AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Cécile Oumhani (39)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Mémoires inconnues

Ce recueil, finaliste du prix Mallarmé 2019, nous entraîne sur les traces du passé, des empreintes de vie, fugaces ou encore dans « l’espace d’une question sans réponse ».

Cécile Oumhani explore ce passé à petites touches impressionnistes et nous donne à entendre des voix inconnues, comme celles de ces femmes qui « cherchent le passé/ dans leurs tasses de café ».

A travers cinq textes brefs, l’auteure nous fait entrer dans la nuit roumaine, là « où les vies s’égrènent, lentes répétitions d’espoirs bâtis par la nuit ». La nuit transforme tout, elle a ses couleurs, ses propres sons, fait entendre la musique d’un mariage.

Sur la route, on croise aussi des chevaux et des roulottes de bois, et ces visions « demeurent installées dans la nuit, signes fugitifs de mille strates logées dans l’épaisseur de nos vies ». Ainsi restent les traces, comme étoiles filantes, de ces gens croisés sans les connaitre.



Quelques-uns des poèmes sont proposés en deux versions : en anglais et en français. Comme « La photo » qui fait revivre des visages d’enfants près de leur mère. « Images précieuses restées des années à la dérive/ dans la profondeur du cours de mes jours/ portées par sa voix. » Et ces voix du passé sont « une promesse à tenir/ et une énigme à résoudre. »



Les mots de Cécile Oumhani sont choisis, ils ont leur subtilité et, parfois, se mêlent à des mots hindis : dhobi, juttés ou diwan.

Grâce à l’écriture, tout en finesse, nous traversons les nuits aux « incessants bruissements », et nous voyageons dans ces lieux obscurs où résonnent les voix du passé, ces lieux où « les langues sont des fleuves, les langues sont des montagnes ».

Cette méditation poétique est délicatement accompagnée de 6 encres de l’artiste plasticienne Liliane-Eve Brendel.

Une lecture emplie de douceur et de nostalgie avec le désir de découvrir d’autres textes de Cécile Oumhani.

Commenter  J’apprécie          410
Tunisian Yankee

J'ai tourné les premières pages dans la pression de devoir terminer ce livre pour le lendemain matin, alors j'allais participer à une rencontre avec l'éditrice et l'autrice herself. Je l'ai terminé dans la douce chaleur des premiers rayons du matin, dans la pression d'enfin savoir comment cette folle épopée allait s'achever, moi qui m'était laissé embarquer dans ce roman sans aucune résistance.



Il y a un siècle, Daoud grandit en Tunisie et très tôt, est séparé de sa mère qui est répudiée par son mari alors qu'elle refuse d'accepter une seconde épouse à ses côtés. Livré à lui-même sous le regard bienveillant de leur domestique, qui le voit grandir comme son propre petit-fils, il découvrira les airs et les récits du Monde aux côtés d'un explorateur russe l'ayant pris sous son aile, et rêvera de devenir aviateur.



Amoureux, il suivra les traces de celle qu'il aime mais que son monde lui interdit de fréquenter parce qu'il n'est qu'un petit tunisien. À Naples, il partira consoler son chagrin dans le nouveau monde, là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique, et arrivera à Ellis Island le coeur emballé par une belle italienne. Pourtant, même en Amérique, il restera le petit tunisien, Dawood, tout juste bon à partir combattre pour son nouveau pays dans un conflit mondial qu'il s'enlise en Europe.



Et quelle aventure ! J'ai sauté le pas dans la vie de cet incroyable garçon tunisien devenu un homme chaleureux, amoureux et rempli d'idéaux. C'est un superbe roman où la beauté des amours même déchus entrent en collision avec les récits de cette effroyable guerre des tranchées, qui se répondent jusqu'à ces dernières pages qui laissent songeur. Il est déjà l'heure d'aller échanger avec l'autrice.
Commenter  J’apprécie          50
Le café d'Yllka

J'ai toujours été, à choisir, un amateur de pavés, car je pensais en avoir pour mon argent alors que les romans à l'épaisseur inférieure à un centimètre me renvoyaient à un a priori idiot que l'auteur ne s'était pas foulé et que j'allais engloutir sans passion une nouvelle où le ratio signes/prix m'était clairement défavorable. Et puis, dans les titres des éditions Elyzad, une claque il y a quelques mois avec ce premier roman d'Emilienne Malfatto.



