'ambassade, Claude Achille Clarac, né à Nantes en 1903 et mort à Oudon, en Loire-Atlantique, en 1999.



Je vous laisse découvrir toute la beauté et poésie que les expéditions, pèlerinages et simples errances au Moyen-Orient ont inspirée dans ces 150 pages à cette grande dame de la littérature, décédée des décennies trop tôt !



Un petit exemple, tout de même, de son style, langage et personnalité : "Tous les chemins que j'ai suivis, toux ceux que je n'ai pas suivis, aboutissent ici, dans cette "Vallée heureuse" d'où il n'y a plus d'issue, et qui, pour cette raison, doit ressembler au royaume des morts." (page 62).

Triste, mais beau !

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Toucher le coeur des hommes

« Toucher le coeur des hommes » réunit 53 articles dont seul 20 sont inédits, les autres ayant déjà été publiés dans deux ouvrages aux Éditions Payot : « Loin de New York » et « Où est la terre des promesses ? »

J’ai apprécié que ces textes soient regroupés en suivant la chronologie des déplacements de l’auteur de Berlin en Afghanistan, en passant par la Perse, les États-Unis, les petits états Baltes et la Suède, la Russie etc…

Quand on sait qu’Anne-Marie Schwarzenbach a écrit plus de 300 articles en dix ans accompagnés par de très belles photos qui venaient les illustrer ce volume ne représente qu’une petite partie de son travail mais permet de l’apprécier. Des photos d’Afghanistan sont visibles sur internet : commons.m.wikimedia.org



Quel que soit le lieu où elle se rend ce sont avant tout les rencontres et les conditions de vie des gens les plus démunis qui la retiennent et qu’elle s’emploie à décrire avec empathie et dénoncer : petits blancs et noirs aux Etats-unis femmes, en particulier en Afghanistan.



Ce qui me frappe quand je regarde son visage c’est une espèce d’absence, d’éloignement, elle est là et déjà ailleurs, il s’y révèlent une grande douceur, une fragilité et pourtant à la lecture de ses articles apparaissent une détermination et une acuité d’observation qui montrent qu’en elle réside aussi une grande force.



Cette jeune femme inquiète devant la montée du nazisme qu’elle rejette, s’est lancée dans une fuite éperdue à travers plusieurs continents par amour de la vie, se rebellant contre les forces mortifères qui gagne l’Europe tout en désirant se retrouver elle-même, déchirée qu’elle est entre sa riche famille Zürichoise qui penche vers Hitler et elle qui s’y oppose.



C’est en cela que ses textes, qui nous permettent d’éclairer notre présent, m’ont retenue avec une préférence pour ceux qui accompagnent son périple en compagnie d’Ella Maillart vers l’Afghanistan. Ces derniers m’ont semblé moins journalistiques, ils sont même parfois empreints d’une grande poésie peut-être parce que le monde s’assombrissant de plus en plus, il lui faut en exprimer la beauté. Le temps presse. Elle sent sans doute aussi que le temps qui lui est imparti est compté.



Comment rester insensible à ce poignant cri du coeur qui même s’il reste dissimulé, s’exprime parfois au détour de certains de ces articles :

« Ô tendresse, silence, immortel désir ! (…) aujourd’hui, il s’agit d’écrire, d’apaiser un coeur rétif. N’as-tu pas vu des villes emplies de merveilles, et des vallées au charme austère ? Es-tu faible, lâche, es-tu misérable indigent qui vit d’aumônes ? Ne sais-tu pas que l’homme ressemble à son Dieu, et à lui seul, et qu’il peut capter dans les ondes du néant des sons qui émeuvent les coeurs, et voir des couleurs plus belles et plus délicates que tous les rêves, et inventer des lignes d’élégance, et dresser des autels de lumière et de feu ? Qu’il peut vivre sans espoir, être courageux, et arracher sa prière au gouffre terrifiant de sa solitude ? » p 295 Le voyage à Gazni

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Orient exils

L'autrice nous raconte les mésaventures de personnes rencontrées lors de ses voyages au Moyen-Orient.

