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Critiques de Carl Gustav Jung (150)
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Métamorphoses de l'âme et ses symboles

Jung est un peu à la psychanalyse ce que Durkheim est à la sociologie: le second a développé le concept de conscience collective et le premier a mis en avant la thèse - controversée - d'un inconscient collectif, au-delà de l'inconscient individuel sans doute plus largement mis en avant par Freud. L'inconscient collectif se nourrit de symboles, mythes et légendes qui existent, sous des formes légèrement différentes (adaptées au contexte particulier) mais présentant de frappantes similitudes sur le fond, dans toutes les cultures et communautés humaines. A mon sens Jung n'entend pas démontrer que nous serions asservis à cet inconscient collectif mais de mettre en avant ce qui unit toutes les communautés et âmes humaines et en ce sens cette analyse très documentée à travers l'histoire et les lieux est assurément passionnante. Peut-être pas nécessairement le type de bouquin à lire d'une traite mais le genre de volume que l'on aime ressortir de temps en temps pour y picorer de quoi faire voyager l'esprit...
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Métamorphoses de l'âme et ses symboles

[Le site n'offre pas assez de caractères pour parler de C. G. Jung > texte tronqué, OSEF]



Restez balbutiants les amis, fermez-la devant ce miracle. Je m’attarderai uniquement à réfléchir aux hypothèses neuves présentées dans cet essai de plus de 700 pages car –condensés mais pas que-, les trésors de l’humanité ici synthétisés dans ce qu’on imagine être leur brutalité originelle (un premier degré pas emmerdant) permettent aussi de réfléchir au processus d’individuation que se doit d’accomplir chaque individu. L’homme moderne : tel doit être l’objet de notre compréhension. Sur le feu, il crame, l’intérieur de la casserole sent le graillon. On se souvient du bon vieux temps de la salaison. Tout n’est pas encore perdu. Sa folie trouvera justification ; sa veulerie méritera compassion ; mais nous ne lui permettront plus d’en rester là. Reprenons dans l’ordre.



Comme l’écrivait Emil Cioran : « Si une seule fois tu fus triste sans motif, tu l'as été toute ta vie sans le savoir ». Nous parlons de la tristesse décisive qui marque un point de rupture. Après l’avoir éprouvée, impossible de retrouver le monde comme avant. D’ailleurs, vous vous souvenez du bon vieux temps : vous avez longtemps fait le bouffon, comme sur le strapontin où on envoie les phoques faire les clowns devant les enfants. Il est vrai que l’effort n’était pas à la hauteur du réconfort. Le phoque aura sans doute la vie trop courte pour comprendre qu’il tourne en rond ; malheureusement, l’espérance de vie moyenne de l’homme ayant drastiquement augmenté ces dernières années, la plupart d’entre nous peut déceler l’anguille qui se cache sous la roche. Alors, vous quittez le strapontin et décidez de ne plus jamais y revenir. C’est ce qu’on appelle renâcler du gland. Vous faites peur à vos proches, normal, voilà que l’emmerdeur émerge dans la proximité –on n’aurait jamais pu deviner qu’il se cachait sous l’apparence du chien à sussucres. C’est qu’on ne provoque jamais la vie sans se faire buter par elle en retour. Toutes les recommandations que l’on peut vous faire pour que vous reveniez sur la terre plate n’y feront rien. Vous connaissez la rengaine. Les toubibs avant eux l’avaient déjà inventée : la réification de l’individu qui se cache derrière le malade. La nosographie permet d’en dissimuler les traits saillants sous une armature clinique ainsi rendue inoffensive. Que se passerait-il si on comprenait la signification réelle des symptômes ? Employons les grands mots qui siéent aux grands maux : qu’adviendrait-il des biens portants si on reconnaissait la quête métaphysique que poursuivent les malades ?



Pour le frisson intellectuel, on aime souvent rappeler que c’est avec ce texte que Jung signa sa rupture définitive avec Freud –précisément à la page 174, dans la deuxième partie. Ou plutôt, c’est que Freud, dans son genre de paranoïa pas catégorisé dans le tableau nosographique des délirants, crut y relever l’ultime offense faite à son œuvre dogmatique. Discordance sur les notions de libido –toute sexuelle pour Freud, considérée au sens vaste d’énergie vitale pour Jung- et le nom de ce dernier fut balafré de la liste V.I.P. des psychanalystes. Grand bien lui fasse. Le processus d’individuation le dit lui-même : il nécessite un jour de s’éjecter hors de l’orbite qui nous faisait tourner en bourrique, pour devenir à soi-même un nouveau système autour duquel viendront se greffer de nouvelles pousses, le temps qu’il leur faudra pour s’envoyer en l’air à leur tour. Ainsi va la vie.



Ayant ainsi compris pourquoi Freud cessa définitivement de kiffer Jung, nous comprendrons également pourquoi Lacan et ses fifres ne purent admettre la moindre accointance avec ce psychanalyste magistral. C’est au niveau du symbole que ça coince. Prenons ce passage de la Métamorphose de l’âme :



« Ce qui surgit dans nos rêves et nos fantaisies était autrefois coutume consciente et conviction universelle. Or, ce qui eut jadis une telle puissance, ce qui put jadis constituer la sphère de vie spirituelle d’un peuple hautement développé ne peut avoir totalement disparu de l’âme humaine au cours de quelques générations ».



Le symbole s’inscrit au cœur de l’individu sur une pente qui tend à la phylogénie –j’extrapole car ce n’est jamais le terme employé par Jung, qui parle plutôt de nous renvoyer balader à des périodes préhistoriques de l’histoire de l’humanité. Le symbole est diachronique et se perpétue au fil des générations, issu d’un atavisme que l’individu reçoit nécessairement. Au contraire, Lacan explique le symbole synchroniquement. Il est recréé à chaque fois par l’individu dans son rapport au signifiant, à la béance fondamentale du premier rapport à l’Autre. Cette discordance dans la définition du symbole permet de mieux comprendre comment s’opposent d’une part la pensée causaliste (propre à l’école freudienne) et la pensée constructive (à laquelle on peut également rattacher J.-C. Pichon, Bergson et sans doute toute une pelletée).



- La pensée causale est déterministe. Se bornant à la compréhension rétrospective, elle n’est pas foutue d’admettre un point de vue prospectif. Elle n’admet qu’une âme devenue, figée, morte et incapable de s’animer en vue de son devenir.

- La pensée constructive pense qu’il n’existe pas de processus psychique qui soit sans but. Dans son essence, le psychique est orienté vers une fin. Elle pose la question : comment jeter un point entre l’âme ainsi devenue et son avenir ?



N’excluons pas une pensée au détriment d’une autre car les deux sont nécessaires. Ainsi que l’écrivait Jung dans « Psychogénèse des maladies mentales » : « Comprendre l’âme selon le principe de causalité signifie n’en comprendre qu’une moitié. […] Dans la mesure où la vie réelle et actuelle est quelque chose de nouveau qui triomphe de tut ce qui est du passé, on ne doit pas voir la valeur principale d’une œuvre d’art dans son développement causal mais dans son action vivante. […] ». Cette confrontation acquise à sa cause nous permet de creuser encore un peu ce qui sépare les deux écoles dans leur rapport au symbole. Pour Freud, la formation du symbole s’explique uniquement par l’entrave faite à la tendance incestueuse primaire (le mythe oedipien) et ne serait qu’une production de substitution. Pour Jung, elle annonce au contraire la renaissance.



Autre point de rupture qui ne fait pas kiffer Freud : Jung conteste que la santé signifie l’équilibre immuable (ça, ça ressemble plutôt à la mort : la roche, par exemple, on ne dit pas que c’est un être vivant ; vous non plus, vous n’aimeriez pas ressembler à un morceau de pierre, pas vrai ? alors respirez bon dieu, ça peut même être sain). Dans « Ma vie », Jung nous avait raconté les quelques crises majeures qu’il avait endurées au cours de son existence. Je me souviens particulièrement de cette crise de moitié de vie qui lui fit connaître une profonde dépression, soignée entre autres par une régression passée à jouer dans un bac à sable avec des morceaux de bois pour faire des petites sculptures de boue et de bâtonnets. Bien sûr, après cela, quelque peu regonflé d’énergie, il allait se laver les mains et retrouver ses patients. D’une manière plus sobre, il l’écrit ainsi :



« Chaque jour, après le déjeuner, quand le temps le permettait, je m’adonnais aux constructions. A Peine la dernière bouchée avalée, je « jouais » jusqu’à l’arrivée des malades ; et le soir, si mon travail avait cessé suffisamment tôt, je me remettais aux constructions. Ce faisant, mes pensées se clarifiaient et je pouvais saisir, appréhender de façon plus précise des imaginations dont je n’avais jusque-là en moi qu’un pressentiment trop vague ».