C'est donc sans craintes et le coeur léger que j'ai entrepris de lire Le café d'Yllka de Cécile Oumhani sur les bons conseils de ma libraire, à une semaine d'une rencontre organisée en librairie avec l'éditrice et l'autrice. Et je vais finir par croire que cette maison d'édition aime me briser le cœur et m'arracher de la compassion !



C'est cette fois dans les Balkans qu'une femme revient des années après les conflits qui firent exploser la Yougoslavie et mirent à feu et à sang les Balkans, poussant les familles rescapées des bombardements à s'enfuir d'abord à Sarajevo puis, pour échapper aux snipers, à s'exiler vers la Croatie et les pays d'Europe.



Elle vient d'Allemagne sur les traces des souvenirs qu'elle conserve de son enfance au pays, afin de rencontrer un frère de sa mère de qui elle fut séparée pendant ce conflit meurtrier qui s'est produit il y a quelques décennies à peine, et pour laquelle elle ne sait pas si elle est morte ou vivante.



Bref mais intense, c'est en conclusion ce que je pourrais vous dire de ce petit roman de 120 pages qui m'a beaucoup touché par la délicatesse de son récit, qui parvient à transmettre cette douleur de la séparation et le traumatisme de la guerre sans avoir recours à l'emphase. Une belle et douloureuse découverte.
Commenter  J’apprécie          90
L'Atelier des Stresor

Voilà un joli petit ouvrage que j’ai découvert cet été au Festival Voix de la Méditerranée de Lodève cet été.

Henry Strésor est un jeune peintre qui se forme dans l’atelier des frères Le Nain. Nous sommes en 1637 à Paris et il entend ces mots résonner doucement à son oreille : Il nous plairait que vous restiez…

Henry va donc devenir l’élève de Louis Le Nain et parfaire sa connaissance de la peinture, lui qui a fui, plus jeune, la Prusse dévastée par les guerres et les épidémies de peste, puis La Haye où il a fait trois années d’apprentissage.

« Le matin, il entre parmi les premiers dans l’atelier des frères Le Nain, affamé de l’odeur des huiles sur la toile et de ces pigments qu’il va mélanger puis étaler. Le monde se crée et se recrée à l’envi ici sous les combles. Les formes émergent, la vie dont il est assoiffé explose au grand jour. »

Fasciné par les toiles des frères Le Nain, il apprend à leur contact et à celles des autres élèves, comme cet Israël Silvestre qui croule sous les liasses de dessins qu’il a rapportés de Rome.



Mais Henry cache pourtant un secret. Un secret laissé là-bas, dans son Allemagne natale, et qui ne lui laisse aucun répit. Son frère Mathias était lui aussi très doué pour la peinture. Si seulement il était revenu à temps … « Il était torturé par des souvenirs indicibles que n’estompait plus le travail routinier imposé par le maître. Seules des couleurs nouvelles parviendraient à les chasser. Il sait qu’il ne s’est pas trompé en cédant à cette soif d’ailleurs qui le tenaillait. »



Heureusement il y a la maison de Louis Buart qui le loge pour le réconforter. Louis Buart est maître-peintre de son état. Il lui a proposé de travailler avec lui. Et Henry se sent tout de suite très bien dans cette demeure, aux côtés de Magdeleine, l’épouse de Louis, mais surtout de la belle Catherine, sa fille …



Henry Strésor est connu pour son tableau Le Mangeur d’huîtres passé à la postérité. Cécile Oumhani s’est librement inspirée des rares éléments biographiques le concernant, mais aussi des informations sur sa fille, Anne-Renée, très douée également pour la peinture, et qui va devenir l’une des premières membres de l’ancienne Académie royale de peinture et de sculpture. La seconde partie racontera en effet l’histoire d’Anne-Renée, de sa « vaine fierté » à être « une des premières femmes reçues à l’Académie royale », l’admiration autant que la curiosité teintée de méfiance qu’elle suscite, puis son choix de rejoindre les religieuses de la Visitation de Chaillot, dont Cécile Oumhani imagine les raisons.



Avec beaucoup de style, l’auteure, qui a bénéficié d’une résidence d’écriture au Musée-Promenade de Marly-le-Roi en 2010, à l’invitation de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines, pour évoquer la vie d’Henry Strésor, nous la restitue tout en finesse et sensibilité. Un livre à recommander à tous les amateurs de peinture autant que d’histoire, comme à tous les lecteurs en quête d’une belle écriture.


Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
Commenter  J’apprécie          172
Tunisian Yankee

L’exil a toujours existé. DE tout temps, des populations se sont déplacées espérant un avenir meilleur. Daoud Kaci vit à Tunis sous protectorat français et, bien entendu, certaines hautes fonctions lui sont interdites. Par ailleurs, son père le rejette parce que sa mère, lorsqu’il a voulu prendre une seconde épouse, malgré la promesse écrite faite, a été répudiée. C’est donc une nourrice qui s’est toujours occupée de lui avec tout l’amour dont elle dispose.

Pour tenter sa chance, trouver la liberté, il décide de partir pour l’Amérique à fond de cale en compagnie de miséreux comme lui, dont une jeune femme avec une fillette. Lorsque le temps le permet, il se retrouve sur le pont en compagnie d’autres candidats à l’immigration, un vrai melting-pot où l’on se parle avec les mains « Usant de gestes et de mots communs dans leurs deux langues,il fait connaissance avec Lazzru, le Maltais »… Même privé de paysage, d’arbres et de pierres, un filet d’humanité continue de couler, aussi chaud et nécessaire que le sang

Daoud s’intègre dans le quartier de Little Syria, retrouve cette jeune femme rencontrée dans le bateau à Little Italy. Le bonheur arrive, palpable. La vie n’est pas si facile, mais l’avenir parle, il a même américanisé son nom, Daoud Kaci devient Dawood Casey . Sauf que la première guerre mondiale est là, que les États-Unis entrent en guerre. Daoud Kaci est envoyé combattre dans l’Oise où il est grièvement blessé et se retrouve dans un hôpital de campagne.

Dans ses délires, il revoit sa vie d’avant. La méchanceté de son père, surtout à son égard ; L’amour et la bonté de Mouldia ; L’impossibilité, malgré son intelligence (il voudrait être pilote) de faire de hautes études sous le protectorat français « Mais pour qui se prennent-ils tous ? Un brevet de pilote. Et puis quoi encore ? Je vous le dis, moi. Ils ne savent plus rester à leur place. C’est plus fort qu’eux. Parce qu’ils ont traîné quelques années sur des bancs d’école. Ça y est, ils y sont. Ils se croient arrivés… Mais qu’on les laisse à leur Kouttab. C’est bien assez pour eux. » « Même les diplômes ne suffisent pas à lever les barrières que l’administration du protectorat oppose aux indigènes. Seuls les emplois subalternes de la fonction publique leur sont accessibles, et encore. Et s’il s’agissait seulement d’ambitions, de carrières... » La débâcle financière de son père, ses actions militantes contre le protectorat (il était porteur et créateur de tracts) la menace de plus en plus précise, lui font fuir sa Tunisie plus tôt que prévu.

Il paie le prix fort, comme beaucoup, pour devenir américain à part entière. Dawood, fauché dans un chemin de l’Oise, ne connaîtra jamais complètement le parfum du bonheur, ni son enfant à naître. Parti pour ne plus supporter le protectorat français, il meure sur la terre de France, le destin peut être cruel.



Le protectorat n’était pas tendre avec les indigènes, mot, qui à la base, signifie originaire du pays où il vit, mais devenu dans la bouche des dominants, homme de seconde classe ou sous homme, voire sauvage.« Je pense que vous feriez bien de parler aussi de l’arrogance du personnel européen des tramways envers nous, les « indigènes »… Vous avez raison…. D’ailleurs, nous avons aussi évoqué ces attitudes méprisantes. »,

Cécile Oumhani fait un portrait du début du vingtième siècle avec une écriture subtile, descriptive qui m’a rendue captive de ses mots qui parlent de l’arrachement au pays, de la langue perdue  Au plus profond de ce qu’il est, c’est la musique de son arabe natal qu’il entend. Inlassablement.

A la lecture de ce livre, comment ne pas penser aux Syriens, entre autres, qui fuient leur pays, la mort sous les bombardement incessants, les gaz meurtriers ; à tous ces hommes et femmes à la recherche d’un sort meilleur.

Une belle lecture. Décidément, j’aime la plume de Cécile Oumhani et le travail des Editions Elyzad.
Lien : http://zazymut.over-blog.com..
Commenter  J’apprécie          00
Les racines du mandarinier

Un attroupement, des cris. Au milieu d'un groupe d'hommes, une femme seule, hurle et se défend comme un beau diable. « La femme tunisienne est une lionne ! » me lance mon ami amusé. C'est alors que je réalise que les femmes de ces tunisiens qui m'accompagnent dans nos visites, nos promenades ne sont jamais de la partie, jamais avec nous, dévolues à la bonne marche d'un intérieur qu'elles ne quittent pas.

