Citations de Arnaud Cathrine (409)
Quand je te revois, tout redevient limpide. J’accepte de souffrir.
- En fait, ce qui nous excite quand on est à la plage, c’est de pouvoir mater, concède tristement Octave.
- Et croire que le plan du siècle n’attend que nous.
- On est deux gros bâtards d’obsédés sexuels.
- On est deux adolescents comme les autres, dis-je avec recul.
- Lilian m’a dit que je passais de la musique de « tarlouze ».
Saligaut est visiblement consterné. Comment expliquer cette solidarité ? Le directeur est-il sensible à ma cause en raison du nom pourri qui lui a valu de se faire insulter lui aussi ou Saligaut est-il…
- Monsieur Saligaut, vous êtes gay ?
C’est sorti tout seul.
Pourquoi une histoire courte ne serait-elle pas une histoire tout court ?
« Le souffle d'Octave près de ma nuque.
Son bras replié à quelques centimètres de moi.
Son corps allongé, le mouvement d'un pied, de son profil sur l'oreiller.
Et puis, sans que je sache comment ça arrive (je sais juste que ça arrive), sa main se pose à plat en bas de mon dos. Une poignée de secondes. Elle remonte le long de ma colonne. Elle redescend. J'ouvre les yeux. Je suis tout à fait réveille à présent. Je ne sais pas ce qui se passe et en même temps je le sais très bien. Je sais que tout ne tient qu'à un geste : celui de me retourner vers Octave. Ce que je fais. A partir de là , tout va très vite : il me serre contre lui, je le serre aussi, nos bouches se cherchent, se trouvent, nos lèvres se collent, nos langues se parlent pour la première fois, ce n'est pas du tout comme à la piscine quand il m'avait réanimé en me faisant du bouche-à-bouche : là , son souffle a un parfum dont je ne savais rien, je connaissais son haleine, depuis le temps, mais pas le parfum de son souffle, le souffle vient de loin, du ventre, et ce parfum m'étourdit, nous bandons l'un contre l'autre, je retire mon caleçon, il retire le sien, sa bite se colle sur mon ventre, elle est chaude, je la caresse, sa peau est douce, je quitte la bouche d'Octave, j'embrasse le bas de son cou, ses mamelons, son nombril, je respire ses poils, je prends sa bite dans ma bouche sensation d'un letchi sur ma langue, je le suce, Octave gémit, m'encourage , puis c'est lui qui me le fait , oh my god, un truc de fou, je caresse sa nuque à bascule, puis j'ai encore envie de l'embrasser, je veux encore sa bouche, je veux tout, encore, encore, encore ».
Je pense que le « je m’en fous » commence seulement à fonctionner après trente ans de pratique.
Je le regarde furtivement. Il me regarde aussi et m'intimide. Juste le temps de constater qu'il est beau, très beau, atrocement à mon goût (…). Il est parfait. Tellement pas arrogant. Et bam: il descend carrefour Pleyel. Si j'étais vraiment en vie, je l'aurais entrainé hors de ce métro et je l'aurais assis en face de moi dans le premier café venu. Je me dis: c'était lui. Lui que je cherche depuis si longtemps. Et voilà: je l'ai perdu. Quelqu'un en moi croit à cette exagération.
Je n'écris plus rien dans Garçons volés.
Je n'ai pas volé un seul garçon depuis Octave.
Je ne regarde plus les autres garçons.
Désormais je n'ai d'yeux que pour LE garçon.
A s'interdire de rêver, rien n'arrive jamais. (p. 66)
Je ne lui demande pas s’il me lit, je ne lui dis pas qu’il apparaît quasiment dans chacun de mes livres, réinventé mais bel et bien distribué, parfois dans le premier rôle. Je ne lui dis pas qu’il fait intrusion dans mes rêves une fois par mois au grand minimum. Je ne lui dis pas que je ne sais pas quoi faire de son fantôme. Je ne lui dis rien et je pense qu’il sait tout.
A mesure que mes semblables s'exposent sur les réseaux (je n'y échappe pas), les mêmes se recroquevillent de visu, se refusant littéralement: dans le métro, tous rivés sur leur écran. Peut-être envoient-ils un signal, mais pas à vous; peut-être en reçoivent-ils un, mais pas le vôtre.
