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Citations de Bertrand Périer (87)


On écrit pas pour dire comme on écrit pour être lu.
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Comme presque toutes les professions, "les gens de robe" - c'est ainsi que les avocats et les magistrats s'appellent, lorsqu'ils veulent se distinguer "du reste du monde", les "moldus du droit" - cultivent un jargon dûment hermétique voire carrément ésotérique. Il leur permet d'une part de gagner du temps lorsqu'ils se parlent entre eux et de se reconnaître les uns les autres [...].
Parfois même, entre intimidation et esbrouffe, les robins tiennent des propos émaillés de locutions latines. [...] Il y a dans ce galimatias pompeux, à la fois cuistre et grandiloquent, un côté "médecin de Molière", qui contribue à faire de la justice un monde à part, mal connu, mystérieux. Ce qui est paradoxal puisqu'en tête des milliers de décision de justice qui sont rendues chaque jour dans notre pays figure la mention "Au nom du peuple français"...
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J'aime à penser que l'on progresse au pays des mots comme les explorateurs le font dans des terres vierges : plus on découvre, plus on prend la mesure de l'ampleur de son ignorance.
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L'affadissement du langage va de pair avec l'appauvrissement des idées. J'en suis convaincu : lutter contre le premier, c'est combattre le second.
La fréquentation assidue des dictionnaires constitue la condition essentielle d'une parole efficace et juste.
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Une fois que l’on est ainsi renseigné, on peut commencer à élaborer
une stratégie, qu’il s’agisse d’une stratégie de négociation, de médiation
ou de contentieux.
C’est l’aspect le plus délicat de notre métier. Comment traduire des
événements de la vie – familiale, commerciale, professionnelle,
quotidienne – en concepts juridiques, en catégories de droit existantes ?
Comment transformer une parole foisonnante, qui correspond au ressenti
du client, en des qualifications juridiques abstraites ? Et aussi, comment
sélectionner les arguments qui nous paraissent pouvoir être utilement
présentés au juge ?
Car l’avocat est un filtre. Un double filtre, d’ailleurs. D’une part, il a
pour mission de sélectionner, parmi toutes les informations qu’il reçoit de
son client, celles qui sont susceptibles de constituer des arguments utiles
dans une négociation ou un contentieux. D’autre part, il doit être en
mesure de les formuler de telle façon qu’ils puissent être compris par le
juge. La parole est ici essentielle : tant que je n’ai pas parfaitement
compris la situation, parfois technique, de mon client, je ne peux
l’expliquer au juge.
Lors de la rencontre avec le client, j’explique tout cela : la nécessité de
sélectionner les arguments, de les formuler de façon intelligible. Le client
a parfois du mal à le comprendre, et voudrait que l’on explique tout, avec
ses mots à lui, au juge. C’est là que joue l’autorité de l’avocat. Lutter
contre la tentation naturelle de dire au client ce qu’il a envie d’entendre.
Faire comprendre que l’on est mieux à même que le client de définir ce
qui est susceptible de servir ses intérêts, d’une part parce qu’on détient
une compétence particulière et d’autre part parce qu’on dispose du recul
nécessaire (c’est en raison de la nécessité absolue de ce recul que les
avocats, sauf très rares exceptions, ne se défendent pas eux-mêmes
lorsqu’ils ont affaire à la justice, mais s’attachent les services d’un
confrère). Et pour autant arriver à ce que le client ait le sentiment d’avoir
été entendu.
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Utiliser la parole a la fois pour ce qu'elle est (une compétence sociale et professionnelle), pour ce qu'elle fait naître (la confiance en soi, l'estime de soi la résistance au stress) et par les valeurs qu'elle porte (l'écoute, le respect, l'engagement).
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Le cadeau dit d’abord le regard de celui qui l’offre sur celui qui le reçoit !