L'atmosphère est bien rendue, les descriptions psychologiques précises, mais ce livre est triste et mélancolique.
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Voir une femme

Issue d'une des familles les plus riches de la Suisse Allemande, Annemarie Schwarzenbach fut toujours en constante révolte et rébellion contre l'ordre établi. Cet ordre établi en cette période d'entre guerre portait en lui la bête immonde. Journaliste, photographe, écrivaine, elle a toujours porté son regard et son écrit en dehors du cadre dans lequel la société voulait l'enfermer. Cette nouvelle, "sauvée" par son neveu Alexis, nous permet de découvrir la très jeune Annemarie :Tourmentée, décidée, et déjà terriblement seule. Un élément essentiel à découvrir pour comprendre ce personnage fulgurant, libre, singulier, et si farouchement et pleinement vivant .



Astrid SHRIQUI GARAIN
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Orient exils

Carson Mc Cullers en tomba follement amoureuse. Rapidement, il s'agit d'un recueil d'histoires "sans prétention" écrites suite à un séjour en Perse. Je crois qu'Annemarie Schwarzenbach est morte bien jeune et avait encore beaucoup à donner, d'un point de vue littéraire, ce que sa santé aussi ne lui a pas permis d'écrire.
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La mort en Perse

La Mort en Perse, court récit de voyage portant sur l'Iran, fut écrit dans l'entre-deux-guerres par Annemarie Schwarzenbach, jeune femme suisse originaire de Zurich. Fragile psychologiquement, sujette à une profonde mélancolie, Annemarie fut prise entre sa famille bourgeoise zurichoise admiratrice du Reich en formation et totalement opposée à son homosexualité gardée secrète, et son amitié et son amour inconsidéré pour deux des enfants de Thomas Mann, alors en exil en Suisse puisque fermement opposés au régime nazi.

Après une tentative de suicide, elle épouse un diplomate français nommé à l'ambassade de Téhéran, ce qui explique en partie ses nombreux voyages en Perse, dont elle garde un souvenir amer et terrifié.



Livre profondément bouleversant, la Mort en Perse nous livre les tribulations d'un esprit hypersensible et vulnérable à tout ce qui l'entoure ; l'immensité et l'impression de vide ressenties face au désert et aux ruines de Persépolis constituent des tourments insupportable pour Annemarie, qui sombre plusieurs fois dans une sorte de fièvre délirante qui lui fait apercevoir un "ange" avec lequel elle s'entretient.

Entre voyages dans les vastes paysages dévastés de la Perse et amours tragiques, Annemarie se noie dans un pays trop immense pour elle, sa crainte de l'Asie est sans cesse ressentie au fil des pages, et sa descente aux enfers palpable.



Non dénué de poésie, la Mort en Perse est une ode à nos peurs les plus profondes et à une mélancolie incontrôlable qui s'empare des coeurs humains ; à ne lire que si vous êtes d'humeur sombre !
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Les amis de Bernhard

C’est en 1932 que paraissait Freunde um Bernhard, le premier roman de la journaliste zurichoise Annemarie Schwarzenbach, lequel a été traduit en français en 2012 par Nicole Le Bris et Dominique Laure Miermont et édité chez Phébus sous le titre Les amis de Bernhard.



Largement inspiré par sa propre vie, le premier roman de celle qui accompagna Ella Maillart en Afghanistan et à qui Carson McCullers qui s’était éprise d’elle dédia un de ses romans, est d’abord et avant tout un roman de mœurs. Autour d’une narratrice omniprésente gravitent des hommes, des femmes, à la recherche de bonheur et d’un sens à leur vie, lequel passe bien souvent par une quête artistique, plus spécifiquement musicale ou picturale. Le regard de celle-ci est d’abord braqué sur Bernhard, un jeune pianiste aimé de tous, des femmes comme des hommes, pour qui la musique de Bach n’a pas d’égale et qui aspire à une certaine réussite professionnelle sans toutefois que cela devienne une obsession. Puis il se porte sur chacun de ceux qui l’entourent, souvent fragiles et troublés, dont le quotidien a quelque chose d’instable voire de friable, la plupart d’entre eux étant issus de la petite bourgeoisie et préférant la vie de bohème et la fête au sérieux des études et d’une vie réglée.



