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Critiques de Cédric Gras (175)
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Saisons du voyage

"La beauté se planque partout à qui sait la voir." : voilà une bonne raison de voyager !

Cédric Gras est allé sur tous les continents, il a sillonné quantités de territoires. Il a croisé des êtres humains de toutes sortes, s'est confronté à une impressionnante variété de modes de vie.

De ce qu'il a vu, de ceux qu'il a rencontrés, il garde des souvenirs forts qu'il partage ici.



Cédric Gras est intelligent et cultivé, il ne voyage pas "idiot", il ne se contente pas de superficialité et les nombreuses idées qu'il avance dans ce texte sont pour la plupart très intéressantes.

À l'occasion, il se lance dans des aphorismes, à l'instar de son ami Sylvain Tesson avec lequel il a partagé de nombreuses aventures : "Le tourisme c'est quand on raque, le voyage quand on radine."

Eh oui, le voyage n'est pas fait de luxe, du moins pas de luxe matériel, mais il est fait de simplicité, de vécu authentique et de découvertes.



Ce livre n'est pas un guide touristique. Ce n'est pas un récit de voyages.

C'est un essai, une succession d'observations et de réflexions.

Mais avant tout, Cédric Gras écrit sur l'évolution du voyage au fil du temps.

Désabusé, il constate avec tristesse que notre époque n'a plus rien à offrir aux aventuriers. Tout a déjà été découvert sur terre, pas le moindre petit recoin nouveau à se mettre sous la dent : "Je suis un voyageur en retard" regrette-il.

Oui, plus aucune terra incognita sur notre planète qui a déjà été sillonnée de long en large dans ses moindres recoins, mais cela n'empêche pas d'y faire de merveilleux voyages, à condition de bien savoir observer et comprendre ce que l'on voit.



Très intéressant, Les saisons du voyage n'est cependant pas exempts de défauts, la fin en particulier m'a paru un peu décousue et en-dessous du reste de l'ouvrage.

Mais cela n'empêche pas l'ensemble de rester une excellente lecture, agréable et intelligente.



Dans la même catégorie, je ne peux m'empêcher de mentionner l'indétrônable Petit traité sur l'immensité du monde de Sylvain Tesson, véritable coffre au trésor que je rouvre régulièrement et que je recommande à tous ceux qui ne l'ont pas encore lu.

Vive la lecture qui nous offre en toutes saisons de si merveilleux voyages !
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Saisons du voyage

De temps en temps, je fais ma valise et je pars en voyage avec Cédric … Enfin ça c’était dans le monde d’avant, bien sûr. Alors aujourd’hui Cédric et moi on discute au coin du feu (foutu printemps qui n’arrive pas). De tout, de rien, mais surtout de voyages, bien sûr. Du tourisme qui dénature tout, les paysages, les peuples et leur hospitalité, leurs mentalités. De la liberté, si essentielle et pourtant si insaisissable et si douloureuse à gérer. Des raisons qui nous poussent encore à prendre la route, à l’heure où tout a été découvert. Je perçois alors beaucoup de tristesse dans sa voix, celle d’être né à une époque où il n’y a pas plus de terra incognita. Et puis on parle aussi de nos plus beaux voyages et de nos plus belles rencontres, ceux que les livres nous ont offerts.



C’est un livre pour guérir de l’envie de voyager, et donc peut-être idéal à découvrir dans ce monde nouveau fait d’immobilité et de solitude. Sauf que cet essai est aussi imprégné de nostalgie et de désillusions, et donc une lecture peut-être pas si indiquée en ces temps moroses. Ou alors à condition d’avoir tiré un trait sur le monde d’avant.

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Alpinistes de Staline

Quel voyage nous offre Cédric Gras !

Cette fois, il ne s'agit pas du récit d'un de ses nombreux voyages dans l'immensité de la fédération de Russie, mais du récit de la vie de deux frères, Evgueni et Vitali Abalakov.

Nés en Sibérie, les deux frères seront parmi les premiers à conquérir les sommets du Pamir et du Tian-Shan, sommets de l'union soviétique dont les noms nous sont quasiment inconnus.

Avec des moyens dérisoires vus d'aujourd'hui, ils ont conquis des sommets de plus de 7000 mètres, au péril de leur vie et au prix de graves séquelles physiques.

