Le livre se divise en deux parties égales : la première évoque l'enfance et l'adolescence de "Elle", le personnage principal, que l'on pourrait penser en souffrance depuis son plus jeune âge. La difficulté d'exister, d'être, de porter ses maux existentiels et en chercher les causes.
C'est un personnage sensible et émouvant. Son regard sur le monde est par moments bouleversant et on se demande comment on peut "tenir" si jeune avec de si grosses fragilités, ce besoin excessif du contrôle. On s'indigne parce que la situation, à plusieurs reprises, est alarmante, et comment la mère est passée à côté de la souffrance de son enfant.
Comment peut-on vivre si jeune (et si mal) avec une si grande conscience de la mort?
A la moitié de l'ouvrage, le "Elle" devient "Je" , "la petite fille" devenue grande s'affirme avec son propre pronom personnel, même si le récit devient moins introspectif. C'est l'âge des relations aux autres plus affirmées, l'âge de l'indépendance et de la liberté.
C'est un roman sur la difficulté de s'aimer soi-même, et le danger de s'aimer à travers le regard et la présence de l'autre. Que peut-on apporter à l'autre quand on pense n'avoir rien à offrir? On s'interroge aussi sur les liens de l'amitié d'adolescence : pourquoi on se choisit? parce qu'elle est celle que l'on aimerait être? est ce que l'amitié se teinte inévitablement de la couleur du désir : de ce que l'autre est? de ce qu'il représente pour nous.
Peut-on se perdre dans une amitié aux attentes inégales?
C'est un roman d'apprentissage, où les expériences font grandir et dévoilent un monde où les illusions n'ont plus leur place (comme cet épisode où les deux petites filles vont vendre un carton de Barbie pour financer leur "fugue", peu conscientes du prix qu'elles peuvent en exiger. Un acheteur les leur prend pour 5 euros le tout, et elles retrouvent le contenu du carton ( des dizaines de Barbie et accessoires) sur son étal, à 5 euros l'article.
Et puis il y a ce jour où la vie prend un virage, où le drame interrompt l'insouciance pourtant vaguement trouvée : où la mort fauche en plein vol la vie du groupe d'amis et l'amitié devient un rempart contre le vide, une sécurité contre le vide qui naît de l'absence de l'autre.
La chute, est tout aussi brutale que pourrait l'être celle d'une nouvelle, brutale mais quelque part prévisible dans inconscient du lecteur. La relecture du roman inviterait à retrouver les indices qui amènent à la révélation et à son issue.
Ta façon d’être au monde est un beau roman avec des personnages forts, que l'on n'oublie pas. L'écriture est belle, une génération s'y retrouvera sans aucun doute, dans les détails, dans les sentiments.
Camille Anseaume est assurément une auteure que l'on aura envie de retrouver et dont les histoires transportent au plus profond de nos souvenirs, autant qu'au plus profond de nos sentiments.
Lien :
http://leslecturesdalice.ove..