Arrête de te foutre de sa gueule : « j’étais sur la voie qui me menait vers mon mythe ». Tout le monde ne peut pas en dire autant. Ce n’est qu’en acceptant cette introversion, en reprenant les attitudes propres à son passé individuel, qu’il réussit à inverser son mouvement d’introversion. Dans la « Métamorphose de l’âme », c’est ce mouvement d’individuation qu’il cherche à décrire à nouveau, parce que ça lui fut salutaire –sans cela il aurait crevé sans mouvement comme tant d’autres qu’on appelle névrosés, trucs, ou qu’on n’appelle parfois plus, pour finir.



Donc, cette forme de semi-vie que l’on appelle névrose n’est pas digne de la conduite d’un gent individu. Cessez de faire vos mijaurées, choisissez. La vie ou la mort ? Car c’est à cela que se résume le choix. Il faudra, malheureusement, le faire plusieurs fois dans sa vie, jusqu’au moksha. « Refouler signifie se libérer illégitimement d’un conflit », « on se forge l’illusion qu’il n’existe pas ». Mais alors, ça devient quoi le complexe refoulé ? Prenons un exemple. Coutume qui se perd, mais qui se pratiquait assidûment dans le bon vieux temps, on pouvait parfois assommer le tendre époux devenu encombrant et, si c’était bien fait, tout le monde croyait qu’il était mort le temps qu’il le fallait pour l’enterrer bien profond sous terre. Le refoulé, c’est la même chose, seulement que parfois, comme le Père Goriot, il réussit à traverser la fosse septique des couches d’humus pour revenir frapper à la porte de ta conscience. Mais le Père Goriot, c’est qu’un roman, aussi bien dit, ça n’arrive que dans de rares cas. En réalité, la bonne grosse mégère qui a envoyé papa au fond du trou ne se sent pas si fière de sa lâcheté et tous les jours, elle craint de le voir revenir bouffé par les vers. Elle y pense tout le temps ; c’est-à-dire qu’elle fait en sorte de n’y penser jamais et ça la rendra un peu dingue. Sans qu’on ait forcément un cadavre dans les placards, aussi longtemps que le conflit sera nié, il empêchera l’individu de se rencontrer.



« La vie appelle l’homme au-dehors, à l’indépendance et quiconque, par commodité ou crainte infantile, n’obéit pas à cet appel est menacé de névrose. Une fois que celle-ci a éclaté, elle deviendra progressivement une raison plus que suffisante pour fuir le combat de la vie et rester à jamais embourbé dans la prison morale de l’atmosphère infantile. »



La religion est un système régressif mis au point par nos lointains aïeux pour permettre aux moins courageux d’entre nous de s’inscrire sur le chemin de l’individuation, c’est-à-dire contre le processus du refoulement névrotique. C’est qu’il s’agit de ne pas oublier une seule de nos erreurs pour les livrer à confesse –pour qui aime lécher les fesses- mais, dans le boudoir de votre relation à dieu, il vous est offert également de vous lamenter et de vous flageller en attendant que l’on vous gracie. Le dieu pourra bien foutre ce qu’il veut de vos conflits dont vous surestimez largement la valeur, cette sale manie que vous aurez à les exposer à sa tronche pour obtenir le pardon s’oppose au refoulement névrotique. Les deux bienfaits psychiques que vise l’éducation chrétienne sont donc les suivants : maintien en conscience du conflit de deux tendances qui s’opposent l’une à l’autre ; allègement du fardeau en l’offrant au dieu qui connaît toutes les solutions.



On dira que Jung n’est qu’un vieux catho qui a humé toutes les salles du bon dieu de la confession –tout ça parce qu’il insinue largement que le christianisme est de valeur supérieure –mais quiconque se sera tapé ces 700 délicieuses pages saura qu’il n’est parvenu à cette conclusion qu’avoir après absorbé une quantité de littérature majeure au sujet des religions, mythologies et légendes les plus ethnologiquement variées (hindouisme, mythologique grecque, mythologique germanique, mythologie égyptienne, mithriacisme, monothéismes, alchimie) pas négligeable, et qu’il les aime et les respecte comme il se doit.



Cependant, son étude comparée du symbolisme entre la religion chrétienne et les religions précédentes (judaïsme inclus) l’amena à comprendre que la communauté chrétienne fut la première à s’identifier à un archétype transcendant. Plus de recherche d’utilité humaine immanente : l’aspiration au symbole suprême instaure une intimité psychique jamais connue. Revers possible : pouvoir engendrer le danger de consomption des sphères instinctives personnelles par l’amour humain. C’est pourquoi la médiation incarnée vint atténuer le danger en détournant ces sources vives d’amour vers un seul personnage. Pourquoi rupture avec le judaïsme ? Parce qu’ici, la victoire remportée sur le père est aussi une victoire sur la puissance de la loi, donc une usurpation sacrilège du droit. Ce crime capital nécessite la projection de la faute sur Jésus, ce violeur de loi, second Adam pêcheur, modulo l’établissement de la relation avec un dieu fondamentalement différent du premier. Et comme c’est pas tout, non seulement on entérine la séparation d’avec le judaïsme mais on instaure en plus une rupture radicale avec les religions païennes précédentes qui croyaient venir à bout de leur vilenie en sacrifiant des animaux, dans l’idée que l’endormissement des instincts animaux en l’homme suffisait.



Avec le christianisme, c’est l’homme naturel tout entier qu’il faut abandonner. L’homme du christianisme ne pourra pas se contenter de domestiquer ses instincts animaux –ce qui n’est même pas permis au premier venu-, il devra y renoncer totalement et discipliner en outre ses fonctions spécifiquement humaines, donc spirituelles, pour les tourner vers un but transcendant. Les pauvres têtes creuses des siècles modernes s’agitent de consternation : c’est que du haut de leur échelle chronologique, elles croient avoir densifié leurs circuits neuronaux et s’arrogent désormais le droit d’un jugement impartial. Mais les institutions –même religieuses- ne restent jamais figées et si nous souhaitons les comprendre, bougeons-nous le cul ainsi que nous en exhorte Jung pour imaginer la situation qui pouvait être celle de l’homme réclamant le christianisme. La société de l’antiquité avait beau être relâchée, primitive et instinctuelle, elle n’était pas si bandante que ça. Suffit qu’une tendance s’affirme dans son extrême pour que la tendance opposée veuille à son tour imposer les siens : la tension s’accroît jusqu’à faire éclater le conflit. Si le christianisme a réussi à s’imposer à cette époque et dans ce contexte, c’est parce qu’il proposait un culte ayant pour but de dompter les instincts animaux par l’enseignement d’une morale de l’action, expressément ascétique. Par un travail séculaire d’éducation, le christianisme a viré progressivement l’impulsivité animale de l’antiquité ainsi que celle des siècles barbares ultérieurs, créant la civilisation que l’on connaît. Le temps a passé, la morale ascétique a fait des petits du haut de son platonisme immaculé, l’homme moderne fait la gueule et se trouve bridé de partout. Voire, il s’emmerde dans le monde organisé qu’il ne dépasse pas du bout de son nez.



« L’homme civilisé d’aujourd’hui semble bien éloigné [du sentiment de délivrance qui accompagna les débuts de la diffusion du christianisme dans sa volonté de dompter moralement les instincts animaux]. Il est simplement devenu nerveux [contrairement à l’homme moralement relâché]. Aussi les besoins de la communauté chrétienne ne sont-ils plus compris aujourd’hui. Nous n’en saisissons plus le sens. Nous ne savons pas contre quoi ils pourraient nous protéger ».