Ces conquérants des cimes soviétiques, qui exploraient le seuil du ciel alors que les cosmonautes visitaient le seuil de l'Univers ont connu les débuts du communisme, baptisant les sommets du nom de Lénine, de Staline ou du XXème congrès du parti, allant jusqu'à déposer au sommet le buste de celui qui allait faire déferler la terreur sur toute l'étendue des républiques soviétiques.

Cette terreur n'a malheureusement pas épargné ces vaillants alpinistes accusés, comme beaucoup d'autres, de manière totalement arbitraire.

Mais, jusqu'au bout, et bien qu'isolés du reste du monde, ils ont persévéré et ouvert la voie des sommets à de nombreux grimpeurs, la plupart du temps à l'insu de l'occident.

Au-delà des exploits hors-normes de ces pionniers, on traverse avec l'auteur une époque qui s'étend d'octobre rouge jusqu'aux chaotiques années 90 qui furent pour le bloc de l'est une période de transition particulièrement difficile.

Cédric Gras nous livre ici le fruit d'un travail aussi immense que méticuleux fait de recherche documentaire, de rares témoignages et de courses sur les lieux mêmes où les frères Abalakov ont réalisé leurs exploits.

Couronné par le prix Albert Londres 2020, ce livre au rythme haletant emporte le lecteur dans des contrées inconnues de nous et nous rappelle à quel point l'Histoire a pu être cruelle pour les peuples de l'ex-URSS.

Un magnifique ouvrage.
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Le Nord, c'est l'Est

A la découverte des gens du nord, de la  Baltique à la mer du Japon, et aussi du moins nord oú le froid est pire qu'au nord.



Contrées disputées avec la Chine et le Japon, colonnisées à coups de goulags puis de primes. Jeunes filles rêvant de marier le 'Français, babouchkas et vieux ivrognes nostalgiques trouvant une oreille attentive.



Et puis les vacances, l'exode annuel vers les plages de Crimée, le soleil, le paradis!

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Vladivostok

La Russie, et en particulier son Extrême-Orient, est le "pays de cœur" de l'auteur, celui dans lequel il se sent en parfaite harmonie et où il rêve de "se repiquer", comme il l'explique si joliment à la fin de ce petit livre.

Cédric Gras a commencé à voyager très jeune, dans des pays éloignés et divers qui ont contribué à sa formation d'écrivain, d'après la proverbe bien connu.

Il décrit les quatre saison de Vladivostok, cette ville grise qui se situe, contrairement à ce qu'on pourrait croire au sud d'un immense pays. Il est demeuré quatre ans là-bas, en Sibérie, puis dans cette ville qui à la fois fait rêver et déçoit quand on la rejoint. Il nous décrit la cité, ses alentours et ses lointains, bien sûr mais aussi Cédric Gras évoque avec un certain humour ses habitants, leur façon de voyager, leur attachement à la terre natale et les traces qu'à laissé l'URSS en disparaissant.

Un gros bémol cependant, j'aurais aimé que la carte au début de l'ouvrage fut lisible, même avec mes lunettes-loupe de lecture je n'ai pas réussi à déchiffrer le nom de tous les sites.
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La mer des Cosmonautes

Plus je tourne les plages et plus mon esprit s’évade ailleurs, décroche. L’auteur va partager le quotidien d’un brise-glace en Antarctique. Pourquoi ? il ne le dit pas, peut-être après ? Les femmes sont à l’abri des regards. Ah bon ! Descriptif de logistique, historique, social, etc. et les russes, l’alcool. Ah non, encore un Sylvain Tesson ? Abandon ou pas ? Je fais un tour dans les critiques et au vu de celle négative de Bookycooky, j’arrête la navigation.
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Alpinistes de Staline

Préparez crampons, piolets et buste de Lénine en sac à dos Abalakov car l'aventure montagnarde que Cédric Gras nous offre est en tout point remarquable par son originalité, respectable par le dépassement de soi, passionnante par le contexte idéologique associé.



Les frères Abalakov, pionniers de l'alpinisme soviétique dans les années 30, purs produits (bien obligés!) du communisme triomphant sont les héros de la nation bolchevique par leur conquête des cimes, à la gloire de l'URSS et de Staline. Dans leurs pas se racontent les derniers défis de découvertes des sommets du globe, avec une communauté d'alpinistes dans leurs exploits et leurs drames, jusqu'aux plus ubuesques : les purges staliniennes et la grande guerre patriotique.