Tout compte fait, le sommeil, c'est comme les malaises : une invention géniale du corps pour disparaître quand on le désire et revenir au monde frais comme un gardon.
Le shit, c'est comme les huitres : j'aime bien l'odeur mais pas question de faire entrer ça dans mon corps.
Mado est championne dans l'art de l'enchaînement rapide. Pratique mondaine clé : chasser les mots et les sujets de conversation les uns après les autres, les épuiser d'une phrase ou deux, toujours bifurquer et fuir ainsi l'ennui tout en s'y vautrant pour finir, à force de ne parler de rien.
Qu'est-ce qui a bien pu m'inspirer cet attachement, me suis-je encore demandé en la suivant dans la grande salle à manger sombre. Plaisir d'assister au spectacle d'une femme que nous jugions décadente à force de la voir s'autoriser des sorties de mauvais goût, ou juste inconvenantes par rapport à nos référents familiaux, à ce qui se disait et ne se disait pas. Satisfaction de sales gamins à voir un peu de bordel dans cette bourgeoisie tirée à quatre épingles. Et puis, fascination pour l'exotisme de ce musée-mausolée. Fantasme à l'approche d'un air que nous imaginions joliment vicié (plutôt morbide, je m'en aperçois aujourd'hui). Alors ? Avons-nous rêvé Mado pendant toutes ces années ? L'avons-nous inventée, mon frère et moi, parce qu'elle se prêtait au contre-modèle temporaire dont nous avions besoin pour déstabiliser notre petit monde ? Il n'empêche : elle s'est aujourd'hui retranchée à un endroit où il m'est impossible de la rejoindre.
Au moment de m'installer à table, revenu de mes souvenirs enjolivés, j'ai compris que le temps allait me paraître très long. J'ai su que j'allais devoir éviter savamment pas mal de sujets pour ne pas avoir à entendre ses petites opinions nauséabondes, la relancer sur des pistes plus anodines, ménager son narcissisme qui n'est plus du tout drôle depuis que les contrepoints malicieux ont disparu. J'ai su que je ne resterais pas à picoler jusqu'au milieu de la nuit avec la vieille "subversive" de mon adolescence, laquelle n'est plus aujourd'hui qu'une roublarde en fin de course.
- On ne sait jamais si on a le droit de faire ça. Prendre un peu de la vie de quelqu'un pour en faire un livre. ça peut paraître dégueulasse.
Qui mieux que lui a su peindre ça: la tourmente intérieure des hommes qui allait se changer en folie collective et exterminatrice? On comprend mieux pourquoi Munch a tant été décrié: on ne prend jamais l'horreur au sérieux avant qu'elle advienne ou tant que les saltimbanques crient au loup...
Il faudrait différer le moment où je me dirais : "Elle a disparu. C'est fini. Pour toujours. Elle a disparu." Lorsque l'on est capable d'admettre ça, on ne cherche plus. On lâche prise, on est seul à crever mais on lâche prise. Un an durant, je m'étais accroché à tout ce à quoi il était possible de s'accrocher : passer en vélo devant le pavillon où tu as vécu, contempler pour la centième fois nos grimaces sur des photomatons pourries, relire les mots qu'on s'écrivait en classe, les mots roulés en boules minuscules, je les ai tous gardés dans un vieux sac à dos enfoui sous mon lit. Peut-être un jour aurais-je le courage de tout balancer, de reconnaître que l'essentiel n'est pas là, ce que tu m'as laissé n'est pas là, il est sur le visage des filles que je croise et où je lis quelques-uns de tes traits. Il est dans le son de ta voix qui ne m'a toujours pas quitté. Dans le souvenir de ton odeur. L'essentiel tient dans tous ces visages que j'aimerai, après toi, et ce ne sera pas une trahison. J'aurais juste accepté à mon tour que l'histoire finisse.
Solitaire, méfiant sitôt que le début d'un groupe pointait son nombre suspect, mais féru de tandem, déjà, recevant chaque mercredi après-midi un ou une camarade, jamais plus, volontiers autoritaire, vampirisant.
La mort qui est en marche, c’est un sentiment dont est tout de suite confusément persuadé.
Voilà ce que ça fait vraiment quand elle est proche : on sait seulement qu’elle est là.