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Comme tout moment de fête, un déjeuner (c’est-à-dire, littéralement, une rupture du jeûne) ou un dîner se prépare. On choisit les commensaux, l’endroit, le menu, les vins, la musique, le plan de table, la décoration. Et je pense alors toujours à l’obsession de Brillat-Savarin : « Convier quelqu’un c’est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous votre toit. »
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Un dernier mot : la parole ne sert pas seulement à exprimer des idées, elle permet également de les faire naître. Elle met le fond en forme autant qu'elle le suscite. Plus la parole est riche, plus les idées le seront à leur tour.
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Finalement, la musique classique souffre du même mal que l'éloquence : l'image tenace d'un art élitaire et compassé qui serait l'apanage d'initiés érudits. Or rien n'est plus faux, puisque la musique, comme la parole, n'est rien d'autre qu'un mode d'expression de sentiments universels, et qu'elle est en cela accessible à tout un chacun.
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Cultivez le goût du mot juste au service de la pensée libre. (p. 84)
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Les gens parlent parce qu'ils sont, dit-il, il n'y a rien de plus charnel que la parole, c'est la chair qui se fait verbe!
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dirigée contre Alain Poher. Les journalistes ne sont ici rien d’autre que
des faire-valoir.
La situation n’est pas très différente lors de l’élection suivante, en
1974. Ainsi, lorsqu’il introduit le débat d’entre-deux-tours entre Valéry
Giscard-d’Estaing et François Mitterrand, Alain Duhamel, qui est censé
animer ce débat avec Jacqueline Baudrier, admet d’emblée que les
journalistes s’en tiendront à un rôle de simple présence : « Comme vous
nous l’avez demandé nous nous interdirons naturellement de poser une
quelconque question. » Tout cela serait évidemment inimaginable
aujourd’hui.
De nos jours, le discours politique est totalement intégré à la société du
spectacle. Les annonces se font au journal télévisé, et non plus devant les
assemblées, qui en seraient pourtant les destinataires naturels et
légitimes.
Les hommes politiques se pressent dans des émissions de
divertissement, se bousculent dans les programmes de téléréalité, allant
même jusqu’à se livrer complaisamment à d’étonnantes « confessions
intimes »…
Cette dilution du politique dans le médiatique n’a évidemment pas été
sans conséquence sur le contenu même du discours politique. Comme le
discours médiatique, le discours politique est devenu moins technique. Il
s’est simplifié à la fois dans son contenu et dans son expression. La
langue de bois a triomphé et la plupart du temps, les politiciens s’en
tiennent à des formules générales avec lesquelles personne ne peut être
en désaccord (« Les Français attendent qu’on traite les vrais problèmes »,
« Il faut faire preuve de détermination et d’imagination face au
chômage », « Notre système de santé doit être profondément rénové pour
que chacun puisse être mieux soigné », « Notre système éducatif doit être
plus performant »).
L’obsession est de respecter la règle des 4 C : clair, court, cohérent,
crédible.
Parler pour montrer qu’on existe, mais ne rien dire pour ne pas cliver
et prendre une position qu’on viendrait ultérieurement rappeler ou
opposer, accepter de renoncer à toute nuance pour qu’une formule passe-
partout tienne en 140 signes, se faire le véhicule servile d’éléments de
langage élaborés par ailleurs, tel semble être aujourd’hui le secret de la
communication politique.
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EXERCICES :
Le micro-trottoir
Imaginez que vous participez à une manifestation sur un sujet de
société ou un sujet politique. Un journaliste vous tend un micro et
vous avez 40 secondes (chronométrez-vous) pour défendre votre
cause (l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste, la lutte
contre les violences faites aux femmes, l’entrée de la Turquie dans
l’Union européenne, le rétablissement des peines planchers, la
déchéance de nationalité pour les terroristes, etc.).
L’« interview-piège »
L’exercice se joue à deux : un journaliste et un invité. L’invité est le
maire d’une commune. Il est venu parler de sujets relatifs à la
gestion communale (les impôts locaux, l’ouverture d’une salle des
fêtes, la lutte contre l’insécurité, etc.). Le journaliste ne lui pose de
questions que sur des sujets que le maire ne souhaite pas évoquer (la
division de sa majorité, la mise en examen de son premier adjoint, la
question de sa candidature aux prochaines élections). Le maire va
devoir réorienter les questions vers les sujets qu’il veut aborder, sans
répondre aux questions gênantes.