Cédric Gras, compagnon de route de Sylvain Tesson (dans leur génial et improbable trip en side-car, raconté dans Bérézina) est un conteur qu'on découvre passionné par les recherches effectuées sur ce duo d'alpinistes dans le sinistre décor du communisme soviétique. Sans romancer et s'en tenant aux faits, il rend justice à deux légendes méconnues à l'Ouest, nous entraînant dans des expéditions aussi fascinantes que périlleuses.



Jamais fait de varappe, mais je suis restée accrochée par l'aventure humaine, frustrée de l'absence de photographies dans un récit-document passionnant qui mentionne régulièrement des clichés existants, de personnes ou d'exploits. Mais très amusée par l'insolite toponymie des sommets conquis!



L'histoire de l'alpinisme mêlée à la grande Histoire ! Je conseille!



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Alpinistes de Mao

Après “Alpinistes de Lénine”, que je vais lire sous peu, Cédric Gras s’est attaqué l'histoire des Alpinistes de Mao ! Les choses ne furent pas aisées car la propagande et l’amour du Parti, du moins du Grand Timonier, ont biaisé tous les événements, les relatant à la sauce maoïste !



Il n’a pas fait l’impasse sur les événements politiques et sociétaux qui se sont déroulés, pendant ce qu’on peut appeler l’épopée de la conquête de l’Everest par la Chine communiste !



Dans la mesure où il est difficile de décider si la première arrivée au sommet est réelle ou affabulée, j’ai été plus intéressée et touchée par le sort qui était fait au Tibet et aux masses populaires chinoises avec plusieurs millions de morts !



Revanche de l’Histoire, il semble que ça soit un tibétain, fortement sinisé ceci dit, qui ait mis les pieds en premier sur le Toit du Monde !



Peut-être ne saurons-nous jamais ce qu’il en est car il n’est pas certain que les archives, ultra-secrètes, soient elles-mêmes véridiques.



Un livre qui se lit comme un roman mais je n’ai pas réussi à ressentir d’empathie pour les protagonistes car ils ne pouvaient faire preuve d’humanisme et ne pouvaient se comporter autrement que des marionnettes !



#AlpinistesdeMao #NetGalleyFrance



Jeux en Foli...ttéraire XVI

Challenge Multi Défis 2023
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Alpinistes de Staline

Un récit absolument épatant de Cédric Gras, camarade de bordée de Sylvain Tesson, que l'on savoure sans être pour autant un aficionado de l'alpinisme. On y apprend que l'idéologie soviétique s'est aussi emparée de cette discipline (les noms de baptême des sommets conquis en témoignent), et l'on découvre surtout la destinée contrastée de deux frères méconnus en Occident. Bref, on ne s'ennuie pas une seconde. Je recommande !
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L'hiver aux trousses

« L'hiver aux trousses » est un livre de 271 pages écrit par Cédric Gras et édité chez Stock en février 2015. Cédric Gras est un adepte de la géographie narrative. Bouleversé par la chute de l'URSS et par ses conséquences démographiques (hémorragie fleuve et irréversible du grand Nord-Est), habité par une profonde empathie pour les contrées de l'Extrême-Orient Russe, Cédric Gras a souhaité confier aux lecteurs ses observations dans un style mêlant érudition et relation au quotidien de ses déplacements. Le ton est à la fois sincère et initié.