Lorsque le roman paraît, son auteure n’a que 24 ans. Elle a pourtant déjà le regard aiguisé de quelqu’un qui a vécu et n’est pas restée à la surface des choses. Il faut dire que dès l’âge de 19 ans elle quitte le cocon familial pour Paris afin d’y étudier la littérature et que trois ans plus tard elle fréquente les excentriques Thomas et Erika Mann, qu’on retrouve dans Les amis de Bernhard à peine dissimulés sous les traits de Christina et de Leon.



Éprise de liberté, à l’instar de ses personnages qui ne veulent appartenir ni à une classe ni à personne, Annemarie Schwarzenbach dresse ici le portrait d’une jeunesse privilégiée à l’aube des années 1930 avant la montée de tous ces mouvements qui allaient changer l’ordre du monde et anéantir les rêves de plus d’une génération alors que nombre de pays se remettaient à peine d’une crise économique en écoutant du jazz.



Dix ans après la parution des Amis de Bernhard, Annemarie Schwarzenbach meurt des suites d’une chute à bicyclette non sans avoir laissé des poèmes, des nouvelles et des photographies, et inspiré plus d’un, de son vivant et depuis. Notamment la réalisatrice Carole Bonstein qui signait en 2000 le documentaire Annemarie Schwarzenbach : Une Suisse rebelle.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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Rives du Congo - Tétouan/ Kongo-Ufer - Tetoua..

Incitée par Mina – une fois n’est pas coutume – , je pars à la découverte des éditions belges et en particulier d’Esperluète. Parmi les nombreux ouvrages de cet éditeur proposé par la bibliothèque de la Part-Dieu, je m’arrête – je ne sais pourquoi – sur un recueil de poésie d’Annemarie Schwarzenbach, voyageuse, écrivaine, poétesse et journaliste suisse : Rives du Congo suivi de Tétouan, deux longs poèmes inspirés de ses séjours en Afrique, illustrés par des photos de voyages issues des carnets de route de l’auteur.



Le texte est proposé en version bilingue allemand-français traduit par les soins de Dominique Laure Miermont. L’écriture – en français – est extrêmement fluide et il est facile de se laisser porter par les mots, de se laisser couler dans l’ambiance d’un décor africain fragmentaire. Lorsque je prend enfin le temps de m’attacher aux détails, aux images, je prend conscience de la beauté de l’espace intérieur dessiné. Entre douceur et douleur de vivre, les échanges entre l’auteur et l’Ange, Dieu, ou l’ailleurs me font penser que – si ce n’est pas déjà le cas – Annemarie Schwarzenbach trouverait largement sa place dans l’essai Par ailleurs (exils) de Linda Lê. L’interlocuteur de Rives du Congo pourrait – dans une moindre mesure – être l’Autre d’Alejandra Pizarnik – ce qui me fait dire que je vois Pizarnik partout ces temps-ci. Si la mélancolie, l’espace contraint, la douleur voire la mort sont des éléments bien présents dans la poésie d’A. Schwarzenbach, la beauté du paysage lunaire ou fluvial, et l’espoir n’en sont pas moins au rendez-vous.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Où est la terre des promesses ?