Ce qui est drôle c’est qu’on renie aujourd’hui le fondement religieux de notre civilisation en empruntant des voies de réflexion que seule notre religion a pu nous fournir. Reprenons. Le christianisme a permis à l’homme de se détourner du monde et de construire un monde spirituel intérieur capable de résister aux impressions des sens. Cette lutte contre le monde sensible a rendu possible l’apparition d’une pensée se développant indépendamment des choses extérieures ; une autonomie de l’idée susceptible de tenir tête à l’impression esthétique ; une pensée détachée de l’influence émotionnelle et capable de s’élever progressivement à l’observation réfléchie. Des siècles passent, la machine s’emballe. Résultat : on assiste à l’effondrement progressif du Logos (celui-là même qui poussait l’ancien chrétien à s’éloigner du monde) dans la Physis. C’est le fondement de la pensée scientifique moderne, peu ou prou les râteaux de l’échec vers la transcendance :



« En transposant le centre d’intérêt du monde intérieur au monde extérieur, la connaissance de la nature a infiniment grandi en comparaison de ce qu’elle était autrefois ; mais la connaissance et l’expérience du monde intérieur ont diminué en proportion. […] Même la psychologie moderne a grand-peine à revendiquer pour l’âme humaine un droit à l’existence et à faire admettre qu’elle soit une forme d’être douée de qualités que l’on peut étudier […] ».



Jung n’est pas très optimiste pour l’avenir de l’humanité qui renie ou méconnaît son passé. Considérant que le christianisme a été élaboré pour échapper à la sauvagerie et à l’inconscience de l’antiquité, nous risquons de voir renaître cette violence en jetant la religion avec l’eau du bain. Parlant des crises majeures du début du 20e siècle, Jung écrit :



« Nous avons vu ce qui se produit quand un peuple trouve trop sot le masque de la morale. Alors la bête est lâchée et toute une civilisation disparaît dans la folie de la corruption des mœurs. […] Nous nous imaginons que notre primitivité a depuis longtemps disparu et qu’il n’en subsiste plus rien. Sous ce rapport notre déception a été cruelle. Le mal a submergé notre culture comme il ne le fit jamais. Cet horrible spectacle nous permet de comprendre en face de quoi le christianisme s’est trouvé et ce qu’il s’est efforcé de transformer ».



L’homme de notre époque est peuplé d’un néant qui s’aligne peut-être sur la disparition du rythme, du temps et de l’espace. S’il reste des reliques d’initiation, de transmission et de tradition, celles-ci tournent comme des horloges folles dans quelques caves dissimulées de l’humanité, et on ne peut rien faire pour donner le tempo. On se retrouve avec des flopées de névrosés qui ne savent même pas ce qui leur manque. Leur libido tourne en rond dans un petit stade sans plaisir au lieu de s’ébattre, de se perdre et de s’accélérer dans les prés qui n’existent plus. Ici, les symboles se bousculaient. Chacun pouvait voir naître le sien, celui qui offre une voie d’expression à sa libido. C’est que le symbole fonctionne comme un transformateur : il fait passer la libido d’une forme inférieure à une forme supérieure en agissant par suggestion. Il persuade et exprime, au moyen de l’impression numineuse, le contenu même de ce dont il est persuadé.



« [L’âme] est à elle-même l’unique et immédiate expérience et la condition sine qua non de la réalité subjective du monde en général. Elle crée des symboles qui ont pour base l’archétype inconscient et dont la figure naissante surgit des représentations acquises par la conscience. »



On en tire une posture thérapeutique claire :

« Le premier devoir qui s’impose au psychothérapeute est de saisir le sens nouveau des symboles afin de comprendre ses malades dans leurs efforts compensatoires inconscients pour découvrir une attitude exprimant la totalité de l’âme humaine. »



Rien qu’à ça, on peut deviner que Jung devait être beaucoup plus cool que Freud, là, qui nous disait toujours comment nous comporter pour être le mec qui file du bon coton. Pour Jung, ça peut bien être de la bave d’araignée, il n’existe pas de valeur autre que celle subjective. Comme il disait, les sentiments sont le facteur d’évaluation le plus juste qui soit. Les valeurs objectives n’existent pas, sauf comme résultat d’un consensus général (et on sait combien c’est dégueulasse).



Autre nécessité du recours au symbolisme : il nous permet de comprendre les étapes qui entourent le chemin de l’individuation : dépression, introversion, régression, renaissance. Au début, le conflit peut se manifester par le sentiment de la nostalgie :





« Une partie de l’âme désire sans doute l’objet extérieur ; mais une autre voudrait revenir en arrière vers le monde subjectif où lui font signe les palais aéri
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Métamorphoses et symboles de la libido

Quand on a lu Freud, évidemment on finit par lire C.G Jung. Pour leur côté contradictoire. J’aime lire l’opposé de ce que j’ai déjà lu, pour me faire une idée. Je ne suis pas psychanalyste, loin de là, mais leurs idées se regroupent à quelques détails près…



Un exemple simple de leurs contradictions :



Pour Freud, l’utilisation de l’outil du divan était essentielle pour pouvoir faire l’analyse, laissant toujours l’analyste hors de vue du patient. Tout le contraire de Jung qui faisait les séances face à face, assis devant le patient et maintenant une relation directe constante. Il n’avait pas de divan.





« Si deux personnes sont toujours d’accord sur tout, je peux vous assurer que l’un des deux pense pour les deux. »

– Sigmund Freud —



« Je ne suis pas ce qui m’est arrivé, je suis ce que j’ai choisi d’être. »

– Carl Jung —



Bonne lecture !
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Mysterium conjunctionis 01

Jung a ceci de caractéristique que sa psychologie analytique ne fut pas seulement un domaine de spéculation idéatique mais une esthétique s’emparant pleinement de chaque pan de sa vie : il l’exprima poétiquement (le Livre Rouge, les Sept sermons aux morts), scientifiquement (Dialectique du moi et de l’inconscient, Métamorphoses de l’âme et ses symboles, etc.) et herméneutiquement (Aïon, Mysterium conjunctionis I & II). Preuve en est donnée que frayant ainsi sur chaque lame de sa vie intellectuelle, la psychologie analytique de Jung n'est pas seulement une science dite objective, comme son auteur avait pourtant essayé de le faire croire. Mais revenons-en à nos symboles et, dans le domaine herméneutique, si Aïon m’avait déjà paru imbuvable, la torture fut encore plus fine – mais non moins intense – avec Mysterium.





Le travail effectué par Jung part pourtant d’une bonne intention – ceci pourrait, il est vrai, susciter dès l’abord notre méfiance. Sa collaboratrice d’alchimie Marie-Louise von Franz accentue le trait pathétique en déclarant même que Jung se serait penché sur un « tas de fumier » constitué de livres anciens d’alchimie tous plus obscurs et abscons les uns que les autres afin d’en tirer la substantifique moëlle pour l’unique gloire de la connaissance. Cette opération, elle-même alchimique, s’appuie sur le présupposé jamais interrogé par notre éminent psychologue que les manifestations symboliques renverraient à des référents transcendants qui leur insufflent sens et puissance. Fusionnant l’esprit de la nouvelle théologie et le kantisme, c’est-à-dire supposant que le sujet détient naturellement une connaissance des vérités surnaturelles en dehors de toute soumission à une autorité traditionnelle, mais qu’il en est éloigné par toute l’épaisseur de sa mondaine ignorance qu’il appelle conscience, Jung parcourt les grimoires anciens dans l’espoir de repérer les liens qui s’établissent d’un symbole à l’autre dans l’histoire de l’humanité. Il suppose que les auteurs de ces traités alchimiques parlaient sans savoir. Ce point est difficilement contestable. Malheureusement, Jung parle également sans savoir lorsqu’il prétend être moins inconscient que ses prédécesseurs et lorsqu’il se joue de cette supériorité, somme toute chronologique, pour établir la signification dernière des symboles alchimiques. En fait d’exploration de l’inconscient, Jung réalise surtout une étude statistique. Le sens d’un symbole sera d’autant plus sûr que ses occurrences seront élevées. Les sens plus rares ne sont cependant pas éliminés, comme cela pourrait se faire dans toute bonne démocratie qui se respecte : en ce sens, il ne serait pas loyal de dénier à Jung son naturel penchant à l’élitisme de type monarchique. Le symbole ainsi considéré dans tout l’éventail de ses significations glisse lentement mais sûrement vers l’imaginaire. Jung tisse les différentes images associées à un symbole à la manière d’une grouillante toile de Bosch.





