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Citations de Antoine Volodine (313)


Le blizzard gémissait jour et nuit. Sa plainte rendait fou. Les volets claquaient ; ceux qui sortirent de la maison pour les attacher ne revinrent pas.
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Les chats. Des bêtes affectueuses, facilement ronronnantes, mais qui ne se laissaient caresser que par elle et qui crachaient quand on voulait leur faire des câlins. En réalité, une pure excroissance organique de ma grand-mère, des compléments fauves qui n’obéissaient qu’à elle. Zahime, Dadouk, Mimine, Chichi, Mitsuko. On avait envie de se frotter languissamment à eux et, dès qu’on approchait la main, on se prenait un coup de griffe.
L’air sentait le renfermé animal, la fourrure, les biscuits trempés dans du lait, le parquet de nombreuses fois compissé, les vêtements en laine. Sans oublier les aigreurs mal dissimulées d’un corps de vieillarde.
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Maintenant la maîtresse de Dondog repose sous une pierre tombale, maintenant elle gît, maintenant la maîtresse repose et se décompose, on pourrait imaginer sa sépulture par exemple dans un petit cimetière de campagne, à la lisière d’une forêt de sapins, près des champs en friche et près d’une grange délabrée, les os de la maîtresse bientôt auront perdu toute la viscosité de la vie, son corps de maîtresse deviendra humus puis descendra plus bas encore dans l’échelle de la non-vie et perdra la viscosité, l’élasticité, le droit à la fermentation ralentie ou grouillante de la vie, maintenant la maîtresse de Dondog va cesser de fermenter et elle va entamer sa descente et devenir un ensemble filamenteux et friable que nul ne pourra nommer ni écouter ni voir. Voilà à quoi bientôt elle sera réduite, dit Dondog. Tout son être se sera décharné jusqu’à la poussière et se sera effacé. Tout aura rejoint les magmas non vivants de la terre. Et quand je dis tout, je pense en priorité aux mains qui, dans les marges des cahiers de Dondog, si souvent inscrivaient des annotations malveillantes, et aux yeux qui ont relu le texte de la dénonciation accusant injustement Dondog, ou encore à la langue de la maîtresse qui a léché le bord de l’enveloppe pour la cacheter ; tout cela se dispersera au milieu de la terre non vivante.
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Inutile de se cacher la vérité. Je ne réagis plus comme avant. Maintenant, je pleure mal. Quelque chose a changé en moi autant qu’ailleurs. Les rues se sont vidées, il n’y a presque plus personne dans les villes, et encore moins dans les campagnes, les forêts. Le ciel s’est éclairci, mais il reste terne. La pestilence des grands charniers a été lavée par plusieurs années de vent ininterrompu. Certains spectacles m’affligent encore. D’autres, non. Certaines morts. D’autres, non. J’ai l’air d’être au bord du sanglot, mais rien ne vient. Il faut que j’aille chez le régleur de larmes.
(incipit)
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Lorsque le monde lui déplaît sous tous ses angles, l’écrivain, sur le papier, métamorphose le tissu de la vérité. Il ne se contente pas dénoncer, sur un ton d’amertume dépitée, ce qui l’entoure. Il ne reproduit pas trait pour trait l’élémentaire brutalité, l’animale tragédie à quoi se réduit le destin des hommes.
Au lieu de cela, il choisit, de la vie réelle, les brins les plus ténus, ombres et harmoniques, et à ses souvenirs il les entremêle à des visions qu’il a eues pendant son sommeil et qu’il chérit, à son passé il les entrelace, aux impatiences, aux erreurs, aux croyances déçues de son enfance.
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Ils sont trois, cinq cents, mille, ils sont légion, des millions.
Leur nombre s’explique par des facteurs économiques et sociaux, mais il faut avoir le courage de compléter l’explication en disant que quelque chose d’instinctif, inscrit sans doute dans le patrimoine génétique de l’espèce, pousse les grandes masses humaines à cautionner ce qui promet la désolation et le carnage.
Un élan mystérieux anime collectivement les esprits et les dévoie vers le pire. Il suffit qu’aux opinions publiques on désigne un ennemi hors des frontières pour qu’en une nuit, elles se bellicisent et fassent bloc autour de nos soldats ; pour qu’après une seule journée d’orchestration du mensonge, elles plébiscitent les bombardements, réclament à n’importe quel prix la victoire ; goulûment elles s’abreuvent à la propagande martiale.