Pourtant leurs maris sont cultivés, la plupart ont étudiés leur médecine ou leur droit en France et n'ont en tête que le mot Démocratie alors que leur pays tarde à appliquer une totale égalité entre hommes et femmes. le poids de la tradition, de la religion pèse sur le dos de toutes ces compagnes cloîtrées et qui paradoxalement pour la plupart acceptent et confortent ces usages tribaux.

Tel est le thème de ce beau roman de Cécile Oumhani auquel s'ajoute le fait que l'épouse de cet universitaire rentré au pays après des études en France est elle-même française et tente de s'adapter à la vie en Tunisie. C'est aussi en grande partie le thème de la BD « l'arabe du futur ».

Il y a un mot qui revient très souvent dans la belle prose de Mme Oumhani, c'est « bribes » et en effet, c'est par bribes de vies qu'elle va nous livrer cette douloureuse histoire peinte avec délicatesse, douceur et élégance.
Commenter  J’apprécie          90
Les racines du mandarinier

Merci à Bretzel qui lors de la chronique d'un autre roman des éditions Elyzad, m'avait conseillé Cécile Oumhani. Merci car je viens de tourner les dernière page et ce fut un ravissement.

Deux étudiants se rencontrent à Paris et tombent en amour avec pour grande passion la littérature. Marie et Ridha. Lui est Tunisien et il décide un jour de venir s'installer au Pays où toute sa famille à lui l'attend.



Seulement Marie va découvrir un autre Ridha, voué entièrement à elle alors qu'ils vivaient à Paris, dans son pays, retrouvant sa famille et ses amis, rien n'est plus pareil. Pour elle, il la délaisse alors qu'elle a tant besoin de compagnie, de présence, sa manière d'être avec elle n'est plus la même. Et puis il y a cette fameuse cousine Fadhila qui tourne autour du couple.



Très vite il trouve du travail comme professeur, éloignés de la famille, ils se retrouvent tous les deux dans une ville de l'arrière pays. " Marie savoure leur complicité, la tendresse de son bras sur son épaule, son regard qui devine ce qu'elle n'a pas dit. " Elle veut y croire, et tombe enceinte. Mais rapidement elle vit l'ennui au fil de ses journées moroses sans compagnie, sans âme avec qui partager ses joies et ses peines, ses passions... Sa maison est son seul univers. Sa belle mère vient à son aide les derniers temps de la grossesse, qui est quelque peu difficile, mais comme elle confiera plus tard, elle aurait dû venir bien avant....



L'enfant né, un joli garçon met le papa en joie, la maman est différente, quelque chose s'est brisée en elle. Et elle va devoir laisser son fils à sa belle mère pour se faire soigner. Et ne le reverras jamais.



L'auteur donne voix à Marie qui raconte sa détresse dans ce pays qui n'est pas le sien avec ce bien-aimé qu'elle ne retrouve pas, qu'elle croit avoir perdu. Puis quelques années plus tard, à Sofiane, ce jeune homme cultivé de 22 ans qui n'est que le fils du couple meurtri, qui ne s'est pas compris et à Oumi Saïda, la belle mère de Marie.



Ce récit est magnifique tout en poésie et élégance. C'est le premier roman de Cécile Oumhani que je découvre et je suis sous le charme de sa plume, sa délicatesse à fleur de mots. Merci à elle pour ce merveilleux texte emprunt de sensibilité et d'amour.

Petit mot de fin, la collection poche de cette maison d'édition que j'affectionne est à croquer, très belle .....
Commenter  J’apprécie          185
Les racines du mandarinier

L'amour comme une déchirure. Pour Marie, le choc est brutal : la Tunisie que lui avait vanté Ridha la laisse de côté. Les femmes sont mises de côté, annihilées...et jugées folles si elles ne savent pas s'adapter.



Que reste-t-il des idéaux, du rêve de multi-culturalité dans un pays où il faut souvent renoncer, y compris à son propre fils ?



Cécile Oumhani cisèle son histoire dans une dentelle précieuse, tisse le lien mère-fils (y compris "contre" la tradition), évoque dans une langue poétique le choc des cultures (Occident/Orient) et la relation homme-femme, prolonge le regard sur le Maghreb et ses traditions, dessinant en creux la confrontation entre des êtres différents, façonnés par leur héritage familial.



