Citations de Asli Erdogan (389)
La solitude est la rouille qui s'infiltre dans les veines, retourne des poignets au cœur.
Une ville qui respire seulement dans la vapeur de la sexualité : Rio de Janeiro. Toujours nue, mais masquée..Toujours rassasiée, mais affamée...
Les jupes multicolores des femmes soulevées par le vent, la fumée de marijuana envahissant les plages, des rythmes partant des chaussées brûlantes pour envelopper les hanches, le désir qui se jette dans l'abîme comme un rapace...
Sur le balcon se trouvait un hamac, ce qui était indispensable â Rio; les rideaux de coquillages de la porte tintaient au moindre vent (selon une croyance brésilienne d'origine africaine, les coquillages portent bonheur).
En un mot, j'étais fascinée. Ce sont les rochers qui m'avaient le plus impressionnée; aussi vieux que la terre, ils semblaient avoir été sculptés d'un mouvement qui n'était plus, aux couleurs de cendre, de tuiles, bronze ou violets..
Le monde est là, immobile, ouvert telle une main, inconcevable, déchiré, froid. Ouvert autant qu’en prière ou à l’heure des adieux. (Ma main à moi est un poing fermé sur les mots.) Avec des lignes profondes qui dessinent la solitude, et les sentiers déserts de ce qu’on appelle le destin… Il te tient grossièrement entre ses doigts épais, te persuadant que tu deviendras récit.
Si seulement nous pouvions être si près l’un de l’autre que nous puissions nous parler. Peut-être alors oserais-je demander : où est le chemin qui mène à la vie ? Il doit y en avoir un, il faut bien qu’il existe, puisque de la vie je suis venue jusqu’ici…
Tu avances lentement, à grand-peine, dans cette nuit toujours semblable, vers la fenêtre au bout du mur, vers ce visage humain émacié et étrange que reflète la vitre embuée… Tu chemines vers le monde extérieur dont les contours indécis apparaissent derrière ton reflet. [..] Tu voudrais gravir l’escalier du ciel, te changer en une clarté d’un or pâle et faire pleuvoir tes rêves sur la nuit, sur les eaux ténébreuses, sur le long sommeil agité des hommes.
Pour ne pas hurler
De tous les mots qui agonisent maculés de sang, un seul, un unique mot se traîne jusqu'à moi. Et pesamment, comme on tracte un cercueil grinçant, il apporte avec lui le "moi" qui demain sera moi. Il dépose cet enfant muet sur mes genoux. Ses mains glacées agrippées aux barreaux de fer de la mémoire, serrant les dents de toutes ses forces... Pour ne pas hurler l'unique mot qu'il veut hurler...
Le mot qui se fraiera un chemin dans les ténèbres, pour y résonner longtemps et demeurer sans réponse...
Pour ce qui est de parler de traumatismes comme la torture, ceci peut très facilement devenir très pornographique, et je préfère un langage indirect, assez poétique, et qui est circulaire, et qui n'entre jamais dans la torture. Je pense que la littérature doit se déplacer dans les couloirs, entendre les hurlements, penser à ce qui est derrière cela, mais ne devrait pas ouvrir la porte pour prendre une photo.
Quant à moi… Je me suis racontée, encore et encore, de façon partielle, incomplète, erronée. À tout propos, hors de propos. Dans un style dépouillé ou dans la langue de la tragédie… Terrorisée par le spectre de la mort, j’ai rassemblé quatre ou cinq mots au son creux rivés dans le silence, j’ai employé des mots qui se taisent plus qu’ils ne parlent.
Je grimpe marche après marche dans la vacuité du ciel, plus haut chaque nuit, sur les versants escarpés de la solitude humaine… Pour pouvoir continuer à vivre, il faut être quelqu’un et c’est beaucoup plus facile parmi les pierres et sur les toits venteux.
En vérité, aucun récit n’a de début ni de fin, mais moi je suis obligée de mettre un point final à chaque phrase, de contenir le vide par des signes et de jeter le silence. [..] Je suis obligée de créer un corps et des ombres, et un nom que je pourrai appeler.
Sur la piste du rêve qui ne quitte jamais la nuit, dans les ténèbres, à tâtons, aller vers cette voix qui nous appelle confusément, mais qui toujours s’éloigne, et jamais ne répond…
Telles des ombres, nous nous traînons de jour en jour, à la poursuite de rêves où nous passeront la nuit… Quant à moi, je suis bloquée là, dans la stupéfaction de la nuit, au-delà des frontières et des rêves. J’écris afin de pouvoir continuer de croire qu’existe en moi un être qui jamais ne m’abandonnera, ni ne disparaîtra.
D’entre tous les mots qui agonisent maculés de sang, un seul, un unique mot se traîne jusqu’à moi. [..] Ses mains glacées agrippées aux barreaux de fer de la mémoire, serrant les dents de toutes ses forces… Pour ne pas hurler le mot qu’il veut hurler… Le mot qui se fraiera un chemin dans les ténèbres, pour y résonner longtemps et demeurer sans réponse…
Et nos corps, ces corps que toutes les guerres ont déchirés, une fois de plus sont vaincus, vaincus par cette absence qui se forme dans le secret, les flammes…
Or ce n'est point la lumière, mais le réel que mon œil cherche, la vie réelle dans toute sa fausseté, sa pauvreté, son vacarme et sa pompe...Mais je suis là, entre hier et demain, entre ces choses-là qui sont finies et celles-ci qui n'ont pas encore commencé, et peut-être ne commenceront jamais.
Sous les tropiques l'alcool vous monte à la tête d'un seul coup, transformant aussitôt les timides en audacieux, les introvertis en flamboyants, les grincheux en bravaches ;
Je me sentais prête à toutes sortes de folies, j'éprouvais le désir incontrôlable de danser, de faire l'amour ou de provoquer un incident. Et comme sous ce climat les effets de l'alcool disparaissaient aussi vite qu'ils venaient. Maya et moi découvrîmes qu'il était possible de boire toute la journée sans risque.
"J'appris plus tard que son béret tricolore était un des symboles de la religion rastafari, originaire d'Afrique et très répandue aux Caraïbes, un signe de protestation contre le racisme et la colonisation, de même que les dreadlocks, ....
... Vert, pour la terre arrachée aux colons; jaune pour la richesse de cette terre; et rouge pour le sang versé à la reprendre."