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Nous étions cinq, sa veuve, ses filles, tante Maïa et moi. J’étais devant ses jambes et je voyais très bien son pénis qui évoquait un gastéropode blessé, trop violemment extrait de sa coquille, et ses testicules pelucheux, tout cet appareil sexuel qui avait dominé l’organisation de son existence et fait le malheur de tant de femmes.
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Tous les mois, en effet, on nourrissait la pile. On ouvrait le lourd couvercle qui fermait le puits, et on balançait par-dessus la margelle une portion du bric-à-brac qu’on avait délaissé pendant une ou deux saisons, histoire de montrer qu’on n’agissait pas dans l’urgence et qu’on n’était pas impressionné par de misérables radionucléides. Des tables et des chaises, des postes de télévision, des carcasses goudronneuses de vaches et de vachers, des moteurs de tracteur, des institutrices carbonisées, oubliées dans leur salle de classe pendant la période critique, des ordinateurs, des dépouilles phosphorescentes de corbeaux, de taupes, de biches, de loups, d’écureuils, des vêtements apparemment impeccables, mais qu’il suffisait de secouer pour que s’en envole une nuée d’étincelles, des tubes de dentifrice gonflés d’un dentifrice qui bouillottait sans répit, des chiens et des chats albinos, des agglomérats de fer continuant à gronder de leur feu intérieur, des moissonneuses-batteuses neuves qui n’avaient pas eu le temps d’être inaugurées et qui scintillaient à minuit comme si elles paradaient sous le soleil, des fourches, des sarcloirs, des haches, des écorçoirs, des accordéons qui crachaient plus de rayons gamma que de mélodies folkloriques, des planches de sapin qui ressemblaient à des planches d’ébène, des stakhanovistes endimanchés, la main momifiée autour de leur diplôme, oubliés pendant l’évacuation de la salle des fêtes. Les registres de la comptabilité dont les pages tournaient toutes seules jour et nuit. L’argent de la caisse, les pièces de cuivre qui sonnaient et trébuchaient sans que nul ne s’en approche. Voilà le genre de choses qu’on balançait dans le vide.
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Au contraire de ce que j’avais un moment imaginé, Robby Malioutine n’était pas cannibale, et, assez rapidement, je pus avoir l’assurance qu’il n’était pas non plus un nouveau riche, ni un partisan des nouveaux riches et du capitalisme. C’était donc un homme fréquentable.
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Elle aime s’adosser au mur en imaginant qu’elle traverse le mur, qu’elle est dépeignée par le vent, qu’elle est sous le ciel mouvant de la steppe, au milieu des herbes mouvantes, et qu’elle parle plus fort que les souffles, qu’elle dit le monde. p 28
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... il se rappelle les fils de la Vierge, des filaments ondulants, des cheveux d’une finesse extrême qu’on ne voyait pas à contre-jour, mais dont la blancheur argentée se détachait avec une grande netteté quand il volaient devant le feuillage des arbres de la cour, quand ils volaient lentement devant les marronniers et les tilleuls, il se rappelle que pendant un instant il avait failli se laisser distraire par cette texture soyeuse de l’air du dehors, par cette pluie miraculeuse, car, tout en brûlant d’une excitation violente qui lui ordonnait de négliger toute autre activité mentale que l’écriture, il conservait un intérêt pour les choses étranges du monde, pour les phénomènes surnaturels contre quoi l’assurance des adultes vacillait, et l’apparition automnale des fils de la Vierge était de ceux-là... p 46
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La boîte de conserve roulait sur le carrelage sale du couloir. Dondog l’avait à peine effleurée, du pied gauche, je crois, et pourtant elle roulait. La pénombre très dense empêchait de savoir s’il s’agissait d’une boîte de bière ou de Coke. Vide, léger, le cylindre d’aluminium poursuivit sa course bruyante puis s’arrêta, sans doute parce qu’il s’était collé à des ordures plus lourdes que lui, plus poisseuses.
(incipit)
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- On va vous interpréter un glorificat burlesque, annonça Matthias Boyol.