Voici donc le « double » du récit de voyage d'Ella Maillart, La Voie cruelle. Bien que les deux femmes aient déjà eu une solide renommée comme reporters de voyages avant celui-ci et bien que sa documentation visuelle révèle une grande similitude de points de vue – Annemarie s'occupant exclusivement des photos, Ella des films, Annemarie conduisant, Ella s'occupant du trajet et de « l'intendance » – le style des deux récits est très différent. Maillart, comme nous l'avons relevé, s'intéresse davantage aux « choses vues » et à leur histoire, aux « personnes rencontrées » et à leur culture, alors que les textes de Schwarzenbach, comme le précise très justement le postfacier du volume, Roger Perret, ne sont pas conçus « comme des articles ou des comptes rendus de voyage. Leur manière à la fois élégiaque et lyrique pourrait les faire considérer comme les prémices des mélancoliques poèmes en prose – Les Chemins de la tendresse, notre solitude (1940), Marc (1942) – qui dominent ses derniers travaux. » (p. 184). Les analyses personnelles, les introspections auxquelles je m'étais attendu sont presque totalement absentes, sinon dans la forme très sublimée et quelque peu elliptique que j'ai relevée dans les cit. 1 et 2 infra. Si les rares épisodes anecdotiques contés par Schwarzenbach – par ex. le vol et restitution de l'appareil photo Leica, l'admission dans le « harem » du notable afghan dont les filles lui demandent de leur confectionner une robe comme celle d'Ella – sont reportés également par Maillart, les description des paysages, amplement poétisés prédominent largement ici, et quelques considérations somme toute assez banales sur la condition féminine en Afghanistan ou sur la guerre qui a éclaté en Europe ne font pas le poids. Dans leur genre, ces textes sont très bien construits et l'écriture a un côté fascinant. Par contre, la camarade de voyage n'est mentionnée qu'une seule fois, et ce n'est que grâce à la très précieuse postface, bien documentée de Roger Perret que nous en apprenons davantage sur les attentes respectives des deux femmes quant à leur voyage, sur leurs personnalités si opposées, et donc sur l'évolution jusqu'à la rupture de leurs relations sans doute asymétriques et plutôt particulières (cf. cit. 3).

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Les amis de Bernhard

Je ne connaissais pas du tout Annemarie Schwarzenbach avant d'ouvrir Les amis de Bernhard et je dois dire que j'ai été agréablement surprise par le style vif et précis de l'auteur et surtout par son regard perçant sur ses contemporains.



Les thématiques abordées sont universels et n'ont pas vieilli : la quête de soi, l'affirmation face aux parents, l'envie de vivre pour soi, la peur du jugement des autres, la dépendance affective, l'homosexualité... Le texte a été écrit dans les années 30 mais il est très moderne.



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Où est la terre des promesses ?

Quand Ella Maillard retourne en Afghanistan en 1939, c'est pour retrouver ce pays qu'elle a déjà visité deux ans auparavant et en explorer d'autres régions.



Annemarie Schwarzenbach était journaliste et avait déjà réalisé des reportages à l'occasion de voyages en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. En 1939 elle sort de plusieurs cures de désintoxication mais la perspective de partir en Afghanistan avec Ella Maillard lui redonne de l'énergie. "Où est donc la terre des promesses" est donc un "double" de "La voie cruelle" où Ella Maillard fait le récit de ce voyage et il est difficile de le lire sans y penser.



Le ton d'Annemarie Schwarzenbach est toujours empreint de poésie et de générosité mais malgré tout on sent qu'elle parle d'elle avant de parler de l'autre et son ton quelque peu journalistique a du mal à nous faire oublier le style unique d'Ella Maillard.

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Où est la terre des promesses ?

Je ne sais plus trop où j’ai entendu parler récemment d’Annemarie Schwarzenbach et que j’ai réalisé qu’elle avait écrit plusieurs livres qui pouvaient être intéressants à lire. Mon dévolu s’est porté sur celui-là, car c’est un périple célèbre que celui qu’elle a fait avec Ella Maillard pour rejoindre l’Afghanistan depuis la Suisse, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale.