Dans cet essai, Jung ne se livre pas à de la psychologie – encore moins à de la psychanalyse, cela va sans dire. Il oublie complètement le sujet humain et prétend établir une nomenclature qui serait objective. Le symbole aurait un sens autonome qui ne trouverait à se déployer en un sujet que de façon contingente. Nous finissons même par nous demander quelle est la place de l’homme dans ce processus, si ce n’est de servir l’archétype qui chercherait une forme corporelle pour se réaliser dans toutes ses dimensions. Jung sous-entend également que le symbole peut se manifester à l’esprit de quelques-uns comme une indication prophétique – un conseil divin – destiné à aider l’humanité dans son accomplissement. Le problème de l’accomplissement, c’est qu’une fois accompli, tout le monde oublie à quoi il devait servir. Mais il y a encore pire : l’objectivité mise au service du bien commun conduit aux abominations les plus discrètes : le symbole objectivé devient ainsi signe de l’être supposé du sujet, auquel le véritable être du sujet – s’il en a un – devrait se soumettre.





Lacan disait de Jung : « son problème, c’est qu’il connaît toute la vérité » alors que l’idée de la vérité ne fait que nous reposer de notre irréductible ignorance. Mais il y a encore pire que de croire connaître toute la vérité, c’est de croire que cette vérité est la même pour tous, et que la jouissance que Jung a soutiré de son interprétation symbolique sera également la jouissance de son lecteur. Je m’efforçai un temps de jouir comme Jung car je croyais en la voie qu’il proposait puis, réalisant que je devais lui apposer des béquilles à tous les encans pour qu’elle continue de coïncider avec ma vie, je lâchai progressivement cet effort et reconnus que la jouissance de Jung n’était pas mienne. Et d’ailleurs, quand bien même Jung se présentait comme un « psychologue analytique », il est fort à parier que ni la psychologie ni, à plus forte raison, l’analyse, qui s’éloignent de l’objectivable pour tomber dans le non-sens logique d’un être, ne lui étaient fort ragoûtantes.





Ne vous trompez pas sur l’emballage : l’étiquette porte bien le titre de « psychologie analytique » mais cet ouvrage s’intéresse moins aux méandres de la subjectivité, à nuls autres pareils, qu’au projet d’atteindre statistiquement l’essence des archétypes qui sont traditionnellement supposés soutenir la base de la manifestation des formes symboliques en notre monde.

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Mysterium conjunctionis 02

La première partie du second volume de Mysterium Conjunctionis (voir la note sur le premier volume ici : https://www.babelio.com/livres/Jung-Mysterium-conjunctionis-01/138030/critiques/2995145 ) s’inscrit dans la continuité du travail précédemment entrepris d’étude de symboles alchimiques. Les figures du Roi et de la Reine, d’Adam et Eve, sont décortiqués dans toutes leurs ramifications.





Les chapitres qui suivent nous présentent enfin des textes moins descriptifs. Jung explicite la motivation qui fut sienne dans l’étude qu’il mena avec son Mysterium. « Bref », comme il l’écrit lui-même, « l’opération alchimique nous apparaît comme l’équivalent d’une méthode psychologique : l’imagination active ». Autrement dit : l’opération alchimique serait une opération autant mêlée de rationalité (spéculation intellectuelle) que d’irrationalité (correspondances, amplifications, contamination par les affects et influences souterrains) visant à soutenir l’effort de l’alchimiste dans la mise au monde de son impensable. Un impensable singulier qui semble toutefois pouvoir se reconnaître en l’impensable de milliers d’autres alchimistes puisque, d’œuvres uniques, Jung s’est efforcé de dénombrer les dénominateurs communs, en bon avant-gardiste statisticien, se leurrant de son approche comptable en avançant l’idée d’un inconscient collectif qui serait le fil ésotérique à l’origine duquel émergeraient les tubercules des consciences individuelles.





L’approche n’est donc pas psychanalytique en ce sens que Jung ne s’interroge pas sur le lien d’une pensée à une parole – fût-elle de conformation alchimique – mais plutôt psychologique. Jung reste à la surface de la conscience, s’emparant des figures typiques qui baignent des générations d’hommes et, les agitant comme les morceaux de verre à l’intérieur d’un kaléidoscope, il s’émerveille de la sur-signification qu’il découvre dans leur assemblage sculptural.

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Présent et avenir

lu il y a longtemps
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Présent et avenir

Ecrit en 1957, ce livre s'inscrit pleinement dans le contexte de la Guerre froide entre les USA et l'URSS. Jung nous parle du concept de massification. L'individu pris dans la « masse » est conditionné par la pensée étatique et n'est plus capable de penser par lui-même. Il est condamné à suivre la pensée dominante, notamment celle du progrès, ce qui l'éloigne du Divin. Pour Jung, seul le rapport personnel à Dieu (au sens très large) peut redonner un sens à la vie de l'individu, à retrouver le contact avec son Moi profond. Par ailleurs, c'est également l'époque où plusieurs pays potentiellement dangereux s'arment de la bombe atomique. Jung est effrayé à cette idée d'une autodestruction possible de l'humanité et de la planète. Il va sans dire que la plupart de ces idées restent cruellement d'actualité. Nous sommes maintenant habitués à vivre avec la bombe atomique. En dépit d'une apparente augmentation de l'individualité, nous suivons comme des moutons ce que nous dit l’État. La crise actuelle en est le témoignage le plus flagrant. Quant à notre rapport à Dieu, il n'a pas disparu, loin de là, mais il s'inscrit dans la survenue d'une spiritualité plus syncrétique, qui peut effectivement, être nécessaire à l'homme pour « se retrouver ». Et échapper ainsi au processus de massification.

Pas toujours très clair si l'on ne possède pas quelques rudiments de psychologie et psychanalyse, ce petit livre reste pourtant une bonne approche pour une réflexion sur l'homme dans la société.
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Présent et avenir

Cette œuvre testamentaire de Jung est dense en concepts et brève. Les thèmes principaux abordés sont l'Etat, l'individu, les masses, la religion (différente de la Confession), la science et la médecine. Son propos me semble intéressant pour comprendre le contexte de l'écriture de l'ouvrage. A sa lecture on comprend mieux les vertiges causés au philosophe par le nucléaire (1945) et la division du monde en deux blocs antagonistes aux contours étanches (Est/Ouest, Individualisme/Communisme). De quoi avoir peur, et sans aller jusque là (Jung se défend d'ailleurs d'être pessimiste), de quoi écrire un essai sur l'avenir de l'humanité.

Jung critique sévèrement le bloc de l'Est et la négation de l'individu, happé de gré ou de force par le représentant du parti politique. Il est aussi critique quant aux masses manipulables dans la partie Ouest du monde, où les médias et les pouvoirs politiques en place ne laissent pas tant de place à l'autonomie des individus.



La mise en péril de l'humanité est, selon Jung, dans le fait que dieu (au sens large, croyances divines et valeurs qu'il incarnerait) ait été mis à mal. La psyché humaine n'est donc plus habitée et nourrie par ce désir de faire le bien, elle est en jachère et canalise moins son penchant au mal.

Si Freud a été taxé de pansexualiste, j'ai envie de dire qu'ici Jung signe son panthéisme.



La densité du propos rend parfois difficile sa compréhension et son assimilation. Il n'en demeure pas moins que cet ouvrage comporte des points de réflexion pertinents sur les masses, l'assujettissement, l'abrutissement des foules au service des gouvernants qu'importe le régime politique. Par ailleurs l'invitation de Jung à renouer avec la nature est loin d'être dénué de sens.



En conclusion, pour comprendre le contexte de l'après guerre, ce livre me semble tout à fait indiqué mais aussi pour continuer la réflexion sur le monde au 21 ème. Une lecture qui ne peut pas faire de mal.