Une belle lecture, en douceur, où j'ai trouvé des mots justes et des émotions sincères.
Commenter  J’apprécie          40
Une odeur de henné

Kenza, proche de la trentaine est médecin à Tunis et toujours célibataire. Indépendante, elle ne cherche pas - et repousse même - les avances des hommes qui l'entourent; son ambition, faire de la recherche...Ses parents, un père éduqué et une mère villageoise, la pressent pour qu'elle prenne un époux et s'inscrire ainsi dans la tradition de la femme mariée qui devient mère par la suite et s'accomplit dans cette vie. Seule sa grand mère Khadidja semble comprendre la crise intérieure que vit sa petite fille. Mais la possibilité d'obtenir une bourse pour un an d'étude à Paris et le mariage arrangé qui se profile, vont bouleverser son avenir et ses valeurs intimes, lui offrant le choix de la résignation ou celui de l'affranchissement de la tradition.



Entre descriptions très poétiques - des paysages notamment - et celles beaucoup plus froides des sentiments, Cécile Oumhani évoque les tiraillements de la jeunesse tunisienne, éduquée et intellectuelle. Comment concilier tradition familiale et épanouissement personnel, respect des coutumes et ambition professionnelle, comment s'abstraire de la famille et s'affirmer en tant qu'individu, indépendant et libre ? Des questionnements qui sont le fil conducteur de ce court roman.

Une odeur de henné dont le titre évoque la préparation au mariage, quand les paumes des mains des futures mariées sont ornées de dessins et d'arabesques à valeur symbolique, illustre le trouble que peut ressentir la jeunesse tunisienne, séduite par la réalisation individuelle et le besoin de l'ailleurs, dans une société encore très patriarcale et traditionnelle.

Un roman intéressant dans un style quelquefois poétique mais qui dans l'ensemble reste un peu distancié et épuré.
Commenter  J’apprécie          250
Les racines du mandarinier

En quittant son Nord natal pour suivre son mari en Tunisie, la douce et blonde Marie se coupe de ses racines. Elle découvre un pays où les hommes et les femmes ne mènent pas la même vie. Tandis que les femmes restent confinées à la maison, la rue appartient aux hommes et Marie doit se plier à la tradition, supporter de rester seule tandis que son mari sort. Alors Marie s'ennuie à mourir et s'isole encore plus en s'enfermant dans son monde intérieur. Dans ces conditions, la jeune femme arrivera-t-elle à s'enraciner en terre étrangère?

Dans ce roman où on s'aime comme on se déchire, les destins se croisent et se cherchent à travers l'absence et l'exil. Une histoire intéressante, lue avec plaisir même si je n'ai que moyennement apprécié l'écriture parfois alourdie par des envolées poétiques trop alambiquées à mon goût.
Commenter  J’apprécie          150
Une odeur de henné

C’est toujours un grand plaisir d’ouvrir un livre de Cécile Oumhani.

Kenza est devenue médecin avec le soutien de son père, enseignant, qui ne lui a jamais refusé l’accès à la bibliothèque familiale. Le seul problème, en plus d’être une femme, est qu’elle n’est toujours pas mariée et, dans la campagne tunisienne, ce n’est pas bien vu. Ses parents, son père y compris, aimerait la voir mariée avec enfants et ainsi perpétuer la tradition. C’est ainsi que se présente un ami de ses frères qui la demande en mariage. C’est un homme genre self-made-man qui se veut plus européen que tunisien et c’est ce qu’il apprécie en Kenza, une femme « moderne » et affranchie des diktats religieux. Soit, mais c’est quand même lui qui fait construire la maison où ils vivront sans en référer à sa future femme. Kenza ne se voit pas jouer les maîtresses de maison, pourtant elle accepte le mariage, surtout lorsque le fiancé lui accorde le droit de partir à Paris poursuivre ses études pour une spécialisation médicale dans la recherche, son souhait le plus cher.

En Tunisie, elle passe pour une femme affranchie, portant robe européenne et cheveux non couverts, mais arrivée à Paris, elle se perd, n’a plus les codes. Sa soif de liberté est prise au piège de son éducation. Elle se heurte à beaucoup d’obstacles qui sont en elle, son éducation ne lui permet pas de s’émanciper. Elle se cache derrière son travail, puis derrière un voile, elle qui trouvait arriérée ces femmes voilées. Bref, comme le hérisson, tous les piquants sont dehors alors qu’à l’intérieur d’elle-même c’est la pagaille, voire un gigantesque maelström. Même l’arrivée de Jacques, dans sa vie ne la dégèlera pas. Oui, ils sont très attirés l’un par l’autre, mais elle est fiancée au pays et, pour mieux fuir, elle s’enferme derrière son voile et ses tenues austères.

