Darren détestait penser que son pays produisait des récoltes record de racistes pleins de pisse et de venin, aussi amers que la pourriture d'où ils venaient>.
A l'endroit où la route 225, c'est-à-dire l'artère principale de Passadena, croise Red Bluff Road, il y a un panneau blanc avec des lettres noires peintes à la main. Il est là depuis plus de dix ans. Une relique, d'aucuns pourraient dire. Un vestige d'un autre temps. L'inscription s'est décolorée sous les assauts des centaines de tempêtes qui fouettent le sud du Texas. Mais comme il roule à une vitesse prudente sur la route 225, Jay parvient à lire assez clairement :
PASADENA, TEXAS
FIERE PATRIE DU KU KLUX KLAN
... personne n'a jamais demandé qu'on l'enlève, ni suggéré dans le journal local qu'il n'était peut-être plus impératif d'afficher un racisme autant revendiqué, en tout cas de manière aussi tonitruante.
Jay avait lui-même décoré la maison vieille de quatre-vingt-sept ans, comme si sa femme pouvait encore passer des après-midi tranquilles sur la véranda qui faisait tout le tour, comme s’ils pouvaient repartir de zéro. Il s’attendait plus ou moins à franchir un jour le portail en fer forgé et à la trouver assise dans le jardin, sur la double balançoire blanche qu’il avait construite de ses mains. Avec ses exigences sans fin et ses demandes d’attention constantes - les poignées de porte manquantes, les ampoules cassées, les sols qu’il avait décapés tout seul -, cette maison lui avait sauvé la vie aux pires moments de l’année passée. Il la remerciait chaque jour de lui avoir mis des outils dans les mains pendant tous ces longs après-midi où il avait laissé son cabinet partir à vau-l’eau