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Présent et avenir

Jung fut un homme épatant. Ce petit livre n'est pas spécialement connu et n'a pas spécialement eu d'échos, à ma connaissance. Il y a là dedans pourtant tout un tas de réflexions passionnantes et qui auraient pu déjà orienter le monde dans un tout autre sens que celui que nous avons connu. Parce que ce livre n'est plus véritablement actuel. Sa valeur est historique. Beaucoup de ces réflexions sont maintenant plutôt obsolètes, les peurs ne sont plus tout à fait les mêmes. Et les solutions non plus... Enfin, ce n'est pas si sûr non plus.

Bref, ça parle de l'homme et la religion, l'homme et les états autoritaires, l'homme et sa liberté. L'homme et la connaissance de l'homme en général, en macro, en scientifique, en termes de médecine et la connaissance d'un homme singulier, en particulier, en micro, en "analyse", en travail individuel, où il faut sortir, oublier les généralités pour connaître, comprendre, traiter, soigner. Pour que soi et l'humanité aient encore un avenir...

Les masses font très peur à Jung, mal menées par des religions extrêmes ou des leaders autocrates, le danger est réel, le monde est en sursis. La solution se crée-se trouve pour Jung dans le développement de la connaissance intime de chacun et le progrès et l'éveil individuel, qui, une fois sommé, additionné, donnerait enfin un peuple, des peuples éveillés et plus à même d'organiser le monde en-dehors des peurs, et vers un mieux, un bien.

Le danger à l'époque du nucléaire, et des extrémismes commençait à sourdre et les peurs n'ont cessé d'être alimentées depuis, Jung avait raison. Sauf qu'on a rien écouté et qu'on n'a pas fait grand chose.

Et maintenant pas mal de paradigmes ont changé, et les solutions sont toujours des points d'interrogation.

Bref, ce livre me donne envie de donner encore un peu plus de crédit à ce personnage marquant de la fin du 19e siècle jusqu'à la moitié du 20e. Dans un degré moindre, certes, mais à l'instar de "Ma vie", son autobiographie.





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Présent et avenir

Inspiré par la conception cyclique du temps, qui voudrait que les ères se succèdent sans se ressembler sur des périodes d’une durée moyenne de deux millénaires, C. G. Jung nous fait subtilement comprendre que nous évoluons au cours d’une période charnière de l’histoire de l’humanité. S’il ne le dit pas explicitement, d’autres avant lui l’ont écrit : depuis le XVe siècle, nous préparons l’arrivée de l’ère du Verseau qui chassera l’ère du Poisson, culminante avec le Christ et l’expansion rapide de l’Eglise, bientôt rattrapée par son succès et ses dissensions.





Notre Présent, c’est aussi le Présent qui fut celui des peuples avant l’arrivée du Christ, deux mille ans plus tôt. C’est aussi celui qui prépara l’arrivée du Justicier sur Terre derrière la figure du Bélier, quatre mille ans plus tôt… ainsi de suite…





« Nous vivons précisément à l’époque de la « Métamorphose des dieux », c’est-à-dire de la métamorphose des principes et des symboles de base. »





L’homme doit en être conscient et doit être prêt à accepter cette évolution. C. G. Jung, avec un art subtil de la suggestion, renverse le point de vue d’un grand nombre de problèmes inhérents à notre société et nous montre comment l’Ephémère, qu’il s’agisse des institutions étatiques ou des dogmes culturels dominants, nous voile l’Eternel et nous empêche de progresser dans la compréhension de notre inconscient. La bonne blague qui voudrait nous faire croire que les religions sont le frein majeur à l’exaltation de l’individu ! alors que selon Jung, l’Etat et l’Eglise partagent les mêmes constructions faisant appel à l’instinct grégaire de l’individu. Perdu dans la masse, l’homme s’oublie et perd sa capacité à agir réellement sur le monde. L’Etat et l’Eglise promettent les mêmes récompenses, mais le premier ne rassure pas le démon intérieur alors que le second en permet une interprétation riche à visée cathartique. Au contraire, l’Etat projette le mal sur l’Autre. L’individu transfère son ombre sur son voisin et s’efforce de l’en chasser sans jamais prendre conscience de sa responsabilité.





« Si l’on pouvait voir naître une conscience générale du fait que tout ce qui dans le monde sépare et dissocie repose sur la séparation et l’opposition des contraires dans l’âme elle-même, on saurait où et dans quel sens diriger son effort. »





L’homme voulant s’émanciper des influences de l’éphémère peut se tourner vers la foi. La religion aidera l’homme si celui-ci accepte de se guérir des préjugés qu’il conçoit à son égard et s’il l’interprète de façon symbolique, non plus littérale. Le risque est grand, toutefois, que si l’Eglise parvienne enfin à établir une relation personnelle avec chacun de ses croyants, elle finisse par se figer et se scléroser. Il faut toutefois prendre ce risque si il permet de faire prendre conscience du dualisme que l’individu préfère rejeter sur l’extérieur. L’homme réalisera peut-être alors qu’il a perdu du temps à se battre contre des moulins à vent alors que son existence même constitue une boîte de Pandore intarissable. La connaissance et la compréhension viendront ensuite d’un renforcement des relations humaines face à l’atomisation de l’individu, esseulé dans la masse ou dans la solitude du progrès aliénant.





C. G. Jung n’est pas un prophète de la nouvelle ère. Il a été frappé par la « pistis » -la foi qui s’impose de façon inéluctable- et souhaite la faire pressentir à ceux qui ne la connaissent pas encore ; à la rappeler et à communier avec ceux qui la connaissent déjà.





« […] En fait la croyance intérieure est un phénomène secondaire qui repose sur une donnée primaire : avoir vécu quelque chose qui nous bouleversait […] »





Présent et Avenir apparaît comme le rappel de cette foi inconditionnelle qui arrache l’individu à l’Ephémère pour le faire danser hors de tout ordre temporel. S’arracher du maintenant pour y être tout le temps...à quoi conduira un tel paradigme ?





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Un nouvel essai de définition de la synchronicité ? tout modulé de nuances toutefois...



Citation :

« Les phénomènes parapsychologiques toutefois rendent nécessaires prudence et circonspection, car ils témoignent du fait que des facteurs psychiques peuvent imprimer une relativité au temps et à l’espace, relativité qui remet en question notre explication un peu naïve et précipitée du parallélisme psychophysique. »





Jung se retrouve avec Pichon pour la conception d'un temps qui irait de l'à-venir à ce qui a été :



Citation :

« C’est l’individu qui est le porteur de cette conscience. Ce n’est pas lui qui crée la psyché arbitrairement ; au contraire, c’est elle qui le modèle et qui l’achemine pas à pas de l’inconscience de l’enfance vers un éveil et vers la prise de conscience de sa conscience. »





Jung est parfois limite puisqu'il pose des théories en axiome. Ainsi, la société moderne serait opposée aux fonctions naturelles de l'homme, mais il ne précise pas la nature de ces dernières. Peut-être désigne-t-il alors ce qui relève de l'intuitif...