Il ne s'agit pas tout à fait d'un récit de voyage, mais plutôt d'une succession de courts chapitres conçus comme autant d'articles de journaux. Je ne sais pas si certains de ces articles ont effectivement été publiés, mais leur contenu est surprenant. On suit bien Annemarie Schwarzenbach au cours de son périple, même si le récit ne semble pas exhaustif et ne semble pas non plus couvrir les faits les plus marquants de ce voyage. Ce récit sur des routes peu carrossables et rarement carrossées d'Europe et d'Asie, ce récit plein de poussière et d'immensité est avant tout le prétexte à l'introspection et à l'expression du mal-être de cette femme qui cherche sa place dans le monde et une raison de vivre suffisamment puissante pour lui donner envie de continuer.

Car Annemarie Schwarzenbach est une femme tourmentée. Incapable d'être heureuse si le monde n'est pas à l'image du bonheur qu'elle voudrait pour tous, refusant le moyen, le simple, l'habituel, elle s'épuise à chercher le toujours plus. Cela l'a conduite sur les chemins de la drogue, et il est de notoriété publique que ce fameux voyage avec Ella Maillard est une énième tentative pour refaire surface. Il est aussi de notoriété publique que ce voyage sera, de ce point de vue, un échec, mais Annemarie Schwarzenbach aura essayé.

Essayé de se sauver par la fuite, c'est un peu ce que j'ai ressenti en lisant ce récit de voyage qui n'en est pas un. Les paysages peuvent être magnifiques, apaisants, sereins, Annemarie Schwarzenbach est systématiquement rattrapée par ses idées noires. Le fait de ne pas être à la hauteur des exigences qu'elle a pour elle-même, le fait de nourrir inlassablement des idées sombres, d'être hantée par la tentation du pire puisqu'elle ne peut être le meilleur.

C'est un livre qui, malgré les beautés décrites, qu'elles soient naturelles ou faites de la main de l'homme, demeure recouvert d'un voile de profonde tristesse.

Ce livre n'est donc pas du tout le récit de voyage auquel je m'attendais. C'est une réflexion intérieure qui accompagne un mal-être dont l'aventure, qui aurait pu se révéler picaresque, de ces deux femmes en automobile, n'a pas su venir à bout. Mais ce mal-être, qui n'est jamais décrit frontalement, Annemarie Schwarzenbach demeure très secrète dans cette sorte d'impudicité qui consiste à écrire un livre sur soi-même, m'a parfois semblé familier, j'ai cru parfois me reconnaître dans certains des affres de cette femme, et j'ai été très touchée par son texte.

Tellement touchée que je me dis que je vais continuer à essayer de découvrir ses écrits. Tenter de mieux comprendre la complexité de ce personnage, en lisant d'autres de ses ouvrages, car maintenant que j'ai fait sa connaissance littéraire, je me sens prête à explorer des livres dans lesquelles elle ne sera pas l'ombre d'une autre exploratrice, comme ici elle semble rester dans l'ombre finalement un peu écrasante d'Ella Maillard. Une belle rencontre, même si elle est empreinte de beaucoup de souffrance rentrée.
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Hiver au Proche-Orient : Journal d'un voyage

Hiver au Proche-Orient a été écrit à partir de notes de voyages prises par Annemarie, lors d'un reportage d'octobre 1933 à avril 1934 au cours duquel elle parcourut la Turquie, le Proche-Orient, l'Irak et l'Iran où elle devait revenir quelques années après.



Sa belle écriture nous transmet avec douceur les péripéties de son voyages, ses attentes, ses désillusions et ses impressions, mais aussi les rencontres qu'elle fait ou les vieilles amitiés qu'elle ravive : l'on oscille entre description poétique de paysages grandioses et anecdotes tenues d'archéologues, de diplomates, d'historiens qu'elle retrouve à Istanbul, à Bagdad ou sur les sites d'Ur ou de Persépolis...Mais son récit comprend aussi une autre dimension moins tangible : les souvenirs et réflexions qu'évoquent son voyage, sa nostalgie des montagnes suisses et de l'Engadine qui lui apparaît parfois en Perse.



