Citations de Bérengère Cournut (373)
C'est étrange comme, parfois, rien a l'air d'être quelqu'un.
Odile, mon Odile, est-ce toi qui nous as envoyé Marcel Tremble ? Tu me connais, j'ai du mal à croire aux romances : Marie Madeleine trompant Henri la veille de leur mariage, Suzanne ne sachant rien ou se taisant de façon têtue jusqu'à aujourd'hui, tas Jeanne embrassant ce conte de fées sur fond de station essence... C'est beaucoup pour moi, qui t'ai aimée notamment parce que fuyais les familles compliquées, les non-dits, les secrets... Pourtant, veux-tu que je te dise ? Je l'aime comme s'il était ton père, ce Marcel Tremble.
D'abord, parce qu'il amuse les enfants - ce que j'ai du mal à faire depuis un an et demi que tu es partie. L'autre jour, j'ai entendu Chiffon rire aux éclats en voyant Zizi courir et crier sous le jet du tuyau d'arrosage que Marcel faisait semblant de ne pas maîtriser. Ça m'a donné le frisson, tant il y avait longtemps que notre cadet n'avait pas montré une telle joie. Quand Béguin est là, et a fortiori ta sœur, je peux les laisser tout seuls, je n'ai plus peur. Car jusqu'à présent, j'ai eu beaucoup de mal à m'éloigner d'eux, ne serait-ce qu'aux heures de travail. Et c'est pire lorsque je suis dans notre jardin ou notre maison.
Et je crois que si je veux être parfaitement honnête, ce n'est pas pour les enfants que j'ai peur - mais pour moi. Que t'est-il arrivé. Odile ? J'ai parfois la crainte de disparaître moi aussi, sans avoir d'explication à cela.
En tout cas, même si ce n'est pas flagrant, il y a un air de ressemblance entre Odile et lui... Pas dans les traits, car Odile était le portrait de maman, mais dans la silhouette. Le même élancement, peut-être. Et puis cette joie perpétuelle, mêlée d'angoisse et de timidité... C'est très troublant.
Ferment, faut chercher à comprendre, pas ni à contrarier la nature. L'eau veut couler ? Y a qu'à la laisser faire. On va lui aménager un lit.
J'ai été la femme de Ferment
et la mère de trois enfants
Je m'appelais Odile, j'étais jeune
j'aimais rire et pleurer en même temps
J'avais parfois peur de la vie
et beaucoup, beaucoup d'envies
Puis il y a eu ce jour où je suis partie
Ce n'était pas volontaire
c'est venu comme un truc qui sort de terre
Ça avait la tête, la silhouette d'un poisson
ainsi que ses couleurs, ses reflets
ça filait dans le ruisseau du jardin -
parfois par bancs entiers
Je les voyais chaque matin -
je jure que je les voyais!
et qu'ils m'appelaient
un à un
Alors une nuit où il faisait chaud et clair
j'ai mis les pieds dans le ruisseau
J'ai descendu le cours d'eau
jusqu'à l'endroit où ils allaient
- c'était loin-
J'ai parcouru
beaucoup de terres et d'océans
mais ce devait être à la vitesse de la lumière
car au matin, j'étais de nouveau
près de Ferment et des enfants -
bien plus enveloppante qu'avant
Ils ne me voyaient plus
ou plutôt pas encore
car j'étais tressée d'or
Mais j'étais là
sous leur peau, sous leurs doigts
sous chacun de leurs pas -
et dans leur âme je crois
C'est ainsi qu'a commencé
le plus beau, le plus long des voyages
dont le mouvement tient
dans un nom
dans une mémoire...
le nom et la mémoire de
Zizi Cabane
Quand on crie, quand on rit, l'ambiance n'est pas pareille : la neige assourdit tout et, le soir, elle illumine les rues, les trottoirs. Je ne sais pas pourquoi, mais quand je vois ça, mon cœur bat si fort que je dois retenir des cris de joie dans ma poitrine - ça fait presque mal.