Citation :

« Chaque fois qu’une fonction naturelle à l’homme se perd, c’est-à-dire se trouve exclue de son exercice conscient et volontaire, un trouble général prend naissance. C’est pourquoi il est tout à fait naturel que le triomphe de la déesse Raison ait institué une névrotisation générale de l’homme moderne, c’est-à-dire une dissociation de la personnalité en tous points analogue à la dissociation actuelle du monde. »





Et pour une définition de l'instinct :



Citation :

« L’instinct est originaire et héréditaire et de même sa forme nous vient du fond des âges : je l’ai appelé archétypique. »





Pour Jung, la religion est un moyen de découvrir le noyau vrai de soi-même. Il considère la religion comme une antidote à la massification, à condition qu'elle soit pratiquée avec conscience :



Citation :

« […] Les religions enseignent une autre autorité, qui est opposée à celle du « monde ». Elles enseignent que l’homme relève du divin, suzeraineté aussi exigeante que celle du monde. Ces exigences divines, avec leur caractère absolu, peuvent soustraire l’homme au monde d’une manière aussi radicale que celle par laquelle il se perd à lui-même en succombant à la mentalité collective. »





Contre la naïveté de l'athéisme et de la laïcité, Jung désigne les institutions étatiques (et surtout socialistes ?) comme la nouvelle religion moderne :



Citation :

« L’Etat s’est mis à la place de Dieu, et c’est pourquoi, dans cette optique, les dictatures socialistes sont des religions au sein desquelles l’esclavage d’Etat est un genre de culte divin. »





Mais ces institutions n'ont que les désavantages de l'adhésion religieuse :



Citation :

« Par une représentation suggestive de la puissance de l’Etat, on cherche à susciter un sentiment collectif de sécurité qui toutefois, à l’opposé des représentations religieuses, ne fournit à l’individu aucune protection contre ses démons intérieurs. C’est pourquoi il s’accrochera encore plus à la puissance de l’Etat, c’est-à-dire à la masse ; et, alors qu’il est déjà socialement dépossédé, son âme succombera aux influences collectives, et il s’y livrera intérieurement. »





Toute la question est donc de savoir comment dépasser ces deux solutions défaillantes...


Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Problèmes de l'âme moderne

Le tout premier ouvrage de Jung que j'ai lu après son autobiographie. Il est composé de quatre parties:

1- La structure de l'âme

2- L'homme et l'existence

3- La femme et le couple

4- La poésie et l'art

Bien que Jung ait écrit son ouvrage en 1960, il continue d'exercer un véritable intérêt pour nous hommes modernes dont le schéma psychologique n'a pas ou peu changé.

Cet ouvrage s'adresse à tous ceux qui veulent prendre connaissance de l'oeuvre de Jung ainsi qu'à ceux qui veulent en savoir plus sur la place de l'homme et de la femme dans la société, qui s'interrogent sur le monde qui nous entoure, comment comment le comprendre, s'y forger notre propre personnalité; également pour tous ceux qui s'interrogent sur la relation complexe entre deux époux.
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Psychogénèse des maladies mentales

Comme je n’en suis plus à ma première lecture de Jung, vénéré en mon cartel, je dois bien reconnaître que cet ouvrage me parut assez plat. C’est qu’ici, la majorité des textes datent de la période au cours de laquelle Jung n’était encore que le petit disciple de Bleuler. On sait ce que provoque ce genre de situation : timidité, prudence, soumission au dogme en vigueur. Si bien que Jung, dans ce premier recueil d’essais, émet d’abord l’hypothèse d’une origine physiologique à la schizophrénie, ce qui plaît bien à son éducateur.





Les essais, classés par ordre de parution chronologique, nous montrent l’évolution de ce point de vue. Contre l’idéologie dominante, Jung affirme qu’on ne peut étudier la schizophrénie sans prendre en compte à la fois son origine physiologique et à la fois son origine psychologique (cf. le psychoïde). Il remarque en effet que les conditions environnementales du psychotique influent beaucoup sur l’évolution de sa maladie et si les psychiatres considèrent que leurs malades forment un bloc monolithique de symptômes, c’est parce qu’ils ne fréquentent que les cas les plus graves, reclus dans leurs asiles. Jung, à ses heures psychanalyste de ville, rencontre quant à lui des cas plus modérés et reconnaît que le tableau clinique montre une variété foisonnante de profils. Les états-limites ne sont pas encore désignés comme tels, mais nous en voyons ici une claire description.





Ne crachons pas dans la bonne soupe : même si Jung se montre ici moins spectaculaire que dans nombre de ses autres publications, il n’en reste pas moins d’une lucidité et d’une intelligence rares dans le milieu. Il évoque la nécessité pour le thérapeute de connaître les origines psychologiques de l’humanité –ce qui implique de ne pas céder à la mode athéiste moderne- et de chercher à comprendre son malade en pénétrant avec lui dans son univers –non en essayant de lui imposer celui du moment.





Enfin, c’est dans ces essais que Jung jette les bases de sa pensée constructive, à l’opposée de la pensée causaliste. Respectant l’œuvre de Freud, il prend toutefois ses distances et opère contre sa manie à rejeter vers le passé tous les contenus de l’inconscient d’un individu.





« L’esprit scientifique, dans la mesure où il a une pensée déterministe, est incapable de compréhension prospective, il ne comprend que rétrospectivement. […]

Comprendre l’âme selon le principe de causalité signifie n’en comprendre qu’une moitié. […] Dans la mesure où la vie réelle et actuelle est quelque chose de nouveau qui triomphe de tut ce qui est du passé, on ne doit pas voir la valeur principale d’une œuvre d’art dans son développement causal mais dans son action vivante. […]

L’âme n’est que d’un côté une réalité devenue, qui est, comme telle, soumise au point de vue causal, mais d’un autre côté, l’âme est en devenir, et cet autre côté de l’âme ne peut être saisi que de façon synthétique et constructive. Le point de vue causal se borne à se demander comment cette âme actuelle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. A l’opposé, la perspective constructive se demande comment jeter un point entre cette âme ainsi devenue et son avenir ? »





Que sait l’âme de notre avenir ? Ses troubles, ses désirs et ses terreurs ne renvoient pas seulement au passé. Sa principale nourriture reste l’espoir et en ceci, lui demander dans quelle direction elle veut s’orienter peut permettre de résoudre ses principaux tourments.

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Psychologie de l'inconscient

L’autre jour j’ai fait un drôle de cauchemar



Bah voilà, je suis dans un bois en Suisse, bon ouais c'est chelou mais je sais que je suis en Suisse... mais je sais pas ce que je fous là par contre, et j’aperçois une marmotte un peu salope sur la démarche et le maquillage... quand elle me voit, elle se met à cavaler vers moi avec les yeux de la bite… mais c’est quoi ces conneries que je me panique un peu, tout tétanisé dans mes draps endormis, je peux pas bouger une roubignole, du coup pas farouche la bestiole elle se retrouve à portée de voix :



« Baise moi, baise moi qu’elle marmotte… je peux te faire des trucs…plein de trucs de marmotte, allez laisse toi faire… »



Et moi je veux pas bordel, c’est une marmotte putain, du coup, je me fous sur mes appuis et je lui bottine sa tronche…





Et je me réveille…





Vous vous dites que ce rêve n’ a aucun sens…. quéquette ouais, il est bourré de sens justement, essayons d’interpréter le message de mon inconscient :



J’avais plus de Nesquick et j’ai oublié d’aller en acheter la veille, en plus ce moi-ci je suis un peu dans le rouge niveau thune, mes caprices de luxe m’ont couté un découvert, ma nana me harcèle pour que lui chatouille un peu sa libido débordante, je me cache, je rentre tard, j’ai peur qu’elle me choppe dans un coin, et avec la gosse je dors moins depuis trop longtemps moi qui marmottait week end et jours fériés….



La suisse est la capitale du chocolat et du fric, pas de fric pas de chocolat, d’ou mon oubli d’aller en acheter… la marmotte, quand elle n’emballe pas le chocolat, elle roupille beaucoup, elle symbolise le sommeil que je n’ai plus et qui me manque, mais pourquoi elle est un peu salope, bah vu que je dors avec ma nana qui dégouline d’envie à mon égard, le sein est vite fait :



« T’es plus une salope maintenant, t’es une maman… » et les marmottes rassurent les enfants….





Jung c’est le gars qui te fait kifer tes putains de névroses, justifié par ton inconscient qui dans l’ombre végète sa folie, ta folie, ton animalité, ton immoralité, ton irrationalité, ton instinct primitif emprisonné dans ta conscience morale, ta vertu… Mais tu ignores le monstre qui roupille et qui hante tes songes de mille sens, dont tu n’as pas idée, les contraires s’attirent, se complètent puis se détestent… l’interprétation des rêves donne le sens caché du néant qui nous habite…



L’inconscient et la boite de pandore…



Pour notre équilibre, pour nous libérer il nous faudrait être capable d’apprivoiser la bête qui se tête dans la complexité de ton être, mais qui es tu vraiment sous cette jupe un peu bandante? sous ce sourire espiègle ? cette timidité fragile ? cette impulsivité pleine de colère ?