J'ai beaucoup aimé ce récit de voyage bien moins sombre que La mort en Perse que j'avais lu il y a quelques années, et où transparaissait une tristesse infinie parfois angoissante ; je pense me lancer bientôt dans Oasis interdites, un livre écrit par Ella Maillart sur le voyage qu'elle fit en Asie centrale avec Annemarie Schwarzenbach.
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La mort en Perse

Un mal de vivre ,expliqué en partie dans les autres critiques, poursuit l'auteur .Elle pense sans défaire dans une fuite éperdue loin de son pays ,l'Allemagne ,dans les voyages ,l'amitié .Mais rien ne la console ,on peut partir au bout du monde et garder le même mal-être ,ce qui est le cas ici ,en Perse où même les paysages respirent la mort ,la peur étant son corolaire .Le livre, d'une sensibilité à fleur de peau est toutefois nimbé d'une grande poésie
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Orient exils



Un fascinant personnage



"Un beau visage d'ange désespéré" comme on l'a admirablement décrite.



A lire tous ces romans, sans tarder ni exception.



Qui ne tombera pas amoureux de cette désespérée de la vie, mais qui nous a accompagné dans nos rêves et nous voyages...
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Les amis de Bernhard

Excellent roman des années 30. A très bien vieilli à moins que sa traduction récente ne lui donne cet air contemporain tellement agréable.

Roman sur l'adolescence, sur ses rêves, ses folies, ses amours, ses questionnements et la peur constante du jugement des autres.

Il est agréable de s'apercevoir que les adolescents de 1930 n'étaient pas si éloignés de nos adolescents actuels, en tous cas en ce qui concernent leurs questionnements existentiels.

Sans doute en avance pour l'époque, l'auteur n'a pas peur d'aborder une certaine ambivalence sexuelle pour ses personnages principaux qui se cherchent sans qu'il n'y ait aucune honte à aimer quelqu'un du même sexe.

Les personnages sont jeunes, fougueux, artistes et plein de rêves mais en même temps confrontés à la réalité qu'ils doivent assumer en quittant leurs parents et en trouvant de quoi vivre.

Une belle histoire d'amitié, d'amour et d'innocence perdue.

Un parfum de nostalgie et de douce folie.
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Loin de New York

Nous découvrons Annemarie Schwarzenbach journaliste et photographe.

Elle nous livre l'état d'un Amérique ravagée depuis 1929 par la Grande Dépression.

1936, 1938 - Photographies exceptionnelles. Reportage juste, riche et précis.

Pour mieux comprendre toutes les difficultés qu'engendre les crises.

A lire absolument , surtout dans le contexte actuel.





Astrid SHRIQUI GARAIN
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Les amis de Bernhard

Après avoir lu Le tournant, l’autobiographie de Klaus Mann, j’ai eu envie de rester un peu plus longtemps en compagnie de ses proches, en particulier d’Annemarie Schwarzenbach surnommée la petite Suissesse par son ami Klaus. Cette femme-météore, à la vie aussi brève qu’éclatante, me fascine. Je vous laisse faire quelques recherches si vous ne la connaissez pas déjà.



Schwarzenbach avait 23 ans quand elle a publié son premier roman, Les amis de Bernhard. On y suit un groupe de jeunes issus de la bourgeoisie allemande qui aspirent à devenir musiciens, peintres ou sculpteurs. À l’aube de l’âge adulte, ils cherchent à s’émanciper, s'interrogent sur leurs ambitions artistiques et sont guidés par leurs amitiés et leurs amours.



Je m’attendais à lire un discours rebelle ou révolté sur les bords, mais je n’y étais pas du tout. Il s’agit plutôt d’un roman très délicat et sensible, dans le fond comme dans la forme.
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