La conférence de presse de crise
Vous avez convoqué la presse pour communiquer sur une crise
(vous êtes le directeur d’une école et un élève a été gravement
blessé lors d’un week-end d’intégration, vous êtes le dirigeant d’une
entreprise dont le directeur financier est en garde à vue pour des
abus de biens sociaux, vous êtes le dirigeant d’une société de
construction automobile et un accident de la circulation a fait
apparaître une malfaçon dans le système de freinage qui vous oblige
à rappeler un type de véhicule).
Vous devez faire une déclaration préalable selon les règles
évoquées plus haut (réactivité, empathie, transparence), puis
répondre aux questions des journalistes.
Le buzzer à jargon
Le langage médiatique, qui vise à être compris de tous, est soumis
à une exigence de simplicité. N’employez pas de mot qu’un
enfant de douze ans ne comprendrait pas. Entrainez-vous à
expliquer avec des mots simples des phénomènes complexes (le
conflit du Moyen-Orient, le réchauffement climatique, la crise des
subprimes). Vous pouvez aussi essayer d’expliquer en quoi
consiste votre travail sans utiliser aucun vocable technique.
Demandez à vos interlocuteurs de taper dans leurs mains ou sur la
table lorsque vous utilisez un terme trop complexe.
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Le discours médiatique occupe une place prépondérante dans la
société. La parole n’a jamais été aussi médiatisée. Cependant prendre la
parole dans les médias n’est pas anodin et requiert une préparation
spécifique.
En amont, il faut bien se renseigner sur les conditions de la prise de
parole. L’émission est-elle en direct ou pas ? De combien de temps vais-
je disposer pour parler ? Qui sont les autres invités ? Comment
l’émission s’organise-t-elle ? Quelle est sa tonalité générale ? Quel est
son public ? Les réponses à ces questions permettront d’adapter le
discours.
N’oubliez pas de vous poser deux questions fondamentales :
« Pourquoi moi ? » et « Pour dire quoi ? ». On est invité parce que l’on
occupe une fonction (je suis le président de telle association), parce
qu’on incarne un point de vue sur la société dont on a souhaité qu’il soit
représenté (je suis contre la GPA) ou parce qu’on a une « actualité » que
l’on souhaite évoquer.
Sur le fond, en fonction du temps de parole dont vous disposez,
définissez les messages que vous voulez absolument faire passer. Ils
peuvent être au maximum de trois. Il faut en connaître auparavant la
formulation. Dites-vous que vous ne quitterez pas l’émission sans les
avoir présentés. Dites-vous également que les questions des journalistes
ne sont qu’un prétexte. Quelles qu’elles soient, vous êtes là pour
transmettre votre message. On a beaucoup ri du dialogue entre Alain
Duhamel et Georges Marchais : « – Ce n’était pas ma question. – Oui
mais c’est ma réponse. » Pourtant, cette phrase est toujours et plus que
jamais d’actualité !
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La médiatisation dans les émissions de divertissement ou de culture ne
répond pas aux mêmes règles. Il y a, si l’émission est en direct, une
excitation, une montée d’adrénaline liée à l’urgence, on n’a pas de
deuxième chance. J’adore participer à des émissions de radio. Cela
suppose une concentration très particulière. Derrière le journaliste, je
pense aux auditeurs, je suis très attentif à faire passer le message. Je fais
la chasse aux mots inutiles, je veille à ne pas ennuyer, à ne pas être
redondant, à ne pas hésiter, à demeurer dans un rythme de parole que
j’apprécie lorsque moi-même j’écoute la radio. Les réponses doivent être
rapides, on n’a pas le droit d’être imprécis. D’émissions en émissions,
j’ai affiné ma pensée, j’ai tenté de trouver des formules qui me paraissent
efficaces telles que « débattre c’est le contraire de se battre » ou « quand
on parle, avant de dire ce que l’on a à dire on dit qui l’on est ». J’ai le
souci d’être en permanence dans le rythme de l’émission. En duplex, ce
n’est pas évident, on doit s’insérer dans une émission, en deux minutes,
être tout de suite dans la tonalité. De plus, j’ai dû adapter mon message
en fonction du type de programme, le public n’est pas le même sur
France Culture, RTL ou dans On n’est pas couché. Mais à chaque fois, je
suis physiquement et intellectuellement tendu vers le message que je dois
délivrer. Je m’efforce de donner le meilleur de moi-même. Pour la cause
que je viens défendre et pour les auditeurs.