Ne se sentant pas à l’aise à Paris, une fois son diplôme en poche, elle retourne chez elle, toujours voilée. Son fiancé ne semble pas trop d ‘accord « Quand je t’ai connue, tu étais normale, enfin, tu t’habillais comme la plupart des femmes de ton âge… C’est ce qui m’avait pu en toi… Alors si tu veux te marier avec moi, il faut que tu enlèves ton foulard. »

A l’intérieur, toujours le Vésuve, la guerre. Un torrent de contradictions se déverse dans son âme, elle est perdue et donc, se referme encore plus sur elle. A son retour, elle apprend la mort de sa grand-mère maternelle Khadija, son repère, son phare qui lui permet d’aller au-devant des convenances tunisiennes et un rempart, une digue cèdent.

Le retour au pays permettrait-il d’y voir plus clair ?

Cécile Oumhani à travers le portrait de cette femme cultivée, active, fait le portrait de toutes les femmes, pas seulement arabes, qui veulent évoluer, changer leurs conditions. Les difficultés d’adaptation, le choc des cultures, la non possession des nouveaux codes de vie, font apparaitre les contradictions, les peurs, l’envie de retourner dans le cocon familial ou un autre abri. Elle nous montre combien il faut de force pour s’arracher de ce cocon. Elle n’oublie pas les femmes plus soumises, plus traditionnelle telle Zina, sa mère, l’étudiante portant foulard et robes ternes et, Khadija sa grand-mère.

Une fois de plus, je suis séduite par la plume de Cécile Oumhani qui nous fait mieux comprendre la Tunisie, l’écartèlement des tunisiens entre modernisme et traditions et, de ce fait, la montée de l’islamisation.

Les éditions Elyzad sont, pour moi, source de lectures très intéressantes ;

Une odeur de henné, initialement paru en 1999 est régulièrement réédité en format poche. Il faut savoir que ce format, chez Elyzad, est d’une très belle qualité.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
Commenter  J’apprécie          20
Tunisian Yankee

De Cécile Oumhani,  j'avais aimé Une Odeur de Henné chez le même éditeur et je m'étais promise de suivre cette auteure et cet éditeur qui fait de si jolis livres.



Tunisian Yankee est un roman plus complexe qui commence en 1918, dans la Grande Guerre, dans l'Oise.



Le soldat Dawood, le héros, blessé raconte sa vie, en pensées et en parole au médecin qui est à son chevet. Daoud, est le fils d'un commerçant aisé de Tunis, tyran domestique qui se ruinera au fil du temps. Il est élevé par Mouldia, une esclave. Il y avait encore des esclaves au début du XXème siècle!



Jeune adulte, Daoud rencontre Berensky, un aventurier russe, qui le fait voler en montgolfière au dessus du Cap Bon.  De cette expérience, Daoud retirera le goût des voyages et le désir de devenir pilote. Du temps du Protectorat, un indigène ne peut postuler à un brevet de pilote! Cette première brimade marquera le jeune homme qui fréquente au café de Bab Souika de jeunes activistes, nationalistes un peu journalistes...C'est l'occasion pour Céciel Oumhani d'évoque une période de l'histoire que j'ignorait : les premières révoltes nationales contre le Protectorat. En  1906, la révolte des Fraichiches , paysans privés de terre se plaignant de la brutalité des colons et le procès à Sousse qui l'a suivie. En 1911, l'invasion de la Libye par l'Italie .Le boycott des tramways par les indigènes à la suite d'un accident. Les jeunes tunisiens ne restent pas inertes et les puissances coloniales réagissent en arrêtant les amis de Daoud.



Daoud est contraint à l'exil. Son père est ruiné. En 3ème classe, il rejoindra Ellis Island avec les pauvres de l'Europe : Italiens mais aussi, Maltais, Grecs...Il trouvera à New York un travail chez un Syrien, parent d'un ancien client de son père. Il trouvera aussi Elena, une jeune veuve italienne, après que son mari, révolutionnaire ait été abattu par les autorités. A New York, Daoud Kaci deviendra Dawood Casey. Les Etats Unis entrent en guerre en 1917, Dawood est incorporé dans les forces armées.