Freud pense que les névroses viennent toutes de l’EROS, Adler de la toute puissance, Jung développe une autre théories qui englobe de façon générale les deux autres et bien d’autres encore, d’une complexité qui me force à admettre que je suis une burne devant le jargon employé, un début prometteur, puis je sombre dans l’incompréhension des archétypes, de l’inconscience collective, l’énergie des contraires, la libido et j’en passe…



Un bouquin accessible qui se complique un peu pour les néophytes du genre qui nous réflexionne la gueule de manière passionnante que l’on adhère ou pas à la psychologie… Surtout que l'on peut donner n'importe quel sens à n'importe quoi du moment que l'on est convaincue et convaincant... parce que je n'ai jamais fait ce rêve...



A plus les copains
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Psychologie de l'inconscient

Il perdure, selon moi, trois frontières sur lesquelles butent encore la soif de conquête et de connaissance de l'humanité : l'espace, l'océan et le psychisme humain (qui sont, par ailleurs, trois thématiques très présentes dans la littérature de science-fiction). On peut contester aux penseurs des théories psychanalytiques d'avoir forgé des concepts sur la base de données empiriques incertaines, soumises à l'interprétation, mais on ne peut leur contester leur qualité de défricheur de territoires, jusque là inexplorés.

Par ailleurs, sans doute est-ce vrai pour toutes sciences, mais peut-être davantage en ce qui concerne la psychologie, les concepts et théories produits par la pensée humaine sont étroitement liés aux conditions (donc également à l'état d'esprit et aux traits psychologiques de leurs producteurs) dans lesquelles ils émergent. La conclusion qui s'impose serait donc qu'ils ne sont qu'un point de vue (hormis, peut-être, quelques lois fondamentales mises en exergue par les sciences dures) et que, par conséquent, comme le dit justement Mathieu Potte-Bonnevile "il n'y a de vérité, au sens strict du terme,que dans l'éclipse des maîtres".



Est-ce donc ce qu'a voulu faire Jung vis-à-vis de Freud ? Éclipser le maître ? On ne peut ignorer les désaccords qui existent entre eux (mais également le fait qu'une génération les sépare), si l'on veut pouvoir envisager l'oeuvre de Jung. Ce Psychologie de L'inconscient constitue, pour cela, un excellent support, car le psychanalyste suisse y expose les deux concepts majeurs qui l'éloigne de la pensée Freudienne "orthodoxe" : la volonté de puissance et l'inconscient collectif. Au moyen d'une écriture claire, aisément compréhensible, Jung s'emploie à expliciter ce qu'il croit être le fonctionnement de l'inconscient. On sent une volonté pédagogique évidente, que l'auteur juge vitale. En effet, si ce texte a été remanié à plusieurs reprises (1918, 1925, 1935, 1942, la présente édition étant la version définitive), il fut débuté en 1916, au beau milieu de la première guerre mondiale. Celle-ci semble avoir profondément marquée l'auteur, qui fait un lien explicite entre méconnaissance des mécanismes de l'inconscient et barbarie :"la psychologie des individus correspond à la psychologie des nations [...] Seule des modifications dans l'attitude des individus peuvent être à l'origine de changements dans la psychologie des nations".



A cette fin Jung ne part pas de zéro. Clairement redevable à Freud, (il sait en être un très bon exégète) il ne cache pas non plus ce qui les sépare, notamment la notion de "volonté de puissance", qu'il explicite dans le cadre de sa théorie générale des névroses. Cette partie est un des points forts de cet essai, bien construite, illustrée de cas cliniques parlants. Ainsi, si pour Freud le conflit inconscient (qui est la définition de la névrose) est d'origine sexuel, de manière systématique, ce n'est pas nécessairement le cas pour Jung, même s'il reconnait que cette origine symptomatique est souvent présente. Néanmoins, pour lui, de même qu'il existe un "instinct de conservation de l'espèce", doit exister également un "instinct de conservation de soi-même" qui s'exprime à travers une "volonté de puissance" (volonté qui peut, dans l'arsenal des possibles, utiliser la sexualité, pour parvenir à ses fins). Cet instinct est tout autant, pour lui, une cause de symptômes névrotiques est "rien ne permet de supposer que l'Eros est originel et que la volonté de puissance ne l'est point". Le problème est que ce raisonnement, qui admet deux origines aux névroses, aboutit à une impasse. Prenant de la hauteur il propose, afin d'unifier cette théorie, le concept de "types psychologiques". Il n'en évoque ici que deux (il en identifie huit en tout) : l'introversion, qui porte l'individu davantage sur la question du sujet, et "prédispose" à être plus sensible à la volonté de puissance, et l'extraversion, qui oriente sur la questions des objets et, au contraire, favorise l'Eros comme cause possible d'une névrose.



En ce qui concerne toute la partie du livre traitant de l'inconscient collectif, concept très fortement rattaché à Jung, j'ai été moins convaincu. Si la notion d'archétype est intéressante, je ne l'ai pas trouvé clairement définie. Jung y associe des images, pensées, idées, bref toutes sortes de contenus inconscients, qui semblent être universels et intemporels et se transmettent de génération en génération. Ces contenus s'expriment au travers des mythes et religions et, s'ils peuvent être les supports de questions inconscientes personnelles, grâce à leur puissance évocatrice, ils ne sont pas liés à un individu en particulier, mais partagés par tous. L'idée de leurs autonomie est séduisante mais Jung ne s'appuie que sur très peu d'exemples concrets pour illustrer cette idée (hormis dans la religion catholique), préférant des formules du genre "de tous temps" ou " chez la plupart des peuples primitifs". Bref, il manque clairement une perspective anthropologique, venant appuyer cette théorie. Par ailleurs, les cas cliniques illustrant l'emploie des archétypes dans la cure analytique sont moins parlants que ceux illustrant sa théorie des névroses, parfois difficiles à suivre. Pour autant, je suis assez d'accord sur son insistance à considérer que l'irrationnel remplit une fonction dans l'équilibre psychique et "qu'on ne supporte sans dommage qu'un certain degré de civilisation". La Raison triomphante, née des Lumières, qui a engendré une très forte diminution des pratiques religieuses aboutit, pour lui, à créer un déséquilibre psychique collectif, qui ne peut engendrer que des catastrophes, telles qu'une guerre mondiale (encore qu'il se place, à travers cette analyse, dans une perspective très occidentale). Enfin, il évoque également dans cette partie, la notion d'énergie psychique, qu'il qualifie de libido (ce qui, pour Freud n'est que l'énergie sexuelle et que Jung nomme, lui, Eros). Celle-ci est à mettre en lien avec sa définition du fonctionnement général du psychisme, étant entendu comme un phénomène compensatoire entre des tendances ou pôles contraires, ce qui crée une tension, l'énergie étant le résultat de cette tension. Là encore, des concepts intéressants mais qui auraient mérités plus de développement.



Toutes ces critiques sur la brièveté de certains développements ou définitions est à relativiser, dans le sens ou Psychologie de l'Inconscient a été, je trouve, pensé comme un ouvrage généraliste, Jung renvoyant sans cesse sur ses autres essais, plus portés sur telle ou telle question. L'absence de perspective anthropologique, de même (ce qui est donc logique) qu'un certain ethnocentrisme "occidentalo-chrétien" sont, pour moi, les deux point faibles de cet essai qui demeure, néanmoins, une excellente introduction à l'oeuvre de Jung.

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Psychologie de l'inconscient

A l’origine de ce court ouvrage, qui se lit sans grande difficulté et reflète assez bien les préoccupations de la psychologie analytique, se trouve un article écrit par Jung en 1912 et publié dans les Annales de Rascher, « Les voies nouvelles de la psychologie ». Révisé ensuite à de multiples reprises, cet article s’est étoffé jusqu’à devenir cette « Psychologie de l’inconscient ».





En 1912, la rupture entre Jung et Freud n’était pas encore consommée, même si elle se confirmait sans cesse davantage. Il est assez facile d’imaginer que les multiples reprises de l’ouvrage effectuées par Jung visaient à renforcer les théories qui distinguaient sa psychologie analytique de la psychanalyse freudienne. Pas un chapitre ne se passe sans que Jung ne vienne implicitement remettre en question les théories de Freud. Les comptes se règlent silencieusement, ici et là, au gré des chapitres.





