Carole Zalberg

Je savais, moi, que j'avais beaucoup plus que mes 15 ans. On grandit vite dans le danger et les privations. Le temps que la guerre prenne fin, j'étais devenue tout à fait adulte et je ne comprenais pas que les autres n'en conviennent pas.

Qui sait, peut-être allons-nous être heureux dans notre pays, s'il reste en nous de quoi l'être au moins un peu.

C'est peut-être pour cela qu'il s'est passé trente ans avant que je retourne en Israël : pour discerner la vérité fragile et complexe de ces vies, il fallait éviter le fracas du réel et de son actualité constamment tourmentée.

- Ils vont rassembler les juifs. Tous. Il faudra partager les appartements.
- Même ceux qui ont du bien ? Ils ne peuvent pas acheter le droit de rester chez eux, dans leur quartier?

Nous sommes les belles, ou même pas, sifflées sur les trottoirs, collées, palpées, suivies, complimentées comme on insulte ou couvertes sans détour d'injures par l'animal que nous faisons sortir de l'homme. Qui est aussi l'homme, sans doute.

Il paraît qu'il veut nous éliminer jusqu'au dernier.
- C'est impossible voyons. Que fais-tu des médecins des professeurs? On ne peut pas les chasser comme ca!
On ne peut pas annuler les gens!
- Ils vont rassembler les juifs. Tous.

Elle était chez eux et y faisait ce qu’elle avait à faire.