Cédric Gras se choisit un itinéraire très proche de celui qu'avait retenu avant lui un certain Semion Chourtakov : la logique de cet itinéraire le séduit. Puis il décide de faire ce voyage en automne car cette saison est un éloge à la tristesse, à la paix sereine, et elle a le charme d'hier : un décor poli par le temps. Cédric Gras dévalera donc vers le Sud, accompagnant l'automne depuis sa naissance polaire jusqu'à son apparition tardive aux frontières des deux Corées, fuyant avec l'hiver à ses trousses, d'où le titre du livre. Pour la préparation de son voyage, il s'en remet à ce vieil adage russe : « Espère le meilleur mais prépare-toi au pire ». En avion, il quitte Donetsk (où il réside) et file vers Yakoutsk : là, planté dans la boue d'une piste saturée par la pluie, il se met en branle, amer puis plein d'espoir sitôt qu'une camionnette UAZ le cueille au passage. Vagabond, tenu pour fou intrépide par ceux qu'il rencontre, Cédric Gras sait que nul public n'est là pour l'acclamer : la solitude est son unique spectateur. Coursé par les intempéries, l'auteur s'en va vers l'Est, rencontre des chasseurs qui tirent le canard sauvage, se loge dans une chambre de l'hôpital de Khandyga (priant le ciel qu'on ne l'opère pas pendant la nuit), prend le dernier hydroglisseur de la saison pour se rendre à Oust-Maïa, est convié à expliquer à la télévision locale les raisons de son engouement pour la région, traverse des patelins paumés où survivent des communautés esseulées, contemple des bouleaux aux feuilles dorées, des mélèzes roux et des grues en pleine migration vers la Chine, toute proche, et j'en passe et des meilleures. Confiant en d'heureux lendemains, Cédric Gras flirte avec les derniers lieux habités de la Terre, avalant -au fil de ses rencontres- thé fort, abats de poisson et vodka, se chauffant au coin d'un poële à bois, constatant -au gré des kilomètres parcourus à travers les taïgas vierges et quasi-inhabitées des confins de l'Extrême-Orient Russe- le degré de dénuement dans lequel vivent les autochtones.



Mais Cédric Gras ne se limite pas à contempler la nature. Il relève les « spécificités » les plus criantes de la politique et de l'administration locales : lenteur avec laquelle les fonctionnaires exécutent les tâches qui leur sont confiées, marques de pouvoir absolu des oligarques de province, corruption qui sévit partout, usines dézinguées et patrimoine industriel laissé à l'abandon, maisons de la culture faisant office de discothèques locales, forets égorgées dans l'espoir fou de découvrir du pétrole ou d'autres richesses du sous-sol, etc. En arrière-plan de ses constats, des ethnies qui ne s'apprécient pas réellement (cf. l'exploitation des immigrés tadjiks par des notables yakoutes), des emplois rares et obtenus sur piston (ou sur prostitution), des salaires misérables qui permettent au mieux la survie (« des marchandises dont les prix côtoient les étoiles »), de fréquentes coupures d'électricité par manque de carburant dans les générateurs, des pistes aussi mauvaises que vitales (« la voirie russe ne connait que cela »), des promesses politiques auxquelles personne ne croit plus, des existences abimées. Quel gâchis ! Cédric Gras ressent le spleen du futur, la nostalgie d'un avenir radieux que le pouvoir soviétique avait pourtant promis à tous et pour tous, la certitude d'un épanouissement prolétaire et l'infaillibilité du progrès au bénéfice de tous. Que faire quand on est un spécialiste de la géographie narrative amoureux de cette partie du monde ? Chasser rêves et désillusions et avancer toujours afin de témoigner de ce qui peut être vu dans ces contrées « si sublimes et si épouvantables ». Tristesse et beauté ! On mourrait d'y résider, on jouit d'y transiter (page 64).



Je mets quatre étoiles malgré un intérêt qui va en décroissant en raison d'une place de plus en plus importante laissée -dans le dernier tiers de l'ouvrage- à l'Histoire de ce pays, même si l'on peut admettre que « de grands braves [avaient] foulé ces lieux immémorés ».
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Saisons du voyage

Qu’est-ce que le voyage? Pourquoi voyager? Cédric Gras, l’éternel bourlingueur, se pose, l’instant d’un récit, pour décortiquer ce besoin viscéral de quitter et de revenir. « Ceux qui ont l’espace dans le ventre et qui butinent le nectar du monde » trouveront à s’y repaître et ceux qui ne partent pas comprendront un peu mieux les premiers.

« La Terre, vaste salle des pas perdus » arpentée joyeusement dans la jeunesse et plus sérieusement à l’âge mûr, Cédric Gras en rend compte magnifiquement dans ce recueil qui est plus qu’un compte-rendu de voyages mais bien une réflexion sensible sur la frénésie du tourisme et ses effets sur les beautés de ce monde. L’auteur nous invite à voyager autrement qu’à la vitesse de l’éclair, à s’arrêter aux lieux le temps d’appréhender l’autre et pourquoi pas, apprendre les rudiments de sa langue. Aller voir autre chose que l’attendu.

Écrit avant la pandémie, Saisons du voyage arrive à point alors que l’humanité a des fourmis dans les jambes et souhaite renouer avec les horizons lointains.