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À la sortie du tribunal, face aux journalistes, je ne dispose que de
trente secondes pour résumer tout un dossier et une plaidoirie de vingt
minutes. C’est la quintessence de ce que l’on a plaidé en une formule.
Pour cette affaire, j’ai trouvé deux formules qui me paraissent efficaces :
« La mutilation juridique est le pendant de la mutilation chirurgicale »,
« On ne peut imposer à une personne un état civil qui ne correspond pas à
son état réel ». Le message doit être court, percutant, simple, et il faut
toujours veiller, lorsqu’on est interrogé par un journaliste, à intégrer la
question dans la réponse : la question sera coupée au montage.
Ramasser sa pensée est un très bon exercice. Je suis convaincu qu’on
doit toujours pouvoir expliquer une cause en moins d’une minute. Si l’on
a besoin de plus, c’est que ce n’est pas si clair que cela. Je pense que je
peux résumer en une minute tous mes dossiers.
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Argumenter en fonction du public
On ne parle pas de la même façon selon la personne ou l’assemblée
à laquelle on s’adresse. Le destinataire du discours est-il hostile
(auquel cas je vais devoir le convaincre) ou acquis (auquel cas je
vais devoir le galvaniser) ? Est-il spécialiste de la question que je
vais aborder (auquel cas je n’ai pas à expliquer les bases de mon
idée) ou novice (auquel cas je vais devoir employer des mots
simples) ?
Quelques exercices pour s’entraîner à prendre en compte son
auditoire :
– Soutenir la limitation du bonus des traders : à la fête de l’Huma /
devant l’assemblée générale du MEDEF.
– Défendre la PMA pour les femmes seules : sur un char de la
Marche des fiertés / au Congrès des associations familiales
catholiques.
– Parler de la Joconde : à un peintre amateur / à un moine tibétain /
à un aveugle / à un enfant.
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Utiliser les catégories d’arguments
Argumenter sur un sujet de société en utilisant un argument de droit,
un argument de fait, un argument de valeur, un argument d’émotion
(« Je suis favorable à la généralisation de la garde alternée car le
droit l’autorise, car on constate que cela donne de bons résultats, car
cela manifeste l’égalité entre la mère et le père dans l’éducation de
l’enfant, et car cela permet de ne pas priver l’enfant durablement de
l’affection de l’un de ses deux parents »).
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Quand on est avocat, on ne plaide jamais sa propre cause. Il faut
toujours garder un certain recul pour parvenir à dépassionner le débat.
Rien n’est pire qu’un avocat qui plaiderait la cause de son client comme
la sienne. On le voit d’ailleurs parfois dans les affaires familiales, où des
confrères plaident le divorce de leur client en se souvenant du leur et
perdent toute crédibilité. Au quotidien aussi, rien n’est pire que de coller
à sa cause, sans distance. C’est pourquoi il peut être bon d’avoir recours à
une tierce personne. On n’est pas forcément le meilleur plaideur pour soi-
même. Pour dénouer un conflit, dans les relations humaines, il me semble
judicieux de demander à un tiers ce qu’il pense de vos arguments. Dans
le monde du travail, il faut toujours être assisté. Dès lors que le droit
permet d’être accompagné, il faut saisir cette opportunité parce que
lorsqu’on est impliqué soi-même on n’a pas le recul nécessaire pour bien
jauger la situation et trouver les bons mots. Quand nous nous faisons
notre propre avocat, nous avons tous tendance à charger notre
argumentation d’affect. Le regard d’un tiers est là pour dépassionner.
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