C'est un très joli livre métissé.Livre de résistance. Livre d'exil. Fantaisie de la montgolfière, ou de l'acrobate du cirque. Routine de la maison traditionnel, du commerce....Livre de guerre aussi.



Et en prime,  cette chanson qui est celle qui accompagne Daoud à New York, surprise elle est grecque Smyrneiko minore et les poèmes de Khalil Gibran.
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
Commenter  J’apprécie          20
Le café d'Yllka

A l’origine de ce texte, une jeune inconnue aperçue par l’auteure, Cécile Oumhani, dans le hall d’un aéroport. Elle ne saura jamais quel couloir la jeune femme a emprunté et vers quelle ville cette dernière s’en est allée : Pristina ou Sarajevo. Cécile Oumhani a donc tenté de reconstituer l’histoire de cette inconnue, lui a offert une vie de papier, en prenant pour point de départ l’indicible tristesse qui noyait son regard. Ainsi, le roman s’ouvre à Budapest, en Hongrie, dans ce même aéroport où la réalité a cédé le pas à la fiction, où la jeune inconnue s’est effacée pour donner naissance à Emina. Notre personnage vient de Munich et se rend à Skopje où elle espère retrouver sa mère, Yllka. Si revoir cette mère perdue est vital, il s’agit également pour l’héroïne de retrouver sa terre maternelle, celle d’avant la fuite, avant la destruction. Un pèlerinage s’amorce, placé sous le signe du souvenir.

Le Café d’Yllka est un roman de l’exil qui mêle deux époques : nous suivons Emina, adulte, qui revient dans son pays natal et nous partageons en même temps une partie de son adolescence, du début du conflit à sa fuite, par le biais du journal qu’elle a écrit alors. Ces passages ne sont pas sans rappeler Le Journal de Zlata et, comme lui, mettent en évidence l’absurdité de la guerre ressentie par une jeune fille qui ne demande rien d’autre que de vivre, normalement, sa vie d’adolescente. Les souvenirs affleurent : les jours passés dans la cave à se cacher du soleil, les bonbons donné par Yllka et restés longtemps dans une poche de pantalon, les refus de s’endormir de peur que les obus en profitent pour s’abattre sur la famille, la mort de sa cousine Ismeta, devenue « une enveloppe chiffonnée toute tachée de sang »… L’adolescente ne pleure pas, elle veut faire comme sa mère. Et les mots, enfin, les derniers qu’elle lui adressera, à elle, sa fille chérie, et à son petit frère, Alija : « Il faut que vous partiez. » C’est un roman de la quête, quête de soi, quête de l’absente, dans lequel l’héroïne questionne sans accuser. Il n’y a pas de violence dans ce roman parce que l’écriture est on ne peut plus poétique. Il n’y a pas de haine non plus, mais seulement le constat de meurtrissures indélébiles.


Lien : http://aperto.libro.over-blo..
Commenter  J’apprécie          32
Tunisian Yankee

Dernier roman de Madame Cécile Oumhani, Tunisian Yankee est un roman envoûtant, qui vous emporte d'un continent à un autre au début du 20 ème siècle d'avant guerre. De Tunis à Naples , puis la traversée éprouvante de l'Atlantique à cette époque lorsqu'on est en 3 ème classe...tant d'obstacles pour le jeune Daoud auquel on s'attache depuis son enfance sans mère, sans amour paternel...épris de liberté et surtout celle de penser, s'émanciper du protectorat en place dans son pays, il voyagera, loin très loin...cela sans compter sur la grande guerre ,la première mondiale...deux amours empliront ses pensées, lui fourniront courage et évasion de l'esprit dans l'adversité...



Comme à l'habitude l'écriture de Madame Oumhani est délicate, travaillée...un travail d'orfèvre avec de l'encre et des mots... Laissez -vous emporter! :)
Commenter  J’apprécie          10
Tunisian Yankee

Comment ne pas d’abord parler du bel objet qu’est ce livre, avec son épaisse couverture à rabat et son beau papier ? Un écrin à la hauteur de son contenu, indéniablement !

D’une plume aussi forte que raffinée, Cécile oumhani nous dresse le portrait de Daoud qui, après avoir rêvé d’émigration, le subit plus qu’il ne le vit, en fuyant, sans un aurevoir, sans se retourner.

Couché sur un lit d’hôpital de fortune, en proie aux pires souffrances, il se souvient. De Mouldia qui l’a élevé, de son père tyrannique, de ses amis militants, des émeutes, de son premier amour, de celui qui l’attend là-bas, à New-Tork. Autour de lui, la guerre fait rage et ne l’épargne pas, lui Daoud devenu Dawood.