On ne sait pourquoi, car cela n'avait aucune importance, l'ancien commandant Pedron Dardaf sortit de son apparente torpeur, leva la main comme un gamin interrogeant son institutrice et demanda :
-Dis donc, Boyol, il y a une différence entre un glorificat burlesque et une mélopée tragi-comique, comme que vous nous en avez récité une la semaine dernière ?
Matthias Boyol eut l'air décontenancé pendant quelques secondes, parce qu'il était déjà absorbé par le spectacle qui avait commencé silencieusement en lui, mais il répondit de bonne grâce :
- Non, Pedron Dardaf. C'est exactement la même chose. C'est exactement la même foutaise poétique.
Puis la déclamation musicale commença.
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Quand on progresse dans la vieille forêt, quand on écrase sous ses bottes des branchettes perdues par les arbres, les sapins centenaires, les mélèzes noirs, quand on a le visage caressé ou battu par les mousses ruisselantes, on se trouve dans un univers intermédiaire, dans quelque chose où tout existe fortement, où rien n’est illusion, mais, en même temps, on a l’inquiétante sensation d’être prisonnier à l’intérieur d’une image, et de se déplacer dans un rêve étranger, dans un bardo où l’on est soi-même étranger, où l’on est un intrus peu sympathique, ni vivant ni mort, dans un rêve sans issue et sans durée.
Qu’on s’en rende compte ou pas, on est dans un domaine qui a Solovieï pour maître absolu. On bouge dans les ténèbres végétales, on essaie de bouger et de penser pour en sortir, mais, dans la vieille forêt, on est avant tout rêvé par Solovieï.
Et là-dedans, en résumé, on ne peut être autre chose qu’une créature de Solovieï.
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Sur la berge orientale du lac on doit couper à travers une zone en débris, sans végétation, avant d'entrer dans un quartier où vit un chamane qui est connu pour préparer des onguents avec lesquels il réveille les écureuils morts et fait renaître les loutres. Une fois qu'il les a ressuscités, il les mange.
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Il ou Je peu importe. Lui ou moi même chose. Il est là, à proximité des sapins, en rien remarquable, à première vue. Il ressemble à tous les corbeaux mâles de cette région du monde (...) il bat l'espace transparent, l'espace fluide, et il entend le claquement de ses ailes, et cela lui procure une satisfaction ineffable, j'entends avec plaisir le claquement de mes ailes qui m'indiquent sans ambiguïté que je suis là, concret et noir, et il craille deux fois, un cri de contentement pur, pas de joie mais de contentement, la première fois sans y avoir mis plus que de l'instinct, la deuxième en connaissance de cause. C'est une affirmation de soi, mais aussi un appel. Il ne s'adresse à personne en particulier (...) c'est plutôt un appel qui est destiné aux forces qui l'entourent et qui le portent, pas une prière et encore moins une supplique, plutôt un salut, plutôt une marque d'affection qu'il lance vers le Premier Ciel gris et vers le Troisième Ciel girs, vers Madame la Gauche-Mort, vers Notre-Dame des vibrations très-chaudes, vers Grande-Dame des vibrations très-froides, une caresse sonore pour les Sept Flux étranges, pour les Cinq Museaux, pour les Flammes du Silence étrange (...)
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Méfiant quant à la nature du réel qu’on l’obligeait à parcourir, il défendait l’intégrité de ses espaces oniriques en y plaçant des pièges destinés aux indésirables, des glus métaphysiques, des nasses.
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Avec force je rejetterai comme sans fondement l'hypothèse de la mort.
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Les humains étaient à présent des particules raréfiées qui ne se heurtaient guère. Ils tâtonnaient sans conviction dans leur crépuscule, incapables de faire le tri entre leur propre malheur individuel et le naufrage de la collectivité, comme moi ne voyant plus la différence entre réel et imaginaire, confondant les maux dus aux séquelles de l'antique système capitaliste et les dérives causées par le non-fonctionnement du système non capitaliste
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L'exténuation était en train de les désunir. Ils ne communiquaient pratiquement plus. Cachés en terrain découvert, contraints d'attendre sans bouger soit le départ des soldats, soit d'improbables secours, ils n'étaient plus en état de se réconforter mutuellement.
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