Un très bel ouvrage à posséder afin de pouvoir relire et savourer les phrases joliment tournées de Cédric Gras.

« Nous ne sommes peut-être qu’une espèce de rupture dans l’évolution, un de ses plus marquants visages. Et cela aussi c’est un vertigineux voyage… »

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Anthracite

« Et puis il y avait un sentiment inavouable, celui d’éprouver la guerre. Un alliage étrange de gaminerie et de virilité frustrée nous retenait dans la mêlée. Le péril croisait enfin nos destins. Vivre, c’était manquer mourir. »

Mai 2014 : Vladlen, chef d’orchestre à Donetsk, fuit dans l’échauffourée provoquée par sa prestation de l’hymne national ukrainien lors d’une fête publique. Les tensions séparatistes du Donbass s’apprêtent à prendre une tournure violente en ce début d’été. En déroute familiale et professionnelle, le musicien rejoint son ami d’enfance Émile, directeur d’une mine de charbon, lui-même coincé entre deux factions politiques. En prenant la route, tous deux vont connaître sur le terrain les horreurs d’une guerre civile.

Cédric Gras, dans une première incursion fictive, m’a complètement captivée. Son style littéraire, toujours aussi impeccable, fait ici des merveilles. Apposant les notes historiques à une trame narrative nerveuse et évocatrice, il parvient à informer et à divertir tout à la fois. Une prouesse qui mérite les cinq étoiles que je lui accorde.

Et si vous avez lu et aimé le Donbass de Benoît Vitkine, vous serez conquis par l’Anthracite de Cédric Gras, avec l’impression tenace que ces deux ouvrages se parlent à travers la fiction.

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Anthracite

Ce livre, paru en 2016, figurait parmi les six "premiers romans" sélectionnés pour le prix Emmanuel Roblès décerné chaque année à Blois.

Ecrit deux ans après le Révolution de Maïdan en Ukraine, l'annexion de la Crimée par la Russie et l'auto-proclamation des Républiques Populaires de Donetsk et de Louhansk, ce roman prend tout son sens actuellement, pouvant aider le lecteur occidental à saisir la réelle complexité de la situation particulière du Donbass, région russophone, limitrophe de la Russie, et longtemps considérée par ses habitants comme le fleuron de l'industrie lourde d'un passé révolu.

Les deux héros du roman, Vladen et Emile, sont nés à Donetsk sous l'ère Brejnev. Amis d'enfance, ils ont connu, à l'ombre des terrils, une jeunesse similaire dans deux familles de mineurs. Vladen est devenu chef d'orchestre à Donetsk, Emile directeur d'une mine de charbon. Bien des années plus tard, ils vont se retrouver dans des circonstances difficiles pour l'un d'entre eux, et c'est alors qu'ils vont entreprendre, dans une vieille Volga de l'ère soviétique, un "road-trip" périlleux à travers le Donbass. Au fil de leurs conversations et des rencontres qui vont émailler leur route, Cédric Gras met l'accent, d'une façon objective à mon avis, sur le désarroi qui s'est emparé d'une population locale en perte de repères lors du déclenchement en 2014 des hostilités entre l'armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes.

La vie personnelle des deux amis, tous deux en rupture familiale plus ou moins avérée, n'est que l'habillage romanesque d'un ouvrage dont l'essentiel est ailleurs et qui se révèle aujourd'hui remarquablement visionnaire.

Un roman qu'il est particulièrement intéressant de lire en 2023.
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Alpinistes de Staline

A travers le destin des frères Vitali et Evgueni Abalakov, véritables pionniers dans les années 30 de l'alpinisme en URSS, Cédric Gras retrace à l'aide de sources russes de première main l'histoire des expéditions soviétiques sur les sommets du Pamir et du Tian Shan. Les points culminants ont pour noms Lénine, Staline, et quelques autres dignitaires du Parti. Pendant un demi-siècle, les alpinistes soviétiques n'ont aucun contact avec leurs homologues étrangers et développent des techniques qui leur sont propres. Ils préfèrent ainsi pour leurs camps d'altitude tailler dans la glace des sortes d'igloos plutôt que de planter des tentes. Ils se vantent de ne pas recourir comme les Occidentaux à des sherpas pour porter leur matériel mais lorgnent avec envie du côté de l'Himalaya une fois tous leurs "7 000" gravis.