On tremble avec lui, de rage et de peur. On espère avec lui, haletants, malgré les balles qui sifflent et les chirurgiens épuisés qui amputent.

Il nous semble bien entendre la chanson « Smyrneiko Minore » au fil des pages et on éprouve avec Daoud cette émotion qui nous empoigne le coeur.

Parce que oui, c’est de cela qu’il s’agit : Cécile Oumhani tient notre coeur entre ses mains tout au long de ce roman.

Et il résonnera longtemps en nous, c’est certain.
Lien : https://livresetbonheurs.wor..
Commenter  J’apprécie          70
Le café d'Yllka

La guerre des Balkans....deux enfances malmenées, les séparations, la violence de la guerre...

Encore un roman qui emporte, nous plonge dans la vie de ses personnages, sans conditions, sans s'y attendre...on y est!

Cécile Oumhani a toujours une écriture fine, comme ciselée....on en ressort pas indemne....

C'est certain je suis fan! :-D
Commenter  J’apprécie          10
Tunisian Yankee

I
Commenter  J’apprécie          00
Les racines du mandarinier

Un livre que j'ai littéralement dé-vo-ré!

On suit Marie, jeune étudiante dans cette fin des années soixante, amoureuse de Rihda.... jusqu'en Tunisie où il l’emmènera pour l'épouser.

On vit ce bouleversement culturel, cette incompréhension avec elle, mais aussi cette découverte de saveurs, de couleurs, de richesses d'un pays méconnu...

Il n'y a pas ici qu'une histoire d'amour loin de là....je ne vous dévoile pas tout.

L'écriture de Cécile Oumhani est belle, très belle...elle m'a emportée loin, très loin avec Marie...j'ai pu sentir les parfums des jardins, voir les couleurs...ses descriptions étant si fines, de mots savamment choisis...un délice!

Bref...j'attends ma commande chez mon libraire avec grande impatience...Le café d'Yllka, Madame Oumhani je vous suis!
Commenter  J’apprécie          51
Une odeur de henné

Une écriture délicieuse, sensuelle et poétique, qui met en scène en Tunisie une petite fille puis une jeune femme originale, qui se sent différente dès son plus jeune âge ; très douée pour les études et soutenue par son père, instituteur, Kenza devient médecin. Enfant elle aime aller avec sa grand-mère Khadija qui connait les plantes de la montagne et les remèdes traditionnels ; la petite fille révulsée par le sacrifice de l'Aïd et qui est si bonne élève, obtient un privilège que personne d'autre n'aura : l'accès à la bibliothèque, aux rayonnages des livres lus et conseillés par le père.

Les choses se gâtent quand Kenza devient trentenaire ; le poids des traditions la rejoint et son père, qui fut très fier de sa fille et de sa réussite, est de l'avis de ses frères, elle doit se marier et avoir des enfants ; tiraillée entre sa différence et son désir d'indépendance d'une part - surtout ne pas être comme sa mère - et son amour pour sa famille, son attachement à son pays, que peut-elle faire, que doit-elle faire ?

Les chapitres dans lesquels Kenza fait le point sur sa vie et se souvient, commencent très joliment par " En ce temps que Kenza voudrait vaincu..." ou "En ce temps que Kenza croyait révolu..." ; ce ne sont pas que des formules, Kenza est bel et bien partagée au plus profond d'elle-même.

Un jour au retour d'une garde harassante à l'hôpital, une femme est là qui parle mariage avec sa mère ; plus tard, c'est le père de Sami, un ami de ses frères, qui viendra demander sa main ; Kenza est cernée.

Une occasion de faire de la recherche à Paris lui offre le voyage en Europe que beaucoup lui envient et un répit de quelques mois. Après il faudra bien prendre une décision ...

L'ensemble est subtil et passionnant, le destin d'une femme tunisienne à la fin du XXème et au début du XXI ème siècle.
Commenter  J’apprécie          30
Une odeur de henné

Une belle plume. Je trouve que l'auteur a très bien réussi à rendre compte de cette quasi-schizophrénie qui touche les Tunisiens, surtout les jeunes, avec ces va-et-vient permanents entre tradition et modernité.

Il est aussi question du voile dans ce livre et je trouve que la manière dont l'auteur a abordé le sujet a le mérite d'être originale.
Commenter  J’apprécie          50




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Cécile Oumhani (106)Voir plus


{* *}