La théorie du tout-à-l’Eros ? Très peu pour Jung. Et pourquoi pas plutôt la volonté de puissance d’Adler ? Pourquoi certains préfèrent-ils tantôt une de ces théories, tantôt l’autre ? Une histoire de types psychologiques, suppose Jung, présentant au passage un résumé des idées qu’il développera avec succès dans « Les types psychologiques ».





Et la théorie du rêve, avec sa distinction entre le contenu manifeste et le contenu latent – entre énoncé et énonciation ? Non, Jung préfère stipuler la bonté naturelle du rêve qui, contrairement à l’homme (comme si l’un et l’autre étaient distincts) ne dissimulerait rien, ne tromperait pas, et dirait la vérité, rien que la vérité. De la même façon, Jung parle de l’inconscient comme s’il s’agissait d’une entité autonome qui montrerait à l’homme la supposée bonne trajectoire de l’individuation. Les prémices du développement personnel se trouvent en germe dans cette vision des phénomènes. Jung semble ici essencifier l’inconscient en l’assimilant aux qualités qu’il considère comme étant celles du Bien. Ce faisant, il ne parle évidemment plus d’inconscient mais surtout de ses propres fantasmes.





Jung a également souvent tendance à réduire le rôle du psychanalyste (ou plutôt, dans son cas, du psychologue analytique) à celui de l’éducateur. Il considère en effet que les rêves sont « un instrument d’éducation et de traitement infiniment utile » et qu’ils se meuvent « dans la ligne du progrès et prennent le parti de l’éducateur ». L’éducation se trouverait du côté du psychologue. Cette déclaration faite, Jung n’a plus besoin de chercher à mettre en valeur ce qui différencie ses idées de celles de Freud. Il apparaît assez clairement que la psychologie jungienne n’est pas une psychologie de l’inconscient mais une psychologie de la volonté, et plus particulièrement de celle de « l’éducateur ». Alors que la psychanalyse permet au sujet d’accepter d’assumer à nouveau sa responsabilité, la position de la psychologie analytique, telle qu’ici présentée, suppose que le « patient » continue en effet de rester passif en déléguant la responsabilité de ses impasses à celui qui se présente comme ayant une juste réponse à fournir – bien qu’elle ne soit pas la sienne.

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Psychologie de l'inconscient

J'ai approché mes yeux des pages de ce livre dont je ne connaissais que le nom de l'auteur, mû par une force a priori obscure et intrigante. C'est donc avec curiosité mais aussi appréhension que je me suis lancé dans la découverte d'un auteur que je ne connaissais que de nom et d'une science (molle il faut le dire !) à laquelle jamais je ne fus réellement confronté.



En parcourant les pages, une intuition, une idée, émerge tout à coup du plus profond de mon esprit : - je suis ici, à la bibliothèque, assis à une table au milieu du rayon "Grec" et accompagné d'Euripide, Aristophane et tous leurs compères dionysiaques, en train de lire cet ouvrage dans le but désormais avoué de réaliser ma propre thérapie.



Rapidement je me rends compte du danger : projeter sur moi-même les névroses qui sont relatées. Après une cinquantaine de pages j’étais en effet passé – les noms qui suivent sont directement prélevés dans la myriade qui naît de mon imagination car se souvenir de tous les noms de ces pathologies équivaut presque, en termes de difficulté, à soigner son yorkshire atteint de troubles de la personnalité – de schizo paranoïde, à l’inadapté infantile à la victime de spasmophilie (ce dont je souffre véritablement, selon mon dernier dialogue avec ma psy, avant que je ne rompe le contact). J’ai donc décidé bien courageusement de me méfier d’une introjection de ces pathologies à ma pauvre personne qui souffre déjà assez.



Cette tentative d’auto-thérapie s’avérant être en réalité plus nuisible que profitable, je me dis que cette lecture servirait tout de même à rassasier ma curiosité sur cette science RELATIVE (je le redis car certains semblent ne pas comprendre et pourtant : « Tout ce qui est humain est relatif » p. 135 de ce présent ouvrage (Livre de Poche). Ainsi convient-il de l’appréhender de la même manière que toute science humaine. Bref !



Le livre présente tout d’abord des théories a priori exclusives, reposant sur un procédé exclusif de réduction causale, et décomposant la névrose « en ses constituants, réminiscences et motivations instinctuelles et impulsives ». Après avoir présenté leurs limites respectives, il tente de les concilier dans une théorie inclusive globale. Lorsque les symboles oniriques commencent à provenir de la deuxième couche de l’inconscient (supra-individuel, ou collectif), cela ne marche plus et il se lance dans l’explication de la notion d’archétypes, ces vestiges légués par nos aïeuls.



En gros, ce livre est une claque : vocabulaire simple pour une très bonne introduction à l’œuvre de ce grand psychanalyste mais aussi grand érudit (lisez et constatez).

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Psychologie de l'inconscient

J’ai une admiration particulière pour les psychanalystes, même si Jung ne se considère pas comme telle. J’admire leur façon de comprendre l’être humain. Leur fond intérieur si complexe.

Jung nous expose l’essentiel de sa pensée et nous parle de l’inconscient collectif.

Écrit dans un langage simple et accessible.

À lire, à découvrir !



Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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Psychologie de l'inconscient

Ce livre de Jung, qui est le premier que je lis, se veut comme une introduction à sa méthode de psychanalyse.



La trame de fond de cet essai est la promotion de l'approche de l'auteur, plutôt basée sur la volonté de puissance des individus, avec des pics pointant sa supériorité sur celle de Freud, basée sur les pulsions sexuelles.



Quelques exemples, peu nombreux mais très détaillés, illustrent comment le psychanalyste Jung creuse dans l'inconscient de ses patients pour comprendre leur maux.



Les concepts propres a l'auteur qu'il expose dans ce livre sont :

- La part d'ombre, ou ce que cache les individus de leur personnalité pour ne pas être pénalisés en société.

- L'inconscient collectif, ou l'ensemble des symboles partagés par les personnes ayant un socle culturel commun.

- La psychologie de domination, ou comment certains individus cherchent à assouvir leur contrôle consciemment ou non sur leur entourage.



J'ai apprécié cette lecture malgré un style d'écriture parfois abscons et des passages frôlant l'ésotérisme.

Une chose est sure, Jung semble avoir saisi une grande partie du fonctionnement de l'âme humaine et il me faudra continuer à le lire avec d'autres de ses livres.
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Psychologie de l'inconscient

Cherchant à m'initier à titre personnel à la psychologie, j'ai été très étonnée de constater la facilité avec laquelle j'ai pu lire ce livre. C. G. Jung y aborde ses théories sur la psychanalyse, les archétypes de l'inconscient collectif, l'inconscient de manière limpide, claire. nous sommes loin des habituelles phrases alambiquées, compliquées, pleines de termes techniques... J'ai déjà noté les titres de plusieurs autres ouvrages du même auteur !

Pour le fond, on partage ou non son point de vue, son opinion sur les théories de Freud, cela est une autre question. En tout cas, j'y ai appris beaucoup d'éléments sur la psychanalyse, que j'ai pu comprendre sans avoir à relire trois fois la même phrase ! :)
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Psychologie de l'inconscient

Je n'aurai pas un avis de spécialiste sur ce livre mais il me semble que si l'on avait le choix de lire un et seulement un livre traitant de la psyché humaine, ce devrait être celui-là. Jung, disciple puis adversaire de Freud, me semble avoir de celle-ci une vision bien plus équilibrée que Freud. Pour Jung en chaque homme et en chaque femme résident une part de masculin et de féminin (alors que Freud fait des femmes des êtres frustrés de n'être point masculins, des êtres à qui il "manque" quelque chose). Freud a quelque part justifié le sexisme qui imprègne encore et toujours si profondément nos sociétés tandis que Jung nous réconcilie avec notre part de l'autre sexe. Ce livre-ci est au surplus accessible et pas trop long à lire. Lisez-le et demandez-vous pourquoi diable tant de psys se réclament de Freud plutôt que de Jung...
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