L'annulation de l'expédition sino-soviétique à cause des troubles au Tibet au début des années 60 empêchera la génération des Abalakov de gravir le plus haut sommet du monde.

Les frères Abalakov sont coupés dans leur élan par la Grande Terreur stalinienne puis la Grande Guerre patriotique. L'aîné subit le même sort de millions de Soviétiques. Accusé de visées contre-révolutionnaires, il subit torture et interrogatoires. Le livre de Cédric Gras emboite ici le pas à tous les livres qui traitent de l'URSS à l'époque de Staline : comme les compositeurs, les écrivains, les ouvriers, les météorologues, les généraux, les médecins, les ingénieurs, Vitali essuie une parodie de procès qui lui vaut deux ans de prison avant d'être miraculeusement sauvé. Dommage que le récit de Cédric Gras martèle ici tous les lieux communs que l'on connaît sur cette période, depuis l'attentat de KIrov jusqu'à la détente relative des années Khrouchtchev. C'est ce que l'on peut reprocher à ce livre : ne disposant pas d'un matériau suffisamment riche au sujet des frères Abalakov, l'auteur est obligé de noyer sa documentation dans l'histoire plus générale de l'URSS et ses personnages manquent un peu de chair.

Le meilleur passage est selon moi l'ascension du Khan Tengri, réputé sommet le plus difficile d'URSS, au climat particulièrement rude et massif accessible à l'époque seulement au terme d'une longue traversée juché sur des chameaux de Bactriane. La descente tragique du sommet m'a fait songer à celle de Herzog et Lachenal, revenus en 1950 de l'Annapurna.
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Le Nord, c'est l'Est

Ce récit du voyage que Cédric Gras a entrepris dans le vaste orient russe permet au lecteur de visiter des contrées et des confins que les aventuriers et les explorateurs ont aujourd'hui délaissées.

On y trouve les vestiges de l'immense empire soviétique qui avait entamé l'exploration, la colonisation et l'exploitation effrénée de ces terres lointaines, d'abord par l'incitation, ensuite par la déportation massive qu'entreprit Staline.

Cédric Gras nous présente chacune de ses étapes à travers les coefficients salariaux appliqués aux travailleurs qui acceptent de rejoindre ces archipels isolés du monde et d'y travailler une partie de l'année.

Au fil de la visite, on a rendez-vous avec l'Histoire de la grande Russie et de l'union soviétique qui ont façonné ces paysages et souvent dilué les populations locales dans un peuplement slave qui tend aujourd'hui à s'étioler au profit de migrations extrême orientales.

On apprend beaucoup sur la géographie de lieux aussi lointains qu'ils nous sont inconnus, mais aussi sur la culture russe et slave et, malheureusement, sur les ravages que continue de faire l'alcoolisme dans ce monde qui vit à l'écart du nôtre.

Une lecture dépaysante et intéressante, même si certaines étapes, notamment pédestres, ne font l'objet que d'une description succincte.
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Anthracite

Gros coup de coeur pour ce roman unique en son genre sur le conflit ukrainien dans le Donbass, sujet d’actualité pourtant jamais traité dans la littérature contemporaine. Quelle belle écriture ! Sans oublier qu’il s'agit là du premier roman de cet auteur !



Le titre intrigue. Anthracite, est-ce une espèce de charbon ou tout bonnement une couleur ? Il s'agit « de la fierté de Donbass, le plus riche et le plus carboné de tous les charbons» p. 63, « l’ avenir était couleur d’anthracite » p.70. Cette allégorie est reprise comme un fil rouge au travers de ce roman déroutant et fascinant qui se lit d'une traite.



Ce livre nous raconte l'histoire de deux amis dont le destin est bizarrement lié malgré deux vies diamétralement opposées. L’histoire nous fait plonger au coeur de la guerre et nous fait découvrir la région de Donbass, poumon industriel vieillissant du pays. Deux protagonistes. Deux amis. Deux points de vues sur le conflit. “Nous avions grandi côte à côte pour en définitive devenir des contraires comme si nous n’avions pas respiré le même air. » p. 22 L’auteur crée un lien fort avec ses personnages. Dans ce roman à deux voix, il donne l’occasion à chacun de ses protagonistes de susciter l’empathie tout en explorant la question de l’absurdité de la guerre ou du courage que procurent l’amitié et l’amour.