À cet égard, je trouve ça curieux, l'amour d'une mère. C'est quelque chose qui vous contient tout entier, durant neuf mois- puis qui vous lâche. Pas le choix - ni pour elle, ni pour vous. Ensuite, c'est du soin constant, puis du souci. De la joie aussi enfin, j'imagine... Puis un jour, plus rien. Je veux dire : l'un des deux corps disparaît, le regard par lequel on était sans doute attaché l'une à l'autre, la mère et l'enfant, n'a plus lieu d'être, plus rien à quoi s'accrocher. C'est l'espace qui s'ouvre à la place- tout entier. C'est une libération peut-être.
À cet égard, je trouve ça curieux, l'amour d'une mère. C'est quelque chose qui vous contient tout entier, durant neuf mois - puis qui vous lâche. Pas le choix - ni pour elle, ni pour vous. Ensuite, c'est du soin constant, puis du souci. De la joie aussi - enfin, j'imagine... Puis un jour, plus rien. Je veux dire : l'un des deux corps disparaît, le regard par lequel on était sans doute attaché l'une à l'autre, la mère et l'enfant, n'a plus lieu d'être, plus rien à quoi s'accrocher. C'est l'espace qui s'ouvre à la place - tout entier. C'est une libération peut-être.
Je n'en sais rien en fait.
Le manège se met en route, la fusée commence à trembler. (12)
J'ajouterais même que tu étais puissant, car seuls les êtres puissants cassent ainsi, face à l'adversité, et font le grand saut pour mettre un terme à la souffrance. Ils cassent, ils éclatent - comme la pierre sous le marteau ou le burin. Et c'est ainsi qu'ils délivrent leurs secrets, leurs beautés - et rayonnent longtemps dans la mémoire des vivants.
Je me réveille ce matin avec l'envie furieuse de brasser des cailloux et le désir affolant de tâter la chair d'un poisson. Qu'est-ce qui me prend ?
Je n'étais plus une masse liquide
Seulement un cœur chaud dans une main d'enfant
Sans rage sans furie sans force aussi...
Serre-moi serre-moi une fois, Zizi
Et laisse-moi partir, toi aussi
217. A cet égard , je trouve cela curieux l’amour d’une mère. C’est quelque chose qui vous contient tout entier, durant neuf mois - puis qui vous lâche. Pas le choix – ni pour elle, ni pour vous. Ensuite, c’est du soin constant, puis du souci.de la joie aussi – enfin j’imagine… Puis un jour, plus rien. Je veux dire : l’un des deux corps disparaît, le regard par lequel on était sans doute attaché l’une à l’autre, la mère et l’enfant, n’a plus lieu d’être, plus rien à quoi s’accrocher. C’est l’espace qui s’ouvre à la place – tout entier. C’est une libération peut être.
Je n’en sais rien en fait.
214. on vit autant de ses manques que de ses capacités
« Tata ? » Elle sursaute. « Mais qu’est ce que tu fiches, à pleurer dans la rocaille ?
- Oh, oh ! Je ne pleure pas, esquive-t-elle en souriant. J’arrose simplement les pensées que j’ai mises en terre récemment … » (page 98)
"Oh, oh ! Je ne pleure pas, esquive-t-elle en souriant. J'arrose simplement les pensées que j'ai mises en terre récemment..."
Je réponds que si on arrive pas à dialoguer avec la petite parcelle qui nous échoit, on ne comprendra jamais rien aux territoires qu'on habite.
Je sais bien que tout ça n'est qu'une Illusion, que je ne devrais pas m'accrocher à cette maison. Mais tant que tu l'habiteras, Odile, même en rêve, je ne pourrai pas la quitter. Alors je fais des plans de sauvegarde, je tente des expériences... Cette source ne me fait plus râler. Je suis à deux doigts de croire qu'elle est une chance. En tout cas, elle m'occupe l'esprit, m'empêche de devenir fou en pensant à toi, à ce que tu es devenue et qu'on ne sait pas.
Je suis le vent, Jeanne
Et je vous emporte tous
plus loin encore
Là où le chagrin et la mort
ne sont plus rien
c est etrange comme, parfois, "rien" a l air d être quelqu'un.