Meme si je ne suivais pas de près le conflit ukranien, Anthracite a été pour moi une lecture exceptionnelle, le scénario est bien ficelé, le suspense est intense, les personnages sont truculents. Ce livre est un concentré d’émotions, d’humour, d’aphorismes, de références culturelles, historiques et géographiques variées. L'écriture est éblouissante et limpide, il n'y a pas une ligne de trop.



Un roman à lire sans modération.

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L'hiver aux trousses

À l'instar de son ami Sylvain Tesson, Cédric Gras est animé d'une passion pour la Russie, sa géographie et l'histoire de son peuplement. Son récit se concentre sur l'Extrême-Orient russe « (...) ces terres où se confondaient tous les points cardinaux tandis que les natures boréales et subtropicales s'épousaient. » Un périple ambitieux qui l'a mené de Yakoutsk à Vladivostock, traversant les latitudes à la recherche d'un automne éternel dans les mois de septembre et d'octobre : « Je serais partout le dernier homme avant le grand linceul blanc. » Parcouru de considérations géopolitiques, de descriptions poétiques et de notes historiques, L'hiver aux trousses m'a éminemment plu d'autant que la plume de Cédric Gras est à la hauteur de son propos. La fugacité de la saison jumelée à un avenir incertain pour cette région du monde suffisent à donner un souffle constant à cet ouvrage atypique.
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L'hiver aux trousses

Cédric Gras fut le compagnon de voyage de Sylvain Tesson lorsqu'il refit en side-car Oural la retraite de Russie, périple qui donna naissance à Bérézina.

Passionné par l'immense Russie, ce jeune auteur au talent indéniable nous accompagne dans des contrées peu connues des occidentaux : l'extrême-Orient russe.

Parcourant les traces laissées par les pionniers du Grand Nord et du Grand Est extrême, il nous fait découvrir des paysages à couper le souffle qui côtoient les reliques désolées de l'ère soviétique qui s'est retirée de ces contrées au début des années 90.

Cette décennie, considérée comme une malédiction par beaucoup de Russes, a laissé de profonds stygmates dans les confins orientaux de l'empire.

Mais derrière la misère se trouve une nature sauvage qui se régénère doucement, mais dont les ressources naturelles délaissées attirent la convoitise de ses voisins asiatiques.

Emaillé de récits entrecoupés de pages d'Histoire de la garnde Russie et de l'Union Soviétique, cet ouvrage nous permet de nous familiariser avec un pan entier de notre monde que nous méconnaissons tout comme nous méconnaissons son Histoire.

Même si Cédric Gras n'a pas la même plume que son comparse Tesson, on prend plaisir à parcourir avec lui la taïga et la vallée du fleuve Amour.
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La mer des Cosmonautes

Intéressant récit de voyage de Cédric Gras, compagnon de route de Sylvain Tesson, qui nous livre ici sa participation à l'expédition antarctique de l'Akademik Fedorov, brise-glace russe chargé de transporter les équipes de Poliarniks vers le jour permanent de l'été austral.

Partant du port du Cap, le navire met cap au sud vers une contrée où toutes les directions mènent vers le Nord.

Outre les conditions de vie particulièrement difficiles, on apprend à connaître un peu ces Poliarniks qui ont passé une grande partie de leur vie entre les expéditions arctiques et le continent austral.

A leur contact, on retrouve un peu des occupants du fort Bastiani de Dino Buzzati où le lieutenant Giovanni Drogo avait peu à peu glissé vers une sorte de résignation apathique faite d'attente et de renoncement.

Ce livre est aussi une occasion pour son auteur de rappeler ce que furent les grandes heures des pionniers de l'union soviétique et de donner la mesure de leur déception lorsque s'écroula cet univers dans la décennie 90.

Intéressant voyage tant sur le 6ème continent que dans les entrailles de ces navires à coque rouge qui sillonnent les confins du monde.

Un style parfois un peu difficile, mais globalement un ouvrage agréable.
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Alpinistes de Staline

Encore un destin immense et tragique, comme seule la Russie sait en produire. C'est toute l'histoire de ce pays qui nous est racontée à travers la vie de ces deux frères qui excellent dans l'exploration des montagnes. On en retient, l'immensité Russe, la cruauté stalienne, le culte du dépassement de sa condition, l'absurdité administrative et une belle histoire de passionnés des hautes altitudes.
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